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        CHAPITRE IV  LES INDIGÈNES  Mustapha ben Ismaël, Yusuf, Abd-el-Kader -------Les 
          indigènes, pour désigner par ce nom tous les descendants 
          d'Arabes, de Kabyles et même de renégats chrétiens, 
          plus ou moins mélangés entre eux, ont rendu de grands 
          services à la France, de même que les Turcs, leurs anciens 
          maîtres et les Koulouglis, fils de Turcs et de femmes indigènes. 
          Certains d'entre eux, comme Mustapha ben Ismaël et Yusuf, sont 
          devenus généraux dans l'armée française, 
          tandis que d'autres ont garni les cadres inférieurs des régiments 
          indigènes. Enfin, parmi ceux qui ont été longtemps 
          adversaires déclarés de la France, le plus célèbre, 
          Hadj Abd-el-Kader, est devenu son admirateur et son serviteur, après 
          une défaite pleine de grandeur.  Le général 
          Mustapha ben Ismaël  -------Mustapha 
          ben Ismaël était l'un de ces grands chefs indigènes 
          qui, du temps de là puissance turque, commandaient les tribus 
          Maghzen, c'est-à-dire les tribus au service du gouvernement. 
          Les Turcs, qui ne pouvaient, en raison de leur petit nombre, dominer 
          toute la Régence par eux-mêmes, accordaient à ces 
          tribus des avantages spéciaux, en échange de leur participation 
          à la levée des impôts, aux expéditions et 
          à la police générale.-------Déjà 
          âgé d'une soixantaine d'années en 1830, Mustapha 
          ben Ismaël était l'agha des Douairs et des Smela, qui constituaient 
          le Maghzen d'Oran. Toute sa vie s'était passée en chevauchées 
          et en luttes, dans lesquelles son courage, sa vigueur physique et son 
          ascendant sur ses cavaliers lui avaient acquis un prestige incomparable.
 -------Lorsqu'au 
          mois d'août 1830, les troupes françaises vinrent occuper 
          Oran, il essaya, avec les grands du Maghzen, d'entrer en relations avec 
          leurs chefs; mais les Français, à cette époque, 
          ignorant profondément l'organisation de la Régence et 
          le rôle de ses divers organes, les repoussèrent comme ayant 
          eu des contacts avec leurs ennemis les Turcs.
 -------Le 
          général Walsin-Esterhazy, qui par la suite eut l'occasion 
          de bien connaître Mustapha ben Ismaël, et qui lui succéda 
          à la tête du Maghzen d'Oran, a écrit plus tard : 
          " Que de choses n'avait-il pas à 
          nous apprendre, si nous eussions daigné alors écouter 
          son avis; que de fautes n'eût-il pas épargnées à 
          notre inexpérience, ce vieillard blanchi dans la pratique d'une 
          guerre que nous connaissions à peine, et dans l'exercice d'un 
          commandement qui nous était alors complètement étranger; 
          lui, qui avait occupé si longtemps les hautes fonctions d'agha, 
          dans ces temps de décadence de la puissance turque, où 
          il avait eu souvent à déployer, contre les tribus révoltées, 
          toute l'énergie militaire que nous lui avons connue depuis! "
 -------Le 
          Sultan du Maroc, profitant de la confusion qu'occasionnait dans les 
          tribus la venue des Français, essaya de mettre la main sur l'Ouest 
          de la province d'Oran. Mustapha ben Ismaël, ayant fini par se rallier 
          à son représentant, fut néanmoins arrêté 
          traîtreusement et envoyé en captivité à Fez. 
          Le Sultan, désapprouvant pareille conduite, eut l'adresse de 
          traiter Mustapha et ses compagnons avec beaucoup d'égards, et 
          s'en fit ainsi un allié.
 -------C'est 
          alors que, en 1832, le jeune Abd el Kader fut proclamé Sultan 
          par les tribus des environs de Mascara. Mustapha consentit à 
          le laisser reconnaître par les Douairs et Smela, mais sans vouloir 
          aller lui-même lui rendre hommage. Il ne pouvait y avoir que sourde 
          hostilité entre les partisans du jeune homme pieux élevé 
          au pouvoir au nom de la religion, et les cavaliers du vieil agha qui 
          avait été le seigneur du pays au nom des Turcs. Aussi, 
          après quelque temps de collaboration indirecte, Mustapha décida 
          d'émigrer au Maroc avec ses tribus; ayant rencontré Abd 
          el Kader et ses partisans dans les environs de Tlemcen, il fonça 
          sur eux, et les défit si complètement qu'il s'empara des 
          tentes, des drapeaux, de la musique, des bagages de l'Émir el 
          Moumenin (Commandeur des Croyants), et que ce dernier faillit lui-même 
          être pris.
 
           
            | MUSTAPHA BEN ISMAËLNé à El-Amriyah (Lourmel) vers 1769
 Général de brigade le 29 juillet 1837
 Commandeur de la Légion d'honneur le 5 février 1842
 Tué le 23 mai 1843 à El Bioda (province d'Oran
 |   -------Mustapha 
          crut que l'occasion était bonne pour s'entendre avec les Français 
          d'Oran, qui avaient jusque là accueilli ses avances avec froideur. 
          Mais le général Desmichels, qui avait signé un 
          traité avec Abd-el-Kader, mit les émissaires de l'agha 
          en prison, et envoya à l'Émir 400 fusils et de la poudre! 
          Mustapha ben Ismaël constata, d'autre part, que le Sultan du Maroc, 
          sensible au prestige religieux de l'Émir, ne manifestait plus 
          à son égard la même sympathie. Vers qui pouvait-il 
          dés lors se tourner ? Après un nouveau combat avec Abd-el-Kader, 
          dans lequel il fut vaincu, il tenta une entrevue avec lui; mais il ne 
          put se résoudre à s'humilier devant ce jeune homme de 
          sainte éducation, et déclara qu'il préférait 
          vivre avec les Turcs, qu'il avait toujours servis. Il alla, suivi de 
          50 ou 60 familles des Douairs et Smela, s'enfermer dans le Mechouar 
          de Tlemcen avec les Koulouglis.-------Abri 
          et Kader donna aux Douairs et Smela un autre agha et leur interdit toute 
          communication avec les Chrétiens d'Oran. Des infractions à 
          cette interdiction ayant été commises, Abd-el-Kader voulut 
          sévir; mais les tribus se soulevèrent contre lui, et, 
          à l'exception d'un petit groupe, se placèrent sous la 
          protection, du général Trézel, successeur de Desmichels 
          à Oran. Le Maghzen se trouvait en quelque sorte reconstitué 
          au profit des Français, et participa à l'expédition 
          du maréchal Clauzel sur Mascara par un contingent de 500 cavaliers 
          et de 800 chameaux de transport.
 -------Lorsque 
          Mustapha ben Ismaël fut enfin délivré, par l'expédition 
          de Clauzel sur Tlemcen, du siège qu'il subissait dans le Mechouar, 
          il dit au Maréchal : " En te voyant, 
          j'oublie mes malheurs passés, je me confie à ta réputation. 
