| Bou Ismaël - Castiglionepar Lucien Patania et Edgar Scotti ()
 Ce centre a été créé en 1848 
        sur 1484 ha en coteaux, avec des travailleurs parisiens du 4e convoi partis 
        de Paris le 22 octobre de la même année. Arrivés le 
        4 novembre 1848 à Marseille, les 843 adultes furent aussitôt 
        embarqués sur la frégate " Montezuma " commandée 
        par le capitaine de vaisseau Cunéo d'Ornano. Ce convoi était 
        sous les ordres du chef d'escadron Durrieu du 3e Spahis et de l'adjudant-chef 
        Goy. Le chirurgien-major Mounier, du Val- de-Grâce, avait en charge 
        la santé des passagers destinés aux futurs villages de l'ouest 
        algérois, El Affroun, Castiglione, Bou 
        Haroun, Tefeschoun, Bérard 
        (Tagoureit).
 Au cours de la construction du village, des tombes, des médailles, 
        une amphore servant d'ossuaire, des inscriptions chrétiennes du 
        lite siècle, ainsi que des colonnes d'une ancienne église 
        avec une colombe sculptée, furent découvertes. Mais rien 
        ne permit de donner un nom à la ville romaine qui s'étendait 
        sur ce site. Les premiers agriculteurs dont les noms suivent consacrèrent 
        aussitôt tous leurs efforts à défricher pour cultiver 
        : blé tendre, coton, tabac et même des arachides, dans des 
        sols sableux particulièrement propices à cette culture: 
        MM. Boucher, Chérot, Jean-Marie Crucy, Goubellon, Michel, Miguel, 
        Poincinet, Raynaud, Roux-Cuny, Schisler, Tardu, Tramu.
 
 Cette commune de plein exercice prit le nom de la victoire que le général 
        Augereau remporta sur les Autrichiens le 15 août 1796 à Castiglione 
        delle Stiviere au nord- ouest de Mantoue. Avec une altitude de 75 m au-dessus 
        de la mer, le village est situé à 45 km à l'ouest 
        d'Alger et à 7 km de 
        Koléa.
 
 Ce centre était desservi par deux routes, l'une longeant le littoral 
        par 
        Douaouda, Fouka-Marine, 
        Castiglione, l'autre passant par Oued el-Alleug.
 
 A partir de 1892, les chemins de fer sur routes d'Algérie, les 
          
        CFRA, ouvrirent une ligne à écartement de 1,055 
        m, à traction vapeur partant d'Alger avec arrêts à 
        Pointe Pescade, Baïnem, Guyotville, Staouéli. À Zéralda 
        il y avait un embranchement sur Fouka et un autre sur Castiglione. En 
        1898, cette ligne était prolongée vers l'est par un tunnel 
        de 800 m creusé sous la pointe 
        El-Kettani débouchant sur le quai nord. Bien qu'envisagée 
        dès 1930, par M. Varcollier, directeur des CFRA, cette ébauche 
        de futur métro, ne sera jamais réalisée. 
        Elle aurait pourtant permis la desserte en site propre des actives régions 
        agricoles et des plages très fréquentées de l'ouest 
        et de l'est algérois.
 
 En raison de son climat maritime avec des températures extrêmement 
        douces de 10 °C au-dessus de zéro en hiver et de 40 °C 
        en été, Castiglione était déjà en 1900, 
        une station balnéaire de premier plan dotée d'une belle 
        plage. Le village, relié à Alger par une ligne téléphonique, 
        avait une école de filles à trois classes et une école 
        de garçons à deux classes.
 
 Avec 1510 habitants, l'activité de la population de Castiglione 
        était tournée vers la terre : vignobles, maraîchage 
        de primeurs, plantes à parfums, et vers la mer pour le cabotage: 
        pêche, conserverie, séchage ou saumurage des sardines et 
        anchois.
 
