| ------Les films 
        courts-métrages Frères Lumière tournés pas 
        Félix Mesguich en Algérie, furent probablement projetés, 
        avec d'autres, à Alger et à Oran en automne 1896 lors de 
        l'inauguration officielle de séances de cinématographe LUMIERE. 
        Les amateurs de cinéma de ces deux ville étaient déjà 
        au courant de l'évènement historique de la première 
        projection mondiale au Grand Café à Paris en décembre 
        1895, grâce notamment à la presse. Il convient de souligner 
        que la fameuse lanterne magique ancêtre du cinématographe 
        était déjà d'un usage largement courant en ces deux 
        métropoles. C'est surtout la Ligue de l'Enseignement qui utilisa 
        la lanterne magique dans le dessein de moderniser les méthodes 
        pédagogiques de l'époque en le rendant plus attrayantes.------À 
        Oran c'est un dénommé Renard, qui anima le plus souvent 
        ce genre de manifestations.
 ------C'est 
        semble-t-il, en novembre 1899 que le film de fiction fit son apparition 
        en Algérie grâce à un certain professeur David, venu 
        de métropole. Un journaliste de l'époque écrit à 
        ce sujet : "Les membres de la Société 
        Littéraire de la ville d'Oran et leurs invités ont passé 
        une très agréable soirée, grâce au bienveillant 
        concours de Monsieur le Professeur David qui a expliqué le mécanisme 
        du cinématographe et du phonographe". L'engouement 
        pour la machine de Lumière ne se situait pas seulement au niveau 
        de ce qu'elle mon trait, mais encore à celui de son fonctionnement, 
        lequel relevait exclusivement de la technique et de la science Outre cela, 
        le démonstrateur offrit à son public des film d'une toute 
        autre nature que ceux caractérisant les documentaires que certain 
        avaient pu voir en 1896. Ces films étaient sans le moindre doute 
        réalisés et produits pas Georges Melies. En effet à 
        cette époque, il était le seul à s'occuper de cinéma 
        avec scénario. Les lettrés d'Oran ayant fort apprécié 
        ce spectacle original, il était normal qu'un public plus large 
        souhaite en profiter. David quitta Oran pour effectuer une tournée 
        de présentation du cinématographe dans la colonie. La presse 
        consultée, le situe en mars 1900, d'abord à Sidi-Bel-Abbès, 
        et ensuite dans des villes de moindre importance, alors que d'autres tourneurs 
        circulent également en Oranie. Si David parcourut la province comme 
        démarcheur de la société LUMIERE, désireux 
        avant tout de convaincre l'assistance de l'avenir du cinématographe, 
        les autres tourneurs se contentaient tout bonnement de montrer leurs films 
        comme des forains.
 ------Le premier, 
        Godard, accompagné de sa femme, se déplaçait en chariot, 
        d'un bourg à l'autre, non seulement en projetant des films, mais 
        également en offrant d'autres formes de spectacles. Le second marchand 
        de divertissement de la région oranaise fut certainement le premier 
        qui eut l'idée géniale de s'installer à demeure dans 
        la ville de Saïda. Cet évènement fut annoncé 
        dans la presse en avril 1900 et la salle ouverte au public fut dénommée 
        tout simplement "lieu cinématographique".
 ------Il fallut 
        entendre encore quelques années pour que les premières salles 
        de cinéma ouvrent leurs portes dans toutes les villes d'Algérie, 
        de même que dans les stations thermales et les centres d'hivernage 
        du Sud-algérien, en excluant tout autre activité subsidiaire 
        ou complémentaire, hormis le théâtre. Peu avant la 
        Première Guerre mondiale, l'on dénombrait à Alger 
        quelques sept théâtres-cinémas. Au théâtre 
        " Olympia" , les placards publicitaires nous informant qu'il 
        était donné tous les jours deux séances, l'une à 
        dix-sept heures (où l'apéritif était servi), et l'autre 
        (plus importante) à vingt-et-une heures. ------Au 
        théâtre " Omnia Pathé" , on nous précise 
        qu'il y avait "tous les soirs spectacles cinématographiques". 