          Nous nous remettons à toi, moi et les miens, et tout ce que nous 
          avons; tu seras content de nous. " Il tint parole, car 
          il reprit dès lors la lutte contre Abd-el-Kader, éclairant 
          et couvrant les colonnes françaises à la tête de 
          ses cavaliers Douairs et Smela.
 -------En 
          avril 1836, il accompagna le général d'Arlanges, qui avait 
          reçu ordre du maréchal Clauzel d'aller d'Oran à 
          la Tafna, et d'assurer la liaison de Rachgoun à Tlemcen; il lui 
          donna les conseils que lui dictait son expérience, mais il ne 
          put l'empêcher d'aller se heurter dans les montagnes aux masses 
          kabyles animées par Abd-el-Kader, et de se faire acculer à 
          la mer au camp de la Tafna. Il se conduisit admirablement au cours de 
          ces journées, où tombèrent nombre de ses cavaliers. 
          Bugeaud étant arrivé avec des renforts, Mustapha prit 
          une part brillante au combat de la Sikkak où Abd-el-Kader fut 
          battu; il y fut grièvement blessé d'une balle à 
          la main. -------En 
          concluant l'année suivante avec Abd-el-Kader le traité 
          de la Tafna, Bugeaud eut la faiblesse d'abandonner à l'Émir 
          non seulement le Mechouar de Tlemcen, où avaient tenu si longtemps 
          Mustapha ben Ismaël et les Koulouglis, mais le territoire même 
          des Douairs et Smela, la plaine de Mleta ; il reconnaissait d'ailleurs 
          formellement le pouvoir de l'ennemi de la France. Mustapha, en recevant 
          connaissance de ce traité, n'éleva pas de protestation; 
          il se borna à dire : " Vous savez mieux que moi ce qui vous 
          convient, mais j'estime que vous commettez une faute que vous ne tarderez 
          pas à regretter. " Les événements ne devaient 
          que trop justifier cette appréciation, puisqu'Abd-el-Kader, après 
          avoir organisé ses forces reprit les hostilités en novembre 
          1839.
 -------L'attitude 
          prise, dans la province d'Oran, contre le représentant d'Abd-el-Kader, 
          Bou Hamedi, était défensive, lorsque l'arrivée 
          du général de La Moricière dans la province, puis 
          de Bugeaud comme gouverneur en mai 1841, modifièrent le caractère 
          de la lutte. Le vieil agha, qui avait reçu le grade de général 
          français, prit part dés lors, avec ses cavaliers, aux 
          expéditions de la colonne de La Moricière, jouant en bien 
          des circonstances un rôle important. Il accompagna cette division, 
          à la tête d'un goum de 600 cavaliers, à l'expédition 
          de Bugeaud en mai 1841 contre Tagdempt et Mascara.
 -------C'est 
          avec La Moricière aussi que, en juillet 1842, il atteignit, en 
          poursuivant Abd-el-Kader vers le sud, le village de Goudjilah, vrai 
          nid d'aigle où l'Émir avait porté les approvisionnements 
          qu'il avait pu sauver de Tagdempt Dans cette circonstance, le général 
          Mustapha manifesta la joie la plus sincère : monté au 
          point le plus élevé de la montagne, d'où il découvrait 
          au nord le Tell, et au sud à perte de vue les plateaux mamelonnés 
          allant vers le Sahara, il s'écria : " Fils 
          de Mahi ed Dine (Abd-el-Kader), 
          ce pays ne peut pas être destiné à appartenir à 
          un marabout (personnage religieux) comme toi, à un homme de Zaouïa 
          (école religieuse). Enlevé par la conquête à 
          ceux que j'avais servis toute ma vie, c'est à la nation qui a 
          su leur arracher qu'il revient, et non pas à toi, qui n'avais 
          fait que le voler. J'ai aidé de toutes mes forces les Français 
          à reprendre leur bien, parce que moi, soldat, je ne pouvais obéir 
          qu'à des soldats. Je les ai conduits jusqu'aux portes du Sahara. 
          Je puis maintenant mourir tranquille. Justice complète sera bientôt 
          faite de ta ridicule ambition. "
 -------L'année 
          suivante, en 1843, le général Mustapha était en 
          colonne avec La Moricière vers Tiaret, 
          lorsque, le 19 mai, il apprit par un nègre fugitif la prise de 
          la Smala par le duc d'Aumale, et la présence à quelques 
          dizaines de kilomètres d'une nombreuse émigration qui 
          fuyait le désastre. Il monta à cheval avec son goum et 
          la cavalerie régulière, atteignit les fuyards, et s'empara 
          de nombreux prisonniers, de troupeaux, de chameaux et de bagages.
 -------Voulant 
          revenir à Oran avec ses prises, le général Mustapha 
          se sépara de La Moricière pour traverser seul avec ses 
          cavaliers le territoire des Flitta. Attaqué par une cinquantaine 
          de piétons, dans un défilé boisé où 
          ses chevaux et mulets surchargés de butin encombraient le passage, 
          il s'élança pour rétablir l'ordre; mais il fut 
          frappé d'une balle qui l'étendit mort, ce que voyant, 
          ses cavaliers atterrés se débandèrent. Ses agresseurs 
          apprirent, par la mutilation que lui avait faite à la main droite 
          la balle reçue à la Sikkak, qu'ils avaient tué 
          Mustapha ben Ismaël. Sa tête et sa main furent portées 
          à Abd-el-Kader, qui, voulant affecter quelque générosité 
          vis-à-vis de son ennemi disparu, fit ensevelir ces sinistres 
          trophées au lieu de les exposer, suivant la coutume d'alors.
 -------Mustapha 
          ben Ismaël tombait, à près de 80 ans, laissant une 
          impression profonde à tous ceux, Français et Indigènes, 
          qui l'avaient connu. Cet homme d'épée, ce soldat magnifique 
          au combat, avait su se faire apprécier aussi par son esprit d'équité, 
          au point d'avoir mérité, sous le règne des Turcs, 
          le surnom de Mustapha-el-Haq (Mustapha la justice).
 -------C'était 
          un homme d'une absolue loyauté, sur qui le général 
          Walsin-Esteihazy écrivait : " Il 
          avait donné sa parole à la France, et jamais, dans les 
          circonstances qu'il eut à traverser avec nous, malgré 
          les dégoûts dont il fut parfois abreuvé, son expérience 
          des hommes et des choses du pays, son dévouement dans les combats, 
          sa coopération dans les conseils, ne nous firent défaut 
          toutes les fois qu'on voulut bien les invoquer. Les hommes de la trempe 
          et du caractère de Mustapha ben Ismaël sont trop rares, 
          et de semblables types, même dans les grandes luttes de notre 
          histoire, sont trop peu communs, pour qu'il ne convienne pas de chercher 
          à appeler l'attention sur cette grande figure de nos petits démêlés 
          africains. " Il fut regretté par toute l'armée 
          française.
