|  Guy Hazzan
 Histoire des Juifs
 Les origines des juifs d'Algérie.
 Selon les légendes populaires, les 
        origines remonteraient à plus de deux millénaires. Les juifs 
        d'Algérie sont-ils, comme le pensent certains historiens, les Gergéséens 
        expulsés de Canaan par Josué au XIIe av. J.-C ? Sont-ils 
        des colons issus des tribus d'Israël installés avec les Phéniciens 
        fondateurs de Carthage ( 814 av. J.-C) ? Enfin, sont-ils des déportés, 
        des esclaves, des exilés par Nabuchodonosor, destructeur du premier 
        Temple, au VIe siècle avant J.C.? (Oliel 
        Jacob, Les Juifs au Sahara. Le Touat auMoyen-âge, CNRS éditions, Paris, 1994.
 
 On peut dire que la présence des Juifs est attestée dès 
        le Ve et VIe siècle en Egypte puis en Libye et au Maghreb. Bien 
        que les preuves manquent, il apparaît possible que des minorités 
        juives soient représentées dans la Carthage punique"'. 
        Les sources archéologiques et épigraphiques attestent vers 
        320 av. J.-C les premières grandes colonies juives sur les côtes 
        d'Afrique du Nord. Après l'invasion de la terre d'Israël, 
        Ptolémée Soter, fondateur de la dynastie des Lagides, déporte 
        100 000 captifs juifs en Afrique ( Egypte, Cyrénaïque...). 
        En 256 av. J.-C, les Romains s'installent sur les côtes africaines 
        et découvrent que, dans les ports, des colonies judéo-romaines 
        étaient déjà constituées "). Dans le 
        cadre de l'Algérie actuelle, dès le 1er siècle apr. 
        J.-C, une présence se confirme dans diverses régions et 
        cités : Constantine, Henchir Fouara, Tebessa, 
        Sétif, 
        Cesarea ( Cherchell 
        ), Tafsa ( Tipasa 
        ), Ausia ( Aumale ), Rouaiha ( région de Tiaret ). Dès 
        lors, on peut avancer que les origines géographiques des communautés 
        présentes à l'époque romaine sont la Palestine, l'Italie 
        ( Rome ), l'Egypte et la Cyrénaïque et qu'elles remontent 
        sans doute à la destruction du second Temple, qui entraîne 
        la déportation des premiers juifs en Afrique du Nord comme prisonniers 
        de guerre ou esclaves en 70 apr. J-C. En revanche, pour les périodes 
        précédentes, on manque de données suffisamment crédibles. 
        ( Musée d'Art et d'Histoire du judaïsme 
        (MAHJ), Juifs d'Algérie, catalogue de l'exposition, sous la direction 
        d'Hoog Anne-Hélène, Paris, 2012.)
 
 La question berbère.
 
 " L'origine palestinienne des Berbères est une légende 
        tenace même si l'on admet la profonde sémitisation du monde 
        africain au cours du millénaire de la domination carthaginoise. 
        Les autochtones au Maghreb, par leur langue et leurs moeurs, étaient 
        devenus des Phéniciens, des Sémites, étroitement 
        apparentés aux Hébreux de Judée " ( 
        Chouraqui André, Histoire des Juifs d'Afrique du Nord, Hachette 
        Littérature, 1985.).
 
 Traqués, poursuivis ou expulsés, beaucoup de juifs ont trouvé 
        refuge chez les Berbères auprès desquels ils se seraient 
        livrés au prosélytisme, ce que dénonce Tertullien 
        au He siècle apr. J.-C, ce Berbère latinisé et converti 
        au christianisme. A cette même période, le christianisme 
        se développe en Afrique du Nord. " Les Kabyles et les Berbères 
        sont alors majoritairement juifs et latinisés ". (24 On trouve 
        des tribus plus ou moins gagnées au judaïsme, surtout en Tripolitaine, 
        dans l'Aurès, le Touat et dans les ksour du Sahara. ") Ibn 
        Khaldoun décrit la vie de la Kahéna, cette reine juive berbère 
        considérée par d'autres comme une simple légende. 
        Certains historiens avancent l'hypothèse d'une judaïsation 
        massive alors que d'autres la récusent ( H.Z. Hirschberg ), dénonçant 
        des hypothèses fragiles. ") On a face à face deux mouvements 
        complémentaires : " des Berbères qui se judaïsent 
        et des juifs qui se berbérisent... Le judaïsme algérien 
        s'est trouvé, dès son origine, à la fois spécifié 
        par sa vieille option pharisienne et associé étroitement 
        aux destinées des populations indigènes "(Ayoun 
        Richard et Cohen Bernard, Les Juifs d'Algérie, deux mille ans d'histoire, 
        collection judaïque, une bibliothèque juive, J. Lattès, 
        Paris, 1982).
 
