| ----------Le 5 juillet 
        1830 à midi, sous un soleil de feu, la porte Neuve de la Casbah 
        d'Alger s'ouvrait sur les troupes françaises. Le passage victorieux 
        de ces soldats vêtus de rouge réalisait d'anciennes prédictions 
        et donnait une résonance prophétique au cri fameux, bien 
        que controversé aujourd'hui, de Pons de Savignac, chevalier français 
        et porte-étendard de l'Ordre de Malte, devant une autre porte d'Alger, 
        la porte Bab-Azoun, où il avait planté sa dague le 26 octobre 
        1541 : " Nous reviendrons ! "----------Cette 
        année donc allait ouvrir un formidable chapitre de l'histoire de 
        France, mais aussi de l'histoire de la Méditerranée.
 ----------Très 
        rapidement, l'atmosphère de l'ancienne ville pirate change du tout 
        au tout. Il existait un cloisonnement entre les couches d'une population 
        hiérarchisée selon son origine ethnique, laquelle conditionnait 
        ses activités dans la cité : Turcs, Kouloughli, Maures supplétifs, 
        Kabyles, Arabes, Juifs, Chrétiens et qui est ainsi décrit 
        dans l'ouvrage de Pierre Boyer la Vie quotidienne à Alger à 
        la veille de l'intervention française : " 
        La caste des Turcs domine sans conteste le pays. Les Kouloughli sont des 
        petits parents que l'on ménage ; les Maures, des sujets ; les Berbères 
        et les Arabes des ennemis en puissance ; les Juifs, des inférieurs 
        que l'on méprise profondément mais dont on ne peut se passer 
        ; les Chrétiens, des esclaves. "
 ----------À 
        ce cloisonnement, générateur d'un rythme de vie immuable, 
        se substitue, non sans une certaine pagaille, un esprit que l'on peut 
        qualifier de cosmopolite. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. Que l'on 
        en juge ! Aux autochtones que je viens d'évoquer, dont ceux qui 
        avaient le plus à souffrir de la rudesse turque ont accueilli les 
        soldats français en libérateurs, se joignent ces soldats, 
        en provenance de toutes les provinces ; s'y ajoutent très rapidement, 
        pour les besoins de l'intendance et du génie militaire, mais aussi 
        poussés par tous ces instincts puissants que suscite un monde nouveau, 
        jusqu'alors terrifiant et qui semble s'ouvrir à la vie, des hommes 
        d'Europe continentale et du pourtour méditerranéen : négociants 
        marseillais, ouvriers de toutes origines, notamment des Piémontais, 
        des Sardes, des Allemands, des Suisses, des Mahonnais qui vont fonder 
        les premiers villages, enfin - et donc parmi les premiers des Maltais, 
        qui s'assurent d'emblée une spécialité : celle de 
        la batellerie des ports.
 ----------En 
        effet, dès les premières années, un trafic intense 
        s'instaure dans les ports qui sont encore bien rudimentaires (naufrages 
        près des côtes, embarcations brisées, amarres rompues, 
        etc.). Cette spécialisation souligne la qualité des marins 
        maltais. Cf. Marc Baroli : la Vie quotidienne des Français en Algérie, 
        1830-1914. " Celui qui arrive sans encombre 
        doit se remettre, corps, âme et bagages aux mains des bateliers 
        maltais qui le transportaient jusqu'au rivage. "
 ----------Parallèlement 
        à cette prééminence incontestée, les Maltais 
        -- deuxième trait fondamental de leurs aptitudes - entrent rapidement 
        en concurrence
 avec les Juifs sur le terrain, florissant et riche d'avenir, du petit 
        commerce.
 ----------En 
        1834, les Maltais ont déjà la haute main sur le commerce 
        de légumes, sur l'épicerie et sur la fourniture du lait. 
        En quelque sorte " du producteur au consommateur " car les éleveurs 
        de chèvres, installés autour des villes, trayaient leur 
        bétail tout chaud dans les rues !
 ----------Quant 
        aux femmes, qui commencent à venir, en petit nombre, s'installer 
        surtout au service de l'armée (cantinières, cuisinières, 
        blanchisseuses, etc.), on trouve parmi elles une Maltaise (à Bône) 
        à côté de neuf Françaises, cinq Mauresques, 
        deux Espagnoles, une Juive. Donc, proportion très honorable !
