| TROISIÈME 
        PARTIE L'ALGÉRIE ET LA 
        FRANCE I.-L'expédition 
        de 1830 --------La cause 
        profonde de l'expédition française contre Alger en 1830 
        est l'impossibilité, dans l'Europe moderne, de tolérer longtemps 
        la situation extravagante créée en Méditerranée 
        par les agissements de la Régence. La menace perpétuelle 
        qu'ils faisaient peser sur le trafic était insupportable. La flotté 
        anglaise, envoyée en 1816 devant Alger, sous le commandement de 
        lord Exmouth, n'avait pas obtenu un résultat durable. En dépit 
        de la suppression officiellement promise de l'esclavage, le Dey maintenait 
        en fait ses prétentions : au début de 1824, trois vaisseaux 
        espagnols avaient été capturés par les Algériens 
        et les équipages condamnés aux travaux publics. Au mois 
        de mars, le capitaine de vaisseau français du Buisson obtint leur 
        libération, mais la question n'était pas réglée 
        pour cela. Elle devait l'être fatalement, par une puissance ou par 
        l'autre, dans un avenir prochain. --------L'occasion 
        est bien connue. Les Bacri et les Busnach, juifs algériens qui 
        avaient le monopole des grandes affaires dans la Régence, avaient 
        fait à la Première République des fournitures de 
        grains qui n'étaient pas encore réglées en 1815. 
        Le gouvernement de la Restauration comprit cette créance dans la 
        liquidation générale qu'il avait entreprise : un accord 
        de 1819 en fixa le montant à 7 millions de francs. --------En 1827, 
        la somme n'était pas encore recouvrée. Des créanciers 
        de Bacri s'étaient révélés et mettaient opposition 
        aux paiements. Les tribunaux étaient saisis, à charge d'examiner 
        le bien fondé de leurs réclamations. D'où la lenteur 
        extrême. Mais, de son côté, le Dey d'Alger était 
        aussi créancier de Bacri, et il insistait avec la plus grande véhémence 
        pour que son débiteur fût enfin payé. C'était 
        au Consul de France à Alger, Deval, à lui faire prendre 
        patience. L'affaire finit mal. Après une lettre à notre 
        Ministre des Affaires étrangères, 
        le Dey Hussein passa de la menace aux actes. Le domicile de notre agent 
        consulaire à Bône fut violé, des bâtiments français 
        furent visités par des Algériens dans les eaux de la Corse, 
        et des bâtiments sous pavillon pontifical capturés. Enfin, 
        le 30 avril 1827, au cours d'une audience, le Dey, hors de lui, frappa 
        trois fois Deval de son chasse-mouche, et le congédia. --------Réaction 
        française immédiate et conforme à la tradition : 
        une escadre se présenta devant Alger et son 
        chef exigea excuses et réparations. Hussein refusa tout. Notre 
        Consul et nos résidents s'embarquèrent. Les côtes 
        furent déclarées par la France en état de blocus. 
        Hussein répliqua en ordonnant la destruction du comptoir français 
        établi à la Calle. Le résultat était, lui 
        aussi, conforme à la tradition. --------Il devint 
        évident que la flotte à elle seule ne pourrait amener la 
        décision. --------Le ministre 
        de la Guerre, Clermont-Tonnerre, se rendit à l'évidence 
        et proposa au Conseil des Ministres une expédition militaire, un 
        débarquement (11 octobre 1827) : il se heurta à l'opposition 
        du Président du Conseil Villèle, et à celle du Dauphin. 