 Les juifs d'Algérie face à la chrétienté et 
        à l'islam.
 
 ----Les Vandales. : Ve-VIe siècles. 
        En 406, les Vandales quittent l'Espagne et se répandent dans tout 
        le Maghreb jusqu'en 533 en semant partout la destruction et l'anarchie, 
        ce qui va donner une forte impulsion au nomadisme et à la puissance 
        de tribus dont certaines sont judaïsées. La lutte fratricide 
        des Vandales ariens contre le catholicisme romain en Afrique du Nord permet 
        aux juifs de connaître un peu de tranquillité. ( 
        Chouraqui André, Histoire des Juifs d'Afrique du Nord, Hachette 
        Littérature, 1985.).
 
 --- Byzance : 534-680
 Au VIe siècle, l'Empereur byzantin Justinien ( 527-565 ) reprend 
        l'Afrique aux Vandales et s'empresse de rétablir la puissance de 
        l'Eglise et d'éliminer les lieux de culte païens, hérétiques 
        et juifs. C'est une période particulièrement troublée 
        pour les Juifs d'Afrique du Nord. Les mesures libérales du code 
        théodosien reconnaissant l'existence légitime du judaïsme 
        et la protection de la personne et des biens juifs sont supprimées. 
        Il met les juifs et le judaïsme hors la loi.( 
        Chouraqui André, Histoire des Juifs d'Afrique du Nord, Hachette 
        Littérature, 1985.).
 
 La conquête arabe et la Dhimma.
 
 Les Arabes sont les nouveaux conquérants dès le Vile siècle. 
        Le calife Al Malik conquiert le Maghreb et, en 711, Tarik Ibenzyad emporte 
        l'Espagne wisigothique. Les vainqueurs réduisent brutalement la 
        résistance des tribus berbères ainsi que celles des populations 
        juives et chrétiennes. Rappelons la résistance ( légendaire 
        ?) de Dihya el Kahena ( vers 674-704 ), reine de la tribu zénète 
        judéo-berbère des Djeraoua qui avait pris la tête 
        des tribus des Aurès contre l'invasion arabe dirigée par 
        Hassan ben Amor et qui y trouva la mort. La reddition des tribus berbères 
        est allée de paire avec leur conversion à l'islam préparée 
        par le prosélytisme juif et chrétien. ( 
        Chouraqui André, Histoire des Juifs d'Afrique du Nord, Hachette 
        Littérature, 1985.).
 
 Sous la domination arabe, les juifs acquièrent une condition légale 
        fondée sur la dhimma imposée à tous " les Gens 
        du Livre ( juifs et chrétiens ) en terre d'Islam. '3) Ce statut 
        discriminatoire de " protégés ", régi par 
        la Charte dite d'Omar ( calife Omar, successeur de Mahomet ) les relègue 
        au rang de sujets de seconde zone. Le statut leur reconnaît la liberté 
        de culte, la sécurité, la protection de leurs biens et une 
        réelle autonomie juridique en toute matière relevant du 
        droit privé. En contrepartie, il leur est interdit, entre autres, 
        de critiquer le Coran, de parler du Prophète et d'Allah avec insolence, 
        de toucher aux femmes musulmanes, de faire du prosélytisme, d'ériger 
        des lieux de culte plus élevés que ceux des musulmans, de 
        monter à cheval. Ils doivent s'acquitter du paiement d'un impôt 
        de capitation et d'un impôt foncier, porter des signes vestimentaires 
        particuliers.( Chouraqui André, Histoire 
        des Juifs d'Afrique du Nord, Hachette Littérature, 1985.).
 
 Mais ces règles ont été appliquées de façon 
        plus ou moins rigoureuse selon les époques, les lieux, les souverains, 
        leur clémence ou leur tyrannie. Malgré tout, ils restent 
        l'objet d'humiliations, d'un profond mépris et sont considérés 
        comme inférieurs.
 