        Bien entendu ces salles n'offraient ni les mêmes programmes, ni 
        le même confort. Il existait au moins trois types de salles de spectacles 
        : pour un public riche et cultivé de gros propriétaires 
        fonciers résidant la plupart du temps en ville ; les professions 
        libérales, les hauts fonctionnaires, etc. ; pour un public aisé 
        émanant de l'administration et de la petite bourgeoisie notamment 
        ; enfin pour un public composé fondamentalement de petits employés, 
        d'ouvriers, de jeunes et peut-être aussi de quelques Algériens. 
        Les propriétaires de salles eux-mêmes rappelaient de temps 
        en autre dans la presse cette hiérarchisation. En ce qui concerne 
        le "Cinéma Mondain", par exemple, qui se trouvait 50, 
        rue d'Isly, on pouvait lire en 1912 (Echo d'Alger) ce placard : " 
        La salle aussi richement meublée que délicieusement décorée, 
        représente une véritable bonbonnière où le 
        public sélect et élégant se donne de plus en plus 
        rendez-vous. La direction ne présente que des films d'art, entièrement 
        inédits et exempts de banalités connues à ce jour.
 |  | Aucune imitation n'est possible 
        affirme la direction, implicitement, mais de façon vigoureuse. 
        Au " Cinéma Mondain", le spectateur ne sirote pas l'apéritif, 
        tout en regardant nonchalamment et machinalement un film quelconque, souvent 
        d'ailleurs rayé et flou, mais vient pour voir spécialement 
        un oeuvre culturelle, donc digne de réflexion et d'attention. Seulement, 
        lorsqu'on consulte la programmation que la salle propose, les titres de 
        films prouvent qu'on était encore loin des oeuvres culturelles 
        telles que nous les concevons de nos jours : V'la le tendron (scène 
        comique) ; Mordu par sa belle-mère (reportage dramatique) ; Le 
        roman d'un agent de police, etc.------Parallèlement 
        au Théâtre-Cinéma, Alger et Oran comptaient également 
        des unités de projection, à caractère subsidiaire 
        et périphérique, oeuvrant dans certains cafés ou 
        restaurants et même dans des hôtels.
 ------Si dans 
        les grandes villes les monopoles d'exploitation n'existaient pas, par 
        contre en zone rurale, ceux-ci furent largement majoritaires, jusque dans 
        les années trente. Le monopole exerçait son influence, non 
        seulement à cause du nombre d'unités de projection détenues 
        par tel ou tel exploitant, mais encore grâce à l'ancienneté 
        du nom de ce dernier qui était, en quelque sorte, une garantie 
        de sérieux... En Mitidja opéraient Coposami et Sabatier 
        ; Lacoste dans le Chélif ; Weinich dans le Sahel ; Mothu à 
        Cherchell ; Bousquet en Kabylie ; etc. La plupart des unités de 
        projection fixe, exploitées en zone rurale, n'étaient point 
        situées sur la place du village mais en un endroit plus ou moins 
        discret. En fait, une telle implantation est parfaitement compréhensible 
        dans la mesure où, jusqu'au début des années vingt, 
        le cinéma étant un simple appoint aux loisirs des Européens, 
        le théâtre faisant la loi dans les spectacles.
 ------C'est 
        incontestablement seulement à partir de l'année 1922, que 
        le cinéma réussit à acquérir ses lettres de 
        noblesse en Algérie, en détrônant le théâtre 
        ainsi, d'ailleurs que d'autres spectacles, tels que le music-hall et le 
        cirque. Entre 1922 et 1932, si l'effectif du public pour le théâtre 
        resta immuable, le chiffre des recettes déclaré fiscalement 
        pour les séances de cinéma passa de 2,5 à 35 millions 
        de francs (de l'époque).
 ------Cette 
        étude a été écrite en partie grâce à 
        des renseignements trouvés dans des ouvrages dont la liste est 
        donnée dans le premier article sur le cinéma (n°28 de 
        la revue).Si certains de nos lecteurs, retrouvent des personnes de leur 
        famille citées dans nos textes sur le cinéma en Algérie 
        et que leurs archives personnelles peuvent servir à les compléter, 
        qu'elles n'hésitent pas à nous contacter, nous publierons 
        les documents intéressants.
 
 J. Gandini
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