 ----------Ainsi, 
        d'emblée, la communauté maltaise figure en bonne place dans 
        la toute première population de l'Algérie française 
        qui, en 1834, compte un peu moins de 10.000 habitants, dont la moitié 
        de Français, répartis entre Alger, Oran, Bône, Bougie, 
        Mostaganem. Est-ce à dire qu'elle y fait là sa première 
        apparition ? Les renseignements que l'on possède sur la population 
        européenne, non esclave évidemment, en Algérie turque 
        sont assez minces. http://perso.wanadoo.fr/ bernard. venis. On trouve 
        surtout mention d'agents consulaires et commerçants provençaux 
        qui ont, même aux temps les plus sinistres de la guerre de course 
        et de l'esclavage organisé, maintenu un lien entre l'Algérie 
        et la France.
 ----------Et 
        puis, il n'y avait pas qu'Alger : dans l'Est algérien, la France 
        entretient toujours, si l'on peut dire, des établissements et des 
        comptoirs, " les concessions d'Afrique ", dont la destinée 
        fut différente selon les endroits et les époques : les plus 
        stables furent la Calle, Bône et Collo. Or, bien que n'ayant jamais 
        pris un grand développement et ayant subi maintes fois le pillage 
        et l'incendie, elles connurent toutefois des moments d'activité, 
        notamment pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle. On 
        peut penser que les Maltais les connurent comme lieu d'échanges 
        commerciaux. Ne perdons jamais de vue les liens privilégiés 
        - surtout au XVIIIe siècle - entre la France et l'Ordre de Malte, 
        et, singulièrement, la marine de l'Ordre. On peut donc penser que 
        des Maltais étaient installés dans ces comptoirs français.
 ----------Mais, 
        compte tenu de la précarité économique et, somme 
        toute, physique de ces comptoirs, on ne peut employer à leur égard 
        la notion de Population. Il s'agissait donc d'individus, voire de quelques 
        familles, isolés, mais dont certains firent souche et se perpétuèrent 
        grâce à l'arrivée de la France dans le pays.
 http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. Cela étant, fin 1839, après 
        dix ans d'Algérie française, selon Augustin Bernard, l'Algérie 
        comptait 25.000 Européens (dont 11.000 Français) répartis 
        ainsi : 14.000 à Alger, 5.000 à Oran ; le reste à 
        Bougie, Mostaganem, Constantine, Philippeville.
 ----------Les 
        Français dominaient à Alger (6.800), les Espagnols à 
        Oran (2.300), les Maltais à Bône (1.300), marquant déjà 
        une répartition géographique qui devait se continuer par 
        la suite.
 ----------L'essentiel 
        est donc, je crois, de noter que les Maltais comptèrent parmi les 
        premiers éléments de l'Algérie française, 
        figurant parmi les immigrants de la première heure. Nous venons 
        de voir également que la place qu'ils tiennent dans la société 
        européenne de la toute première génération 
        les met à un rang modeste tout autant que précieux sur le 
        plan des services qu'ils rendent.
 ----------Comment 
        sont-ils appréciés ? Il faut tout d'abord avoir présent 
        à l'esprit le fait qu'il s'agit d'une société d'immigrants, 
        qu'ils soient français ou étrangers.
 ----------Installés 
        depuis peu en territoire algérien, ils gardent les habitudes et 
        les réflexes de leurs atavismes respectifs. Chaque groupe ethnique 
        garde sa personnalité, reste replié sur lui-même, 
        et défend farouchement son particularisme. Le cosmopolitisme de 
        la jeune Algérie française n'empêche pas tout à 
        fait, à son début, les classements en fonction des origines 
        et des activités, un peu comme dans l'Alger barbaresque, mais dans 
        un climat de rude concurrence et un esprit d'aventure et de liberté 
        qui ne surprennent ou choquent que celui qui ne voit pas ou ne veut pas 
        voir à quel point l'Algérie a été 
        l'équivalent méditerranéen des terres à western... 
        à ceci près, bien entendu, que les " Indiens " 
        n'ont pas été exterminés par les pionniers !
