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         GUYOTVILLE (ou 
        Aïn Benian) Malgré le nom du village, la naissance de Guyotville, 
        au tout début, ne doit rien au Comte Guyot. Pour que ce village 
        prenne vie, il fallut s'y reprendre à trois fois. En 1844 Guyot, Directeur 
        de la Colonisation, refuse à son supérieur Bugeaud (Gouverneur 
        Général) la mise en chantier d'un village de pêcheurs 
        au lieu-dit Aïn Benian. L'argument principal de Guyot est l'absence 
        de toute liaison terrestre avec Alger : aucune route littorale et pas 
        même un raccordement avec le chemin " du débarquement 
        " de Sidi Ferruch à El Biar. L'argument second est l'absence 
        d'un abri naturel commode où les pêcheurs pourraient abriter 
        leurs barques. Donc rien ne fut entrepris cette année là.
 En 1845 Bugeaud insiste 
        et son adjoint est bien obligé d'obéir. On fait appel à 
        un ancien Directeur de la pêche à Arcachon, un certain Tardis, 
        pour s'occuper des détails. On lui octroie une concession de 200ha 
        (modeste) et une subvention ; à charge pour lui de construire 20 
        maisons de colons à 2 pièces (c'est la norme à cette 
        date) et une installation portuaire pour protéger les barques et 
        traiter les poissons. Il s'agit donc encore d'un village de pêcheurs 
        auquel Guyot ne croit pas.Mr Tardis accepte, encaisse l'argent et se fait bâtir une belle 
        maison de style provençal qu'on appellera par la suite " le 
        château " appelé sur la carte Château Baïnem.
 
 En 1846 deux inspecteurs de la colonisation 
        viennent, comme c'est la règle, vérifier que le contrat 
        a été rempli. Ils trouvent une belle maison provençale, 
        20 cabanes d'une seule pièce mal bâties et aucun aménagement 
        littoral. Il n'y a là aucun pêcheur et seulement 5 colons 
        qui survivent en fabriquant du charbon de bois grâce aux arbres 
        des collines surplombant le futur village. Ce charbon trouve preneur à 
        Alger lorsqu'un bateau peut se charger du transport : le charbon n'est 
        pas périssable.
 Malgré le décret fondateur signé le 19 
        avril 1845, le chantier est refusé ; mais Tardis garde 
        sa maison !
 En avril 1847 ce sont 
        les idées de Guyot qui sont mises en application avec la création 
        d'un très modeste village d'agriculteurs pour 20 familles avec 
        des lots de 6ha. Et on engage des travaux routiers là où 
        c'est le plus facile, vers Chéragas, village prévu par le 
        plan Guyot du 12 mars 1842. C'est ainsi que Guyotville est de facto rattaché 
        à la ceinture du Fahs (la première) du plan Guyot. Mais 
        le village vivote ; Alger est loin et les sols ne sont adaptés 
        ni aux fourrages, ni au blé, qui sont les cultures souhaitées 
        par l'armée, principale cliente.Quelques autres dates notables
 En 1852 le Préfet d'Alger doit 
        trancher : abandonner le village ou le consolider. Il décide la 
        consolidation en élargissant le périmètre colonisé 
        à plus de 700ha, avec 31 fermes disséminées sur le 
        plateau entre la mer et Chéragas, et en portant à 12ha la 
        taille des lots.
 
 Par ailleurs les terrains nécessaires à l'établissement 
        d'un chemin carrossable vers Alger le long du littoral, sont préservés, 
        et une réserve forestière est créée sur les 
        collines : c'est l'origine de la forêt de Baïnem.
 Le village est sauvé ; et il s'appelle désormais Guyotville, 
        avec l'accord du Comte qui paraît avoir oublié, en la circonstance, 
        ce qu'il avait été écrit dans son plan en 1842, sur 
        l'avantage de conserver les toponymes indigènes.
 