 En raison de sa proximité avec de petits hameaux, comme Chaïba, 
        Berbessa, Messaoud, Chiffalo, Bou Haroun, le village de Castiglione constitua 
        très rapidement un pôle d'attraction et un débouché, 
        où agriculteurs et pêcheurs pouvaient écouler leurs 
        produits, faire leurs achats, réparer leurs outils, accomplir toutes 
        leurs formalités administratives. Les lieux de rencontres entre 
        habitants et agriculteurs des villages environnants y étaient particulièrement 
        nombreux.
 
 Les sols légers de la région de Castiglione étaient 
        particulièrement propices à la culture de la vigne et notamment 
        du chasselas précoce. Les vins rouge et rosé étaient 
        appréciés.
 
        
          | Administration municipale en 1900
 Maire : M. Edouard Guelpa; adjoint au maire: M. 
              Emile Thirion; secrétaire de mairie: M. Armand Delmas; architecte 
              communal: M. Hyacinthe Neige; cantonnier communal : M. Joseph Guerrier; 
              commissaire de police : M. Emile Germond; gardes-champêtres 
              : MM. François Turco et Hyppolite Chatton; receveur des contributions 
              diverses: M. Léon Gesta; postes des douanes: M. Isidore Pacou, 
              brigadier avec trois douaniers; garde-maritime: M. Vincent Garau; 
              médecin: Docteur Fernand Saint-Cyr; pharmacien: Louis Bressy 
              ; sages-femmes : Mme Vve Baudry, Mile Lemaître; curé: 
              M. l'abbé Dubourg; instituteurs : MM. Hermitte père 
              et fils; institutrices: Mu" Abadie, Laroche, Léonie 
              Chétrit, Jeanne Motta; pensionnat des soeurs de la doctrine 
              chrétienne: Mme Alexandra, mère supérieure; 
              postes et télégraphe: M. Paul Revillet, receveur; 
              M. Emile Vasseur, facteur urbain; M. Adrien Daguilane facteur rural; 
              bureau de la Régie : M. Octave Vasseur; chef cantonnier départemental: 
              M. Eugène Benoît; cantonnier départemental : 
              M. Armand Capus; gardien du cimetière : M. Léon Christophe; 
              tambour de ville et afficheur: M. Raphaël Griffe. Artisans et commerçants 
              en 1900 Bouchers : Mme Vve Laplanche et M. Louis Laplanche; 
              boulangers : MM. Francisi, Ferrer, Garcia et Lert; cafetiers: MM. 
              Martinez au " Café du Plateau ", Ferrer " 
              Café de Paris ", Sevin " Café de France 
              ", Fuster " Café des Amis ", Garcia " 
              Le Glacier ", Mme Vve Triay " Café des Bains ", 
              M. Pascal " Café des Bellombras ", Mme Vve Goubillon 
              " Café Français ", M. Crispo " Café 
              Bellevue ", M. Pons " Café de la Marine ", 
              M. Vidal " Café du Sahel ", M. Molinès " 
              Café de Belle-Vue ", Etienne Billa, " Café 
              des Colons ", Poehner, " Café du Tapis Vert ", 
              M. Crespo, "Café de Valence ", Levère " 
              Café de la Plage "; charrons-forgerons: MM. Albertini, 
              Béranger et Revol; courtier en vins: M. Jean Matignon; distillateurs 
              de géranium: MM. Emile et Léon Novel; entrepreneurs 
              de travaux publics : MM. Joseph Escriva, Henri Melon, François 
              Pondié, Léon Coutton, Charles Garcia, Louis Pollastrini; 
              épiciers: MM. Delcroix, Décélis, Laroza, Mercurio, 
              Olive, Cauquil, Maladia, Marceau et Mathieu; ferblantier : M. Fernand 
              Rouget; hôteliers : MM. Pons " Hôtel de la Marine 
              ", Sevin, " Hôtel de France ", Poehner " 
              Hôtel du Tapis Vert ", Ferrer " Hôtel de Paris 