 Apogée ( IXe-Xe ) et déclin( XIe-XIIe 
        )
 
 " Dans le Maghreb central du Moyen-Age, de Babylone à Cordoue, 
        les juifs sont fédérés par la Dhimma, le Talmud de 
        Babylone ( Babli ), matrice culturelle et religieuse du monde séfarade 
        et par la langue arabe... outil scientifique " Grâce à 
        cet ensemble s'épanouit une civilisation séfarade. (Cohen-Tannoud 
        JI Denis)
 
 " Alliée à la dimension berbère, l'identité 
        séfarade constitue bien la matrice originelle des juifs d'Algérie 
        et ce, bien avant 1492 et l'exil juif espagnol en Afrique du Nord. Le 
        Maghreb joue bien un rôle prépondérant, dès 
        le IXe siècle, dans l'avénement de l'identité séfarade 
        ". (Cohen-Tannoud JI Denis)
 
 Les IXe et Xe siècles sont une période de développement 
        pour les juifs du Maghreb qui se trouvent géographiquement situé 
        au carrefour entre l'Orient, le pourtour méditerranéen et 
        l'Espagne musulmane. En contact avec la ville de Kairouan, haut lieu culturel, 
        scientifique, philosophique et religieux, les communautés d'Algérie 
        sont parmi les plus brillantes de la Diaspora à l'exemple de celles 
        de Tlemcen et Tahirt, importants foyers rabbiniques. Parmi les lettrés, 
        citons Isaac Al Fasi, né dans la région de Constantine en 
        1013 et qui est devenu très célèbre pour avoir mis 
        en forme la première codification du droit talmudique permettant 
        aux communautés maghrébines et andalouses de s'émanciper 
        des autorités babyloniennes. Des liens étroits avec la Terre 
        Sainte unissent les communautés. L'âge d'or séfarade 
        connait son apogée avec la chute du califat omeyyade de Cordoue 
        en 1012 et la conquête de l'Andalousie et du Maghreb par les Almoravides, 
        chassés eux-mêmes par la tribu berbère venant du Haut-Atlas, 
        les
 Almohades au XIIe siècle.
 
 D'une orthodoxie rigoureuse et intolérante, les Almohades persécutent 
        les juifs et les forcent à la conversion dans l'ensemble de l'Afrique 
        du Nord et de l'Espagne musulmane. Certains juifs maghrébins s'enfuient 
        en Egypte ou en Sicile, mais la plupart opte pour une acceptation de l'islam, 
        souvent en observant secrètement le judaïsme. Maïmonide, 
        installé à Fès ( 1161 ) après être parti 
        de Cordoue occupée par cette dynastie, compose un "traité 
        de la sanctification du nom" destiné aux musulmans judaïsants 
        où il justifie qu'une conversion " simulée et provisoire 
        " est permise car l'islam est monothéiste et les musulmans 
        n'exigent qu'une déclaration de conformité sans vraiment 
        préciser l'abandon des pratiques juives au contraire des Chrétiens. 
        La situation s'aggravant, Maïmonide se réfugie en Egypte en 
        1165.
 
 Abraham Ibn Ezra, fin lettré andalou, réfugié en 
        1147 en Castille évoque dans une élégie le sort des 
        communautés juives détruites en peu de temps. En 1146, c'est 
        le massacre des juifs de Tlemcen, de Marrakech et de Fès. Al Moumin 
        accentue le processus de conversion. La fin des Almohades ( 1230 ) permet 
        aux communautés de se reconstruire. Elles ressuscitent grâce 
        à l'arrivée des survivants de l'expulsion des juifs d'Espagne 
        en 1391.
 
 Les expulsions de 1391 et de 1492 par les rois 
        catholiques espagnols.
 
 1391 marque la fin de l'Espagne judéo-chrétienne. Meurtres 
        et pillages frappent les judérias en Castille, en Aragon, en Catalogne 
        et aux Baléares. Ils sont le fait des chrétiens et provoquent 
        une forte émigration vers le Maghreb central et l'installation 
        des réfugiés en Algérie, à Honayn, Mostaganem, 
        Oran, Alger, Bougie, Tlemcen, Miliana, Constantine. Ils se joignent aux 
        juifs autochtones ( appelés aussi les Tochavims ).
 
