| ------Charles 
        X, dont le règne a été assez incolore, a un mérite 
        qui ne doit pas être oublié. C'est lui qui a donné 
        l'Algérie à la France. Quels que soient les motifs qui l'aient 
        décidé à l'expédition d'Alger, et même 
        s'il a voulu, comme ses adversaires politiques l'ont prétendu, 
        chercher une diversion à une situation intérieure troublée 
        et redonner quelque solidité à son trône chancelant, 
        il n'en a pas moins, aidé par son ministre Polignac, montré 
        une fermeté et une obstination remarquables.------Sa fermeté 
        ne peut être mieux symbolisée que par sa réponse à 
        l'Angleterre, lorsque cette puissance lui demandait en juillet 1830 des 
        explications sur la prise d'Alger qui venait d'avoir lieu et sur ses intentions 
        futures à l'égard de cette conquête : " 
        Pour prendre Alger, répliqua-t-il, je n'ai considéré 
        que la dignité de la France; pour le garder ou le rendre, je ne 
        consulterai que son intérêt ".
 Le 
        général de Bourmont et le vice-amiral Duperré ------Le 
        général de Bourmont, que Charles 
        X avait choisi comme ministre de la Guerre, et à qui il confia 
        le commandement de l'expédition, de préférence à 
        Marmont, Clauzel, Gérard, Gouvion Saint-Cyr et Molitor avait montré 
        des qualités pendant les guerres de l'Empire et la campagne de 
        1823 en Espagne; il était brave et prévoyant. Mais il fut 
        désigné pour des raisons politiques : l'avant-veille de 
        Waterloo, le 15 juin 1815, il avait abandonné la division qu'il 
        commandait, pour rejoindre Louis XVIII à Gand, et il avait ensuite 
        contribué à la condamnation à mort du maréchal 
        Ney; il était, pour ces raisons, peu populaire auprès de 
        ses soldats.------Le 
        vice-amiral Duperré fut choisi pour commander la flotte, quoique 
        connu pour ses opinions libérales, en raison de la renommée 
        que ses brillants services lui avaient value dans la marine. Il était 
        d'aspect un peu rude, autoritaire, peu loquace, tandis que Bourmont était 
        séduisant, affable et brillant causeur. Pour éviter tout 
        différend entre deux chefs peu faits pour s'entendre, tant en raison 
        de leurs opinions politiques que de leur caractère, Charles X décida 
        que, si Bourmont estimait que les circonstances l'exigeaient, il pourrait 
        imposer sa volonté à Duperré.
 ------Le corps 
        expéditionnaire, fort de plus de 37.000 hommes, avec 4.000 chevaux, 
        de l'artillerie lourde et légère, et un matériel 
        considérable, s'embarqua à Toulon, sur 645 bâtiments, 
        la plus grande partie affrétés. Cette énorme flotte, 
        de composition peu homogène, mit à la voile le 25 mai; elle 
        dut aller s'abriter quelques jours aux îles Baléares, à 
        Palma, contre le mauvais temps, et, grâce à l'habileté 
        et à la prudence de Duperré, arriva sans encombre le 13 
        juin dans la baie de Sidi Ferruch.
 ------Le débarquement 
        des troupes commença le 14 juin avant le jour. Bourmont constitua 
        aussitôt dans la presqu'île de Sidi Ferruch une base bien 
        approvisionnée; de là, il marcha sur Alger. Il mena fort 
        bien ses opérations, ne laissant rien au hasard, avançant 
        d'une façon relativement lente, mais absolument sûre; il 
        arriva au but en vingt jours, forçant la ville à capituler 
        le 4 juillet, avec le minimum de pertes pour les vainqueurs comme pour 
        les vaincus. Il mérite d'être loué de ce résultat 
        beaucoup plus que les historiens ne l'ont fait, car il avait rempli entièrement 
        sa mission, sans éprouver aucun échec partiel capable d'émouvoir 
        l'opinion.
 ------Bourmont 
        fit d'ailleurs constamment preuve de sentiments élevés. 
        Dans sa proclamation du 10 mai à ses troupes, avant leur embarquement, 
        il leur disait :" La cause de la France 
        est celle de l'humanité. Montrez-vous dignes de votre belle mission. 
        Qu'aucun excès ne ternisse l'éclat de vos exploits; terribles 
        dans le combat, soyez justes et humains après la victoire... Rendant 
        la guerre moins longue
 et moins sanglante, vous remplirez les vux d'un souverain aussi 
        avare du sang de ses sujets que jaloux de l'honneur de la France. 
        "
 ------La convention 
        qu'il conclut au moment de la capitulation d'Alger, ne dénote pas 
        moins de modération et de bonté à l'égard 
        des vaincus, dans toutes ses clauses. La principale disait : " L'exercice 
        de la religion mahométane restera libre; la liberté des 
        habitants de toutes classes, leur religion, leurs propriétés, 
        leur commerce, leur industrie, ne recevront aucune atteinte; leurs femmes 
        seront respectées. Le général en chef en prend l'engagement 
        sur l'honneur (1). "
 ------Si Bourmont 
        n'eut pas d'autre politique à l'égard des Turcs que l'expulsion, 
        et s'il commit des fautes dans l'administration des Indigènes algériens, 
        c'est que, autant l'expédition était bien préparée 
        au point de vue militaire, autant elle l'était peu au point de 
        vue de ses conséquences.
 
