
          
          
          Le Cirque Pinder à Alger. 
        Le grand cirque Pinder 
          sera bientôt dans nos murs. 
          C'est un de ces établissements géants qui parcourent le 
          monde de ville en ville, emmenant bêtes et gens et accessoires 
          de toute sorte par paquebots et trains entiers. 
          Les débuts sont fixés au mercredi 10 décembre, 
          au champ de Manuvres où il séjournera jusqu'au 2 
          janvier, sans prolongation et donnera plusieurs représentations. 
          
          Ce cirque est de réputation mondiale. Il existe depuis1839 et 
          ne présente rien de commun avec les établissements et 
          entreprises diverses qui se réclament des mêmes litres. 
          
          Le grand cirque Pinder a des procédés de travail spéciaux 
          et d'une loyauté absolue. Il joue tous les jours, sans renvoi 
          de représentation possible. 
          Riche de ses éléphants et de sa ménagerie, de son 
          personnel innombrable dès qu'il arrive dans la ville où 
          il lfut décidé qu'il s'arrêterait et où sa 
          place a été retenue, on procède au montage. La 
          grande tente à quatre mats et de forme ovale s'apparente à 
          la forme d'un navire. Cette première impression saisissante se 
          complique de la profusion des lumières qui l'éclairent. 
          Caravanes et trains de bêtes sont formés de magnifiques 
          wagons offrant aux regards des foules qui s'empressent un spectacle 
          déjà sans précédent et des promesses de 
          distraction d'exploits et de divertissements comme il en est peu au 
          monde. 
          Dès l'abord, du Grand Cirque Pinder impressionne par le magnifique 
          coup d'il qu'il offre au spectateur. Au contraire de ce qui se 
          passe le plus souvent, si bien que l'on arrive à s'en faire une 
          philosophie, le Grand Cirque Pinder ne déçoit pas. 
          On n'y éprouve point cette sensation de fatigue et de désenchantement 
          si commune ailleurs dès qu'on y a mis le pied ; on s'étonne 
          au contraire de la modestie trop grande d'une affiche qui n'a promis 
          qu'une infime partie du spectacle aperçu. 
          Tout de suite on a une surprenante vision d'ensemble de la piste et 
          de ses jeux. Sur la piste traditionnelle de 13 mètres en usage 
          dans tous les cirques, triomphent parfois le jeu unique ou le jeu successif. 
          Sur la piste hippodrome longue de 60 mètres du cirque Pinder 
          on obtient et on contemple le cirque simultané. 
          Le spectacle est tel qu'il mérite de passionner. Il ne présente 
          rien de commun ou de comparable à ce qui se fait ailleurs ; il 
          est unique et d'un indiscutable caractère français. 
          Au Barnum Pinder, aucun numéro ne se présente deux fois 
          pareillement. Les artistes n'y travaillent pas selon un rythme monotone 
          et une cadence toujours la même, répétant les mêmes 
          tons et les mêmes mots, mais ils varient à l'infini, forment 
          des tableaux divers où chaque individualité a pour tâche 
          principale de concourir à l'ensemble et de le rénover. 
          C'est d'abord une foire aux acrobates, aux équilibristes et aux 
          animaux savants. Foire est le seul mot qui convienne, bien fait pour 
          indiquer la multiplicité des exhibitions et leur grande variété. 
          