        Le Cabinet suivant (Martignac) se contenta de maintenir le blocus et chercha 
        à reprendre les tractations. C'était encourager la résistance 
        du Dey, déjà poussé dans cette voie par le Consul 
        d'Angleterre. --------Un peu plus 
        de deux ans après le « coup d'éventail », en 
        juillet 1829, le Dey poussa l'audace jusqu'à faire canonner, malgré 
        le pavillon parlementaire, la Provence à bord de laquelle se trouvait 
        le capitaine de vaisseau de la Bretonnière, reçu la veille 
        en audience sans résultat. Hussein rejeta bien la responsabilité 
        de la canonnade sur son ministre de la Marine. Mais la destitution de 
        ce haut fonctionnaire n'était pas une satisfaction suffisante pour 
        la France. --------Polignac, 
        qui venait de succéder à Martignac, ne parut pas, d'abord, 
        plus décidé que son prédécesseur à 
        entamer une guerre en Afrique. Sur la proposition de notre Consul au Caire, 
        Drovetti, il pensa à une alliance avec Méhémet Ali, 
        le vice-roi d'Égypte, qui se présentait comme le plus entreprenant 
        des héritiers éventuels de la Porte. Cette idée rentrait 
        dans le plan général de liquidation de l'Empire ottoman 
        que caressait Polignac. Celui-ci était sur le point d'admettre 
        les conditions singulièrement décevantes posées par 
        Méhémet-Ali : il trouva une vive résistance chez 
        ses collègues, notamment chez le ministre de la Marine, le baron 
        d'Haussez, qui convainquit le roi Charles X de l'impossibilité, 
        entre autres choses, de céder au vice-roi d'Égypte, comme 
        il le demandait, quatre bâtiments dé la flotte de guerre 
        française. Au reste, l'attitude de la Russie et de la Prusse rendit 
        bientôt caduc le grand projet du ministre des Affaires étrangères. --------Les circonstances 
        né laissaient plus d'autre issue que l'action militaire, le débarquement. 
        Il fut décidé, en conseil des Ministres, le 31 janvier 1830 
        et publiquement annoncé le 3 mars suivant. L'objet essentiel de 
        l'expédition était de venger l'insulte faite au pavillon 
        français. Certaines réserves contenues dans les instructions 
        données au général de Bourmont, commandant en chef, 
        portaient que celui-ci devait s'abstenir, dans ses relations avec la population 
        et les chefs, de quoi que ce fût qui pût engager l'avenir. 
        Mais, en dehors de la soumission complète, d'ailleurs improbable, 
        ou de l'éviction définitive du Dey d'Alger et de l'administration 
        turque, rien n'était expressément prévu : idée 
        directrice semble avoir été de prendre pied à Alger 
        et sur certains points de la côte; il n'y a pas trace d'intentions 
        « colonisatrices ». --------Au reste, 
        dans ses circulaires aux puissances, Polignac affirmait au nom du Roi 
        de France que, si le gouvernement du Dey venait à disparaître, 
        une conférence internationale réglerait le sort de la Régence. 
        L'intérêt général de l'Europe était 
        évidemment que le nid de pirates fût détruit, et les 
        grandes puissances se contentèrent des assurances données. --------Toutes, 
        sauf une, l'Angleterre. Le Cabinet de Saint-James, à plusieurs 
        reprises, demanda des explications supplémentaires et avant tout 
        l'engagement formel que nous ne resterions pas à Alger. C'était 
        là évidemment sa crainte, car il voyait dans notre installation 
        éventuelle sur la côte nord de l'Afrique une menace grave 
        pour sa prépondérance maritime, affirmée jusqu'en 
        Méditerranée. --------Son Consul 
        à Alger prodiguait les encouragements au Dey Hussein. Déjà, 
        en 1824, Du Buisson, en arrivant devant Alger, avait essuyé un 
        coup de canon d'un navire britannique. Le sang-froid et la fermeté 
        du commandant de l'Hermione avaient évité un incident grave. --------Le gouvernement 
        français ne se laissa pas intimider. Le baron d'Haussez eut, à 
        la fin d'avril, avec lord Stuart, ambassadeur de la Cour de Londres à 
        Paris, une conversation parfaitement nette. Le prince de Polignac affirmait 
        une énergie et une décision égales.La situation politique intérieure en France était infiniment 
        moins favorable.
 --------Le ministère 
        Polignac (« Coblence, Waterloo, 1815 ») était considéré, 
        dès ses débuts, comme un ministère de coup d'État. 
