| Les Photographes en 
        Algérie au XIXe siècle Les débuts de la photographie coïncident avec la conquête 
        de l'Algérie par les Français.
 
 Les témoignages des photographes de la deuxième moitié 
        du XIXe siècle sur l'Algérie sont encore méconnus, 
        ils concernent l'histoire de l'art, les techniques photographiques, l'ethnographie, 
        la sociologie et l'Histoire. Certains d'entre eux sont envoyés 
        comme correspondants de revues ou pour produire des albums, ainsi connaît-on 
        Félix- Jacques Moulin par Souvenirs d'Algérie ou l'Algérie 
        photographiée. D'autres n'y ont fait que de courts séjours.
 
 Quelques-uns font le choix de s'installer en Algérie, ce sont : 
        Jean-Baptiste Alary, Jean Geiser, Jean Prod'hom ayant lui une vocation 
        de voyageurs, enfin d'autres, comme Gustave de Courcival et Guillaume 
        de Champeaux, participent à des explorations dans le Souf ou l'extrême 
        Sud algérien.
 
 Peintures et Photographies orientalistes
 
 Les peintres ont les premiers représenté l'Algérie. 
        Avec la prise d'Alger, envoyés pour des missions précises, 
        les artistes forgent une iconographie officielle. Horace Vernet dans sa 
        toile monumentale Prise de la smalah d'Abd-el-Kader magnifie l'exploit 
        militaire. D'autres artistes inventent l'Orient et en restituent une image 
        rêvée.
 
 La soif des images " faites sur le motif " en Orient n'est pas 
        étrangère à la naissance de la photographie. Le fameux 
        coup d'éventail administré par le dey Hussein au consul 
        de France qui déclenche les hostilités entre les deux pays 
        date de la même année (1827) que les premières images 
        livrées par Nicéphore Niépce. Le daguerréotype,	
        lourd et inconfortable, est abandonné au profit du calotype auquel 
        succéderont les plaques de verre au collodion.
 
 L'installation progressive des colons en Algérie, les facilités 
        de voyages font que très rapidement les photographes vont suivre 
        les peintres.
 
 A la fin des années 1850, l'orientalisme photographique et l'orientalisme 
        pictural font route ensemble sans se trouver toutefois sur un pied d'égalité. 
        Si la photographie n'est pas encore admise dans le cercle des beaux-arts, 
        l'appareil photographique devient indispensable pour enregistrer les traces 
        des voyages. Des peintres comme Horace Vernet emploient la photographie 
        ainsi que les archéologues, les ethnographes ou les géographes 
        car cette technique garantit l'authenticité d'une réalité 
        souvent inaccessible au spectateur.
 
 Les peintres tentent d'opérer une fusion contre-nature : allier 
        le réel à l'imaginaire ce qui donne un kitsch exotique, 
        une forme de pittoresque sans frontières.
 
 La peinture et la photographie orientalistes recréent, sur un mode 
        souvent nostalgique, une sorte d'âge d'or permettant de se détourner 
        du présent. Dans cet effort de transposition, si l'iconographie 
        choisie par la peinture et par la photographie est semblable, ce sont 
        les méthodes plastiques employées dans chacun de ces deux 
        domaines qui diffèrent. Les artistes s'aident ainsi de la photographie 
        comme aide-mémoire ; l'appareil photographique est une caisse d'enregistrement 
        dénuée d'imagination. D'autres peintres se plaignant cruellement 
        de manquer de modèles en Algérie utilisent les photographies, 
        académies composées comme substituts. (" 
        Sophie Biass-Fabiani, 1998, catalogue de l'exposition, Photographies de 
        la collection Félix Ziem, Martigues, Musée Ziem, p. 31)
 
 Par ailleurs, de nombreux clichés seront utilisés par la 
        presse illustrée sous forme de gravures pour servir de support 
        à la politique coloniale de Napoléon III. Le photographe 
        J.A. Moulin devait d'ailleurs brosser le portrait de cette politique coloniale 
        en s'attachant à prendre des portraits de militaires français 
        et d'Algériens favorables à la présence française. 
        Adepte de la photographie d'atelier, Moulin compose ses portraits d'Algériens 
        comme il l'avait fait pour les académies, en s'attachant aux jeux 
        des draperies et faisant poser ses sujets sur des tapis assemblés, 
        qui permettent parfois de reconnaître la patte du maître.
 
 La photographie n'est pas encore considérée comme une forme 
        d'expression artistique, pourtant les clichés qui interviennent 
        dans la fabrication de toute image n'échappent pas aux critères 
        de la composition et du choix du sujet.
 
