
          
          
          Sous le ciel de feu de La Réghaïa
          Maurice LABRO enregistre les extérieurs de son prochain film:
          " LES COCHONS N'0NT PAS D'AILES "
        Créé au lendemain 
          du débarquement allié, l'aérodrome de La Reghaïa 
          n'est plus, aujourd'hui, qu'un vaste terrain désertique ou se 
          dressent parmi les silex et les buissons desséchés, quelques 
          " guitounes " d'aspect sinistre.
          
          C'est là, pourtant, que Maurice Labro s'est installé, 
          hier matin, et qu'il enregistrera, pendant une semaine environ, les 
          premières séquences de son prochain film : " Les 
          cochons n'ont pas d'ailes ".
          
          L'auteur de " Pas de vacances pour M. le Maire " aurait-il 
          subitement cédé à un excès de fantaisie 
          ?
          
          - Pas du tout ! me dira-t-il lui-même, alors que je viens de le 
          surprendre en plein travail, luttant à la fois contre les douloureux 
          effets d'une chaleur littéralement accablante et les caprices 
          de la brume.
          
          Si j'ai choisi cet endroit - cet enfer ! - c'est qu'il évoque 
          admirablement la Sardaigne où se déroulent, en réalité. 
          les scènes que je me propose de tourner. Mais je m'excuse. Voici, 
          d'ailleurs, mon producteur M. Hubert d'Achon, qui vous donnera.,a ce 
          sujet, toutes les précisions désirables.
          
          M. d'Achon est un monsieur fort courtois. Tout en s'épongeant 
          (le thermomètre marque 35° à l'ombre), il me déclare 
          dans un large sourire :
          - Vous connaissez le sujet du film. C'est l'histoire d'un pilote surnommé 
          " Saucisse " et qui a la spécialité d'accumuler 
          les gaffes. Ce qui l'entraîne dans une série d'aventures 
          tragi-comiques (et souvent burlesques) auxquelles une action d'éclat 
          mettra opportunément un point final.
          
          Le scénario. dont l'action se situe pendant la guerre, en août 
          1944, est tiré d'un livre de M. Salva qui a connu un très 
          beau succès en librairie. Vous l'avez lu sans doute et vous ne 
          serez pas autrement étonné que nous ayons été 
          séduits par sa verve à la fois satirique et bouffonne. 
          Le rôle de " Saucisse " sera interprété 
          par Jean Richard. cet étonnant fantaisiste 
          que la scène et la radio ont rapidement rendu populaire et qu'on 
          peut aisément confier à Robert Lamoureux. Je suis certain 
          qu'il fera, sous les traits de notre pilote quelque peu hurluberlu, 
          une remarquable création, d'autant que son habituel et brillant 
          partenaire, Roger Pierre, 
          lui donnera la réplique. A ses côtés, figureront 
          également Noël Roquevert, que vous avez pu apprécier 
          dans d'innombrables films ; Armontel et la jeune chanteuse de cabaret 
          Maria Vincent. Les autres rôles seront tenus... par nous-mêmes. 
          Je veux dire que chacun d'entre nous, le metteur en scène y compris, 
          incarnera un personnage. Labro, lui, sera promu commandant. Il me devra 
          le respect, d'ailleurs, puisque j'aurai, personnellement, cinq galons. 
          Choquet, autre régisseur, se transformera en titi parisien goguenard 
          et bon enfant etc..., etc... C'est une formule qui est, je crois, adoptée 
          pour la première fois à l'écran et qui souligne 
          parfaitement, en tout cas, notre esprit d`ëquipe. ' V ` ' '
          - Combien êtes-vous ?
          - Trente-cinq exactement, en comptant notre chef-opérateur, l'excellent 
          Le Herissey et, bien sûr, la
          script-girl ! 
          - Et votre quartier général ?
          - Nous l'avons établi à Surcouf. 
          Il nous a été difficile de trouver un gite (à pareille 
          époque !) mais grâce à l'extrême complaisance 
          d'un hôtelier qui doit aimer le cinéma, nous avons pu résoudre 
          le problème assez rapidement... Oh ! Attention !...
          
          Un avion de chasse vient d'effectuer, en effet, un vol en " rase-mottes 
          " qui a bien failli nous decapiter. La Herissey est satisfait, 
          il a pu le cadrer et le filmer à temps.
          
          Mais, décidément, le soleil est impitoyable. J'abandonne 
          et M. d'Achon et sa compagnie (où je remarque, notamment, le 
          sympathique directeur nord-africain des " Actualités françaises 
          ", M. Marc Moreau) pour aller me réfugier à l'ombre 
          d'un camion citerne.
          
          Le Herissey a déplacé ses appareils. Il va s'attaquer, 
          à présent, à un impressionnant " travelling 
          ".
          
          Tout en l'observant, j'allume distraitement une cigarette pour m'entendre 
          dire aussitôt par un mécano :
          - Hé !`là-.. éteignez ça tout de suite ! 
          Vous êtes assis sous une tonne d'essence !
          
          Je l'ai échappé belle !