 
 |  | ------On 
      connaissait les Turcs et les Juifs d'une manière bien imparfaite. 
      On ignorait à peu près complètement les différences 
      si importantes entre les tribus de l'Afrique du Nord d'une part, les tribus 
      arabes, peu nombreuses, issues des envahisseurs musulmans venus d'Orient, 
      et les tribus berbères arabisées; d'autre part, les tribus 
      berbères constituant le fonds de la population, descendant des agglomérations 
      locales, ayant une langue et une organisation à elles, et encore 
      mal islamisées -------On n'avait pas assez réfléchi 
      aux moyens d'administration à employer vis à vis de cette 
      masse disparate de tribus, qui constituait la Régence d'Alger, si 
      on la découronnait soudainement des Turcs qui la commandaient.
 
         
          | Louis-Auguste-Victor DE GHAISNE, 
              Comte DE BOURMONT ------Né 
              le 2 septembre 1773, à Freigné (M.-et-L.)------Pair 
              de France le 9 octobre 1823
 ------Grand 
              croix de la Légion d'honneur le 23 mai 1825
 ------Ministre 
              secrétaire d'État de la Guerre, le 8 août 1829 
              Commandant en chef de l'armée d'expédition en Afrique 
              du 11 avril 1830 au 12 août 1830
 ------Maréchal 
              de France le 14 juillet 1830
 ------Décédé 
              le 27 octobre 1846, au château de Bourmont commune de Freigné 
              (M.-et-L.)
 |  -----Bourmont 
        n'eut pas le temps d'expérimenter une solution, puisque la Révolution 
        de 1830 vint lui enlever son commandement, et qu'il apprit, dès 
        le 20 août, son remplacement par le général Clauzel. 
        Il eût, peut-être, pratiqué une sage politique vis-à-vis 
        des Indigènes, comme le prouvent les dernières instructions 
        qu'il donna, car il comprenait la nécessité d'une administration 
        adaptée aux murs, aux habitudes et à la religion de 
        populations très différentes des populations européennes.------La dignité 
        de maréchal a récompensé à juste titre Bourmont 
        de sa conquête. La France lui conserve de la gratitude pour cette 
        glorieuse et fructueuse expédition, dans laquelle il eut la douleur 
        de voir mourir de sa blessure un de ses quatre fils, qui combattaient 
        sous ses ordres; mais elle ne peut pas le classer au rang des soldats 
        illustres, parce que tout Français sent bien qu'un général 
        ne doit pas, en présence de l'ennemi, même pour des raisons 
        politiques, abandonner le drapeau qu'il a accepté de servir et 
        les hommes qu'il a l'honneur de commander.
 Le 
        commandant Boutin ------C'est 
        à un modeste officier supérieur, qui eut le mérite 
        de faire sous le Premier Empire la reconnaissance d'Alger, qu'ira plutôt 
        l'hommage de la nation. Le chef de bataillon Boutin, envoyé en 
        mission par Napoléon qui pensait alors à une expédition, 
        était resté à Alger du 24 mai au 17 juillet 1808; 
        il avait non seulement dressé le plan de la ville, de ses fortifications 
        et des environs; mais il avait conçu le programme de l'expédition 
        tel qu'il fut réalisé, avec Sidi Ferruch comme point de 
        débarquement pour l'armée et le Fort l'Empereur, dominant 
        toutes les fortifications d'Alger, comme objectif à enlever.------Tous 
        ceux qui eurent connaissance de ce rapport, en particulier le marquis 
        de Clermont-Tonnerre, ministre de la Guerre de 1827, se rallièrent 
        à ses conclusions et les reproduisirent dans leurs projets. Il 
        ne faut donc pas oublier le serviteur dévoué dont le nom 
        est resté trop peu connu, parce que même ceux qui utilisaient 
        ses travaux ne le citaient pas.
 ------Boutin 
        est le type de ces héros modestes qui, sans ostentation et sans 
        bruit, exécutent les travaux qui décident du succès 
        et qui valent à d'autres gloire et honneurs. C'est d'après 
        ses renseignements et suivant sa conception qu'a été réalisée 
        la prise d'Alger. Il a bien le droit, à ce titre, de figurer dans 
        le livre d'or de l'Algérie
 
   
 1) Voir L'expédition d'Alger, par 
        le général Paul Azan, librairie Plon. Paris, 1930, pour 
        les détails de cette expédition. .  |