| La presse dans 
        l'Est algérien Les débuts de la presse en Algérie 
        sont liés à ceux de l'occupation française (cf. Mémoire 
        Vive n°40). Il faudra attendre le début du XXème siècle 
        pour que celle-ci devienne vraiment indépendante.
 La presse en Algérie fut représentée, jusqu'en 1839, 
        par le journal " le Moniteur ". C'est à partir du mois 
        de juillet que naquirent des journaux locaux avec des titres célèbres 
        tels que : " l'Akhbar " à Alger ou " l'Echo d'Oran 
        ", créé par Adolphe PERRIER, qui resta pendant quatre 
        ans le seul organe de presse de la ville. Dans le même temps naquit 
        le premier journal de l'Est algérien : " la Seybouse " 
        de Bône en 1844, suivi du " Courrier de Philippeville ". 
        Ces modestes feuilles paraissaient en hebdomadaire.
 
 En 1830 une charte, modifiant celle de 1814, fut établie. Pour 
        la presse en général, elle y interdisait de parler de guerre, 
        de politique ou d'administration mais stipulait à l'article 7, 
        (ancien article 8), que le texte : "... qui doivent réprimer 
        les abus de liberté ", devait être supprimé, 
        et que devait être ajouté : " La censure ne pourra jamais 
        être rétablie ". Il ne semble pas que l'autorité 
        ait pratiqué de censure à cette période.
 
 En 1846 une tentative d'institution de la censure, par le ministre de 
        la guerre, fut de courte durée ; BUGEAUD obtint sa suppression 
        et demanda à ce que la presse en Algérie soit organisée 
        sur les mêmes bases qu'en France, ...sauf les exceptions exigées 
        par les circonstances locales... ".
 
 Le ministre de la guerre, loin de se soumettre à w cette demande, 
        profita, à la fin de l'année 1846, d'un article de " 
        l'Akhbar ", annonçant l'arrivée d'une caravane d'une 
        vingtaine d'esclaves à mettre en vente, pour rétablir la 
        censure. Celle-ci fut rétablie sur ordre de GUIZOT et confiée 
        à un très jeune fonctionnaire...
 
 " Tout frais débarqué... et... zélé ", 
        maniant ciseaux et encre rouge avec des résultats parfois étonnants... 
        C'est ainsi que le 28 février 1848 " l'Akhbar " livra 
        un impressionnant " blanc de première page ", suite à 
        la censure d'un article particulièrement inoffensif que ce fonctionnaire 
        avait décidé d'interdire.
 
 La presse sous la seconde République :
 
 Le 15 mars 1848, le Gouverneur Général fit connaître 
        le nouveau régime de la presse algérienne :
 - Abolition de la censure.
 - Promesse d'assimilation avec la législation nationale.
 " ...à la veille de l'appel qui va être fait à 
        la nation pour qu'elle manifeste sa volonté sur les bases de la 
        Constitution, il importe que les citoyens français d'Algérie 
        jouissent sans délai du bienfait d'une presse libre... " Article 
        premier - Les lois et ordonnances qui régissent en France la presse 
        sont provisoirement applicables à l'Algérie, sauf les exceptions 
        des articles 2 et 3 :
 - Article 2 - Il sera sursis à exiger le versement du cautionnement 
        jusqu'à ce que le régime de presse ait été 
        définitivement fixé.
 - Article 3 - Aucune publication ou article de journal ayant pour objet 
        :
 1° Les opérations militaires
 2° Les mouvements de troupes
 3° Les travaux de défense de terre et de mer
 Ces dispositions donnèrent, jusqu'en 
        juin 1848, quatre mois de liberté presque 
        illimitée. Cette période fut caractérisée 
        par la création de nombreux organes de presse, dont, pour l'Est 
        Algérien : " le Courrier de Constantine à Constantine, 
        " le Gourayah " à Bougie. Le deuxième caractère 
        de cette période de liberté fut qu'en ces jours d'espoir 
        révolutionnaire, " la Seybouse " nous renseigne sur l'activité 
        des " amis du peuple ", qui furent au premier plan des troubles 
        de Bône en mai 1848, ainsi que le " Courrier de Philippeville 
        " qui nous informe de l'activité du club de la " Fraternité 
        ".
 La liberté de la presse fut mise à mal par les lois contraignantes 
        d'août 1848 (cautionnement et délits contre l'ordre, l'Assemblée 
        ou la République), de juillet 1849 (offense au Président 
        et provocation aux militaires pour les détourner de leurs devoirs) 
        et d'août 1850 (impose la signature des articles et crée 
        le " droit de réponse "), le cautionnement imposé 
        obligea la plupart des feuilles existantes à ouvrir une liste de 
        souscription pour survivre.
 