 -------Sa 
          mort impressionna profondément les indigènes. Ses cavaliers 
          n'osèrent pas, pendant plusieurs semaines, reparaître dans 
          leurs douars, craignant la réprobation de leurs femmes pour leur 
          conduite dans la funeste journée. Une poésie, qui reflétait 
          bien les sentiments indigènes, fut chantée dans toute 
          la province d'Oran; elle célébrait les vertus du héros 
          disparu : " Lorsqu'il s'élançait 
          à la tête des goums, sur un coursier impétueux, 
          l'animant des rênes et de la voix, les guerriers le suivaient 
          en foule. Pleurons le plus intrépide des hommes, celui que nous 
          avons vu si beau sous le harnais de guerre, faisant piaffer les coursiers 
          chamarrés d'or. Pleurons celui qui fut la gloire des cavaliers...
 " Souvenez-vous du jour où il fut appelé à 
          Fez par ordre du chérif : comme il brilla parmi les grands de 
          la cour, plus grand par ses belles actions que tous ceux qui l'entouraient. 
          On reconnut en lui le sang de ses nobles ancêtres, et, pour le 
          lui témoigner, le chérif le combla d'honneurs...
 " Qu'il était beau dans l'ivresse du triomphe, lorsque, 
          sur le noir coursier du Soudan, à la selle étincelante 
          de dorures, il apparaissait comme le génie de la guerre sur le 
          dragon des combats!... Dieu est témoin que Mustapha ben Ismaël 
          fut fidèle à sa parole jusqu'à la mort, et qu'il 
          ne cessa jamais d'être le modèle des cavaliers. 
          "
 -------Le 
          général Mustapha est le type indigène de " 
          l'homme de poudre " le plus 
          noble et le plus chevaleresque qu'on puisse citer, et, comme le dit 
          le poète qui célébrait sa gloire, il fut " 
          fidèle jusqu'à la mort à sa parole ", 
          qu'il avait donnée à la France.
 Le général 
          Yusuf  
           
            | Marie Edouard YUSUFNé en 1808 à l'île d'Elbe
 Général de division le 18 mars 1856
 Grand croix de la Légion d'honneur le 19 septembre 1860
 Décédé le 16 mars 1866 à Cannes (Alpes-Maritimes)
 |  ------Le 
          général Yusuf a eu une existence extraordinaire, qui n'aurait 
          pas besoin, pour intéresser le lecteur aimant les vies romanesques, 
          d'être déformée par des aventures issues de l'imagination 
          de l'auteur ou par des dialogues créés par sa fantaisie.-------Né en 1808 à l'île 
          d'Elbe, qui était française depuis 1802, il fut pris en 
          1815 par un corsaire tunisien, sur un bateau qui l'emmenait à 
          Livourne pour y faire ses études. Ses qualités physiques 
          et intellectuelles le firent choisir pour entrer dans la garde du Bey, 
          et il reçut à cet effet les leçons spéciales 
          comportant la pratique du cheval et des armes ainsi que l'étude 
          du Coran. Il eut alors l'occasion d'être le compagnon de jeux 
          d'une fille du bey, la princesse Kaboura sut plaire à l'enfant, 
          si bien que plus tard, quand elle eût grandi et qu'il lût 
          devenu mameluk, une intrigue se noua entre eux.
 -------Comme, au début de 1830, 
          il manifestait son enthousiasme pour le parti 
          français qui s'était formé à Tunis, ses 
          ennemis dévoilèrent cette intrigue, et il eût été 
          assassiné s'il n'avait été prévenu par la 
          princesse; aidé par les fils du consul de France, de Lesseps, 
          il put fuir sur un bateau français.
 -------Débarqué à 
          Sidi Ferruch le 16 juin 1830, deux jours après le gros de l'armée 
          expéditionnaire, il fut attaché par Bourmont comme interprète 
          à son état-major. Nommé khalifa (adjoint) de l'agha 
          des Arabes, il vendit pour une trentaine de mille francs les pierres 
          précieuses des armes qu'il avait apportées de Tunis, équipa 
          avec cet argent quelques cavaliers indigènes et fit avec eux 
          des razzias fructueuses.
 -------Dans l'expédition de Clauzel 
          sur Médéa, Yusuf se conduisit admirablement; il tua un 
          chef turc qui l'avait blessé et lui prit son cheval, et se fit 
          remarquer dans tous les combats. Clauzel, qui venait de créer 
          un escadron de chasseurs algériens, y fit engager Yusuf et l'y 
          nomma, le 2 décembre 1830, capitaine indigène à 
          titre provisoire, grade qui fut confirmé quelques mois plus tard.
 -------Dés lors, dans toutes les 
          expéditions, Yusuf se montra si plein d'audace, d'initiative 
          et d'endurance, qu'il devint rapidement légendaire dans l'armée 
          d'Afrique. Lorsqu'il rentrait dans les camps avec ses cavaliers, " 
          ses enfants " comme il les 
          appelait, il était acclamé par les troupes françaises.
 -------Sa réputation le fit désigner 
          au début de 1832 pour aller occuper, avec le capitaine d'Armandy, 
          la Kasba de Bône ; il y risqua sa vie dans des conditions qui 
          lui valurent une véritable célébrité, par 
          son sang-froid et son énergie dans des circonstances tragiques, 
          au point que le maréchal Soult qualifia cet exploit, dans un 
          discours à la Chambre, de " plus 
          beau fait d'armes du siècle ". Chargé 
          ensuite de petites opérations autour de Bône, il y accomplit 
          maintes prouesses qui lui valurent quatre citations à l'ordre 
          de l'armée, la croix d'officier de la légion d'honneur 
          et le grade de chef d'escadron du 3è Chasseurs d'Afrique.
 -------Lorsqu'en 1835 Clauzel fit l'expédition 
          de Mascara, il appela Yusuf à son état-major, et fut séduit 
          aussitôt par ses qualités : " Yusuf, 
          écrivit-il au Ministre, est un homme des plus intrépides 
          et des plus intelligents que je connaisse. Il est venu me joindre près 
          de Mascara, après avoir traversé trente-cinq lieues de 
          pays au milieu des Arabes qui nous suivaient pour nous combattre. "
 -------Clauzel l'emmena avec lui à 
          l'expédition de Tlemcen, et lui donna une nouvelle occasion de 
          s'illustrer le 15 janvier 1836, à l'attaque du camp d'Abd El 
          Kader. Yusuf, à la tête d'une cinquantaine 
          de cavaliers Douairs et Smela, chargea les cavaliers ennemis avec une 
          fougue incroyable. Monté sur un excellent cheval, il s'attacha 
          à la poursuite d' Abd-el-Kader et crut à plusieurs reprises 
          qu'il allait l'atteindre. Cette course effrénée dura 25 
          kilomètres ! Yusuf se trouvait seul en avant de tous les siens, 
          grâce à la vitesse de son cheval. En vain l'Émir 
          criait-il à ses gens: " Lâches, 
          retournez-vous et voyez : il n'y a qu'un homme qui vous poursuive. " 
          La frayeur l'emportait sur la voix du chef, et la fuite continuait. 
          Le cheval d'Abd-el-Kader était meilleur encore que celui de Yusuf 
          et le mit finalement hors d'atteinte.
 -------Les succès remportés 
          par Clauzel dans la province d'Oran lui permettant de penser à 
          l'expédition de Constantine, c'est Yusuf qu'il considéra 
          comme l'homme capable de l'aider puissamment dans cette tâche. 