              "; menuisiers : MM. Isner, Robichon, Tailleur; mercerie et 
              nouveautés: Melle Giovanelli, MM. Sutty et Honoré 
              Peillon; apprêteurs de poissons frais: MM. Décélis, 
              Salvo, Olive, Delcroix, Amato; quincailliers: MM. Delcroix et Rouget; 
              tailleuses couturières : Mmes Barthès, Pons, Maurel 
              et Melle Giovanelli ; transports maritimes : lignes côtières 
              algériennes : Schiaffino, lobez, Mathieu et Cie; agent consignataire 
              : M. Couturier; Prosper Durand et (' e : agent consignataire M. 
              Julien Matignon; syndicat des irrigations : M. Clément Humbert; 
              syndicat des viti( ulteurs : M. Victor Magnier; expert du service 
              du phylloxera : M. Joseph Sire; cercle civil: M. Jean Blüsset, 
              commandant en retraite, président; foudriers : MM. Léon 
              Méric, Paul Cauquil, Paul Jean; maréchaux-ferrants: 
              MM. Revoul et Gomez ; voitures publiques : de Castiglione à 
              Alger et de Castiglione à Cherchell Mme Vve Cazassus ; de 
              Castiglione à Alger et de Castiglione à Cherchell 
              Mme Vve Soubirous; de Castiglione à Blida : M. Bailly ; Castiglione 
              à Zéralda (gare) : M. Cazassus fils; entrepreneurs 
              de transport: MM. Jacques Lorca, Antoine Garcia; peintres en bâtiments 
              : MM. Poehner, Gonzalez et Brandi ; commerçant en grains 
              et farines : Mme Vve Vaillant; entrepreneur d'éclairage: 
              M. Alexandre Frémaux; détartreurs : MM. Savignac, 
              Durand, Borell et Roques ; coiffeurs : MM. Galiano et Laroza; cordonniers: 
              MM. Cantos et Belmontès; horloger: M. Barthès; collecteur 
              de marché: M. Félix Turco.Parmi les viticulteurs citons MM. Eugène Benoît (père), 
              les héritiers Sidobre, MM. Veyre frères, Louis Casabonne, 
              les héritiers Santerre, les héritiers Chatelain, Mme 
              Irène Clavé,
 Viticulteurs en 
              1900 MM. Jacques Clément, Félix Esposito, 
              Louis Davin, Charles Cornu, André Couturier, Bernard Crespo, 
              Antoine Crespo, Mme Vve Jean-Baptiste Cuq, MM. Emile Dangla, Eugène 
              Dangla, Henri Dangla, Auguste Descamps, Mme Vve Edouard Eloy, MM. 
              Paul Eloy, François Fuster, Henri Dangla, Aguste Descamps, 
              Mme Vve Edouard Eloy, MM. Paul Eloy, François Fuster, Mme 
              Vve André Gary, MM. Edouard Géronde, Charles Gontier, 
              Laurent Gontier fils, Laurent Gontier père, Victor Granier, 
              Eugène Guegan, Henri Guégan, les héritiers 
              Guégan, MM. Edouard Guelpa, Clément Humbert, Mme Jeanne 
              Humbert, MM. Louis Davezac, Armand Lorendeaux, Pierre Lorendeaux, 
              Julien Lorendeaux, François Liothaud, Jacques Lorca, Victor 
              Magnier, Mme Vve Claude Maire, MM. François Matignon aîné, 
              Henri Matignon, Jean-Julien Matignon, Alexandre Mauguin, Joseph 
              Tardy, Mme Marie Murgier, Mme Marie Nivon, MM. Emile Novel, Léon 
              Novel, Ernest Novel, Napoléon Pêcheur, Nicolas Poignault, 
              Constant Quennehen, Jacques Rey, Louis Rey, Marc Robichon, Jean-François 
              Rosset, Jean -Mathieu Sansorgne, Emile Thirion, Baptiste Tramu, 
              Ernest Tramu, Octave Vasseur, Jean Aubry. |  Des cultures intercalaires, entre les rangs de vigne permettaient de faire 
        une récolte de pommes de terre primeurs en février-mars 
        avant le débourrement des ceps de vigne.
 
