| La station touristique de BUGEAUD, 
        à 14 km de Bône, se situait au coeur du massif de l'Edough, 
        à 867m audessus du niveau de la mer qu'elle surplombait au Nord 
        et au Sud. Le village fut créé par l'arrêté 
        du 3 juin 1847 au lieu dit Aïn-Quermat (la fontaine du figuier) sur 
        997 ha. Occupé par l'armée à ses débuts, il 
        prit le nom de Bugeaud (1) en 1850 en l'honneur de l'ancien Gouverneur 
        d'Algérie qui venait de mourir après avoir achevé 
        la pacification. La création du village Le 4 octobre 1841 le général Randon prit 
        le commandement de la subdivision de Bône. Il se révéla 
        grand administrateur, autant que grand soldat durant les six années 
        qu'il demeura à ce poste. Bône vivait à cette époque 
        dans l'insécurité, harcelée par les tribus insoumises 
        du Massif de l'Edough et notamment les Beni-Mahammed que le général 
        Randon. à la tête des troupes disponibles, vint surprendre 
        par une marche rapide.
 Quelques jours après, les Beni-Mahammed venaient faire leur soumission. 
        Afin de pacifier efficacement le Massif de l'Edough, il sollicita le Gouvernement 
        Général qu'il lui accorde l'autorisation d'ouvrir une route. 
        C'est le 17 janvier 1842 que le capitaine du génie Guilmot ouvrit 
        une route dans l'Edough; le 18 avril elle arrivait au plateau de Bou Zizi, 
        point culminant du massif à 1.008m d'altitude; le 19 mai la route 
        était complètement terminée. Les 19 kilomètres 
        avaient été réalisés par 1.000 hommes du 10ème 
        d'artillerie, du Sème génie, du 3ème léger 
        et des zouaves. Une colonne commémorant cet exploit fut dressée 
        à l'entrée d'un quartier de Bône qui porte comme nom 
        " La Colonne ". A l'indépendance, elle fut démontée 
        et installée en 1971 dans le jardin du musée de la Légion 
        Etrangère à Aubagne. Le 21 septembre 1844, le duc d'Aumale, 
        précédé d'une nouba, monta à l'Edough où 
        il fut reçu par le lieutenant du train des équipages Marchand, 
        commandant de la compagnie de bûcherons.
 
 Il déjeuna près de la source qui fut dénommée 
        de ce fait " la Fontaine du Prince ". C'est de cet endroit très 
        précisément que partaient les conduites romaines qui alimentaient 
        Hippone ; des vestiges d'aqueducs en très bon état nous 
        rappelaient ces travaux colossaux de l'époque. On dénombrait 
        dans ce massif 176 sources qui avaient alimenté pendant de nombreuses 
        années la ville de Bône. Cette alimentation était 
        assurée par une conduite en fonte qui dévalait la pente 
        en coupant régulièrement un tracé appelé " 
        Les cinq cents escaliers ", créés pour la surveillance 
        et l'entretien de celle-ci. C'était, pour de nombreux Bônois, 
        une promenade très appréciée et un raccourci pour 
        atteindre le village de Bugeaud.
 
 Un village de colonisation
 
 Les premiers habitants, en 1851, furent des 
        Alsaciens et des Lorrains (Alsaciens en majorité), bûcherons 
        de profession. Le journal " La Seybouse " du 30 août 1851 
        nous rapporte les faits suivants " Six familles de bûcherons 
        débarquent à Bône le 28 août 1851, venant des 
        Vosges pour peupler le village. Deux autres familles sont en route et 
        doivent arriver vers le 13 septembre pour compléter l'occupation 
        des huit premières maisons construites dans ce village dont les 
        premiers habitants seront au nombre de 35 ". C'étaient 
        ainsi une dizaine de familles, qui étaient installés dans 
        ces premières maisons situées de part et d'autre de la rue 
        qui menait à l'église. En 1869 leur nombre était 
        de 195, tous bûcherons, sur un total de 300 habitants. Citons l'une 
        de ces grandes familles alsaciennes : les Maurer qui furent liégeurs 
        sur trois générations. Le massif de l'Edough occupait une 
        superficie de 37.273 ha. L'exploitation de la forêt de chênes-lièges 
        débuta en 1849 et fut confiée par adjudication à 
        MM Berthon et Lecoq qui fondèrent " La Société 
        des Lièges de l'Edough " (concession de 6.654 ha). Celle-ci 
        devint vite prospère ; la plus grande partie de la production était 
        expédiée par voie de mer vers la Métropole et l'étranger, 
        principalement en Grande Bretagne. La production était estimée 
        à 32.000 quintaux.
 