 L'organisation plastique de la photographie obéit aux mêmes 
        conventions que celles de la peinture. Elle cherche à répondre 
        avant tout à la demande d'images stéréotypées, 
        d'une lecture facile et immédiate. L'image orientale au XIXe siècle 
        ne supporte aucun contraste, aucune contradiction et préfigure 
        celle des affiches publicitaires pour des voyages au Maghreb. La partie 
        montrée de la réalité ne doit, en aucun cas, en suggérer 
        une autre, dissonante ou tendue.
 
 Quelques lieux de conservation des photographies concernant l'Algérie.
 
 La Société de géographie, fondée à 
        Paris en 1821, dispose d'un fond très important déposé 
        au département des Cartes et Plans de la Bibliothèque Nationale 
        de France.
 
 Dès 1861, la technique de la photographie est mentionnée 
        dans les archives du dépôt de la Guerre, le ministre recommandant 
        aux officiers de se mettre en relation avec le célèbre photographe 
        Disdéri qui propose des cours de formation. A cette époque 
        une colonne expéditionnaire dite " colonne du Souf part d'Alger 
        pour Touggourt, elle a laissé dans les archives photographiques 
        de la Société un précieux témoignage, 107 
        photographies racontent en images son trajet : bureaux arabes, marchés 
        et villages, assemblées de notables, campements nomades... tout 
        y est représenté.
 
 Le Service photographique du musée de l'Armée ; Le Service 
        historique de Versailles conservent un Album du ler régiment de 
        zouaves, 180 portraits d'officiers sont légendés qui ont 
        participé aux campagnes de Crimée, d'Italie, de Syrie, du 
        Sud algérien ; L'École Nationale supérieure des beaux-arts 
        ; La Société Roger-Viollet (f onds Neurdein) ; Le Centre 
        des Archives d'Outre-mer conservent le fonds Savorgnan de Brazza (1 85 
        2 -1 9 05), mort à Dakar.
 LES PHOTOGRAPHES Les photographes sont présentés 
        dans l'ordre chronologique de leurs voyages ou de leur activité 
        en Algérie.
 Delemotte ( 1798 - Alger ?).
 Un des tous premiers photographes installés en Algérie, 
        il a pour élève Jean-Baptiste Alary qui ouvre un studio 
        et s'associe à Mme Vve Geiser.
 
 Charles Marville (Paris 1813- 1879)
 Il gagne sa vie très jeune dans l'illustration et signe de nombreuses 
        images du Paul et Virginie de Bernardin de St Pierre puis des Mille et 
        une nuits. L'invention de Niépce et Daguerre en 1839 puis la divulgation 
        vers 1850 du négatif papier dit calotype, le décident à 
        changer de métier. Il devient " photographe du musée 
        impérial du Louvre " et associé de Blanquart-Evrard 
        un imprimeur photographique. Marville s'essaie à la tradition des 
        " voyages pittoresques " et franchit la Méditerranée 
        vers 1851. Les négatifs des épreuves prises en Algérie 
        ont disparu, sans doute à cause de la chaleur. Les vues algériennes 
        connues sont vite énumérées : Portrait d'un cheikh, 
        deux images de femmes indigènes, Vue du bois sacré de Blida, 
        l'ancien palais du dey d'Alger, le patio de l'archevêché, 
        une porte de la Casbah. L'art du calotype s'affirme dans son habileté 
        à rendre la lumière. A Paris, il photographie de nombreux 
        monuments, parcourt la France, voyage en Allemagne. Excellent technicien 
        il se met sans peine vers 1855 à la pratique de la plaque de verre 
        au collodion. Il laisse ses collections aux archives de la Ville de Paris.
 
 Le Gray ( Villiers-le-Bel 1820 - Le 
        Caire, 1884 )
 Il reçoit une médaille de première classe à 
        l'exposition universelle de 1855. Excellent praticien, il s'est intéressé 
        à la sensibilité des émulsions, à la qualité 
        des papiers, à la rationalisation des opérations de tirage. 
        Il a initié à la photographie ou conseillé nombre 
        de ses contemporains.
 
 Paul Jeuffrain (1809-1896)
 Manufacturier à Louviers ( Eure ) avant de devenir photographe, 
        il pratique la calotypie et photographie l'Algérie en 1854. 11 
        est membre fondateur de la Société française de photographie 
        en 1854.
 