          À cet effet, il le nomma, dés le mois de janvier 1836, 
          bey de Constantine, comptant sur l'habileté du jeune chef d'escadrons, 
          qui connaissait si bien le caractère indigène, pour aplanir 
          nombre de difficultés et lui ouvrir la voie. Yusuf avait à 
          sa disposition les spahis réguliers et auxiliaires, était 
          autorisé à lever un corps de 1.000 Turcs ou Arabes; il 
          devait, pour préparer les voies, gagner progressivement à 
          sa cause les tribus entre Bône et Constantine. C'était 
          une excellente méthode, qui depuis lors a fait ses preuves.
 -------Dès le mois d'avril 1836, 
          Yusuf s'établit au camp de Dréan, recevant comme nouveau 
          bey la soumission de nombreuses tribus, et allant châtier celles 
          qui ne reconnaissaient pas son autorité. Il commandait en chef 
          indigène, à la manière d'Abd-el-Kader, faisant 
          trancher la tête après un jugement sommaire à son 
          secrétaire convaincu de trahison, razziant sans pitié 
          les agglomérations qui lui restaient hostiles. Clauzel était 
          en France, cherchant à obtenir des renforts qui lui furent refusés; 
          parti trop tard en novembre, il arriva cependant sans combat devant 
          Constantine, grâce à l'habile préparation politique 
          de Yusuf, qui le précédait à l'avant-garde avec 
          ses Turcs et ses Indigènes; mais il fut vaincu par le mauvais 
          temps et l'insuffisance des munitions.
 -------Yusuf porta en partie le poids et 
          cet échec, et fut accusé d'ambition, de cupidité 
          et de cruauté. Il reprit cependant ses fonctions de bey au camp 
          de Dréan, avec la même mission, car Clauzel comptait bien 
          renouveler l'expédition. La nomination de Damrémont comme 
          gouverneur militaire modifia sa situation, et le fit revenir comme chef 
          d'escadron aux spahis réguliers de Bône. Yusuf, plein d'amertume, 
          fit un voyage en France; mais il eut vite constaté que les calomnies 
          n'avaient en rien diminué son prestige; fêté partout, 
          il fut même nommé lieutenant-colonel avant de revenir en 
          Algérie, en février 1838, prendre le commandement des 
          spahis réguliers d'Oran.
 -------Quoique Musulman, Yusuf tenait à 
          reprendre la nationalité française, dans laquelle il était 
          né, et il reçut cette qualité en 1839, tout en 
          restant dans les cadres de l'armée au titre indigène. 
          Apprécié par Bugeaud comme par ses chefs précédents, 
          il fut proposé pour colonel par cet illustre général 
          en avril 1842, dans des termes qui le dépeignent mieux encore 
          que ses nombreuses citations à l'ordre : " 
          L'éloge du lieutenant-colonel Yusuf, écrivait Bugeaud 
          au Ministre, est dans toutes les bouches. Il n'est pas un officier, 
          pas un soldat de la province d'Oran qui ne l'admire! jamais on n'a montré 
          plus d'élan, plus d'activité dans l'esprit et dans le 
          corps... Yusuf est un officier de cavalerie légère comme 
          on en trouve bien peu. Aussi désirai-je vivement qu'il soit fait 
          colonel, commandant tous les spahis d'Algérie. Il saura donner 
          à tous les habitudes, l'esprit et l'élan guerriers qui 
          ont si fort distingué les escadrons de Mascara, auxquels on doit 
          une grande partie des succès obtenus. "
 -------Cette proposition 
          valut presque aussitôt à Yusuf le grade de colonel et le 
          commandement des spahis d'Algérie. On comprend l'autorité 
          que ce chef à la belle prestance, au passé chargé 
          de gloire, avait sur les Indigènes, si admirateurs des qualités 
          physiques et de la bravoure personnelle. Yusuf ne devait pas néanmoins 
          se confiner dans la direction générale des vingt escadrons 
          placés sous ses ordres. -------C'est 
          à cheval, entraînant sa troupe à la poursuite d'Abd 
          el Kader ou de ses partisans, que ce soldat se sentait à sa place.
 -------Dans l'expédition du duc 
          d'Aumale contre la Smala, Yusuf, toujours à l'avant garde avec 
          ses spahis, éclairait la colonne; s'apercevant que sa marche 
          était signalée par des indigènes qui allumaient 
          des feux, il décida de faire un exemple, parvint à en 
          surprendre quelques-uns et les fit exécuter sur le champ. Le 
          procédé était cruel, mais produisit son effet; 
          les signaux lumineux cessèrent, ce qui permit de surprendre la 
          Smala.
 -------Lorsque, le 16 mai 1843, les auxiliaires 
          indigènes aperçurent les premiers l'immense agglomération 
          que formait la Smala, une sorte de conseil se tint autour du duc d'Aumale 
          ; le colonel Yusuf avait avec lui trois escadrons de spahis et les trois 
          escadrons de chasseurs d'Afrique du lieutenant-colonel Morris : " 
          Eh bien! messieurs, en avant! ", conclut le duc d'Aumale.
 -------Bientôt les spahis au burnous 
          rouge partirent au galop. La surprise fut telle que les femmes, les 
          prenant pour des cavaliers réguliers de l'Émir, poussèrent 
          des youyous afin de célébrer leur retour. Cette joie se 
          transforma en stupeur lorsque les premiers coups de feu éclatèrent; 
          un cri lugubre se propagea ; " Er Roumi, 
          er Roumi! " Yusuf avec ses spahis se précipita 
          sur le douar d'Abd-el-Kader, tandis que le duc d'Aumale avec l'intrépide 
          Morris abordait la Smala de flanc. La panique saisit la foule indigène 
          et provoqua un sauve-qui-peut général, si bien que les 
          troupes françaises s'emparèrent de milliers de prisonniers 
          et d'un immense butin, en n'éprouvant que fort peu de pertes.
 -------Yusuf fit dresser pendant la nuit, 
          devant la tente du duc d'Aumale, la tente d'Abd-el-Kader, et la fit 
          entourer des drapeaux, des armes et des plus beaux trophées enlevés 
          à l'ennemi, pour donner au jeune prince un joyeux réveil. 
          Il fut cité, dans le rapport rédigé par le duc 
          d'Aumale, pour " son brillant courage 
          et son intelligence militaire. "
 -------Le duc d'Aumale étant parti 
          pour la France, Yusuf exécuta avec un plein succès diverses 
          opérations contre les tribus de la province d'Alger. Mais c'est 
          surtout en 1844, lors de la campagne contre le Maroc, qu'il trouva de 
          nouvelles occasions de donner sa mesure.