        La personnalité du ministre de la Guerre, le général-comte 
        de Bourmont, était particulièrement discutée. A la 
        première nouvelle d'une expédition contre Alger, l'opposition 
        se déchaîna dans la presse, dans des brochures; perdant de 
        vue, comme il arrive souvent, l'intérêt national, pour s'en 
        tenir à l'intérêt de parti, elle divulgua des renseignements 
        relatifs à l'opération, et ce fut un grief que releva Polignac 
        dans son rapport précédant les ordonnances de Juillet. --------Ces divulgations 
        ne furent pas nuisibles. Remarquons-le, cependant : première entreprise 
        africaine de la France au XIXè siècle, l'expédition 
        d'Alger connut, comme toutes celles qui l'ont suivie, l'hostilité 
        peu éclairée d'une partie de l'opinion dans la Métropole. 
        Il n'est pas certain d'ailleurs, que le gouvernement n'ait pas espéré 
        trouver dans la victoire un moyen de faire admettre plus facilement sa 
        politique intérieure. --------La préparation 
        de l'entreprise fut assurée par le général de Bourmont, 
        d'abord comme ministre de la Guerre, puis, après le 11 avril, comme 
        commandant en chef. Le souvenir de 1815 ne le gêna pas plus en 1830 
        qu'il ne l'avait gêné pendant la campagne d'Espagne (1824) 
        dans l'exercice de son commandement. L'expédition provoqua un grand 
        enthousiasme dans l'armée. --------Le rappel 
        de 11.000 hommes en congé d'un an se fit sans difficulté. 
        Il fut formé un corps expéditionnaire fort de 37.612 hommes. 
        L'infanterie était répartie en trois divisions : la lère 
        division Berthezène (brigades Poret de Morvan, Achard et Clouet), 
        la 2e division Loverdo (brigades Damrémont, Monck d'Uzer et Colomb 
        d'Arcine), la 3e division du duc des Cars (brigades Bertier, Hurel et 
        de Montlivault). La cavalerie était constituée par un régiment 
        de chasseurs d'Afrique formé de deux escadrons du 17è et 
        d'un du 13è chasseurs. L'artillerie, commandée par Lahitte, 
        comprenait 5 batteries de campagne et 10 batteries de siège, avec 
        2.300 artilleurs. Le génie (Valazé), fort de 1.300 hommes, 
        comprenait deux compagnies de mineurs, six de sapeurs et un demi-train 
        du génie. Les fonctions de chef d'état-major étaient 
        remplies par le lieutenant-général Desprez, celles de sous-chef 
        par le maréchal de camp Tholozé. L'intendance, dirigée 
        par l'intendant-général Denniée, opéra par 
        voie d'achats à la commission, dont fut chargée la maison 
        Seillière de Marseille. --------Aussi bien 
        en ce qui concerne la concentration des troupes que les services, la préparation 
        fut très minutieusement menée. Des effets spéciaux 
        furent distribués, le service de santé organisé d'une 
        façon remarquable pour l'époque. Les 25 jours de vivre dé 
        débarquement, que Bourmont avaient jugés nécessaires, 
        furent l'objet de soins particuliers et toutes les précautions 
        furent prises pour qu'ils parvinssent aux troupes en parfait état. --------La flotte 
        chargée du transport était constituée par 103 bâtiments 
        de guerre (1.872 canons) et 347 navires de commerce. La flotte de guerre 
        était répartie en trois escadres escadre de bataille transportant 
        la 2e division et comprenant le bâtiment amiral, La Provence; escadre 
        de débarquement, transportant la lie division et l'artillerie de 
        campagne; escadre de réserve, transportant la 1è brigade 
        de la 2è division. Le reste de l'armée était transporté 
        par le convoi (bâtiments de commerce). Une flottille de 195 embarcations 
        (escadrille de débarquement) devait amener les troupes à 
        terre; un dispositif spécial permettait, en cas de besoin, de se 
        servir de l'artillerie embarquée sur les chaloupes ou chalands. --------Il n'y avait, 
        dans l'organisation, qu'un point faible. C'était malheureusement 
        un point important. La flotte, commandée par l'amiral Duperré, 
        devait, en vertu des instructions du gouvernement, coopérer avec 
        l'armée pour la réussite de uvre commune. Les instructions 
        remises à Duperré établissaient en fait sa subordination 
        par rapport à Bourmont, mais non d'une façon explicite. 