 John Beasly Greene ( Le Havre, 1832- 
        Le Caire, 1856 )
 Fils d'un banquier américain, archéologue précoce, 
        durant sa courte vie, Greene produit une oeuvre impressionnante en Égypte 
        et en Algérie. Il s'embarque en 1855 pour l'Algérie et travaille 
        principalement à Cherchell et dans les environs du tombeau de la 
        chrétienne ainsi qu'à Constantine en 1856. Il emploie la 
        technique du négatif sur papier, mise au point par Henry Fox-Talbot.
 
 Jacques-Antoine Moulin ( Montreuil-sur- 
        Mer, 1802 - après 1875 )
 C'est avec le daguerréotype qu'il commence la photographie en 1840, 
        il débarque en Algérie en 1856, où il restera dix-huit 
        mois, muni d'une lettre de recommandation du ministre de la guerre, le 
        maréchal Vaillant. Moulin réalise quelques centaines de 
        clichés (albumine ou collodion), des portraits et des prises de 
        vue d'une Algérie inconnue. Il commercialise un ensemble de 300 
        photographies sous le titre Souvenirs d'Algérie ou l'Algérie 
        photographiée.
 
 Gustave de Beaucorps ( 1825-1906 )
 Originaire de Saintonge, Beaucorps à trente- deux ans entreprend 
        un voyage autour de la Méditerranée, il est en Algérie 
        en 1859. La plupart de ses photographies sont des paysages, des monuments 
        ( de l'art musulman ), des portraits, réalisés avec la technique 
        du calotype. Il expose à la Société française 
        de photographie en 1859.
 
 Jean-Baptiste Antoine Alary ( Dausse 
        (Lot- et-Garonne ) vers 1810 - Alger, vers 1867) Encadreur-doreur un des 
        premiers photographes d'Algérie, il est initié à 
        la photographie par Delemotte, s'associe en 1854 avec Mme Vve Geiser. 
        Son atelier à Alger (1, rue Neuve Majon) dispose d'une succursale 
        à Bône.
 
 Dr Jakob August Lorent ( 1813-1894 
        )
 Né à Charlestown aux États-Unis, il émigre 
        en Allemagne et soutient en 1837 une thèse universitaire en sciences 
        naturelles et s'intéresse à la photographie. Son premier 
        voyage au Proche-Orient se situe en 1842, il devient en 1858 membre de 
        la Société française de photographie et bénéficie 
        des leçons de Le Gray, inventeur du procédé de photographie 
        sur cire. En 1861, Lorent publie Égypte, Alhambra, Tlemcen, Alger, 
        esquisses photographiques à la suite d'un voyage qu'il a effectué 
        autour de la Méditerranée en 1859.11 contribue à 
        la revue Le Moniteur de la Photographie où il décrit ses 
        procédés de prises de vue. Il entre en 1858 à la 
        Société française de photographie.
 
 André Adolphe Eugène Disdéri 
        ( Paris 18191889 )
 Disdéri vient à la photographie en 1848, ouvre un atelier 
        à Brest puis dans plusieurs villes de France. L'on suppose qu'il 
        accompagne l'empereur à Alger lors de sa première visite 
        en 1860. Il dépose de nombreux brevets concernant les procédés 
        photographiques. Gustave Alexandre Maurice Thimoléon Stelaye Baigneux 
        de Courcival ( 1834 - 1908 ) Officier de cavalerie, il accompagne en 1861 
        l'expédition dite " colonne du Souf ", d'Alger à 
        Touggourt, traversant le Hodna, longeant l'Aurès pour atteindre 
        les confins sahariens.
 
 De Jongh et Bargignac
 Photographes marseillais, ils s'associent pour produire des clichés 
        de Touareg venus à Marseille en 1862 pour nouer des relations commerciales 
        avec les plus importantes maisons d'exportation.
 
 Edouard-Denis Baldus ( Grünebach Allemagne 1813 - Arcueil-Cachan 
        1889) Héliographiste ( il est un des inventeurs du procédé 
        initié par Niepce ), Baldus innove plastiquement dans un registre 
        très personnel, il se spécialise sur les viaducs, voies 
        ferrées, ballasts et gares.
 
 Louis-Jean Delton ( avant 1820-après 
        1896 )
 Son appartenance au Jockey-Club explique la nature de son activité 
        photographique. Il photographie Abd-el-Kader et sa suite venus à 
        Paris en 1865.
 
 Claude-Joseph Portier ( Paris, 1841 
        - ? )
 Portier a un studio à Alger ; il réalise de 1860 à 
        1880 une série de portraits, de scènes et de types intitulés 
        Algérie pittoresque.
 