 À Castiglione, comme dans beaucoup d'autres villages de cette époque, 
        les veuves acquérirent un statut et un rôle social prédominant, 
        en raison de la disparition précoce des hommes,épuisés 
        par le travail, morts dans les conflits ou victimes des caprices du climat. 
        Aussi, afin de préserver le patrimoine jusqu'à la majorité 
        d'un fils, des femmes, qui n'avaient pas encore le droit de vote, prenaient 
        en mains la gestion de la ferme, de l'entreprise familiale, épicerie 
        ou auberge.
 Les pêcheurs en 
        1900 Attirés par les fonds très poissonneux des 
        baies du Chenoua et de Castiglione, des pêcheurs et corailleurs 
        originaires de Sicile, de la région de Naples ou des autres rivages 
        de la Méditerranée, émigrèrent avec leurs 
        nombreuses familles à Bou Haroun, Chiffalo et Castiglione. Chaque 
        année dès le début du mois de juin, ils se déployaient 
        la nuit, avec leurs embarcations à environ deux milles, soit à 
        3,700 km, de la côte pour pêcher l'anchois selon un rite immuable. 
        Il s'agissait de tester la direction du courant et de mesurer à 
        quel niveau se situait la plus grande partie des poissons. Cet essai précédait 
        le largage du long filet dont on démaillera un à un les 
        anchois, avant le lever du soleil, afin de ne pas en altérer la 
        qualité.
 Ces hommes ne parlaient qu'un français très approximatif. 
        Ils s'isolèrent sans acrimonie dans leurs métiers de pêcheurs, 
        d'agriculteurs ou de maçons. Respectueux des règles de la 
        République, ils accomplissaient leur service militaire dans la 
        Marine nationale ou dans les Zouaves, envoyaient leurs enfants à 
        l'école, au moins jusqu'au certificat d'études primaires. 
        Ils ne transposaient pas les difficultés qu'ils avaient dans leur 
        pays, à l'origine de leur émigration, vers les rivages algériens, 
        où ils s'installaient dans des baraques de fortune souvent construites 
        en toute illégalité, sur le domaine maritime.
 