        Seule une instruction spéciale et secrète, remise à 
        Bourmont, avec ordre de ne s'en servir qu'en cas de nécessité 
        absolue, lui donnait le commandement de l'ensemble. --------Cette situation 
        n'étant pas officiellement proclamée, un certain nombre 
        de difficultés se produisirent dans le voyage. Les navires français 
        étaient encore des navires à voile, moins aisés à 
        manier que des bateaux à vapeur; de ce chef, les « nécessités 
        techniques » prenaient une valeur particulière. Les marins 
        semblaient professer une méfiance spéciale à l'endroit 
        des opérations de débarquement. Tradition, peut-être, 
        comme le montrent l'es opérations de la guerre d'Amérique. 
        En tout cas, l'amiral Roussin, à qui l'on avait songé d'abord 
        pour prendre le commandement, avait déclaré qu'on ne trouverait 
        pas un officier pour l'exercer, et l'amiral Duperré avait demandé 
        l'ajournement à 1831. Les jeunes officiers de marine, notamment 
        Dupetit-Thouars, étaient d'un avis différent. Mais il y 
        avait là une cause de difficultés et de malentendus.  --------Le Dey d'Alger 
        était réduit à ses seules forces. Il n'avait rien 
        à attendre de la Turquie, dont la suzeraineté était 
        purement nominale. Et même, quand le général Guilleminot, 
        notre ambassadeur à Constantinople, avait demandé à 
        la Porte d'intervenir pour mettre Hussein à la raison, on lui avait 
        laissé clairement entendre qu'on ne pouvait rien. A la dernière 
        minute, cependant, un envoyé de la Porte, Mohammed Taher, se présenta 
        en « pacificateur et conciliateur » à Toulon : c'était 
        la veille du départ de l'expédition; il ne put rien obtenir; 
        l'impuissance de Constantinople était démontrée. --------De quelles 
        ressources disposait le Dey ?Pratiquement la flotte algérienne n'existait plus. Mais la ville 
        était bien défendue sur le front de mer par une artillerie 
        puissante. La situation était moins brillante sur le front de terre 
        où un seul ouvrage était la clé de la position (le 
        Fort l'Empereur, Sultan-Khalessi).
 --------Les forces 
        de terre paraissaient plus sérieuses. Elles comprenaient la milice 
        turque (15 à 20.000 hommes au total), les Coulouglis (descendants 
        de Turcs et de femmes indigènes), un certain nombre de tribus maghzen 
        dévouées aux Turcs. En fait, lors du débarquement, 
        les troupes françaises eurent à faire à 5.000 janissaires, 
        5.000 Coulouglis, 10.000. Maures algériens, 30.000 Arabes des beyliks 
        du Tittery, d'Oran et de Constantine, commandés par l'Agha Ibrahim. --------La principale 
        défense d'Alger était encore, dans l'opinion générale, 
        bien plus que dans celle des militaires et des marins français, 
        le renom d'invincibilité que lui avaient valu les retentissants 
        échecs des Européens dans le passé, celui de Charles-Quint 
        au XVIè siècle, celui d'O'Reilly au XVIIIè --------Ce renom 
        bien établi semble avoir été la raison qui amena 
        les Anglais à se contenter de protester sans agir. Le duc de Wellington 
        déclarait à la Princesse de Lieven « Les Français 
        sont fous, un revers effroyable les attend sur la terre d'Algérie 
        ». --------Le plan 
        d'opération définitif du général de Bourmont 
        était fondé sur une appréciation exacte de la situation 
        et des possibilités stratégiques, due aux reconnaissances 
        déjà faites, entre autres celles du commandant Boutin sous 
        le Premier Empire. Attaquer directement Alger par mer, tenter de débarquer 
        à proximité immédiate, eût été 
        une folie. Il fallait débarquer à quelque distance, de façon 
        à attaquer par terre : c'est ce qui eut lieu en effet. --------Les embarquements 
        de l'armée avaient commencé à Toulon le 11 mai:, 
        ils étaient achevés le 17. L'escadrille de débarquement 
        partit pour Palma. Mais, attendant des vents favorables, l'amiral Duperré 
        laissa la flotte au mouillage une longue semaine, ce qui imposa aux troupes 
        des fatigues sérieuses. --------Le 25 mai, 
        enfin, la flotte mit à la voile. Elle arriva en vue d'Alger le 
        31. Bien qu'il eût, deux jours plus tôt, envoyé l'ordre 
        à l'escadrille de quitter Palma et de rallier l'armée navale, 
        Duperré estima que les éléments étaient contraires. 
