
          
          ALGER INCONNU. 
        Forteresse de la Kasba. 
        En parlant de la Forteresse 
          de la Kasba, nous touchons à l'un des points les plus anciens 
          de l'histoire de la ville d'Alger. 
          
          Sommet culminant de la ville, que le colonel de Lamothe désigne 
          comme la terrasse géologique de 115 mètres, il est évident 
          que ce vaste plateau, dès son origine, tenta les premiers colons 
          grecs qui vinrent au VIIème ou VIIIème siècle avant 
          Jésus Christ et s'établirent, au nombre de vingt, dans 
          le lieu qui devait, après bien des siècles, devenir la 
          ville d'Alger. 
          
          Il y avait à ces époques reculées un cérémonial 
          toujours observé lors de la fondation de colonies, qu'il est 
          peut-être bon de rappeler et qui éclairera un peu la légende 
          des Vingt compagnons d'Hercule. 
          
          Voici la façon dont les Grecs fondaient leurs colonies et dont 
          fut fondée Icosion, latinisée plus tard en Icosium (Alger) 
          . 
          
          Nous voyons, d'après l'historien Julius Caïus Solinus, qu'Hercule, 
          explorateur grec vint fonder Icos ; nous retrouvons plusieurs fois trace 
          de cet Hercule, sur le littoral méditerranéen, jusqu'à 
          Tolède et aux Colonnes d'Hercule, aujourd'hui le détroit 
          de Gibraltar. On y lit que ses Vingt compagnons choisirent un emplacement 
          et y élevèrent des murailles, puis, selon le cérémonial 
          usité en la circonstance, allumèrent le feu sacré, 
          avec du feu apporté d'un sanctuaire de la ville d'où ils 
          venaient. 
          
          La ville d'Icosion fut édifiée 7 à 800 ans avant 
          notre ère, ayant, comme la plupart des villes grecques, un côté 
          à pic d'où l'on précipitait les condamnés 
          à mort. Il y a quelques années notre ami regretté 
          l'ingénieur Bizet avait retrouvé, lors de la construction 
          des casernes d'Orléans, des vestiges de tours rondes avec des 
          soubassements carrés et des restes de vieilles poteries. Nous 
          avons retrouvé à Alger des chapiteaux grecs qui portaient 
          des Cariatides. 
          
          Afin de mieux assurer la défense de la ville les forteresses 
          étaient, comme on le voit dans plusieurs villes de la Grèce 
          antique, entourées de rues à escaliers placées 
          en éventail et fermées en hauteur par des portes désignées 
          sous le nom de portes de quartier. Il en existe encore à Alger, 
          dans la haute-ville, dont la plupart sont voûtées comme 
          l'étaient les rues des villes antiques. 
          
          Le souvenir s'est conservé très longtemps d'appellations 
          royales telles que : Tombeaux des enfants du roi, d'anciennes Kasba 
          comme la Kedima-el-Kasba. 
          
          Mais ce qui est intéressant et dont aucun historien n'a fait 
          mention c'est l'existence d'un tombeau grec, qui se trouvait encore 
          visible eu XVIème siècle, celui de l'enfant de Zaripha, 
          il était situé près de la porte de secours donnent 
          dans la campagne. Quel était cet enfant ? Nous savons, d'après 
          des citations découvertes par M. Devoulx dans des anciens titres 
          de propriétés voisines d'un cimetière, que celui-ci 
          renfermait les Tombeaux des enfants du Roi. Ce qu'il y a de certain 
          c'est que ce nom de Zaripha est grec et que si ce tombeau fut conservé 
          jusqu'au XVIème siècle c'est vraisemblablement que cet 
          enfant appartenait à une souche princière. 
          
          On ne commença à construire de nouveaux bâtiments 
          sur l'emplacement de la plus ancienne forteresse qu'après l'arrivée 
          des Turcs à Alger. La nouvelle Kasba qui remplaça le Kasba-el-Kedima 
          fut construite entre les années 1555 et 1592. C'est à 
          cette époque que fut placée la porte de style romain provenant 
          d'un ancien édifice que l'on voit aujourd'hui. Il existe d'anciennes 
          colonnes en marbre antique, soit grecques, soit romaines, disséminées 
          dans la forteresse et dont l'étude est à faire en détail. 
          En 1579, les fortifications comprenaient sept tours carrés reliées 
          par des courtines appartenant à l'architecture militaire du XIIème 
          au XIVème siècle et élevées probablement 
          par l'émir Abou-Tachefin, le même qui édifia le 
          minaret de la Granque Mosquée. 
          
          Car, nous disent deux manuscrits arabes, vers l'année 1320 Abou 
          Tachefin revenant d'une expédition de Bougie, pour ne pas laisser 
          son monde oisif l'occupa à construire une enceinte assez spacieuse, 
          une mosquée qu'on appelle encore la Grande Mosquée dont 
          le minaret fut achevé le 15 juillet 1323, et une Topane dite 
          de Sidi Ramdan. Cette Topane était un arsenal que plus tard l'on 
          appela la Kasba-el-Kedima. Peut-être cet arsenal succéda-t-il 
          à l'ancienne forteresse construite par les premiers occupants, 
          car c'était la coutume de réemployer les matériaux 
          anciens
          
          L'on voit sur la reproduction " Algieri fortificato " de l'année 
          1579, deux bastions, à droite et à gauche, appelés 
          boulevards, remplaçant d'anciennes tours carrés du XIVème 
          siècle. Sous le n° 40, le Tombeau de l'enfant de Zaripha, 
          l'emplacement du cimetière des Enfants du Roi. Sur un autre plan 
          de 1576 on lit, au-dessus des tours carrés, le nom latin Armamentaria 
          qui veut dire arsenal, lieu où l'on dépose les munitions 
          de guerre pour la défense des villes. 
          
          C'est tout ce qui concerne l'inconnu de la Forteresse de la Kasba. Des 
          fouilles exécutées avec méthode apporteraient certainement 
          des découvertes intéressantes pour l'histoire de la ville 
          d'Alger, surtout pour ce qui a trait à ses origines grecques. 
          
          
          Henri MURAT.