 ----------Les 
        Maltais donc paraissent plutôt au bas de l'échelle, dans 
        une société elle-même assez mal équarrie dans 
        son ensemble. Mais avant toute chose, ils déconcertent ceux qui 
        cherchent à les " situer ". En effet, ne voilà-t-il 
        pas des arrivants aussi mal définis que ces gens, dont on disait 
        qu'ils étaient " sujets anglais " et dont on pouvait 
        dire qu'ils étaient superstitieux comme des Napolitains, accoutrés 
        comme des Juifs (avec notamment un goût prononcé pour les 
        bijoux, anneaux d'or aux oreilles), durs à la tâche comme 
        des Valenciens, catholiques expansifs comme des Siciliens et parlant une 
        sorte d'arabe aux âpres consonances.
 ----------Ouvrons 
        ici une parenthèse : l'amalgame méditerranéen était 
        tel qu'on aurait pu dire, dans le désordre : superstitieux comme 
        des Espagnols, parlant une sorte de dialecte juif, etc.
 ----------En 
        tout cas, dans ce monde dur et coloré, les premiers Maltais d'Algérie 
        passent pour être particulièrement grossiers, de manières 
        et d'usages, surtout aux yeux des Français de souche, ce qu'on 
        verra tout à l'heure lorsque sera abordé l'aspect littéraire 
        de l'émigration.
 ----------Devant 
        ces jugements nécessairement sommaires, il est temps ici de rappeler 
        qui étaient vraiment ces Maltais et les raisons de leur présence 
        en nombre sur un territoire peu à peu pacifié par la France.
 http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. Héritiers d'une histoire 
        millénaire, les Maltais sont les descendants lointains d'illustres 
        et mystérieux bâtisseurs de temples de l'époque mégalithique 
        (quatre mille ans avant J.-C.), descendants plus directs des marins phéniciens 
        venus de Tyr fonder Carthage au premier millénaire avant notre 
        ère. Mais ils sont aussi liés par des " liens de famille 
        " à la péninsule italienne, par la Sicile si proche, 
        par les Romains, qui ont administré l'île à demeure 
        pendant près de huit cents ans, et plus encore par les apports 
        humains de " colonies " italiennes venues à Malte, non 
        en dominatrices, mais en exilées, selon les hasards des luttes 
        féodales au cours des XIIè et XIIIè siècles.
 ----------Enfin, 
        les Maltais sont liés également au monde nord-africain, 
        essentiellement à la Tunisie et à la Lybie, au hasard d'autres 
        luttes avec la contrepartie de prises réciproques de nombreux esclaves, 
        mais surtout en raison de la domination et de l'implantation arabes, longues 
        de plusieurs siècles, avec le brassage de populations que cela 
        comporta.
 ----------Toutes 
        ces unions, plus ou moins volontaires, n'ont pas pu ne pas peser d'une 
        manière déterminante sur la composition de la population 
        des îles maltaises, surtout compte tenu de la faiblesse numérique 
        de celle-ci, facteur essentiel facilitant les influences extérieures.
 ----------Alors, 
        à ce propos, lorsqu'on approfondit la tumultueuse et passionnante 
        histoire de ces îles, comment ne pas conclure à la vanité 
        ou à la partialité des appréciations qui tendent 
        à opposer " vrais Maltais " à " Maltais mâtinés 
        d'étrangers " ? L'objet de cette étude n'est pas de 
        rappeler, même brièvement, l'absurde " querelle des 
        langues " qui, au siècle dernier et au début de ce 
        siècle, a littéralement empoisonné la vie du peuple 
        maltais, mais je n'évoquerai qu'un problème, capital dans 
        la recherche de la personnalité maltaise : l'origine des noms de 
        famille. Certains opposent les " purs Maltais " dont le nom 
        patronymique est à consonance sémitique aux, disons " 
        Maltais de fraîche date ", dont le nom patronymique est à 
        consonance italienne. Outre le fait que ces assertions sont lancées 
        souvent sans avoir recherché vraiment leur fondement basé 
        sur (les travaux historico-généalogiques approfondis et 
        que, d'autre part, de nombreux noms ont été déformés 
        au cours des siècles, quel Maltais à cent pour cent ne compte 
        pas parmi ses aïeux, trisaïeux, etc., à la fois des noms 
        à consonance latine et d'autres à consonance sémitique 
        ?