        La houle lui parut de nature à empêcher les opérations 
        de débarquement. Bourmont ne jugea pas le moment venu de faire 
        état de son instruction spéciale et admit que la flotte 
        se dirigeât sur Palma. --------Elle séjourna 
        sur rade jusqu'au 10 juin, tandis que les Turcs cherchaient à accroître 
        leurs forces en appelant aux armes toute la population de la Régence, 
        en essayant d'entraîner le bey de Tunis, qui ne se prononça 
        pas contre nous, et le bey de Tripoli, qui parla de faire prêcher 
        la guerre sainte dans les mosquées. --------Enfin, le 
        10 juin, la flotte quitta Palma. En vue d'Alger quelque hésitation 
        se marqua à nouveau. Cette fois Bourmont fut énergique et 
        insista pour débarquer. --------Le point 
        choisi était la baie de Sidi-Ferruch, à 25 kilomètres 
        à l'Ouest d'Alger. Cette baie présentait une plage de sable 
        d'abord facile, bordée de batteries de défense et flanquée 
        au Nord-est par la péninsule de Torretta Chica, portant une tour 
        carrée et un fortin.
 --------Le 
        14 juin, à 4 heures du matin, l'opération, qui avait été 
        plusieurs fois répétée à Toulon avant le départ, 
        commença. En une heure, toute la 1è division eut débarqué 
        et fut suivie de la seconde. Bourmont prit terre à 6 heures 1/2 
        et ordonna d'enlever les batteries. Celles-ci, prises sous le feu de l'artillerie 
        navale dès le début de l'opération, tombèrent 
        aux mains de la brigade Poret de Morvan (3è de ligne, 2e et 4e 
        légers) à 11 heures.
 --------En fin de 
        journée, les troupes françaises, qui avaient pris 13 canons 
        et 2 mortiers, occupaient une position en arc de cercle englobant la plage 
        et la presqu'île. L'ennemi n'avait réagi que tardivement 
        par d'infructueuses charges de cavalerie. Le génie commença 
        la construction d'un camp retranché. --------Bien qu'il 
        eût hâte d'arriver au but, Bourmont était obligé 
        d'être prudent. Le moindre échec pouvait être fatal 
        et il fallait attendre le convoi laissé à Palma et transportant 
        le matériel de siège. Il n'arriva que le 28 (Bourmont s'était 
        plaint de cette lenteur dans une lettre au ministre de la Marine). Aussi 
        les premiers bonds en avant eurent-ils lieu sous forme de contre-attaques.
 --------La 
        première fut effectuée le 19 juin et nous mena au plateau 
        de Staouëli.
 --------Les troupes 
        de l'Agha Ibrahim avaient exécuté le 15 quelques attaques 
        du genre de celles de la veille, mais sans plus de succès. Le 19, 
        à la pointe du jour, elles attaquèrent sur tout le front. 