 
         
          | 1852 - | Création de la réserve 
            forestière dite de Baïnem |   
          | 1856 
            - | Guyotville est rattaché à 
            la commune de Chéragas, au lieu de Dély Ibrahim |   
          | 1859 
            - | Guyotville devient une paroisse avec 
            un prêtre résident |   
          | 1865 
            - | Un incendie de broussailles sur les 
            collines menace sérieusement le village |   
          | 1868 - | Construction du phare du cap Caxine 
            sur le territoire de la commune |   
          | 1874 
            - | Guyotville devient CPE (Commune de plein 
            exercice) |   
          | 1900 
            - | Inauguration de la gare sur la nouvelle 
            voie ferrée d'Alger à Koléa |   
          | 1920 - | Aménagement d'un petit port à 
            la Madrague |   
          | 1926 
            - | Consécration d'une nouvelle église |   
          | 1935 - | Abandon de la voie ferrée |   
          | 1943 - | Eisenhower réside dans la villa 
            appelée " le château " |  Le territoire communal
 
        
          | Cliquer sur 
              l'image pour une meilleure lecture (120 ko)
              
  Le territoire 
              communal |  Le territoire communal a en gros la forme d'un rectangle 
        allongé le long de la mer ; 10km de long sur 3 à 4 km de 
        large au grand maximum ; il est plus large à l'ouest où 
        sa limite avec Chéragas suit le tracé de l'oued Beni Messous, 
        plus étroit du côté de Bouzaréa où sa 
        limite suit la crête des collines de la forêt de Baïnem.
 Les trois ensembles naturels de cette commune apparaissent clairement 
        sur la carte : il y a la côte de part et d'autre du cap (Acras ou 
        Acrata selon les cartes) derrière lequel se niche le port de la 
        Madrague, il y a le plateau 
        et il y a les collines qui 
        prolongent le massif de Bouzaréa.
 Ces trois ensembles naturels ont suscité des activités 
        économiques évidemment très différentes ·---------- 
        Le plateau est à 100m d'altitude environ. Il a la forme 
        d'un rectangle de 4,5km sur 3. Il est presque entièrement couvert 
        de vignobles dès le début du XXè siècle, et 
        jusqu'en 1962. Ce paysage marqué par la vigne et par ses fermes 
        dispersées le long de chemins rectilignes, n'a été 
        réalisé que tardivement, dans les années 1880, qu'après 
        que les travaux de Pasteur sur les fermentations eurent débouché 
        sur des procédés de refroidissement des moûts efficaces. 
        Il est impératif, pour que le vin soit bon et commercialisable, 
        que lors de la première fermentation la température des 
        moûts ne dépasse pas 37°. 
 En 1847 les premiers colons plantaient du blé et cherchaient à 
        s'employer sur les chantiers de débroussaillage ou de plantation 
        d'arbres de la réserve forestière. Lorsque le marché 
        fut accessible, ils ajoutèrent des légumes auxquels convenaient 
        parfaitement le climat très doux l'hiver et les sols sablonneux. 
        Et l'on entendit alors le cliquetis des norias qui montaient l'eau des 
        puits.
 
 La vigne a suivi, avec pour commencer des raisins de table ; et notamment 
        des chasselas qui étaient exportés en Métropole dès 
        la fin du XIXè. Guyotville était réputé pour 
        son chasselas dont la saison de récolte et d'exportation allait 
        de la fin juin à la fin juillet. Les grappes de raisin étaient 
        soigneusement présentées dans des cagettes de 10kg.
 Le maraîchage a été favorisé à partir 
        de 1900 par l'arrivée du train mais il n'a jamais menacé 
        la prédominance de la vigne et du vin.
 