          On évite aussi la lassitude, la fatigue de la répétition 
          et du déjà vu. 
          La cavalerie est splendide, les exercices étincelants. Selon 
          la place qu'on occupe, le spectacle apparaît sous un angle différent, 
          d'équilibre, si l'on se trouve au centre, en perspective grandiose 
          si l'on est placé à l'une des extrémités 
          de la piste. 
          On ne peut se lasser, toujours on a quelque chose à regarder. 
          La troupe entière, dont le nombre répond à ces 
          nécessités, participe au travail et coopère à 
          la vision d'ensemble, depuis le dompteur vedette de l'attraction sensationnelle 
          jusqu'au plus petit des gymnastes ou à la dernière des 
          petites filles du corps de ballet. C'est une foule présentée 
          en action à une autre foule. 
          Et tous les artistes sont constamment occupés dans la piste, 
          non plus comme gens de la barrière, mais dans des rôles 
          effectifs. 
          Les tableaux, qui se succèdent et s'entrecroisent, sont présentés 
          avec un art subtil et spontané, chaque fois changeant et donnant 
          une impression de nouveauté prenante non seulement par rapport 
          à ce qui se fait ailleurs, mais en soi et d'une façon 
          absolue. A chaque figuration, il s'agit d'établir le plus beau 
          tableau, la plus belle réalisation de cirque jusqu'alors obtenue. 
          Sous l'autorité du metteur en piste, qui doit savoir résister 
          aux tendances des spécialistes et maintenir une discipline esthétique, 
          évoluent les acrobates, les écuyers et tous les participants 
          devenus ainsi les éléments d'un spectacle d'ensemble. 
          Au lieu d'aboutir à la fatigue de l'il et de l'esprit devant 
          le morcellement simultané des numéros opérant chacun 
          pour leur compte, on obtient un spectacle harmonieux et bien ordonnancé, 
          se déroulant par visions successives. Chaque exercice concourt 
          à la production symphonique comme le jeu divers de plusieurs 
          instruments combine une symphonie. 
          D'abord de radieux numéros de gymnastes aériens, par leur 
          travail à la suite et gradué, obtenant le maximum d'effet 
          sous l'habileté bien comprise des éclairages. Ensuite, 
          les jeux romains, les jeux du Far-West où la frémissante 
          atmosphère de nos hippodromes parisiens se perpétue avec 
          une vibration particulière. 
          La présentation grandiose et rythmée de la troupe, les 
          défilés exotiques et l'apparition des éléphants 
          gigantesques emportent l'approbation du public et suscitent son enthousiasme. 
          Des écuyères agiles, jolies et choisies parmi les meilleures 
          du monde, ajoutent encore, par leur grâce, au charme et à 
          la splendeur des exercices équestres. L'élément 
          féminin tient une place considérable au cirque Pinder. 
          le seul établissement de ce genre qui se fasse accompagner, dans 
          tous ses déplacements, d'un corps de ballet que lui envieraient 
          bien des théâtres. 
          Cow-boys et Indiens du Far-West procèdent à d'hallucinants 
          exercices d'équitation, montent aux cordes volantes, jonglent 
          avec des couteaux et des haches. La cible humaine constitue un numéro 
          particulièrement saisissant. Tous ces artistes d'origine travaillent 
          dans leur style rituel sans adultérations. A côté 
          d'eux, jongleurs et gymnastes, puis éléphants dont le 
          dressage et l'allure sont des meilleurs que nous ayons pu voir jusqu'ici. 
          
          Chevaux et poneys sont montés par des cavaliers de tous les pays, 
          avec une majorité de cow-boys et d'indiens, ces maîtres 
          de l'équitation et de l'acrobatie équestre, qui finissent 
          par s'identifier avec le cheval pour obtenir de lui des exploits surprenants. 
          
          Les quatorze lions du cirque Pinder forment un spectacle vraiment unique. 
          On ne peut, pour les résultats obtenus, qu'admirer le dompteur 
          présentant, avec le sourire, cette famille de fauves superbes 
          et redoutables. 
          Le dompteur Mackensein est surprenant d'audace, d'assurance et de belle 
          tenue plastique. 
          En somme, le spectacle du Barnum Pinder est des plus complets qu'on 
          puisse donner. Athlétisme et acrobaties, curiosités, exhibitions 
          de fauves, dressages équestres, carrousels, ballets, girls. Deux 
          numéros d'un attrait particulier et nouveau sont présentés 
          par M. Bixword, l'homme projectile qu'un canon projette à vingt 
          mètres dans l'espace, et par M. Vasseur, recordman de force qui 
          arrête deux automobiles lancées en pleine course et en 
          sens contraire. Enfin, la pléiade des clowns et des augustes, 
          gaîté du cirque.
          Les clowns musicaux, etc., etc., cent cinquante personnes en piste. 
          
          Et voilà pourquoi le Barnum Pinder obtient et mérite les 
          faveurs d'un public enthousiaste; voilà pourquoi, vivant, grouillant, 
          bref, inattendu et exaltant, il trouvera dans notre ville d'Alger, l'habituel 
          succès qu'il a connu et connaîtra partout au Monde. 
          Car nous sommes assurés que la population algéroise qui 
          aime tous les spectacles sera irrésistiblement attirée 
          par les véritables merveilles qui lui sont promises. 
          Au spectacle d'art plastique viennent s'ajouter diverses émotions 
          assez vives, celle, par exemple, que donne la vue de ces fauves énormes 
          que sont les éléphants, ou bien par l'obéissance 
          complète de lions et de tigres. 
          On ne voit jamais de tels spectacles sans songer aux trésors 
          de patience et de volonté qui ont du être dépensés 
          pour arriver à de tels résultats. L'intelligence humaine 
          domptant la férocité sauvage des grands fauves est une 
          leçon d'énergie qu'il ne faut pas dédaigner. 
          Aussi sommes nous certains que le grand cirque Pinder sera tenté, 
          grâce au succès qu'il obtiendra, de revenir nous donner 
          de beaux spectacles instructifs.