        À l'extrême gauche de notre ligne, les assaillants marquèrent 
        quelques progrès et mirent un moment en péril la brigade 
        Clouet. Les combattants étant mêlés, les canons de 
        la flotte ne pouvaient intervenir.  --------C'est alors 
        qu'une brillante contre-attaque de la brigade Cobomb d'Arcine (23è 
        et 29è de ligne), général en tête, rétablit 
        la situation et chasse l'assaillant. Une contre-offensive d'ensemble, 
        assez mal menée, finit par entraîner toute la ligne : les 
        gens d'Ibrahim sont ramenés, la baïonnette aux reins, à 
        leur camp de Staouëli, qu'ils évacuent en hâte pour 
        se reformer plus loin. -------L'avance 
        était de quatre kilomètres. Nos pertes se montaient à 
        44 tués et 473 blessés. Si le corps expéditionnaire 
        avait été en possession de son matériel, il aurait 
        pu pour suivre sans désemparer jusque sous Alger. Le retard du 
        convoi obligeait toujours à la prudence, dont l'inconvénient 
        était d'encourager l'ennemi qui y voyait de la timidité, 
        sinon de la peur. Le 24 juin, il attaqua de nouveau : nos troupes le refoulèrent 
        et, progressant de huit kilomètres vers l'est, s'arrêtèrent 
        à Sidi Khalef. Un seul officier fut blessé mortellement 
        : c'était un des quatre fils de Bourmont qui prenaient part à 
        l'expédition.  --------Ce nouvel 
        arrêt, survenu pour la même cause que le premier, encouragea 
        encore l'ennemi. L'Agha Ibrahim avait été remplacé 
        à la tête des troupes par le bey du Tittery, Mustapha Bou 
        Mezrag, qui passait pour plus énergique. Les 25, 26, 27 et 28 juin 
        se passèrent en attaques incessantes contre nos nouvelles positions 
        encore insuffisamment assises sur le terrain. Il devenait urgent d'en 
        finir. --------Le 28, le 
        général de Lahitte annonça que son matériel 
        était débarqué et disponible. Bourmont fixa au lendemain 
        l'attaque décisive.
 --------L'exécution 
        fut rendue difficile et pénible par suite d'une erreur de direction 
        due au brouillard. Cependant nos troupes occupèrent les hauteurs 
        de la Bouzaréa ; en fin de journée, elles étaient 
        à portée de canon de la Casbah et devant le Fort l'Empereur, 
        que le troupier, plein de souvenirs récents, appelait déjà 
        le Fort Napoléon.
 --------La mise 
        en place des batteries commença aussitôt et fut achevée 
        le 3 juillet au soir. Ce même jour, comme déjà l'avant-veille, 
        la flotte bombarda la ville, sans grand succès, semble-t-il.
 --------Avant 
        la fin de la nuit du 3 au 4, les Turcs exécutèrent une attaque 
        sur une de nos batteries. Ils furent aisément repoussés, 
        et à 4 heures, le bombardement commença. A 700 mètres, 
        il fut rapidement efficace, bien que la garnison (800 Turcs, 1.200 Maures 
        et Coulouglis) entretînt son feu pendant trois heures. A 8 heures, 
        la forteresse cessa de répondre. Le bombardement continua. A 10 
        heures, au moment où l'ordre allait être donné de 
        battre en brèche, une formidable explosion se produisit, détruisant 
        la tour centrale et crevant le front nord-ouest. Les occupants s'étaient 
        repliés sur la ville et avaient fait sauter le magasin à 
        poudre. Trois compagnies du 25è de ligne se précipitèrent 
        dans le fort.
 --------Les batteries 
        turques furent immédiatement retournées contre la ville, 
        et les travaux d'approche vers la Casbah entamés. 
        Au début de l'après-midi, un secrétaire du Dey se 
        présentait au Fort l'Empereur pour entrer en négociation. 
        Celle-ci fut menée rapidement, deux essais d'intervention du Consul 
        britannique étant écartés. Le lendemain 5 juillet, 
        le Dey acceptait la capitulation, stipulant : 1° la remise aux Français 
        des forts et de la Casbah ; 2° le respect des richesses personnelles 
        du Dey et la faculté pour lui et les siens de se retirer où 
        bon lui semblerait; 3° les mêmes avantages pour les miliciens 
        turcs; 4° le libre exercice de la religion musulmane pour les indigènes, 
        ainsi que le « respect de leur liberté, 
        de leurs propriétés, de leur commerce, de leur industrie, 
        de leurs femmes ». --------Le jour 
        même, les troupes françaises occupaient les forts et la Casbah. --------Le nombre 
        total des tués du corps expéditionnaire depuis le débarquement 
        s'élevait à 415. Le 15 juillet, le Dey Hussein s'embarquait 
        pour Naples. Les Janissaires furent transportés en Asie Mineure, 
        Le régime turc avait cessé d'exister à Alger.