 Pour leur création, bon nombre de journaux, constituèrent 
        une " société par actions ", ce fut, par exemple, 
        le cas du " Saf-Saf " de Philippeville, du " Courrier de 
        Bône " ou du " Journal de Constantine ".
 
 Ces différentes lois permirent la prolifération de sanctions 
        et de procès : le " Journal de Constantine " se vit infliger 
        500 Fr. d'amende pour avoir refusé l'insertion d'une lettre, puis 
        1000 Fr. et six mois de prison à son directeur pour avoir publié 
        une lettre de reproches à un
 administrateur.
 
 Les journaux algériens en général, et de l'Est algérien 
        en particulier, avaient des traits communs :
 - Un sentiment d'isolement et de défiance vis- à-vis de 
        l'administration.
 - Un goût pour les déclamations doctrinales, d'un ton vif, 
        parfois ironique.
 - Des sentiments républicains, à quelques exceptions près.
 
 Peut-on situer certains de ces journaux ? La " Seybouse ", créée 
        à Bône en 1844 par l'imprimeur DAGAND avec l'autorisation 
        du Maréchal BUGEAUD, paraissait en 1848 une ou deux fois par semaine. 
        Ce journal accepta les événements de février 1848 
        avec enthousiasme, puis prit une certaine défiance à l'égard 
        des partis extrêmes... " Les impérialistes et leurs 
        millions, les communistes et leurs mensonges dorés... ", à 
        contrario, les victimes de la répression lui semblèrent 
        toujours dignes d'intérêt...
 
 Le " Courrier de Bône " vit le jour en 1849 grâce 
        à une société par actions, Bertier de Sauvigny en 
        était gérant. Par une profession de foi originale, il déclara 
        vouloir délaisser "...la politique qui en Algérie ne 
        signifie rien... " pour se consacrer uniquement aux "...intérêts 
        algériens... ", à l'assimilation complète et 
        au développement de la colonisation. Paraissant quatre fois par 
        mois, il donnait une correspondance suivie de tous les centres de colonisation.
 
        
          | Léon-Justin AUMERAN, créateur 
              de " l'Union Républicaine" à Philippeville Léon-Justin AUMERAN (1862-1951) est né 
              à Philippeville le 29 janvier 1862, imprimeur et publiciste, 
              il fonde en 1895 " l'Union Républicaine " avec 
              le soutien de René RICOUX, maire de Philippeville, souvent 
              présenté comme le véritable propriétaire 
              du journal. Sans doute les deux hommes sont-ils associés 
              quelque temps.
 En 1908 Léon-Justin AUMERAN est devenu le seul propriétaire 
              du journal, c'est lui qui, en 1920, le vend " à un groupe 
              de commerçants et d'industriels ", il conserve jusqu'en 
              1925 la propriété de son imprimerie. En 1910, il fonde 
              " le Colon Algérien Illustré ", journal 
              agricole dont la rédaction est assurée par son neveu 
              Adolphe AUMERAN*. En 1912 ce journal est transféré 
              à Alger et devient " la Revue Agricole et Viticole de 
              l'Afrique du Nord ".
 
 De 1908 à 1912, Léon-Justin AUMERAN siège au 
              conseil municipal. En 1920 il abandonne le journalisme et la vie 
              politique pour se consacrer aux affaires. Depuis 1908 il est associé 
              à J.CACIOTOLO dans l'exploitation d'une usine de conserves 
              alimentaires et de salaisons de poissons.
 
 Il fait valoir un domaine viticole dans les environs de Philippeville 
              et crée en 1939 sur des terres qui appartiennent à 
              sa femme, le lotissement de Jeanne d'Arc (Ben Mehidi) où 
              il construit la première villa, la villa " Simonette 
              ".
 