 ----------En 
        vérité, aussi surprenant mais aussi choquant que cela paraisse, 
        on peut se demander si, justement, le vrai Maltais n'est pas celui dont 
        le sang charrie dans ses veines des origines multiples, en tout cas ce 
        double apport latino-sémite, sans compter sur les apports plus 
        récents, anglais, etc.
 ----------Conclusion 
        : ce ne sont pas les critères ethniques qui caractérisent 
        le Maltais en l'isolant du reste, bien que dans sa variété 
        le type maltais soit relativement identifiable.
 
 --------Serait-ce 
        alors le critère culturel ? Sans nous étendre sur ce sujet 
        passionnant, il faut se contenter d'observer que la culture maltaise est, 
        elle-même, le produit d'apports divers que l'on peut regrouper en 
        apports méditerranéo-latins et en apports méditerranéo-sémitiques.
 ----------De 
        ce fait, ce qui donne sa profonde homogénéité à 
        l'homme maltais, et ce qui le fait reconnaître, c'est sa religion 
        : un catholicisme très enraciné dans sa personnalité 
        profonde, un catholicisme se manifestant de façon constante vis-à-vis 
        de l'extérieur et de tous les événements de l'existence.
 ----------Voilà 
        esquissés les grands traits du Maltais, en ce début de colonisation 
        française en Algérie.
 ----------Ajoutons que le ressort de son émigration 
        ne lui est pas propre, mais est commun à tous ceux qui s'exilent 
        pour aller chercher une vie meilleure, pour tenter l'aventure.
 ----------Les 
        causes économiques de l'émigration maltaise sont réelles 
        ; mais il y a certainement aussi des causes politiques : Malte, en effet, 
        a fait son entrée dans la vie moderne en quelques années 
        troublées.
 ----------1798. 
        - Les Chevaliers de Malte sont chassés par Bonaparte qui installe 
        un gouvernement français et tente d'imposer brutalement et maladroitement 
        les modes de vie et de pensées issus de la Révolution française.
 ----------1800. 
        - Les habitants, excédés, aident les Anglais à chasser 
        les Français ; le sort de l'île reste incertain pendant toute 
        la période des guerres napoléoniennes.
 ----------1814. 
        - Malte, suprême ironie, devient " colonie de la Couronne ", 
        colonie du royaume sous la protection duquel elle s'était placée, 
        pour éviter le joug français.
 ----------Mais 
        ces Français dont l'ensemble de la population maltaise ne voulait 
        pas sur place, en raison des traumatismes que leur conception de la vie 
        leur faisait subir, voilà que seulement trente ans plus tard les 
        Maltais vont vers eux, sur cette terre d'Algérie qui s'ouvre de 
        nouveau à l'Occident, après des siècles d'isolement 
        et d'hostilité.
 ----------Confusément, 
        ces hommes simples qui vont surtout chercher du travail, et qui ont la 
        chance de voir ce vaste continent à la portée de courtes 
        traversées à la voile, ressentent comme un appel : ils ont 
        l'impression de ne pas quitter leur monde en quittant leur île, 
        puisqu'ils retrouvent la Méditerranée du sud, son soleil 
        et ce peuple cosmopolite qui, lentement, se forme.
 ----------Et, 
        dans cette réalité bien vivante, dans ce creuset d'où 
        sortira plus tard une communauté parfaitement homogène, 
        les émigrants maltais sont beaucoup moins distincts des autres 
        qu'une étude abstraite pourrait le donner à penser : le 
        type humain, les croyances, le langage, le mode de vie, les rapprochent 
        à la fois des autochtones judéo-berbères et des émigrants 
        non-français, siciliens, mahonnais, valenciens, etc.
 http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. Mais le groupe de Maltais qui arrive 
        sur la terre d'Algérie avec ses chèvres et ses religieux 
        a aussi, dans le fond de son âme, l'impression de participer à 
        une sorte de RECONQUETE, eux qui furent terrorisés pendant des 
        siècles par les invasions des Barbaresques. Ils choisissent délibérément 
        un monde où l'Afrique rappelle leur pays et leur paraît vouée 
        à un grand empire d'Occident au sein duquel ils auront leur place.
