** La qualité des photos 
          de cette page est celle de la revue. On est en 1920. Amélioration 
          notable plus tard.
          
        NOS CHEFS-D'UVRE ANTIQUES 
          L'APOLLON DE CHERCHELL 
        La campagne menée 
          par M. 
          Louis Bertrand, dans la presse parisienne, en faveur de nos 
          musées et de nos grandes ruines antiques rappelle les luttes, 
          souvent héroï-comiques, déroulées autour des 
          marbres ou des bronzes célèbres découverts en terre 
          africaine. 
          
          Parmi ceux-ci, l'Apollon de Cherchell demeure à jamais mémorable. 
          
          
          On sait que, sur la demande instante du Gouverneur général, 
          le Ministre des Beaux-Arts avait fait don, en 1912, à la ville 
          de Cherchell, de la magnifique statue. 
          Ce que l'on connaît moins, ou que l'on a quelque peu oublié 
          aujourd'hui, c'est le procès retentissant engagé entre 
          l'État et, le colon - bien revenu sans doute de l'archéologie 
          - qui, en fouillant son champ, avait découvert, la statue et 
          s'en croyait le possesseur et maître. 
          
          Un beau matin, ce brave homme trouve au hasard de son labour cet Apollon, 
          chef-d'uvre de l'art grec, l'une de ces magnifiques pièces 
          dont, la vieille capitale des Ptolémées ménage 
          de temps à autre la surprise aux Cherchcelois. La statue à 
          peu près intacte et d'une admirable patine rayonnait de beauté 
          et de perfection. Mais la découverte sensationnelle ne devait 
          pas tarder à exciter les plus âpres convoitises. On fit 
          des offres au propriétaire qui, dès l'abord, n'eût 
          pas demandé mieux que de se débarrasser à bon compte 
          de cette encombrante et inutile vieillerie, mais qui, comprenant bientôt, 
          la valeur de la trouvaille, allait essayer de tirer de l'empressement 
          avec lequel on lui en offrait des prix sans cesse croissants, une bonne 
          raison d'augmenter à mesure ses exigences. L'État lui-même 
          vint, faire des propositions, avec l'aide de riches et généreux 
          particuliers qui eussent avancé à l'Algérie, jusqu'au 
          prochain budget, la somme nécessaire ; mais Paris venait en concurrence 
          et l'étranger, l'Amérique ; entre autres ; et à 
          mesure augmentait le prix du chef-d'uvre jusqu'à devenir 
          fabuleux.
          Grisé, le bon cultivateur ne jurait plus que par centaines de 
          mille !... 
          
          Il fallait pourtant déchanter : un beau jour, l'État qui 
          ne suit, jamais bien loin ces sortes d'enchères mais qui n'abandonne 
          pas volontiers ses desseins, s'avisa qu'il pouvait obtenir gratis ce 
          dont on lui avait refusé le véritable prix... 
          
          Et il fit mettre l'Apollon sous séquestre, jusqu'à l'issue 
          d'un procès qu'il engageait sur le terrain, nouveau en jurisprudence 
          algérienne, de son droit général de propriété 
          sur les " trésors ". 
          
          On lui résista rageusement, en première instance, puis 
          en appel : il gagna ici comme là, haut la main. Et les magistrats 
          de la Cour d'Alger eurent même le raffinement d'offrir au propriétaire 
          évincé. comme liche de consolation, la carte à 
          payer des dépens ! 
          
          LA VIERGE A LA SANDALE 
          
          Unie autre découverte récente fut celle de cette Vierge 
          à la Sandale qui, par sa grâce et le charme profond de 
          sa jeunesse éternelle, retient longuement l'attention. 
          
          Le nom du coroplaste est à jamais ignoré. Qui pourrait 
          dire aussi celui modèle ? Ou encore du riche contemporain de 
          Juba II à qui fut donné de posséder et de caresser 
          chaque jour du regard, pendant des années sans doute, cette admirable 
          statuette ! 
          
          Ils sont, les uns et les autres, poussière. Mais, à la 
          belle lumière africaine, au bord de la Méditerranée, 
          - dans cette Cesarée luxueuse devenue la modeste Cherchell, - 
          ayant traversé, dans la nuit, des siècles de bouleversements 
          et d'histoire, la petite Vierge saine et sauve donne encore aux hommes 
          qui la contemplent un frisson d'admiration voluptueuse et de regret.
          
          On ne peut se défendre, devant ce menu chef-d'uvre, d'évoquer 
          cette autre Venus si justement célèbre aussi et dont, 
          la découverte en 1820, - encore un centenaire, oublié 
          - fut entourée de circonstances curieuses et d'incidents assez 
          mouvementés. 
          
          C'est un paysan grec - décidément paysans et colons sont 
          bien près des dieux! - qui, en avril 1820, mit à jour, 
          par hasard, en travaillant dans son champ, une sorte de crypte où 
          gisait depuis plusieurs siècles, parmi d'autres vestiges archéologiques, 
          la statue fameuse qui fait aujourd'hui la gloire du Musée du 
          Louvre.