 Les premières familles de pêcheurs arrivèrent des 
        côtes espagnoles, maltaises, italiennes à la fin du xIxe 
        siècle. À Castiglione, elles étaient presque toutes 
        originaires des petits ports siciliens. Les Lucido arrivaient de Favarota, 
        suivis des Costagliola, Patania, originaires d'Augusta. Tandis que les 
        Lipari, Esposito venaient des rivages palermitains, alors que les familles 
        Aloï, Sienni, Capone quittaient leurs petits ports de la région 
        de Messine et les Di Marzo, Scarino, Basile, arrivaient des îles 
        Lipari à bord de balancelles. Bien d'autres, dont il n'est hélas 
        pas possible de citer les noms, étaient originaires de l'île 
        de Malte et du golfe de Naples dont la famille Scotto arrivée avec 
        sa pratique de la pêche au trémail ou tramail, ce long filet 
        composé de trois nappes superposées. Tous pratiquaient la 
        pêche à l'anchois et à la sardine et amenaient avec 
        eux des techniques de conservation par séchage ou saumurage. Ces 
        artisans de la capture et de la conservation du poisson surent évoluer 
        vers la pêche au large, dans les eaux internationales et l'emboîtage. 
        Jusqu'en 1962, Castiglione n'avait pas de port, les palangriers accédaient 
        à la plage par d'étroits passages ouverts parmi les bancs 
        de sable et les hauts fonds de roches. Il n'y avait pas de treuil et par 
        gros temps, il fallait à la force des bras, tirer les bateaux à 
        terre en les faisant glisser sur des tins, grosses pièces de bois 
        enduites de suif. Tirant un trait sur un passé difficile, ces hommes 
        voulaient donner un sens à leur vie, à celle de leurs enfants 
        en bâtissant leur avenir pour eux et pour tous ceux qui les entouraient. 
        Conscients de la nécessité d'épargner la ressource, 
        même si parfois, ils mouillaient leurs filets trop près du 
        rivage, ils étaient respectueux des périodes de reconstitution 
        de la faune marine et notamment de ses espèces les plus appréciées, 
        n'hésitant pas à remettre délicatement à la 
        mer une grosse langouste " grainée " c'est-à- 
        dire pleine d'oeufs en disant: " Voici notre pain de demain ".
 Il fallut beaucoup de courage et d'intelligence à ces familles 
        pour construire sur cette côte dépourvue d'abris naturels, 
        une industrie de la pêche et de la conserverie créatrice 
        d'emplois et génératrice d'un apport complémentaire 
        de protéines. Ces activités reposaient sur un travail opiniâtre 
        et une volonté nettement affirmée de combler les déficits 
        alimentaires d'une Algérie exposée aux accidents climatiques 
        ou aux calamités.
 Castiglione en 1955 En cette année, Castiglione était 
        la perle du littoral, avec ses 6000 habitants son équipe de foot 
        et son concours d'élégance automobile. Son corso fleuri, 
        l'élection de sa reine faisaient courir les foules, rêver 
        les jeunes filles en petites robes " Vichy " et enflammer les 
        coeurs des garçons. Sous son boulevard de la plage, ses " 
        voûtes " abritaient les estivants. Trop nombreux pour être 
        tous cités, ses restaurants étaient enveloppés des 
        suaves effluves de fritures de rougets et petites sépias. Ses hôtels 
        avaient la vue sur la mer, " Chez Vincent ", " l'Hôtel 
        de Paris ", " l'Hôtel du Plateau ", celui de " 
        La Plage ", " l'Hôtel de l'Oasis " et le" Miramar ", sans oublier son " Grand vivier salubre " 
        avec ses dégustations d'huîtres, moules et langoustes avec 
        de grosses gambas rouges, les fameuses crevettes " Royales ".
 
 Les soins médicaux étaient assurés par plusieurs 
        praticiens, dont les médecins MM. Rodolphe Balliste, Mereau et 
        Bernard Morla sur l'avenue de la mer. Deux dentistes MM. Pierre Gouin 
        et Reynaud ainsi que les pharmaciens: MM. Dumas, Morlot-Fournier, Urios 
        et Piétri, complétaient l'organisation de santé de 
        cette agréable petite ville. Plusieurs sages-femmes dont Mmes Louise 
        Adragna et Morla se déplaçaient, de jour comme de nuit, 
        pour aider les mamans à mettre au monde leurs bébés.
 
 Depuis la fermeture en 1933, de la ligne des CFRA, les liaisons entre 
        Alger, Castiglione et Tipasa étaient assurées par les autobus 
        des " Messageries du littoral ", des Transports Mory et les 
        cars et camions de MM. René et Albert Roques.
 
 Castiglione avait plusieurs succursales de banques, dont celles de la 
        Compagnie Algérienne, du Crédit Foncier d'Algérie 
        et de Tunisie, du Comptoir d'escompte, ainsi qu'une agence du Crédit 
        Agricole.
 