 Il est membre de la Loge des Enfants de Mars.
 
 *Le général Adolphe AUMERAN dirigera, également, 
              les journaux suivants : " la Revue Agricole et Viticole de 
              l'Afrique du Nord " et " l'Africain ".
 |  Le " Saf-Saf ", créé 
        en octobre 1844 à Philippeville par Le PROUST des AGEUX, souhaitait 
        aussi l'assimilation mais avec la" décentralisation " par méfiance envers Alger. 
        Cet hebdomadaire désirait " ...l'ordre dans la liberté... 
        ", admire BARRAULT, le docteur WARNIER et décochait quelques 
        flèches à Louis NAPOLEON.
 
 Toutefois, sa modération lui fit craindre... " Les énergumènes 
        de la réaction et les enfants perdus de la démagogie... 
        ". Il s'effacera en 1851 devant le " Zeramna " fondé 
        en 1850.
 
 Le " Journal de Constantine ", fondé par GUENDE, imprimeur- 
        gérant, en mars 1848, paraissait tous les cinq jours, il défendait 
        surtout des intérêts de clocher. Il céda la place 
        au journal le " Progrès de Constantine " en 1850, lequel 
        " Progrès de Constantine " mourra en juillet 1852. " 
        L'Africain- Estafette de Constantine ", créé en juillet 
        1851, était destiné à jouer un rôle de défenseur 
        de l'administration dans la province de l'Est, comme le faisait le " 
        Courrier d'Oran " dans l'Ouest, il restera jusqu'en 1858 le seul 
        journal du chef lieu sous le nom de " L'Africain ".
 Le passage au pouvoir du Prince Jérôme permit d'introduire 
        au nombre des dirigeants de la presse algérienne plusieurs déportés 
        politiques, dont l'un d'entre eux, Louis MARLE, joua un rôle primordial 
        dans le lancement de " l'Indépendant de Constantine " 
        en 1858, Emile THUILLIER, condamné de juin, y collabora de manière 
        assidue.
 En 1860 le maréchal PELISSIER donna 
        les coudées plus franches à la presse 
        algérienne, la liste des journaux s'allongea, toutefois le décret 
        du 7 juillet 1864 donna aux généraux autorité sur 
        les préfets, ouvrant à nouveau, une période de " 
        sévérité " à l'égard de cette 
        presse. 1867 voit la pression s'atténuer, le gouvernement renoncer 
        au système des avertissements. Cette phase de libéralisme 
        tourna court, Mac Mahon s'opposa à la promulgation de la loi du 
        9 mars 1868 en Algérie, et ordonna aux généraux commandant 
        les provinces d'employer contre la presse "... tous les moyens que 
        les lois en vigueur mettent à leur disposition... ".
 La presse de l'Est algérien vit ainsi naître " l'Echo 
        de Sétif " en 1860, le " Messager Algérien " 
        de Philippeville en 1865, la " Mahouna " de Guelma en 1867, 
        le "Progrès de l'Algérie " de Constantine en 1867, 
        " l'Est Algérien " de Bône en 1868 et " l'Avenir 
        " de Constantine en 1870.
 La chute de l'Empire libéra la presse de la plupart de ses entraves 
        ; elle connaîtra après 1870 et tout au long de la IIIème 
        République un essor et une diversité sans précédent 
        " ...luttes politiques, rivalités de personnes, affrontements 
        d'intérêts économiques, courants religieux, philosophiques 
        et littéraires...", donnant naissance à des centaines 
        de titres qui s'affrontèrent souvent violemment ainsi qu'en témoigne 
        la presse du département de Constantine entre 1870 et 1918... ".
 
 La presse de l'Est algérien, si elle a connu des débuts 
        modestes, ralentis par la censure et une diffusion très faible, 
        n'a pas manqué de surprendre sous la seconde République 
        par sa vigueur ; toutefois, nombreux furent les journaux qui ne publièrent 
        que leur numéro 1. C'est la IIIème république qui 
        permit à la presse de recouvrer son dynamisme, plus de 550 titres 
        de journaux de " l'Est Algérien " ont été 
        recensés sur cette période. Le XXème siècle 
        nous amènera à constater une évolution quasiment 
        parallèle des presses en France et en Algérie.
 L'indépendance de l'Algérie verra disparaître la majorité 
        des titres de la presse française en 1962. La " Dépêche 
        de Constantine ", quant à elle, sera nationalisée en 
        1963.
 
