 UNE 
          TEMPÊTE EN MÉDITERRANÉE
UNE 
          TEMPÊTE EN MÉDITERRANÉE 
        Le phénomène 
          est rare, si rare que les vieux marins ne font aucune difficulté 
          pour reconnaître que. depuis plus de vingt ans. ou n'avait vu 
          temps pareil à celui de la semaine passée. 
          
          Dimanche 23 octobre, le soleil s'était couché dans une 
          lumineuse apothéose de gloire tranquille ; une nuit incomparablement 
          douce avait succédé au,jour tiède, si tiède 
          même qu'il semblait que le printemps fut revenu. 
          
          Cependant le baromètre baissait, tombait, devrai-je dire. 
          
          Lundi, à l'aurore, un vent furieux du Sud-Ouest se leva, soulevant 
          des tourbillons de poussière, accumulant dans les angles abrités 
          les feuilles mortes, et. dès trois heures du soir, le tonnerre 
          gronda. I.e vent passa brusquement au N.-W., puis au Nord ; la mer se 
          leva. 
          
          On l'entendait gronder sur les roches du Kassour. contre les blocs de 
          la jetée ; de hautes lames irisées coiffaient 'es phares 
          du mole ; on eu pouvait suivre du regard la meute puissante se ruant 
          à l'assaut des plages du Jardin d'Essai et du Ruisseau. 
          
          Dans la journée du mardi 25, vers midi, la tempête atteignit 
          son paroxysme ; un ressac terrible obligea les navires à doubler 
          leurs amarres dans le port : une foule nombreuse assista au départ 
          du Timgad, que l'importance de son chargement avait retenu jusqu'à 
          11 heures aux corps-morts de la C. G. T. Durant vingt-quatre heures, 
          la baie fut battue par les éléments déchaînés, 
          puis, tout d'un coup, la tempête s'apaisa, le calme revint, sous 
          le sourire du soleil. 
          
          Mais l'alerte avait été sérieuse. 
          
          Le môle Sud du nouveau port de l'Agha a été gravement 
          endommagé : sur certains points du quai. 
          l'agitation des eaux a produit des affouillements à la disparition 
          desquels l'administration intéressée 
          procède d'urgence. 
          
          Les cabanons, les établissements de bains ou! particulièrement 
          souffert et. à Guyotville, de modestes mobiliers nageaient à 
          la surface des eaux. 
          
          Il n'y a eu. au reste, aucun accident de personne ; on en a été 
          quitte pour une émotion justifiée qu'a compensée 
          heureusement, pour la plupart, la contemplation d'un spectacle d'une 
          rare beauté. 
          
          Sur la côte, des navires en perdition ont été signalés. 
          
          
          A Dellys. une balancelle a été jetée à la 
          côte : à Djidjelli, la mer a emporté des marchandises 
          entreposées sur les quais ; partout, les courriers ont éprouvé 
          des retards considérables. 
          
          Il ne faudrait pas conclure de ces événements, dont la 
          rareté, somme toute, constitue seule l'intérêt, 
          que la Méditerranée est une mer constamment furieuse où, 
          dès octobre et jusqu'à lin juin, la navigation est pénible 
          et hasardeuse. 
          
          A tout considérer, ce que nous appelons ici tempête terrible 
          correspond à peine à ce que Provençaux et Bretons 
          appellent communément un gros temps. 
          Un semblable état de la mer est chose presque quotidienne sur 
          la Manche et sur l'Océan ; les coups de mistral si fréquents 
          de l'autre côté de l'eau ne produisent pas des effets moins 
          violents. 
          
          A l'heure où j'écris ces lignes, le ciel est d'une incomparable 
          pureté, une brise délicieuse et parfumée souille, 
          l'air est léger, le soleil est clair et rien ne subsiste du météore 
          de la semaine passée qu'un souvenir un peu ému et une 
          impression que la douceur de notre climat aura tôt fait d'effacer.