 -------À la bataille de l'Isly, 
          il commanda le premier échelon de la charge de cavalerie, formé 
          de six escadrons de spahis, et, malgré le feu de onze pièces 
          de canon marocaines, aborda le camp du fils du Sultan, sabra les servants 
          et s'empara des pièces. -------Entré 
          dans cet immense camp, il fut arrêté un moment par des 
          cavaliers et des fantassins lui opposant une farouche défense 
          individuelle; mais, grâce à l'approche de trois escadrons 
          de chasseurs, il put repartir de l'avant; il poursuivit lés Marocains 
          en retraite jusqu'à plusieurs kilomètres du camp. Les 
          quatre officiers tués dans cette journée étaient 
          quatre officiers de spahis. Yusuf mérita, à cette occasion, 
          sa dix-septième citation!
 |  |  ------Un événement 
        romanesque devait encore une fois se produire dans sa vie; étant 
        allé en France accompagné du maréchal des logis Weyer, 
        son secrétaire, il s'éprit de la sur du jeune sous-officier, 
        la demanda en mariage, renonça à la religion musulmane et 
        l'épousa. Revenu avec sa femme en Algérie, il reçut 
        en juillet 1845 le grade de maréchal de camp à titre indigène 
        et le commandement d'une brigade de vingt escadrons de spahis, en trois 
        régiments. -------C'est dans la période qui s'ouvre 
        en septembre 1845, par le fameux combat de Sidi Brahim, et qui marque 
        l'effort suprême d'Abd el Kader, que Yusuf allait se surpasser. 
        Chargé par Bugeaud du commandement de colonnes mobiles successives, 
        il poursuivit, avec une inlassable activité, Abd el Kader et les 
        tribus qui avaient pris son parti.
 -------Il eut l'occasion à cette époque de démontrer 
        souvent l'excellence de ses principes de guerre africaine, si différents 
        de ceux de la guerre européenne. En décembre 1845, Abd el 
        Kader fuyait devant lui en deux colonnes, l'une formée de ses cavaliers, 
        l'autre de ses bagages et troupeaux; ce fut non la première, mais 
        la seconde qu'il poursuivit, certain d'obliger ainsi son adversaire à 
        venir défendre son bien. Le combat eut lieu à l'oued Temda 
        : Abd el Kader eut son cheval tué sous lui, s'échappa à 
        grand-peine grâce au dévouement des siens, et laissa entre 
        les mains de Yusuf ses morts, ses blessés et ses bagages.
 -------La cavalerie de Yusuf, rentrée 
        à Alger exténuée par trois mois de dure campagne 
        dans des pays difficiles, repartit à la fin de février 1846, 
        mais pour le Sud, c'est-à-dire pour des régions plus favorables 
        à son action. Le 12 mars, Yusuf découvrit les traces d'Abd 
        el Kader; alors ce fut une poursuite sans répit, qui dura pendant 
        plus de 20 kilomètres, dans la région de Bou Saada, et qui 
        fit tomber entre ses mains plusieurs drapeaux, des prisonniers, des tentes 
        et un convoi de 800 mulets. Abd el Kader serré de près à 
        plusieurs reprises avec 14 de ses cavaliers, par plusieurs officiers français 
        qui avaient de bons chevaux, dut encore une fois son salut à la 
        qualité supérieure de son cheval.
 -------Si Yusuf épuisait ses chevaux, 
        il pouvait les remplacer, tandis que l'Émir ne pouvait pas : Bugeaud 
        écrivait le 31 mai à Léon Roches que les éclaireurs 
        de Yusuf avaient suivi Abd el Kader en fuite vers le sud-ouest et qu'ils 
        l'avaient vu réduit à " environ 
        150 cavaliers, éparpillés sur la route, les uns démontés, 
        les autres traînant leurs chevaux par la figure, d'autres montés 
        sur des haridelles maigres et blessées. "
 -------Yusuf avait conquis l'estime et l'affection 
        de Bugeaud, qui le considérait comme un magnifique cavalier, et 
        l'appelait le " Murat de l'armée 
        ". Après le départ pour la France de l'illustre Maréchal, 
        il n'eut plus guère l'occasion de chevauchées, car Abd el 
        Kader s'était réfugié au Maroc et fut bientôt 
        amené à se rendre : l'ère glorieuse était 
        close. Nommé inspecteur général permanent de la cavalerie 
        indigène, il eût voulu, par-dessus tout, être admis 
        dans le cadre des généraux français; malgré 
        ses efforts et ceux de ses amis et malgré l'appui de Bugeaud lui-même, 
        il ne pouvait y parvenir.
 -------Le livre qu'il publia en 1851 " 
        De la guerre en Afrique " témoigne du moins de son activité 
        dans un nouveau domaine. Les principes qu'il y exposait ont servi de bases 
        aux règlements spéciaux si nécessaires à l'armée 
        d'Afrique. Aux conseils militaires pratiques, il ajoutait des pages d'une 
        portée plus haute, celles par exemple où il indiquait le 
        rôle de l'officier des bureaux arabes : " 
        La France veut coloniser, écrivait-il; elle appelle de ses vux 
        le moment où la charrue pourra entrouvrir ce nouveau sol, où 
        les baïonnettes ne seront plus que protectrices, et où le 
        colon n'aura plus à craindre de voir surgir un ennemi derrière 
        chaque buisson. Dès ce jour (puisse-t-il bientôt luire), 
        l'officier dés bureaux arabes verra encore s'agrandir sa mission 
        : il sera plus que jamais l'homme nécessaire, le trait d'union 
        indispensable; pendant de longues années, il sera appelé, 
        sur les zones de l'intérieur, à diriger, surveiller, protéger 
        la colonisation qui aura franchi le Sahel, et se sera aventurée 
        presque jusqu'au désert. "
 -------Enfin Yusuf obtint en décembre 
        1851 la récompense qu'il souhaitait ardemment, l'admission dans 
        le cadre des généraux français; le Président 
        de la République, Louis-Napoléon, lui écrivit à 
        ce sujet : " Il était juste que la 
        France adoptât celui qui, depuis de longues années, la défend 
        en Algérie avec tant de courage et de dévouement. "
 -------Nommé au commandement de la 
        subdivision de Médéa, Yusuf mena en 1852 une colonne contre 
        Laghouat ; il eut bien voulu attaquer seul, mais il n'avait que l.500 
        hommes, et dut se résigner à attendre la colonne du général 
        Pélissier, venant de la province d'Oran. Pélissier fit enlever 
        brillamment l'oasis, mais n'oublia pas de citer Yusuf, qui fut fait grand 
        officier de la Légion d'honneur.
 -------Après un court séjour 
        en 1854 en Crimée, où il organisa un corps de 3.000 " 
        bachi-bouzouks ", qui fut largement 
        diminué par le choléra dans la Dobrudja, puis licencié, 
        Yusuf revint en Algérie. Il fut promu général de 
        division, et dirigea, d'après les ordres du général 
        Randon, des colonnes qui participèrent de la façon la plus 
        efficace, en 1856 et 1857, à la soumission définitive de 
        la Kabylie. En 1859, à l'expédition conduite par le général 
        de Martimprey contre la tribu marocaine des Beni-Snassen, il montra, pendant 
        l'épidémie de choléra qui décima ses troupes, 
        une humanité, un courage et une abnégation admirables. Il 
        fut nommé en 1860 grand-croix de la légion d'honneur par 
        Napoléon III.
 -------La grande expérience 
        que Yusuf avait du Sahara et des Indigènes lui permit de rendre, 
        pendant l'insurrection de 1864, des services importants dans le Sud des 
        provinces d'Alger et d'Oran. Cependant, le maréchal de Mac-Mahon, 
        nommé gouverneur général de l'Algérie, lui 
        déclara au début de 1865 qu' " avec de nouveaux systèmes, 
        il fallait des hommes nouveaux ".