 Plusieurs garages entretenaient automobiles et tracteurs des maraîchers, 
        producteurs de tomates et autres légumes de primeurs cultivés 
        en hiver, sous abris de diss les protégeant des embruns. Dans une 
        même rue, l'épicerie avec ses bidons d'huile d'olive, ses 
        sacs de semoule, pois chiches, haricots secs, ses barils de sardines salées, 
        était proche de la maison du chirurgien-dentiste, du studio du 
        photographe, de la boutique du marchand de tissus avec ses étoffes 
        de couleurs variées, de l'échoppe du cordonnier, de la boucherie 
        avec ses têtes de moutons pendues aux crochets de la devanture, 
        ou de la vitrine du boulanger-pâtissier. Descendants des colons 
        du 4e convoi, parti de Paris en 1848 et immigrés de toutes les 
        côtes méditerranéennes, labouraient, les uns la terre, 
        les autres, la mer pour en tirer des légumes ou des poissons. Tous 
        ces hommes partageaient une même volonté d'améliorer 
        la qualité de leur vie et de répondre en urgence aux besoins 
        alimentaires d'un pays où la largeur cultivable des plaines sublittorales 
        est très réduite, par rapport à celle des zones steppiques.
 
 Les agriculteurs, travaillaient opiniâtrement à l'amélioration 
        de la précocité des récoltes d'aubergines, courgettes, 
        haricots verts, pommes de terre, poivrons et tomates pour arriver au plus 
        tôt sur les marchés métropolitains, en passant par 
        les stations de conditionnement des fruits et primeurs emballés 
        dans des cageots fabriqués par les établissements Ben Ouenniche 
        à Hussein-Dey. Venus de tous les ports de la Méditerranée, 
        les patrons des palangriers avaient une connaissance parfaite des fonds 
        sur les " Pierres de Bou Haroun " ou les " Pierres de corail 
        ". Une carte provisoire au 1/500000e de toute la marge continentale 
        algérienne, avait été tracée, avec l'appui 
        de l'ingénieur général Gaston Bétier et de 
        M. Robert Lafitte, doyen de la faculté des sciences, par MM. André 
        Rossfelder, Lucien Leclaire et Jean-Pierre Caulet. Cette carte permit 
        aux maîtres de pêche d'approfondir leurs connaissances des 
        zones " chalutables " au large du Chenoua, 
        de Bou Haroun, Castiglione, à l'embouchure du Mazafran, dans leur 
        configuration et leur faune composée de poissons nobles. Ces informations 
        fort appréciées de tous les professionnels et notamment 
        des pêcheurs autochtones, leur permirent d'éviter les fosses 
        profondes et les rochers où les chalutiers accrochaient ou perdaient 
        leurs filets. L'expérience acquise dans la pratique des métiers 
        de la pêche est toujours utilisée par les professionnels 
        algériens de ce littoral dont pourtant les ancêtres n'étaient 
        pas des hommes de mer. La station expérimentale d'aquiculture et 
        de pêche fut créée à Castiglione en 1921 par 
        le professeur J.-P. Bounhiol, qui en fut le premier directeur jusqu'en 
        1926. C'est le professeur Louis Boutan qui lui succéda jusqu'en 
        1932. Cette station fut ensuite dirigée par M. André Curtès, 
        puis à partir de 1933 par le Dr Roger Dieuzeide. Cette station, 
        reconnue des scientifiques du monde entier, était plus connue des 
        professionnels, sous le nom " d'école de pêche ". 
        Elle mettait à leur disposition des données scientifiques 
        sur le peuplement et les méthodes de conservation du poisson notamment 
        par salaison et saurissage. Des scientifiques furent à l'origine 
        du développement de nombreuses usines de traitement des poissons 
        par salage, séchage, saurissage, saumurage, ou emboîtage. 
        Trop nombreuses hélas, pour être toutes citées, les 
        entreprises, " Sarthon ", " Papa Falcone ", " 
        Idéal ", employaient une nombreuse main-d'oeuvre féminine 
        locale, éviscérant prestement dès le matin, sardines 
        et anchois aux rutilants reflets bleus, de la pêche de la nuit.
 L'exode de 1962 Après des drames atroces, agriculteurs, 
        pêcheurs, industriels et commerçants, petits-fils des colons 
        de 1848, des transportés politiques du Second empire, des Alsaciens 
        Lorrains ou des pêcheurs de corail venus de tout le bassin méditerranéen, 
        partirent, abandonnant, maisons, cultures, filets et bateaux, dont seulement 
        quelques-uns purent traverser la mer.
 Traumatisés, meurtris par des pertes cruelles, ces hommes et ces 
        femmes n'ont rien pris à l'Algérie, ils ont laissé 
        à Castiglione, des amis de jeunesse, un appareil de production 
        en parfait état. Ils sont partis, n'emportant que la vision d'une 
        ville écrasée sous la terreur. Ils n'ont rien pris aux Algériens, 
        n'emportant que leur volonté de se reconstruire et d'ouvrir en 
        métropole ou ailleurs, sur mer ou sur terre, d'autres sillons. 
        Et même si, sur les quais de Port-Vendres à Saint- Tropez 
        et Nice, on retrouve encore au milieu de cette première décennie 
        du xxie siècle, quelques enseignes d'entreprises de Castiglione, 
        notamment (Falcone, Mercurio), leurs lointains descendants n'ont plus 
        tellement envie de faire le même métier que leurs aïeux. 
        L'Amicale du Souvenir Castiglionais entretient la mémoire collective 
        des hommes et femmes de cette région. Ces villages de Castiglione, 
        Bou Haroun, Tefeschoun ou Chiffalo, ont chacun une mémoire différente, 
        faite des souffrances de tous ces travailleurs immigrés qui, à 
        l'origine, étaient aussi pauvres que tous ceux qui les entouraient 
        et travaillaient avec eux sur terre ou sur mer. Leurs arrières-petits-enfants 
        sont maintenant les dépositaires de cette histoire. C'est à 
        eux qu'il appartient désormais d'enrichir et de développer 
        tout ce qui a été fait avant eux par d'humbles pêcheurs 
        ou agriculteurs. Ils peuvent être fiers de ce patrimoine commun, 
        mais complexe qui leur appartient. C'est à eux d'éviter 
        sa dilution en mémoires individuelles, au profit d'une mémoire 
        imposée et unique.
 