 Parmi ces réfugiés espagnols ( Megorashim ), se trouvent 
        des lettrés séfarades qui contribuent à la renaissance 
        du judaïsme maghrébin. Ce sont Simon Ben Tsemah Duran, Isaac 
        Bar Sheshet à Alger, Ephraim Ben Israël Enkaoua à Tlemcen 
        et la famille Najar à Constantine. En majorité, les réfugiés 
        sont originaires de Majorque ou de la région de Valence. Ces lettrés 
        introduisent d'importants changements dans la vie sociale et religieuse 
        des indigènes juifs. Tlemcen, perle du Maghreb appelée aussi 
        « la Jérusalem occidentale », devient un foyer spirituel 
        dont le rayonnement se perpétuera grâce aux rabbins de la 
        famille Duran. A la suite de l'Edit d'expulsion des juifs d'Espagne en 
        1492 par les rois catholiques, Isabelle et Ferdinand, l'Algérie 
        est une destination secondaire par rapport au Maroc. De fait 1391 a plus 
        compté que 1492. Ce n'était qu'une simple étape vers 
        la Terre Sainte. En 1492 les Juifs expulsés partent vers le Portugal, 
        l'Italie et l'Afrique du Nord ( Tlemcen ). Exaspérés par 
        les pirates barbaresques, les Espagnols occupent Oran de 1509 à 
        1708 et Bougie de 1509 à 1555. Quelques familles juives sont autorisées 
        à s'y installer. (Kriegel Maurice)
 
 Au Touat, porte d'accès maghrébine vers le Soudan, la communauté 
        locale a été épargnée par les Almohades et 
        a multiplié ses activités surtout aux XIVe et XVe siècles, 
        quand l'axe caravanier Tlemcen-TouatNiger est devenu une des principales 
        voies d'échanges du commerce transsaharien. La prospérité 
        du Touat et de sa capitale Tamentit, est telle qu'on en parle aussi bien 
        en Orient qu'en Occident.
 
 Face aux Ottomans : 1505 - 1830 (Lafit 
        Nora)
 
 En 1520, les frères Barberousse placent sous la protection du sultan, 
        l'institution de la Régence à Alger.
 
 A Alger et dans l'Empire, les populations sont diverses ainsi que les 
        langues et les traditions. Une institution, le Millet, fondée sur 
        le concept de dhimmi, est consacrée aux non- musulmans de religion 
        biblique. Le Muqqadem, chef de la nation juive, est nommé par le 
        dey. Il est toujours le représentant d'une des grandes familles 
        livournaises ( aristocratie juive d'Alger ), chargé des prélèvements 
        de l'impôt.
 
 Dans la ville les juifs habitent deux quartiers : la hara médiévale 
        et le mellahim près de Bab el Oued.
 
 Population plus urbaine que rurale, on distingue les juifs de l'intérieur, 
        descendants de berbère tis ou de migrants berbérisés, 
        et les villes de la côte, d'origines variées. Fortement militarisé 
        le pouvoir tun s'imposer et les moeurs politiques y brutales.
 
 Tous les juifs sont tenus en basse est on a besoin de leur puissance finar 
        jouissent d'un droit de pétition et d de recours aux tribunaux 
        musulr bénéficient semble-t-il d'une insert grande et participent 
        à de nombre' porations. Quelques-uns ont une audience. Cependant 
        les persécu déchaînent et la dhimma se dégrad 
        relever l'aspect humiliant des vêtem les juifs doivent porter. L'Alliance 
        dénonce une situation extrêmeme Fenton et Littman notent 
        que, si la et la liberté sont supérieures à c Maroc 
        " avant la conquête française subissent de nombreuses 
        mesures discriminatoires et avilissantes de la part des musulmans ", 
        les juifs craignent toujours un massacre ; en 1805, éclate une 
        émeute à Alger. En 1815, le Grand Rabbin d'Alger Isaac Aboulker 
        est décapité.
 
 Prêt d'argent et change sont les activités traditionnelles 
        des juifs. Cependant il faut noter " la dimension impériale 
        ottomane du négoce juif " selon, Nora Lafi, pour qui il est 
        difficile de saisir l'exacte réalité de la vie juive sous 
        l'empire ottoman, aussi faut-il " relativiser le cliché d'une 
        communauté juive algérienne arriérée et opprimée 
        ". Néanmoins, de nombreux témoins constatent l'extrême 
        avilissement de la population juive. En 1827 Bacri et Busnach, juifs livournais 
        en relations commerciales avec le dey d'Alger, ne peuvent se faire régler 
        le blé fourni au Directoire. A l'occasion d'une entrevue, le consul 
        français Deval reçoit le fameux coup d'éventail du 
        dey d'Alger. La conquête de la Régence d'Alger par les Français 
        commence alors en 1830.
 
