| AVANT-PROPOS 
        
          | " 
            Un gouvernement d'infidèles peut durer, s'il est juste; un 
            gouvernement de vrais " croyants, s'il est injuste, doit périr. 
            " (Hadith de Mahomet.)
 |  
 
        
          | " 
            Ceux qui sont les plus disposés à aimer " les Musulmans 
            sont les hommes qui se " disent chrétiens. r (Le Coran, chap. V, verset 85.)
 |  -------Le Comité 
        National du Centenaire de l'Algérie a voulu que, dans la série 
        de brochures publiées par ses soins à l'occasion du Centenaire, 
        une place fût réservée à la vie et aux murs 
        des indigènes.-------Ce 
        qui fait le charme prenant de la terre africaine, ce ne sont pas seulement, 
        en effet, les grands souvenirs que l'Histoire y a accumulés. Il 
        faut avoir lu beaucoup de livres pour bien connaître ce prodigieux 
        passé. Mais le voyageur le moins érudit, pour peu qu'il 
        sache voir, qu'il possède ce don de sympathie clairvoyante qui 
        est un des traits distinctifs de la nature - j'allais écrire de 
        la gentillesse - française, goûtera profondément la 
        simplicité de murs que les habitants indigènes de 
        notre Afrique du Nord ont su garder. La vie factice et triste que nous 
        menons sous les climats brumeux, nous pèse souvent comme une servitude 
        : c'est une existence de luttes constantes pour la vie d'abord - comme 
        partout -, mais aussi pour beaucoup d'intérêts et d'ambitions 
        que nous nous sommes donnés à nous-mêmes comme des 
        buts qu'il faut atteindre, et à peine avons-nous touché 
        à l'un de ces buts que nous nous élançons vers un 
        autre. Toute cette activité dont nous sommes si fiers contient 
        une grande part d'agitation stérile et vaine; aussi à certaines 
        heures éprouvons-nous un impérieux besoin de calme, de silence, 
        de grandes lignes simples comme étendues dans la lumière.
 -------À 
        tous ceux qui souffrent de ce besoin, qui désirent une halte de 
        simplicité sur le chemin qu'ils suivent, l'Afrique du Nord peut 
        apporter l'apaisement, au moins momentané, de leurs fièvres 
        et de leurs inquiétudes. S'ils ne lui accordent que quelques semaines 
        de voyage, sans oser lui consacrer toute leur vie comme le firent le Père 
        de Foucauld ou Isabelle Eberhardt (et tant de moins illustres qu'elle 
        a envoûtés et gardés), la terre africaine leur donnera 
        au moins, pour le reste de leurs jours, des souvenirs dont le parfum enchantera 
        leur route. L'on ne peut avoir respiré une fois ce parfum de l'Afrique 
        sans lui garder une gratitude infinie ; l'auteur de ces lignes ne possède 
        d'autres titres que cette " reconnaissance africaine " au choix 
        dont il a été l'objet pour les publier. Puissent-elles du 
        moins, par les témoignages qu'elles reproduisent d'auteurs plus 
        qualifiés que lui, éveiller chez tous ceux que toucha la 
        grande inquiétude des temps présents, cette curiosité 
        que méritent si bien l'Afrique et ses habitants indigènes 
        et que ni la terre, ni les hommes ne sauraient jamais décevoir.
 
 -------Mais ce n'est 
        pas seulement au repos dans la contemplation de la lumière et dans 
        le recueillement de la vie intérieure que nous convie, nous Français, 
        l'Afrique du Nord devenue française. C'est aussi à l'action 
        pour l'élever sans cesse à plus de bonheur et à plus 
        de richesse.-------Porte 
        triomphale d'un monde immense et si longtemps fermé, où 
        d'Alger à Brazzaville nous ne foulons sur 41 degrés de latitude 
        que des terres françaises, l'Algérie, flanquée des 
        deux protectorats de la Tunisie et du Maroc, nous apparaît comme 
        un de ces arcs splendides, construits en grand appareil, que Rome élevait 
        sur le chemin de ses légions, à la fois pour glorifier leur 
        passé, et jalonner leur passage sur le chemin qu'elles devaient 
        suivre encore. Tout comme les auteurs de jadis aimaient à placer 
        un frontispice en tête de leur uvre, nous voudrions reproduire 
        ici une page de Louis Bertrand, où l'illustre écrivain a 
        si bien montré le sens de ces arcs de triomphe que l'on rencontre 
        en terre africaine en tous les lieux qu'atteignirent les aigles romaines:
 