 En ce qui concerne l'état de conservation actuelle des archives 
        en France et en Algérie, Louis-Pierre MONTOY, dans sa thèse 
        " La presse dans le département de Constantine ", nous 
        éclaire de la manière suivante :
 
 " ...Les dépôts susceptibles d'abriter les collections 
        de journaux du département de Constantine, sont ceux de la wilaya 
        (ex-préfecture) de Constantine et ceux de l'annexe de la Bibliothèque 
        Nationale de Versailles. Là se trouve la majorité des journaux 
        conservés. Les collections, malgré leurs nombreuses lacunes, 
        se complètent néanmoins assez bien pour les titres les plus 
        importants et la période entre 1881 et 1918. Par contre, les journaux 
        publiés entre 1870 et 1881 sont conservés de manière 
        extrêmement fragmentaire et uniquement à Versailles.
 A Alger (Archives nationales - Archives de la wilaya - Bibliothèque 
        nationale et municipale), à Oran (Archives de la wilaya) et à 
        Aix-en Provence (Archives d'Outre-mer) on ne trouve que quelques numéros 
        épars d'un nombre très réduit de journaux du Constantinois. 
        Les bibliothèques municipales des différentes villes du 
        département pourraient recéler quelques collections des 
        journaux locaux. C'est le cas de la bibliothèque municipale d'Annaba 
        (Bône) fermée depuis 1962, mais à laquelle nous avons 
        pu avoir accès grâce à l'obligeance du secrétaire 
        général de l'Assemblée Populaire Communale.
 
 A Constantine, les collections de la presse locale ont été 
        déménagées au palais du Bey où nous avons 
        pu les apercevoir, mais non les consulter. Nous attendons pour le faire 
        une autorisation, certes promise, mais toujours pas accordée*.
 
 A Batna et à Sétif il n'y a rien aux dires des responsables 
        locaux, de même qu'à Bougie, Djidjelli, Guelma et Philippeville.
 
 A Constantine, enfin, les archives de la maison de l'agriculture, de la 
        bourse du travail et celles du service des mines renfermeraient quelques 
        collections de revues agricoles, syndicales ou minières ; leur 
        accès est conditionné à une autorisation dont l'obtention, 
        à l'heure actuelle, demeure bien problématique. Il en est 
        de même pour les archives de l'ancienne " Dépêche 
        de Constantine ", dont les locaux sont occupés depuis 1963 
        par le quotidien régional " An Nasr "
 Constantine, octobre 1979.* Cette autorisation a été obtenue en janvier 1980. Les 
        collections sont à nouveau conservées aux archives de l'Assemblée 
        Populaire Communale ; elles sont particulièrement importantes pour 
        " le Républicain de Constantine ", " l'Indépendant 
        " et la " Dépêche de Constantine ".
 
 Nous tenons à souligner le travail exceptionnel que Louis-Pierre 
        MONTOY a effectué pour réaliser sa thèse. Ce document, 
        intégré au fonds du CDHA, est un don de Michel DURAND-DELGA.
 Alain Gibergues Sources bibliographiques :- " La presse dans le département de Constantine ", Thèse 
        de doctorat d'état présentée par Louis-Pierre MONTOY, 
        sous la direction de Monsieur le professeur Jean- Louis MIEGE - Université 
        de Provence " Lettres et sciences humaines " Institut d'Histoire 
        des Pays d'Outre-mer - 1982.
 - Documents Algériens : " La presse Algérienne de 1830 
        à 1852 " Mme G. SERS- GAL, agrégée de l'Université 
        d'Alger.
 - " Annuaire de la presse " 1949.
 
 Le CDHA remercie M. Pierre AUMERAN pour le don des deux collections de 
        : " La revue agricole et viticole de l'Afrique du Nord " et 
        de " l'Africain ".
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