 Alger est conquise le 5 juillet. L'arrivée des Français 
        est accueillie avec soulagement. A partir de cette date l'avenir du judaïsme 
        algérien est étroitement lié à la France. 
        La dhimma est supprimée et l'égalité de droit avec 
        les indigènes musulmans est prononcée. La nature de la communauté 
        juive va aussi changer.
 
 L'Emancipation : 1830 - 1845 - 1865 - 1870 
        (Assan Valérie)
 
 Les juifs de France, ardents défenseurs de leurs coreligionnaires, 
        veulent sortir les juifs algériens de la situation d'abaissement 
        dans laquelle les ont mis les Ottomans. L'origine orientale apparaît 
        comme la cause principale de leur retard culturel. Ils sont également 
        persuadés que les juifs d'Algérie ne peuvent se régénérer 
        seuls.
 
 Le système consistorial voulu par les dirigeants du judaïsme 
        est un élément déterminant dans l'accession des juifs 
        à l'émancipation. Le 9 novembre 1845 le Consistoire central 
        d'Alger est créé avec autorité sur les consistoires 
        provinciaux d'Oran et de Constantine. Ceux-ci doivent veiller aux besoins 
        cultuels et aux devoirs d'obéissance et de fidélité 
        aux lois françaises. Ce sont aussi les intermédiaires entre 
        la puissance administrative et la société juive traditionnelle.
 
 Il faut aussi s'occidentaliser en portant le vêtement européen, 
        en envoyant les enfants à l'école israélite française 
        et en abandonnant les rites spécifiques.
 
 Les consistoires manquent de moyens et de pertinence dans le choix des 
        chefs spirituels venus, le plus souvent, de France. De fait, ce sont les 
        membres laïcs " indigènes " des consistoires qui 
        ont su être les plus efficaces. A Paris les membres du Consistoire 
        central s'efforcent d'obtenir l'émancipation. Ainsi, le Sénatus-Consulte 
        du 14 juillet 1865 permet aux indigènes musulmans et juifs, désormais 
        reconnus comme sujets français, de demander la citoyenneté 
        à titre individuel. Le décret Crémieux du 24 octobre 
        1870 permet aux 35 000 juifs algériens d'obtenir collectivement 
        le titre de citoyens français. Les juifs sortent définitivement 
        de la dhimmitude et de " l'histoire musulmane du Maghreb ". 
        Ce décret est violemment attaqué par une partie de la communauté 
        européenne. Adolphe Crémieux, né en 1796 dans une 
        famille de vieille souche comtadine, est l'archétype distingué 
        et parfait de l'israélite français du XIXe. (Abitbol 
        Michel, Le passé d'une discorde : Juifs et Arabes du Vile à 
        nos jours, Perrin, Paris, 2003.) Il est l'apôtre infatigable 
        de la naturalisation des juifs d'Algérie et de " leur sortie 
        d'Egypte ". En 1880 on pose la première pierre de la grande 
        synagogue d'Oran. La population juive d'Algérie triple entre 1881 
        et 1931 et passe de 35 000 à plus de 100 000 habitants.
 
 De l'Affaire Dreyfus à Vichy : Face à 
        un antisémitisme violent (Oriol 
        Philippe)
 
 En 1895, des incidents et des violences contre les juifs éclatent 
        à Alger. En 1897 des manifestations se multiplient en France quand 
        l'Affaire Dreyfus reprend. Mais la situation est plus grave en Algérie. 
        Des boutiques sont détruites à Oran et de violentes émeutes 
        éclatent dans les principales villes de l'Oranie. Pour une partie 
        de la communauté européenne le juif est l'intrus qu'il faut 
        rejeter. Ils craignent que ceux-ci ne s'expriment pour la gauche républicaine. 
        Les anti-juifs ont peur de les voir occuper des postes dans l'administration. 
        Les causes de cette haine sont racistes, politiques, sociales et économiques. 
        (Oriol Philippe). De plus, 
        le décret Crémieux qui peut inciter les musulmans à 
        réclamer la même chose, est au coeur du débat. Ils 
        réclament son retrait. De graves émeutes ont lieu en janvier 
        1898. A cette même date Max Régis, antisémite reconnu, 
        prend la mairie d'Alger ( mais doit démissionner ), tandis que 
        Ed. Drumont entre au Parlement, d'autres antisémites sont élus 
        à Oran, Constantine et Alger.
 