 -------Yusuf demanda la division de Montpellier, 
        mais il tomba gravement malade et alla mourir à Cannes le 16 mars 
        1866. Dans son agonie, ce merveilleux soldat se revoyait au milieu de 
        ses compagnons des charges d'autrefois, à un moment il se leva 
        sur son séant, étendit les mains en avant comme s'il tenait 
        les rênes de son cheval, et demanda en arabe : " Agha 
        Sliman, qui est autour de moi ? " Dernière évocation 
        de toute une vie héroïque au service de la France.
 -------Yusuf est le 
        seul chef qui ait participé de bout en bout à la conquête 
        de l'Algérie, depuis le débarquement à Sidi Ferruch 
        en juin 1830, jusqu'à la soumission de la Kabylie en 1857, sans 
        parler de l'expédition du Maroc et de l'insurrection de 1864. Il 
        a été comblé de gloire et d'honneurs. Cependant il 
        s'est attiré de nombreuses inimitiés, dues autant à 
        des jalousies inévitables qu'à l'incompréhension 
        de sa mentalité.
 -------Yusuf, quoique 
        redevenu Français, conserva toujours le caractère et la 
        tournure d'esprit d'un Musulman de l'Afrique du Nord. Ses jugements sommaires, 
        après lesquels il faisait trancher des têtes, ses procédés 
        d'administration, n'ayant souvent rien de commun avec ceux de la bureaucratie 
        officielle, l'ont fait critiquer beaucoup plus qu'il n'eût convenu.
 -------Pour juger 
        un homme, il faut se représenter les conditions et le milieu dans 
        lequel il agit. Il vécut à l'époque héroïque 
        de la conquête, qui ne ressembla en rien à la période 
        suivante : superbe cavalier, habile sabreur, vigoureux entraîneur 
        d'hommes, il était fait pour les chevauchées téméraires, 
        les mêlées ardentes et les entreprises audacieuses. Il était 
        adoré des troupes indigènes, et longtemps encore, dans les 
        villages et dans les douars d'Algérie, les descendants des spahis 
        qu'il a si brillamment commandés raconteront des épisodes 
        du temps où leur aïeul servait avec Yusuf.
 L'émir 
        Abd el Kader
 
         
          | EL HADJ ABD EL KADER BEN MAHI ED 
              DINENé près de Mascara en 1808
 Grand croix de la Légion d'honneur le 5 août 1860
 Mort à Damas le 26 mai 1883
 |  -------Abd el 
        Kader a été un grand soldat, mais c'est la France qu'il 
        a combattue, et sa place ne paraît pas, au premier abord, marquée 
        parmi ceux-là même dont il a été le principal 
        adversaire.-------Cependant, à l'examen de sa 
        vie, on s'aperçoit que, s'il a lutté de toutes ses forces 
        contre les Français de 1832 à 1847, pendant 16 ans, il a 
        appris à les connaître et à les aimer au cours de 
        sa captivité, de 1848 à 1852, pendant 4 ans, et qu'ensuite, 
        depuis sa libération jusqu'à sa mort en 1883, c'est-à-dire 
        pendant 31 ans, il a constamment pensé à rapprocher Français 
        et Indigènes, et il a montré une fidélité 
        dévouée à son pays d'adoption. Son évolution 
        a été incomprise et souvent même ignorée, aussi 
        bien par les Français que par les Indigènes, alors qu'elle 
        est le symbole frappant de l'évolution que les Musulmans de l'Afrique 
        du Nord subissent progressivement (1).
 Si Abd el Kader a été l'ennemi de la France au début 
        de sa vie, ce fut en raison de son éducation religieuse étroite, 
        basée sur une interprétation erronée du Coran.
 -------L'Islam fournit pour lui, comme pour 
        presque tous les Musulmans, l'explication des actes de sa vie. Son père, 
        Mahi ed Dine, était un saint homme qui jouissait d'une influence 
        considérable dans la région de Mascara; il recevait à 
        sa zaouïa (lieu de réunion, école) la visite d'autres 
        marabouts et de pieux voyageurs, il discutait et enseignait le Coran. 
        Il prêcha, dès avril 1832, la Guerre Sainte contre les Chrétiens, 
        et attaqua en mai la ville d'Oran; mais, plus ambitieux pour son fils 
        que pour lui-même, il parvint en novembre à faire nommer 
        le jeune Abd el Kader " Sultan " par les tribus de la région.
 -------Pour étendre plus largement 
        son autorité, Abd el Kader avait non seulement à s'opposer 
        aux progrès des Français d'Oran, mais à combattre 
        les Turcs de Tlemcen et de Mostaganem et ses grands rivaux indigènes, 
        chefs de tribus. Il eut l'adresse d'amener le général Desmichels 
        à signer avec lui, en 1834, un traité qui non seulement 
        reconnaissait son pouvoir, mais aussi le titre qu'il s'était donné 
        d'Émir et Moumenin (Commandeur des Croyants); il put ainsi étendre 
        son influence jusqu'à Médéa et Miliana dans la province 
        d'Alger; puis, lorsque Desmichels eût été rappelé, 
        et que Trézel voulut s'opposer à ses empiétements, 
        il lui infligea en juin 1835 une défaite à la Jacta.
 -------Les expéditions de Calculez 
        contre Mascara et Tlemcen infligèrent à l'Émir deux 
        grands échecs; mais Abd el Kader, même abandonné de 
        tous, ne se décourageait pas; il lançait ses appels à 
        la lutte contre les Infidèles, rappelant aux Musulmans les deux 
        seules belles destinées à souhaiter pour eux : la victoire 
        ou le martyre. Il bloqua la colonne du général d'Arlanges 
        au camp de la Tafna ; mais il subit, lorsque Bugeaud intervint avec des 
        renforts, une défaite complète à la Sikkak, en juillet 
        1836.
 -------L'Émir, comme toujours, restaura 
        son prestige rapidement, et parvint à gêner considérablement 
        le ravitaillement des troupes françaises par les tribus. Le Gouvernement 
        de Louis-Philippe, qui voulait la paix dans l'Ouest algérien pour 
        pouvoir faire l'expédition de Constantine, envoya de nouveau Bugeaud 
        sur place, mais cette fois pour négocier. Le résultat de 
        cette négociation fut déplorable : par le traité 
        de la Tafna, l'Émir obtenait la reconnaissance de son autorité 
        sur d'immenses territoires, y compris Tlemcen, défendue six ans 
        par les Koulouglis, et la plaine de Mleta, propriété des 
        Douairs; il triomphait davantage que s'il avait remporté d'éclatantes 
        victoires.
 -------Ainsi affermi et grandi par la France, 
        Abd el Kader put châtier les tribus qui refusaient de le reconnaître 
        et organiser son Sultanat. Il créa des divisions administratives, 
        réglementa les impôts, la justice, l'instruction, le commerce, 
        constitua une armée régulière et tenta de nouer des 
        relations à l'extérieur. Sa grande erreur fut d'essayer 
        de créer en Algérie une nationalité musulmane qui 
        était impossible à réaliser : le seul lien capable 
        d'unir les agglomérations si disparates arabes ou kabyles était 
        celui de la Guerre Sainte; ce lien rompu, le " Sultanat " devait 
        fatalement se dissocier !...