 A sa limite sud, sur la rive droite de l'oued Beni Messous, on aurait 
        repéré en 1840, 250 dolmens servant de sépulture 
        pour 5 à 7 corps chacun. Il n'y eut jamais de fouilles savantes 
        ni même de protection, et la plupart furent détruits. Il 
        en serait resté 23 en 1953 ; certains en ruine.
 ·---------- 
        Le littoral nord 
        est rocheux et escarpé d'un bout à l'autre entre la limite 
        de la commune du côté de Saint-Eugène et le cap Acrata. 
        A noter incidemment que certains textes affirment que le toponyme Saint 
        Eugène est un nouvel hommage rendu au Comte Guyot qui s'appelait 
        Eugène ; mais était-il vraiment saint ? Au sud du cap le 
        littoral d'abord rocheux laisse bientôt la place à des dunes 
        basses et des plages de sable. Ailleurs les plages sont minuscules et 
        d'accès plus ou moins malaisé. Les endroits constructibles, 
        entre la Pointe Pescade et Guyotville ont été occupés, 
        après 1900 surtout, par des résidences de vacances, cabanons 
        ou villas, fréquentées surtout à la belle saison. 
        En hiver il n'y avait pas grand monde. A ces plages on avait donné 
        des noms venus d'ailleurs : Miramar, Villas Bains, ou, de l'autre côté 
        du cap Caxine, Saint Cloud sur mer.
 L'aménagement du petit port de la Madrague (ou El Djemila) à 
        moins d'un kilomètre du village, a attiré cafés, 
        restaurants
 et la foule des vacanciers l'été ou le 
        dimanche. Il y avait deux plages : celle de l'îlot à l'est 
        du cap et celle de la Madrague au sud du port.
 
 Ce littoral était devenu, dans les années 1950, un des espaces 
        récréatifs des Algérois venus en voiture, et donc 
        aussi un lieu d'embouteillages dominicaux.
 
        
          |  | Le phare du cap 
            Caxine, édifié sur une avancée du 
            littoral à peine marquée, était une solide construction 
            avec une tour carrée en pierres apparentes. Le phare était 
            haut de 37m, mais il était à 64m au-dessus des flots. 
 On y accédait, sans difficulté, par la route sur laquelle 
            se branchait une large allée bordée d'arbres.
 |  ·---------- 
        La forêt de BaÏnem 
        couvrait environ 500ha, à cheval sur trois 
        communes. Les sols acides sur substrat de gneiss et de micaschistes, n'étaient 
        pas adaptés aux cultures. De surcroît les pentes étaient 
        fortes, et il était prudent de protéger la route littorale, 
        et plus tard les villas, contre les risques d'inondation et de glissement 
        de terrain. C'est la raison de l'interdiction de construire prise en 1852. 
         
          | 
              
                |  |  
                |  un margaillon, avant son arrachage. |  |  
 Les essences principales étaient les pins, les eucalyptus et quelques 
        chênes-liège. Dans le sous-bois, au printemps, des bruyères, 
        des genêts, des cistes, des cyclamens, des arbousiers et des margaillons. 
        ; et à l'automne des champignons, girolles et sanguins. Toutes 
        ces plantes attiraient les promeneurs et les cueilleurs du dimanche qui 
        pouvaient aisément y accéder grâce à deux pistes 
        forestières montant du plateau et de Villas Bains. Le mot margaillon, 
        qui n'est pas dans le petit Larousse, exige une explication :le mot désignait 
        le cur d'un palmier nain. Le jeune palmier était difficile 
        à arracher ; une fois arraché il fallait enlever une sorte 
        de paille tressée marron pour atteindre le cur comestible 
        que l'on consommait sur place. Cela avait un peu le goût des curs 
        de palmier aujourd'hui cultivés au Brésil et vendus en boîte.
 Cette forêt était fragile et devait être 
        entretenue par le Service de Défense et Restauration des sols, 
        ne serait- ce que pour prévenir les incendies. Mais après 
        1955 elle devint aussi un lieu de refuge pour le FLN et elle avait été 
        volontairement incendiée en 1956 pour en déloger les rebelles. 
        Je suppose qu'elle a été reconstituée assez vite 
        car elle a de nouveau servi de refuge aux égorgeurs de FIS qui 
        ont, le 5 septembre 1997, massacré 150 personnes à Beni 
        Messous, de l'autre côté de la colline.  ·---------- 
        Le village centre a des rues parallèles, 
        comme il convient à un village de colonisation. Mais il n'a pas 
        de place centrale avec tous les bâtiments publics. Il a d'abord 
        été édifié le long de la route littorale ; 
        puis deux rues parallèles ont été juxtaposées 
        vers le plateau et vers la mer, sans atteindre celle-ci car le village 
        est situé sur un plateau qui domine la mer d'une dizaine de mètres. 
        Plus tard, d'autres villas ont été construites le long des 
        chemins qui conduisaient à la Madrague.
 Les autres lieux bâtis de la commune ont été 
        cités avec leurs activités. La desserte de tous ces lieux habités 
        le long du littoral a toujours suivi la même route littorale, et 
        elle seule. Seuls ont changé les véhicules, jamais l'itinéraire 
        si l'on néglige le prolongement de Guyotville à la Madrague 
        après la construction du port.
 