 ----------Cela 
        explique l'opiniâtreté des Maltais, lors des premières 
        frictions avec les autres communautés, la conscience qu'ils avaient 
        confusément de pouvoir réussir en restant eux-mêmes. 
        Dès ce moment, on constate à la fois qu'il y a très 
        peu de retours au pays, donc une implantation durable en Algérie, 
        mais que les liens avec les familles, donc avec la terre natale, n'en 
        sont pas pour autant rompus.
 ----------Les 
        décennies passent, l'Algérie se développe, non sans 
        à-coups, et la communauté maltaise progresse non seulement 
        par l'arrivée de nouvelles vagues d'émigrants, mais aussi 
        par les premières naissances.
 http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. Dans les villes, les rapports sont 
        assez bons avec les Italiens, qu'ils comprennent et dont il partagent 
        les croyances religieuses, face à une population d'origine métropolitaine, 
        fortement déchristianisée.
 ----------L'école 
        va agir dans le sens d'un meilleur rapprochement avec le monde français. 
        Tous les contacts extérieurs étant facilités : affaires, 
        administration, etc. Mais en gardant toutefois leurs habitudes de vie, 
        la langue maltaise en famille et la pratique religieuse toujours très 
        vive.
 ----------À 
        la fin du XIXè siècle, on arrive à l'apogée 
        du mouvement d'émigration qui va ensuite rapidement décroître, 
        d'une part, parce qu'une meilleure situation économique à 
        Malte va freiner l'émigration, d'autre part, parce que des terres 
        vastes offrent de très grandes possibilités, comme l'Australie, 
        enfin, parce que l'Algérie semble, je dis bien semble, avoir fait 
        le plein des arrivées massives d'habitants européens.
 ----------Puis, 
        une politique d'intégration des étrangers dans la communauté 
        d'origine française commence à porter ses fruits, qui sont 
        également ceux de l'école. La société s'ouvre 
        plus facilement, par les mariages, les réussites industrielles, 
        commerciales ou agricoles.
 http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. Les ethnies ne s'opposent plus 
        systématiquement les unes aux autres et les alliances familiales 
        scellent cette intégration de l'intérieur.
 ----------En 
        même temps naît une conscience collective d'appartenir à 
        un jeune peuple en formation ; c'est la notion " d'homme algérien 
        " de R. Randau.
 ----------À 
        noter qu'en 1896, l'Algérie compte 13.000 Maltais face à 
        157.000 Espagnols, 36.000 Italiens, 8.000 Suisses et Allemands et 350.000 
        Français.
 ----------La 
        proportion des Maltais est donc devenue très modeste et si l'on 
        parle beaucoup d'eux, c'est parce qu'ils constituent encore, en aspect 
        et en coutumes, une communauté bien typée.
 ----------Ce 
        qui fait que toutes les uvres littéraires ayant pour cadre 
        l'Algérie comptent des Maltais parmi leurs personnages. Comment 
        ne pas citer ici le nom d'Edmond Brua, le célèbre auteur 
        algérois récemment disparu ?
 ----------Je 
        renvoie à cet égard aux articles parus dans de récents 
        bulletins de France-Malte à la suite de la revue du Cercle algérianiste.
 ----------Le 
        roman le plus célèbre est sans conteste l'Homme de mer, 
        de Paul Achard, dans lequel toute une dynastie de Maltais : le grand-père, 
        le père et le fils Galéa, ont une irrésistible ascension 
        dans la réussite commerciale tout en gardant leurs vertus primitives.
 D'autres auteurs se sont servi des défauts ou des aspects un peu 
        excessifs de certains comportements maltais, " chargeant " leurs 
        personnages pour en accentuer le pittoresque, comme Louis Bertrand.
 ----------D'autres, 
        enfin, ont montré pour cette communauté un mépris 
        féroce et, bien sûr, injustifié : ainsi, Lucienne 
        Favre.
 ----------Au 
        moment où l'émigration maltaise se stabilise en Algérie, 
        on peut noter qu'elle a gardé de son caractère premier la 
        répartition géographique les Maltais et descendants de Maltais 
        sont très nombreux dans l'Est algérien, de la côte 
        aux bourgades des hauts plateaux. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. 