 -------Ce fut Abd el Kader qui recommença 
        les hostilités en novembre 1839, en prenant comme prétexte 
        le passage de la colonne du duc d'Orléans par le défilé 
        des Portes de Fer. Quoiqu'il ne disposât pas de tous les moyens 
        qu'il eût souhaités, il n'avait rien à gagner en attendant 
        : " J'ai voulu la guerre, a-t-il déclaré 
        plus tard, parce qu'aux préparatifs faits par les Français, 
        aux établissements créés par eux de tous côtés, 
        j'avais parfaitement compris que la paix conclue n'était pas leur 
        dernier mot. "
 -------Tandis que le maréchal Valée, 
        quoique ayant occupé Médéa et Miliana en mai et juin 
        1840, resta en fait sur la défensive, Bugeaud, qui le remplaça 
        en 1841, prit une vigoureuse offensive avec ses colonnes mobiles; il détruisit 
        la nouvelle capitale de l'Émir, Tagdempt, et occupa l'ancienne, 
        Mascara. En 1842, ce fut un véritable " jeu de barres " 
        entre les lieutenants de Bugeaud et ceux d'Abd el Kader. Bugeaud, pour 
        mieux enserrer son adversaire, f fonda des postes constituant un véritable 
        réseau entre les mailles duquel il devenait difficile de passer.
 -------Ce fut d'un des nouveaux postes créés, 
        Boghar, que le duc d'Aumale s'élança avec Yusuf sur les 
        traces de la Smala, et l'atteignit le 16 mai 1843, portant un rude coup 
        à la puissance et au prestige de son adversaire. Néanmoins 
        l'Émir continua à circuler en zigzags à travers les 
        colonnes lancées à sa poursuite, restant insaisissable. 
        Obligé enfin de s'enfuir au Maroc, il parut un moment hors de cause, 
        surtout après la victoire de Bugeaud à l'Isly sur les Marocains.
 -------Grâce à l'insurrection 
        algérienne de 1845, préparée et attisée par 
        ses soins, il rentra en scène d'une façon sensationnelle, 
        en anéantissant près de Sidi-Brahim la colonne du lieutenant-colonel 
        de Montagnac ; mais, rejeté au Maroc par Bugeaud, i1 s'y trouva 
        aux prises avec le Sultan inquiet de sa présence. Encerclé 
        par les Marocains d'une part et par les colonnes françaises de 
        l'autre, il se décida à se rendre à La Moricière 
        le 23 décembre 1847.
 -------Alors commença la partie de 
        l'existence d'Abd el Kader, trop ignorée, qui a fait de lui un 
        Français. " L'ex-Émir , suivant l'expression officielle, 
        fut amené en France, au lieu d'être transporté en 
        Orient comme il en avait reçu la promesse; malgré l'amertume 
        qu'il ne cessa d'éprouver, pendant toute sa captivité, de 
        ce manquement à la parole donnée, Abd el Kader put comprendre 
        peu à peu, dans ses conversations quotidiennes avec le général 
        Daumas, chargé de le garder, que les Chrétiens n'étaient 
        pas des êtres méprisables et que leur religion n'était 
        pas très éloignée de l'islamisme.
 -------Lorsqu'en octobre 1852, Louis-Napoléon 
        Bonaparte, devenu le Prince-Président, vint annoncer à Abd 
        el Kader, au château d'Amboise, qu'il le rendait à la liberté, 
        il lui fit traduire un document où il lui disait : " Vous 
        serez conduit à Brousse, et vous y recevrez du Gouvernement français 
        un traitement digne de votre ancien rang... Votre religion comme la nôtre, 
        apprend à se soumettre 'aux décrets de la Providence. Or, 
        si la France est maîtresse de l'Algérie, 
        c'est que Dieu l'a voulu, et la nation ne renoncera jamais à cette 
        conquête. Vous avez été l'ennemi de la France, mais 
        je n'en rends pas moins justice à votre courage, à votre 
        caractère, à votre résignation dans le malheur; c'est 
        pourquoi je tiens à honneur à faire cesser votre captivité, 
        ayant pleine foi dans votre parole. " Abd 
        el Kader eut l'occasion de définir plus tard sa reconnaissance 
        en termes symboliques : " D'autres ont pu 
        me terrasser, disait-il; d'autres ont pu m'enchaîner; mais Louis-Napoléon 
        est le seul qui m'ait vaincu. "
 -------De ce jour en effet, Abd el Kader 
        fut dévoué à la France, et il le fit avec une élévation 
        et une délicatesse de sentiments révélées 
        par bien des circonstances.
 -------Lorsqu'il vint à Paris, en 
        octobre 1852, avant de partir pour l'Orient, voir Louis-Napoléon 
        à Saint-Cloud, il dit à l'officier qui l'accompagnait : 
        " Les journaux ont prétendu que lorsque 
        le Sultan (Louis-Napoléon) est venu me rendre ma liberté, 
        je lui ai fait des serments. Je ne l'ai pas voulu, à cause de lui, 
        et à cause de moi. A cause de lui, parce que c'eût été 
        diminuer la grandeur de sa générosité, en laissant 
        croire qu'il m'avait dicté des conditions; à cause de moi, 
        parce qu'il me répugnait de passer pour un Juif qui rachèterait 
        sa liberté moyennant un morceau de papier. Je veux, pour prouver 
        que j'agis de ma pleine volonté, remettre entre les mains du Sultan 
        un engagement écrit. "
 -------Dans cet engagement, qu'il remit, 
        il avait écrit : " Je viens vous 
        jurer, par les promesses et le pacte de Dieu, par les promesses de tous 
        les prophètes et de tous les envoyés, que je ne ferai jamais 
        rien de contraire à la foi que vous avez eue en moi... J'ai été 
        témoin de la grandeur de votre pays, de la puissance de vos troupes, 
        de l'immensité de vos richesses et de votre population, de la justice 
        clé vos décisions, de la droiture de vos actes, de la régularité 
        de vos affaires; tout cela m'a convaincu que personne ne vous vaincra, 
        que personne autre que le Dieu tout-puissant ne pourra s'opposer à 
        votre volonté. J'espère de votre générosité 
        et de votre noble caractère que vous me maintiendrez près 
        de votre cur, alors que je serai éloigné, et que vous 
        mettrez au nombre des personnes ce votre intimité, car si je ne 
        les égale pas par l'utilité des services, je les égale 
        par l'affection que je vous porte. "
 -------Lorsqu'Abd el Kader visita l'église 
        de la Madeleine, il prit le bras du curé pour entrer dans le temple 
        des Chrétiens; bien plus, il s'arrêta devant l'autel pour 
        prier Dieu, donnant ainsi l'exemple de la tolérance. Aux Invalides, 
        il dit au chirurgien : " Mon seul chagrin 
        est que quelques-uns des braves qui se trouvent ici aient été 
        blessés par les armes des miens. "
 -------Lorsque fut organisé, en novembre 
        1852, le plébiscite sur l'Empire, Abd el Kader faisait à 
        Amboise ses derniers préparatifs de départ. Il écrivit 
        au maire d'Amboise pour lui demander la permission de voter : " 
        Nous devons, lui disait-il, nous considérer aujourd'hui comme Français, 
        en raison de l'amitié et de l'affection qu'on nous témoigne 
        et des bons procédés qu'on a pour nous. " 
        A la suite de cette lettre, il fut autorisé à déposer, 
        ainsi que ses compagnons, des bulletins dans une urne spéciale. 