 |  | -------" 
        Ces arcs de triomphe répandus partout, jalonnant les routes, coupant 
        les avenues des villes, ils provoquent sans cesse mon émerveillement. 
        J'y vois inscrite, comme en des trophées indestructibles, cette 
        belle idée latine du Triomphe, si contraire à la basse envie 
        démocratique des temps modernes. Rendre à un homme des honneurs 
        presque divins, lui tendre la coupe des hymnes en présence de tout 
        un peuple, inventer pour lui des fêtes sans pareilles, afin que 
        des images plus belles accompagnent son ivresse, s'associer, dans le même 
        moment, à la joie qui gonfle son cur, prendre sa part de 
        sa louange, cette conception généreuse ne pouvait naître 
        que dans une élite de citoyens libres et tels qu'on n'en reverra 
        plus. Il fallait croire, pour cela, à des natures d'élite, 
        intermédiaires entre les hommes et les dieux : " Oui ! Je 
        le pense, - dit Cicéron, - ô Scipion, ô Laelius, vous 
        fûtes des hommes divins ! ! 1 " Or, on ne jalouse pas les dieux, 
        on les aime et on les vénère. -------" 
        Cette exaltation de l'individu trouvait son correctif dans le culte des 
        ancêtres et des traditions domestiques et nationales. Le héros, 
        en ces temps privilégiés, n'était pas le fléau 
        céleste qui brûle et qui saccage autour de lui, le révolutionnaire, 
        au romantique délire, qui trahit ses morts et qui renverse la maison 
        de famille ; c'était le fils pieux de la Cité, le rejeton 
        accompli en qui s'incarnait toute une race. Aussi la race et la cité 
        se reconnaissaient en lui l... " Triompher ! Vivre de la vie des 
        dieux! ... Être des dieux, ne fût-ce que l'espace d'un seul 
        jour! ... Quel stimulant cette ambition devait fournir aux énergies 
        juvéniles ! " (1).
 -------Cette 
        magnifique leçon d'énergie que donnent les arcs de triomphe 
        d'Afrique, il faut que nos jeunes gens, la comprennent; ce qu'il y a de 
        plus beau dans les monuments de cette sorte, c'est la lumière qui 
        apparaît au delà de leur voûte. Un arc de triomphe, 
        c'est une porte ouverte vers de grands espoirs, et c'est vers l'Afrique 
        française tout entière, que notre jeunesse doit porter les 
        siens. Sans chercher les applaudissements personnels qui pouvaient enivrer 
        Scipion et Laelius, - ce n'est plus l'individu qui compte aujourd'hui, 
        c'est la part qu'il prend à uvre collective de sa patrie 
        - nos jeunes hommes trouveront en Afrique le champ le plus vaste et celui 
        qui mérite le mieux d'attirer leur énergie, leur savoir, 
        leur intelligence et leur cur.
 -------La 
        France doit à tous les indigènes qui peuplent cette grande 
        Afrique française de leur envoyer des guides utiles et bons. Pour 
        travailler ensemble avec succès, il faut se connaître, s'estimer, 
        s'aimer. Puissent les notes qui vont suivre, servir à répandre 
        dans la métropole le respect et l'affection que méritent 
        les indigènes de l'Afrique du Nord. C'est aux 250.000 combattants 
        qu'elle nous envoya pendant la guerre que ces pages sont dédiées 
        par un frère
 d'armes.
 
 (1) Louis BERTRAND. - Le Jardin de la Mort. Paris, Albin Michel, in-18, 
        p. 243 à 245.
 |