 L'azur du ciel et de la mer, la beauté 
        des plages et des forêts ne laissèrent pas indifférents 
        des artistes qui créèrent le tango: " Sous le ciel 
        de Castiglione ", paroles de M. André Berthelot, musique de 
        M. Apollinaire Caratéro. Tandis que M. Cano, un peintre de talent, 
        immortalisa sur des toiles, la beauté de la mer, du ciel et le 
        travail des hommes.
 o Bibliographie:- Guides annuaires et documentation de l'époque.
 - Patania (Lucien et René), Notre père Alfred, patron pêcheur 
        en Algérie, avec la participation de leurs frères Joseph 
        et Augustin.
 - Histoire des prud'hommies de pêche varoises, de leurs origines 
        à nos jours, ouvrage collectif sous la conduite de MM. Lucien Patania 
        et Jacques Guillaume.
 - Scotti (Edgar), Bou Haroun, ouvrage collectif rédigé avec 
        le concours de M. et Mm, Marc Heitzler et de tous les Bou Harounais.
 - Martin-Larras (Émile et Simone), En chaland, de Paris à 
        Marseille en 1848.
 
 Remerciements :
 La documentation iconographique est due à Teddy Alzieu tirée 
        de son livre De Blida à Cherchell - À travers la plaine 
        de la Mitidja, collection " Mémoire en images ", éd. 
        Alan Sutton, 2004.
 Il convient aussi d'exprimer nos plus vifs remerciements à toutes 
        les personnes qui, par leurs archives ou leurs souvenirs, contribuèrent 
        à cette évocation de quelques hommes qui furent à 
        l'origine de Castiglione. Le Dr Georges Duboucher, MM. Pierre Crucy, Louis 
        Crucy, Louis Dulac, Joseph Palomba et Jacques Piollenc, voudront bien 
        trouver ici, l'expression de notre très vive gratitude.
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