 La guerre de 1914-1918 est pour les juifs le moyen de montrer leur patriotisme. 
        Ils font preuve de beaucoup de courage : 2850 morts.
 
 L'antisémitisme persiste néanmoins dans les casernes. Les 
        droits civiques ne sont pas respectés et des exclusions des listes 
        électorales ont lieu à Alger et à Oran. Pour s'opposer 
        à cet antisémitisme, le docteur Henri Aboulker crée 
        le Comité juif d'action économique et sociale. Mais des 
        émeutes éclatent encore à Alger en 1929 tandis que 
        les Jeunesses Patriotiques et les Croix de Feu se manifestent violemment. 
        Le 5 août 1934, de nouvelles émeutes se produisent à 
        Constantine avec des confrontations entre les juifs et les arabes ( 23 
        juifs assassinés et 3 musulmans tués ). Sentiment antijuif, 
        propagande des ligues, animosité entretenue par une partie de la 
        communauté européenne, profitent de la passivité 
        des autorités (Landau Philippe). 
        En 1939 est publié le décret- loi dit " Marchandeau 
        " qui condamne toute incitation à la haine raciale et religieuse. 
        Il est supprimé le 27 août 1940 et les antisémites 
        vont se réactiver sous Vichy. Sans pression allemande, l'abrogation 
        du décret Crémieux est prononcée en octobre 1940.
 
 Les juifs redeviennent indigènes et la mention " juif indigène 
        " est portée sur la carte d'identité pour répondre 
        à la promulgation du statut des juifs.
 
 En 1941, le Service algérien des questions juives est créé. 
        L'aryanisation de l'économie et de l'enseignement conduisent à 
        l'exclusion des personnels et des élèves avec application 
        d'un numerus clausus. Cette exclusion est ressentie très douloureusement 
        par la communauté. Des camps d'internement pour soldats juifs sont 
        également établis. Pour aider les troupes américaines 
        à débarquer en Afrique du Nord, 
        l'opération Torch est lancée. 
        Un groupe de résistants, dont des juifs, organise et prépare 
        le débarquement du 8 novembre 1942 sous l'autorité d'Henri 
        d'Astier de la Vigerie. C'est une réussite. Le général 
        de Gaulle arrive à Alger le 30 mars 1943. Par communiqué 
        du Comité Français de Libération Nationale ( CFLN 
        ), le décret Crémieux est rétabli le 20 octobre 1943. 
        ( Laloun Jean)
 
 Les juifs d'Algérie face au FLN : négociations 
        et attentats 1954-1962.
 
 Il est difficile en si peu de place de traiter des événements 
        de la guerre d'Algérie. Ainsi, c'est face au FLN et à ses 
        actions qui commencent en novembre 1954 que vont devoir se déterminer 
        les juifs d'Algérie. Par le décret Crémieux de 1870, 
        les Juifs sont français depuis plusieurs générations. 
        Ils sont très attachés à la nation française 
        et n'imaginent pas qu'il puisse y avoir une nation algérienne indépendante 
        de la France. Ils se rappellent que les nationalistes arabes ont accepté 
        une alliance avec les puissances de l'Axe ; ils ont aussi constaté 
        que la solidarité arabe fonctionnait. De nombreux attentats éclatent. 
        Le 20 août 1955 une insurrection générale dans le 
        Constantinois fait de nombreuses victimes. Le 12 mai 1956 de nouveaux 
        incidents graves ont lieu à Constantine. 
        Parallèlement, des contacts sont établis par le FLN entre 
        1954 et 1959. Quelles sont les dispositions d'esprit des juifs ?
 
 Ils ne veulent pas prendre position. Silencieux, ils souhaitent l'égalité 
        pour tous. D'un autre côté, ils sont traumatisés par 
        les incidents de mai 1956. Camus écrivait déjà dans 
        " l'Express " du 21 octobre 1955 : " Ces populations juives, 
        coincées depuis des années entre l'antisémitisme 
        français et la méfiance arabe... ".
 