 Louis-Frédéric Geiser 
        ( La Chaux- de-Fonds 1841- Alger, 1870 ), Lucien-James 
        Geiser ( La Chaux-de-Fonds 1843 - Alger 1872 ), 
        Jean-Théophile Geiser 
        ( La Chaux-de-Fonds 1848 - Alger 1923 ).
 Les enfants de Lucien Geiser sont tous photographes. Le troisième, 
        Jean Geiser, devient le plus connu car il réalise une importante 
        série de scènes et de types qui sont reproduits en cartes 
        postales. Il ajoute à cela une activité d'éditeur 
        à Alger. Geiser est récompensé dans de nombreuses 
        expositions ainsi qu'à Paris, Vienne, Amsterdam, Nice. Son studio 
        est installé rue Bab-Azoun avec une succursale à Blida.
 
 Docteur J. Dummartin
 Nullement répertorié comme photographe professionnel, on 
        a pensé qu'il s'agissait d'un ingénieur de la Société 
        de construction des Batignolles. Celle-ci réalise la ligne de chemin 
        de fer Bône-Guelma et la concession des lignes Souk-Arhas-frontière 
        tunisienne.
 
 Fernand Foureau ( 1850-1914 )
 Grand explorateur du Sahara, il participe à la mission Foureau-Lamy 
        patronnée par la Société de géographie en 
        1898. Au cours de précédents voyages en 1877, il crée 
        avec son cousin la Société de l'Oued Rhir qui s'emploie 
        au forage des puits et au développement des palmeraies entre Biskra 
        et Touggourt. Sa collection de photographies appartient à la Société 
        de Géographie.
 
 Jean Prod'hom ( La Chaux-de-Fonds, 
        1827- après 1900 ).
 Avec sa femme, il ouvre un studio en 1867 et en 1879, il suit comme photographe 
        le régiment du XVe bataillon de chasseurs, en campagne dans l'Aurès.
 
 Luigi Fiorillo
 Photographe italien, il expose pour la première fois à Naples 
        en 1871. 11 voyage dans tout le Moyen-Orient, rapporte des photos pittoresques 
        et documentaires ( travaux du canal de Suez, bombardements du port d'Alexandrie 
        ). Il couvre la campagne d'Italie en Abyssinie en 1887 et photographie 
        Lambèse en Algérie.
 
 Charles Famin & Cie
 Famin photographe éditeur à Alger, rue Bab-Azoun, reçoit 
        une médaille d'or en 1889. Son fils André-Adrien aurait 
        accompagné la mission Galliéni au Soudan en 1888.
 
 Émile Frechon (1848 - Alger, 
        1921)
 Journaliste, il devient photographe à 37 ans. En 1887, il part 
        à Alger sollicité par le photographe d'art Jules Gervais-Courtellemont. 
        Il travaille dans l'oasis de Biskra
 
 Guillaume de Champeaux ( 1860-1913 
        )
 Lieutenant au 1er régiment de spahis, il laisse un album personnel 
        de photographies concernant Laghouat et El-Goléa.
 
 Albert Ballu ( Paris 1849 - 1939 )
 Architecte des monuments historiques de l'Algérie en 1889, il dirige 
        les fouilles de Timgad.
 Certaines photos sont réalisées en collaboration avec Neurdein.
 
 Etienne et Antonin Neurdein ( N.D. 
        )
 Fils du photographe Jean Neurdein dit Charlet, les deux frères 
        reprennent la société Ferrier et Soulié. Antonin 
        est admis à la Société française de photographie 
        en 1884, ils s'associeront aux Etablissement Lévy. En Algérie 
        leurs documents concernent le Sahara, Tebessa, Bougie.
 
 Alexandre Leroux ( Béziers, 
        1836 - Alger, 1912 ).
 Ce photographe a successivement trois ateliers à Alger, l'un d'eux 
        acheté à Claude Portier. Ses trois fils reprennent ses affaires 
        et effectuent des tirages d'après ses négatifs, portant 
        le tampon " PHOT ; LEROUX, 14, rue Bab-Azoun, Alger. " Ce photographe 
        nous laisse un reportage contemporain de l'affaire Dreyfus sur l'Algérie 
        antijuive ( troubles de février-mars 1898 ) qui est conservé 
        au Centre des Archives d'outre-mer.
 Elisabeth Cazenave
 BibliographieJean-Charles Humbert, Jean Geiser photographe, éditeur d'art, Alger, 
        1848-1923, Ibis Press, Paris, 2008
 Catalogue du Musée-Galerie de la Seita, 1999,
 Photographes en Algérie au XIXe siècle.
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