 Une station climatique
 
 Le village fut érigé en commune de plein 
        exercice dès 1853 et devint, dans les années qui suivirent 
        une station estivale réputée compte tenu de la qualité 
        de son air et de ses eaux pour la plupart diurétiques et ferrées 
        : selon le mot d'un grand médecin" une lessive merveilleuse pour le rein et les voies urinaires ". 
        Un centre aéré " Les enfants de la montagne " 
        fut créé en 1921 par Mme Buovolo et permettait à 
        une centaine d'enfants peu fortunés d'y passer quelques semaines 
        l'été.
 
 Une pension privée pour jeunes filles, de cent lits, " la 
        pension Sainte Thérèse " tenue par les soeurs de Saint 
        Vincent de Paul, s'y établit. Un préventorium de 300 lits 
        y fut édifié en 1955. Par son altitude, son climat, Bugeaud 
        attirait bon nombre d'estivants et de Bônois qui avaient construit 
        leur résidence d'été ou fréquentaient l'un 
        des trois hôtels de la station : Beauséjour, Aïssa ou 
        l'hôtel Casino du Rocher (Kef-Sga). L'emplacement de ce dernier 
        offrait un panorama surprenant d'où l'on pouvait admirer l'étendue 
        de la forêt de chênes-lièges dans laquelle se détachaient 
        les àpics de l'Egyptienne et la superbe côte qui s'étalait 
        du Cap de Garde à l'est au Cap de Fer à l'ouest avec une 
        vue plongeante sur la belle plage de l'oued Beugra. En 1960 Bugeaud recensait 
        5.054 habitants et disposait d'un parc national (réserve botanique) 
        de 770 ha.
 
 Le village des hortensias
 
 Bugeaud méritait sa qualification de " perle des stations 
        " par la variété de sa végétation d'altitude 
        que nous décrivait si bien l'amiral Marec (2): " Ce massif 
        de l'Edough est le seul coin d'Algérie où le châtaignier 
        se trouve à l'état sauvage, et si le chêne- liège, 
        seul, y est l'objet d'une exploitation méthodique, le majestueux 
        chêne-zéen, voire le chêne tout court, y abondent également, 
        ainsi que le noyer, l'acacia, le frêne et le pin maritime.
 
 Les vergers y prospèrent, car partout chantent les sources vives, 
        les clairs ruisseaux qui, par des vallons touffus, à travers le 
        pittoresque entassement des gros rochers moussus, descendent en cascade 
        vers la plaine ou vers la mer.
 Les vestiges d'un vieil aqueduc, enfouis sous la verdure, au creux d'un 
        ravin romantique, donnent à ce tableau sylvestre un charme original 
        tout particulier.
 
 Le printemps le comble des touffes enivrantes du lilas inconnu dans la 
        plaine : il n'est pas de vergers qui n'ait ses cerisiers, ses pommiers 
        en fleurs, il n'est pas de jardin qui ne se couvre de roses, en attendant 
        le grand pavois des hortensias qui sont une des plus somptueuses parures 
        de la moindre villa... ".
 Yves Marthot Bibliographie :- Bottin d'Outre Mer 1960. - Bouyac René " Histoire de Bône 
        ".
 - Cataldo Hubert " Hippone La Royale ". - Revue Algéria 
        1955.
 - Frangi Marc " Un coin d'Alsace Lorraine en AFN ".
 - Arnaud Louis " Bône son histoire ses histoires ". - 
        Le livre d'or du département de Constantine.
 (1) Thomas, Robert Bugeaud, Marquis de La Piconnerie et Duc d'Isly (1784-1849).
 (2) Amiral Erwan Marec, historien, directeur des fouilles d'Hippone.
 
 |