André Hugon et Pathé-Natan
au service de l'Algérie
Le studio qui était
devenu, depuis l'apparition du film parlant sur le marché international,
le temple véritable du 7ème art, doit maintenant céder
aux exigences de l'évolution cinégraphique et laisser
s'évader de ses halls surchauffés et malsains les réalisateurs
avides d'horizons illimités, de grand air et de vie. La nature
a repris tous ses droits. Et si, pour des raisons d'ordre essentiellement
commercial, certains hésitent encore à se lancer dans
la production de " plein air ", à braver les parasites
gênants qui entravent les prises de son en extérieur, les
plus courageux ne reculent devant aucun obstacle pour s'assurer le concours
précieux d'un paysage riche de lumière ou d'un réalisme
pris sur le vif.
Tel André Hugon qui vient de parcourir le grand Sud jusqu'aux
confins du Hoggar
avec sa caravane composée de collaborateurs dévoués
et d'artistes consciencieux, traînant derrière lui tout
un matériel savant et délicat pour tourner sa fameuse
" Croix du Sud ". Ce séjour de deux mois dans la solitude
souvent angoissante du pays de la soif n'a nullement déprimé
l'auteur de " Lévy et Cie " et les Kaïssa
Robba, Suzanne Christy ; les Charles de Rochefort, Toulout et Mihalesco
n'ont conservé de leur long exil qu'un souvenir à la vérité
très agréable.
Aussi, dès son retour à Alger, André Hugon s'est-il
immédiatement remis à la tâche et a-t-il entrepris
la mise en scène d'un autre talky, " El-Guelmouna, marchand
de sable ", qui a été entièrement tourné
sur place. Interprété par Kaïssa Robba, Suzanne Christy,
Toulout et Tahar Hanache, " El-Guelmouna " aborde un sujet
absolument inédit et d'une piquante originalité.
Grâce à une faveur spéciale, les intérieurs
ont pu être tournés dans les somptueuses dépendances
du
Palais d'Été et du
Bardo, ce qui ajoutera encore à l'attrait des images
enregistrées par Agnel et Guillemin.
Hugon, que nous avons pu rencontrer ces jours-ci dans ses nouveaux et
magnifiques bureaux du Lido, s'est déclaré enchanté
des résultats obtenus :
" Il est temps qu'Alger possède son petit studio, ne fusse
qu'un simple dépôt de matériel, nous a dit notre
sympathique compatriote. Ainsi, les régisseurs traverseront-ils
la Méditerranée avec moins d'appréhension et le
mouvement cinématographique algérien - et le tourisme
! - ne pourra qu'y gagner en intensité. Car Alger nous offre,
dans un rayon de 150 à 200 kilomètres, la mer, la montagne,
la plaine, la forêt, la neige, le désert... le charme de
Paris et toute la poésie des livres de Benoît ou des Tharaud.
C'est assurément le seul pays au monde qui puisse offrir cet
avantage insoupçonné. "
Oui, mais le comprendra-t-on jamais en France où l'Algérie
évoque encore, dans la plupart des esprits, des paysages faits
d'arbres souffreteux, de routes caillouteuses, bordées de cactus
et parcourues par des ânons silencieux et étiques ? Et
l'Exposition Coloniale, établie aux portes de la Capitale, mettra-t-elle
fin à l'éternelle légende ?
Nous l'espérons sans grande conviction, et comptons davantage
sur les intelligentes initiatives d'un André Hugon -- et de sa
puissante associée, la firme Pathé-Natan - pour rétablir
la vérité.