        Or, par une coïncidence étrange, il y avait vingt ans, jour 
        pour jour, qu'il avait été proclamé Sultan par les 
        tribus!
 -------Ainsi, cet Indigène algérien 
        qui, vingt ans auparavant, prêchait la Guerre Sainte et aimait à 
        se faire appeler " coupeur de têtes 
        de Chrétiens pour l'amour de Dieu ", déclarait 
        qu'il devait " se considérer comme 
        Français ", et demandait à prendre part 
        à un vote national. Bien plus, en quittant Amboise, il faisait 
        don d'un magnifique lustre à l'église paroissiale... Quelle 
        étape parcourue vers le patriotisme français et la tolérance 
        religieuse, grâce à un contact prolongé avec la France.
 -------De cette transformation d'Abd el Kader, 
        conclure qu'un séjour en France doit faciliter l'évolution 
        de tous les Indigènes algériens serait une grande erreur. 
        Abd el Kader, étant prisonnier, resta en France dans son milieu, 
        entouré des siens, et n'eut connaissance des murs et des 
        institutions du pays que progressivement, par l'intermédiaire du 
        général Daumas, puis du commandant Boissonnet. Il discuta 
        quotidiennement, pendant plusieurs années, avec ces officiers, 
        qui parlaient sa langue et qui connaissaient la mentalité des Musulmans 
        algériens.
 -------Des hommes appartenant à l'élite 
        indigène peuvent de la sorte, s'ils sont bien guidés, tirer 
        d'un séjour en France grand profit pour eux et pour leur pays. 
        Mais des hommes manquant d'une préparation suffisante et livrés 
        à eux-mêmes, ne peuvent, par ce séjour, que perdre 
        leurs qualités natives et subir de funestes déformations 
        morales
 -------Abd el Kader lui-même a exprimé 
        en une formule imagée les effets différents que l'instruction 
        peut produire suivant qu'elle s'adresse à un cerveau préparé 
        ou non " La science peut être comparée 
        à la pluie du ciel; quand une goutte tombe dans une huître 
        entr'ouverte, elle produit la perle; quand elle tombe dans la bouche de 
        la vipère, 
        elle produit le poison. " Cette vérité 
        s'applique à tous les pays et à toutes les races.
 -------La promesse de fidélité 
        à la France qu'Abd el Kader avait faite, il la tint jusqu'à 
        la fin de sa vie.
 -------En 1860, alors qu'il était 
        à Damas, il prévint le Consul de France de l'agitation anti-chrétienne 
        qui se manifestait; puis, l'émeute ayant éclaté, 
        il appela à lui les Algériens, ses anciens fidèles 
        de la Guerre Sainte, qui étaient venus nombreux le retrouver, et 
        porta secours avec eux au Consul et à ceux que la populace poursuivait 
        de sa haine. Il fit venir le Consul dans sa propre maison, y arbora 1e 
        drapeau tricolore, et y recueillit les Chrétiens de toute nationalité 
        qu'il put sauver.
 -------Accompagné de 300 Algériens 
        et de deux de ses fils, il parcourait le quartier où grondait l'émeute 
        en s'écriant " Oh! les Chrétiens! 
        oh! les infortunés, écoutez, venez à moi! Je suis 
        Abd el Kader, fils de Mahi ed Dine, le Moghrebin. Ayez confiance en moi, 
        et je vous protégerai... " A cet appel, beaucoup 
        de malheureux sortirent de leurs cachettes et vinrent à lui. Il 
        sauva plus de 300 personnes au Consulat de Grèce, ainsi que tout 
        le personnel de l'institution des Surs de Charité, 6 prêtres, 
        11 surs et 400 enfants, et les ramena chez lui, où se trouvaient 
        déjà les divers consuls.
 -------Les émeutiers s'étant 
        réunis le lendemain devant sa maison, il les harangua en leur prêchant 
        la tolérance d'après des versets du Coran; puis, les arguments 
        religieux restant sans effet, il leur déclara que s'ils osaient 
        s'attaquer à ses protégés, il leur montrerait comment 
        Abd el Kader et ses soldats savaient combattre. Il fit enfin publier, 
        lorsque le calme fut un peu revenu, qu'il paierait 50 piastres pour chaque 
        chrétien qui lui serait amené. Il put ainsi sauver plus 
        de 12.000 chrétiens.
 -------Abd el Kader reçut le grand 
        cordon de la Légion d'honneur, et vit la pension qu'il recevait 
        de la France portée à 150.000 francs; il fit un voyage en 
        France en 1865.
 -------Pendant la guerre de 1870-1871, apprenant 
        que des Indigènes algériens se servaient de son nom pour 
        tenter des soulèvements en Algérie, il leur écrivit 
        pour les engager à se soumettre; il écrivit en même 
        temps au Gouvernement de la Défense Nationale : " 
        Quand un grand nombre de nos frères (que Dieu les protège) 
        sont dans vos rangs pour repousser l'ennemi envahisseur, et quand vous 
        travaillez à rendre les Arabes des tribus libres comme les Français 
        eux-mêmes, nous venons vous dire que ces tentatives insensées, 
        quels qu'en soient les auteurs, sont faites contre la justice, contre 
        la volonté de Dieu et la mienne; nous prions le Tout-Puissant de 
        punir les traîtres et de confondre les ennemis de la France "
 -------La défaite de la France l'affecta 
        profondément. Des voyageurs étrangers reçus chez 
        lui s'étant permis de faire à ce sujet des réflexions 
        déplacées, Abd el Kader sortit sans mot dire, puis revint 
        peu après, revêtu de son grand cordon de la Légion 
        d'honneur...
 -------Ce qui avait permis ce rapprochement 
        avec la France, c'est le fait qu'Abd el Kader avait réfléchi 
        sur sa religion elle-même; il l'avait mieux comprise et il était 
        arrivé à la conviction qu'elle n'impose pas cette haine 
        que son père et les autres marabouts avaient cru y découvrir. 
        Resté profondément pieux, devenu même d'une piété 
        ascétique, il se déclarait l'ami de la France, et il écrivait, 
        dans l'ouvrage philosophique qu'il envoyait en 1855 à la Société 
        Asiatique à Paris : " Si les Musulmans 
        et les Chrétiens me prêtaient l'oreille, je ferais cesser 
        leur divergence, et ils deviendraient frères à l'extérieur 
        et à l'intérieur ".
 -------Puissent les méditations et 
        les conclusions de ce grand soldat, de ce pieux Musulman, de ce profond 
        penseur, servir à montrer le vrai chemin à tous les Indigènes 
        de l'Afrique du Nord.
 
 (1) Voir : L'émir Abd el Kader, par le colonel 
        Paul Azan, Paris, librairie Hachette, 1925, pour les détails de 
        cette évolution du grand héros indigène.  
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