 Aux Assises du Judaïsme algérien, Jacques Lazarus déclare 
        : " Que pouvons-nous faire? Etre vigilants, ne jamais provoquer, 
        mais tout tenter pour éviter de subir ".
 
 Dans le cadre des négociations et des prises de position le 20 
        août 1956, le FLN lance un appel à la communauté juive 
        d'Algérie et adresse une lettre publique, datée du ler octobre 
        1956, au Grand rabbin d'Alger ( lettre entrée dans l'histoire comme 
        " l'appel de la Soummam " ), exigeant que la communauté 
        se défasse de son attentisme " au dessus de la mêlée 
        ", qu'elle condamne " sans rémission le régime 
        colonial agonisant ", et se déclare " pour la nationalité 
        algérienne " ( Stora Benjamin 
        )
 
 Henri Chemouilli s'interroge : " Indigènes, allions-nous rejoindre 
        la grande tribu des Berbères ? Français, allions-nous trahir 
        la France ? ". (Chemouilli Henri, 
        Une diaspora méconnue: Les Juifs d'Algérie, Imprimerie Moderne 
        de la Presse, Paris 1976.)
 
 De son côté le Comité juif algérien d'études 
        sociales répond, fin novembre 1956, qu'il se veut neutre à 
        la recherche de l'égalité entre les citoyens. Il est favorable 
        à la paix et au respect des droits de l'homme. C'est une fin de 
        non recevoir et un basculement vers la thèse de l'Algérie 
        française. En 1958, André Narboni traduit la position de 
        la communauté à ce moment : " Vous nous demandez de 
        trahir une patrie dont nous sommes citoyens, la France, pour une patrie 
        qui n'existe pas encore. Nous entendons rester fidèles à 
        la France, fidèles aux idéaux de la justice et de la démocratie 
        ".
 
 Les contacts entre 1954 et 1959 ont échoué et les nombreux 
        attentats ont conduit, au début de 1960, la communauté juive 
        à rejoindre le camp favorable au maintien de l'Algérie française.
 
 Le 22 juin 1961 Raymond Leyris ( Cheikh Raymond ), célèbre 
        chanteur et musicien, est assassiné à Constantine. A la 
        fin de la même année les violentes manifestations du FLN 
        provoquent en quelques semaines le départ du pays.
 
 130 000 juifs sont rapatriés en France. Leur intégration 
        socio-professionnelle a été une réussite.
 Guy HazzanHistorien
 " Ce dossier est la synthèse 
        de plusieurs sources dont la principale est le catalogue de l'exposition 
        Juifs d'Algérie ".(a) sémitisation : langue punique et culture sémitique
 (b) Séfarade : Selon Victor Malka, la Bible désigne par 
        ce mot le continent ibérique. C'est à partir du XIVe siècle 
        que l'on a pris l'habitude d'appeler les juifs vivant en Espagne, les 
        juifs séfarades. A partir de 1492, ils commencèrent à 
        essaimer dans tout le bassin méditerranéen. (Victor Malka 
        "Les juifs sépharades" Que sais-je, Paris, 1991).
 
 Bibliographie
 
 Autres ouvrages disponibles sur ce thème :
 - Fenton Paul et Littman David, L'exil au Maghreb, la condition juive 
        sous l'Islam 1148-1912, PUPS Paris, 2010.
 - Kaspi André, Les Juifs pendant l'Occupation, Seuil, Paris, 1991.
 - Leroy Béatrice, L'expulsion des juifs d'Espagne, Berg International, 
        Paris, 1990.
 - Schaub Jean Frédéric, Les juifs du roi d'Espagne; Oran 
        1509-1669, Hachette Littératures, Paris, 1999. - Les juifs dans 
        l'histoire, de la naissance du judaïsme au monde contemporain, sous 
        la direction d'Antoine Germa, Benjamin Lelouch et Evelyne Patlagean, Champ 
        Vallon, Paris, 2011.
 - Jésus Pelaez del Rosal, Les juifs à Cordoue (Xe-X11e), 
        Ediciones el Almendro, Cordoba, 2003.
 - Jean Laloum et Jean-Luc Allouche, Les Juifs d'Algérie, Edition 
        du Scribe, Paris 1987.
 - Georges Meynié, Les Juifs en Algérie, Editeur Albert Savine, 
        Paris 1888.
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