        Incontestablement, Bône devint rapidement et resta la capitale des 
        Maltais d'Algérie. On les retrouve dans tous les ports jusqu'à 
        Alger où, bien que déjà en proportion beaucoup plus 
        faible, ils " marquent " encore certains quartiers : celui de 
        la " Marine " (qui sera démoli au moment de la guerre 
        de 40 pour raison de salubrité, ce qui fera perdre beaucoup au 
        pittoresque algérois) dominé par la vie du port, et celui 
        des " Hauts d'Alger ", notamment les Tagarins, 
        célèbre par ses troupeaux de chèvres...
 ----------Au-delà, 
        vers l'Ouest, les Maltais ne comptent plus en tant que communauté, 
        là où précisément commence à s'affirmer 
        l'influence espagnole.
 Sur le plan social, la réussite suit celle des affaires, mais s'affirme 
        aussi, au fil des générations, sur le plan culturel. Si 
        l'histoire de l'Homme de mer est exemplaire, c'est parce qu'elle représente 
        un archétype. Les petits commerçants méticuleux, 
        les paysans faméliques, les marins " primaires " sont 
        souvent les grands-pères de médecins, d'avocats et d'ingénieurs. 
        Ce qui était signe manifeste d'infériorité devient 
        sujet à plaisanteries que l'on aime à se raconter en riant 
        entre copains : par exemple, celle du Maltais aux pieds nus voulant mettre, 
        le jour de son mariage, ses chaussures de premier communiant...
 ----------Il 
        faut noter toutefois que si le plus grand nombre s'en amuse, certains, 
        relativement nombreux à une certaine époque, en tirent un 
        motif de honte et d'humiliation qui les amènera à tout faire 
        pour que soit oubliée ou rendue indécelable leur origine 
        maltaise.Ceux-là chercheront à aller 
        au-delà de la simple intégration dans le milieu français 
        d'Algérie, en tâchant de s'assimiler au seul élément 
        e français de souche". Mais ces cas restent heureusement isolés 
        et le gros de la communauté maltaise d'Algérie ne renie 
        en rien son origine méditerranéenne, tout en suivant une 
        évolution distincte de celle des Maltais de Tunisie, car en Algérie 
        se crée peu à peu un phénomène d'une rare 
        importance : la naissance d'un peuple, d'une communauté néo-latine, 
        qu'on peut situer au début de notre siècle, vers 1920.
 En effet, la Grande Guerre marque un tournant, car c'est vraiment l'avènement 
        du peuple français d'Algérie, uni sur les champs de bataille 
        d'Europe et d'Asie, mais surtout en France. C'est là que la Métropole 
        devient sentimentalement " Mère Patrie " pour tous, qu'ils 
        s'appellent Hernandez, Pappalardo, Farrugia, Abéla ou Borg.
 ----------Peu 
        à peu, les liens qui unissaient les émigrants à Malte 
        se sont distendus, imperceptiblement, après les décès 
        des derniers émigrants ; les enfants qui parlent moins bien le 
        maltais sont moins tentés de correspondre avec leurs déjà 
        lointains cousins de l'archipel. Quant aux petits-enfants, nés 
        de parents qui s'expriment en français chez eux et qui vont à 
        l'école communale, ce sont des Français d'Algérie 
        à part entière.
 ----------Et 
        n'oublions pas non plus les mariages entre les différentes communautés 
        qui font que presque tous les Français d'Algérie ont des 
        origines très diverses.
 ----------En 
        1962, ce seront tous des exilés involontaires et tous choisiront 
        sans même s'en rendre compte le territoire hexagonal.
 ----------Mais 
        là, en butte à une non-reconnaissance de leur qualité 
        de " Français à part entière " 
        de la part des Français de souche, surtout dans ce climat de guerre 
        civile qui a marqué la fin de la guerre d'Algérie, les Pieds-Noirs 
        d'origine maltaise se sont mis à rechercher leurs sources profondes, 
        ancestrales, et, nombreux, se sont rendus vers le petit archipel, non 
        en touristes baladeurs, mais en pèlerins.
 ----------Et 
        ces démarches discrètes, pleines d'émotion et de 
        pudeur, font conclure cette rapide évocation des grandes aspects 
        de l'immigration maltaise en Algérie sur une note humaine profondément 
        émouvante.
 Pierre DIMECH.
 
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