         
          |  | Avant 1900 les inconfortables omnibus à 4 
              chevaux indigènes ou corricolos étaient les seuls 
              moyens de transport publics, ici comme ailleurs dans le Sahel. La situation change en 1900 : avec l'arrivée 
              du train les pataches ont dû prendre leur retraite. C'est 
              en 1892 qu'avait été mis en forme un plan d'établissement 
              d'un réseau de chemins de fer sur route. Ce réseau 
              est celui des CFRA. 
 La ligne de Koléa, qui passait par Guyotville, fut mise en 
              exploitation en 1900. Cette ligne partait à l'origine du 
              port d'Alger, près de la gare, et suivait jusqu'aux Deux 
              Moulins, toutes les sinuosités de la côte. Elle traversait 
              en tunnel la montée du port vers les boulevards de Bab-el-Oued 
              (ce tunnel fut réutilisé beaucoup plus tard pour la 
              circulation routière).
 
 Cette voie de 1,055m était unique et établie sur les 
              bas côtés de la RN 11 (route littorale d'Alger à 
              Oran). Elle traversait en tunnel le " gros rocher " à 
              l'ouest du cap Caxine. A Guyotville, comme dans toutes les agglomérations, 
              la voie unique était posée au milieu de la rue.
 
 A Alger des raccordements et des voies de quai assuraient la liaison 
              avec le réseau ferré normal et avec le port.
 |   
          |  |  Cette ligne rendit de grands services aux voyageurs et 
        à l'économie en général. Elle permit le développement 
        des stations balnéaires et l'essor des cultures. Mais elle devint 
        inutile avec l'essor des transports par camion ou par autobus. Son déficit 
        d'exploitation la condamna : elle fut fermée 
        en 1935.
 Des autobus prirent le relais ; ceux des CFRA 
        bien sûr (ligne 12 d'Alger Place 
        du Gouvernement à la Madrague) ; mais aussi ceux des Messageries 
        du Littoral et transports Mory qui allaient plus loin jusqu'à 
        Tipaza, Cherchell et même Ténès.
 Supplément musical sans la musique ; et approximatif.
 
 Il vous est offert par Camille Saint-Saëns 
        (1835-1921) qui a résidé je ne sais quand au 
        juste, dans une grande villa que le guide bleu situe à la Pointe 
        Pescade, mais tout près de la limite communale : la villa Xuéreb. 
        Bâtie sur le côté droit de la route en venant d'Alger, 
        cette belle villa avait vue sur la mer. Cela me fournit l'occasion de 
        rappeler l'attachement de Saint-Saëns à l'Algérie où 
        il débarqua en 1873 pour la première fois et pour raison 
        de santé. Je ne sais si c'est à la villa Xuéreb qu'il 
        composa en 1880 sa " suite algérienne " qui ne fait pas 
        partie de ses uvres majeures, mais je suis sûr qu'il y vint 
        souvent et y résida longtemps.
 
 Saint-Saëns est mort à Alger le 16 décembre 1921, mais 
        fut inhumé au cimetière du Montparnasse à Paris. 
        Alger lui rendit hommage en 1927 en débaptisant le boulevard du 
        Bon Accueil désormais appelé Boulevard Saint-Saëns 
        ; du moins jusqu'en 1962.
 
 Même ceux qui n'aiment pas la musque classique ont entendu, avec 
        ou sans attention mais souvent, sa danse macabre et son carnaval des animaux. 
        Paradoxalement il avait si honte de ce dernier morceau qu'il avait interdit 
        de le jouer en concert de son vivant, à l'exception du solo de 
        violoncelle dédié au cygne et qu'il aurait appelé 
        " une noble bêtise ".
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