 
  
        II.-Jusqu'à 
          l'établissement du Gouvernement Général(Août 1830 - Juillet 1834)
 --------Les premiers 
          temps de l'occupation française furent marqués par le 
          manque de continuité de vues que traduit matériellement 
          la succession rapide d'un grand nombre de commandants en chef. --------Les conditions 
          de la capitulation imposée au Dey ont été souvent 
          considérées comme une preuve de faiblesse de la part de 
          Bourmont. Ii s'était cependant conformé à ses instructions 
          et, jusqu'au moment où les événements survenus 
          dans la Métropole l'obligèrent à quitter son commandement, 
          il en poursuivit l'exécution. --------Le premier 
          point était d'assurer l'administration de la ville d'Alger. Le 
          général Tholozé fut nommé commandant de 
          la place et l'interprète d'Aubignosc, lieutenant-général 
          de police. Il fut formé une commission administrative comprenant 
          l'intendant-général Denniée, le payeur-général 
          Firino, le consul Deval (neveu de celui de 1827)
 --------Bourmont 
          s'occupa ensuite de prendre pied sur d'autres points du littoral. Une 
          première reconnaissance était effectuée dans la 
          Mitidja, jusqu'au Cap Matifou, le 6 juillet. Le 26, Bône fit sa 
          soumission, puis Bougie, et un nouveau caïd fut proclamé 
          au nom de la France. Le 27, les troupes françaises débarquèrent 
          à Mers-el-Kébir, et des négociations étaient 
          entamées avec le bey d'Oran.
 --------Qu'aurait 
          pu obtenir Bourmont ? Il est difficile de le dire.
 --------Ses 
          instructions spécifiaient que la population " 
          ne supportait qu'avec impatience la domination violente et arbitraire 
          de quelques milliers de Turcs ".. Il devait chercher 
          à " attirer à lui " les chefs de tribus et les 
          gens de l'intérieur et promettre " à tous les habitants 
          de les délivrer de l'oppression ". Lui-même, dans 
          son ordre du jour du 10 mai, à 1.a veille de l'embarquement, 
          traduisait le même état d'esprit en disant : « Terribles 
          dans le combat, soyez justes et humains après la victoire : votre 
          intérêt le commande autant que le devoir. Trop longtemps 
          opprimé par une milice cruelle et avide, 
          l'Arabe verra en nous des libérateurs. Il implorera notre alliance. 
          Rassuré par votre bonne foi, il apportera dans nos camps les 
          produits de son sol. »
 --------Il y avait 
          là les principes d'une politique qui ne fut pas exécutée 
          systématiquement, mais suivie sans vues d'ensemble sous la pression 
          des circonstances. --------Avant 
          la fin de juillet 1830, celles-ci avaient montré à Bourmont 
          que l'application était quelque peu hasardeuse. Au lendemain 
          de la prise d'Alger, il crut aux bonnes dispositions du bey du Tittery, 
          Mustapha Bou Mezrag, et lui donna l'investiture de la France. Le 23 
          juillet, Bourmont se rendit à Blida, mais le lendemain, il fut 
          attaqué sur la route du retour. Et dès lors Mustapha prit 
          une attitude hostile et menaçante. --------Bourmont, 
          nommé Maréchal de France le 24 juillet, apprit les nouvelles 
          de la capitale officieusement le 10 août et officiellement peu 
          après. Il jugea nécessaire de concentrer ses forces sous 
          Alger, ce qui amena, entre autres choses, l'arrêt des négociations 
          avec le bey d'Oran. Sur l'ordre du nouveau ministre de la Guerre, le 
          général Gérard, il fit prendre, sans incident, 
          le drapeau tricolore par ses troupes (17 août). --------Le général 
          Clauzel fut désigné le 12 août pour le remplacer. 
          Bourmont lui passa le commandement et s'embarqua le 3 septembre pour 
          Mahon où il attendrait la suite des événements 
          : l'amiral Duperré lui avait refusé un bâtiment 
          de l'État (alors qu'il en avait accordé un au Dey Hussein) 
          ; du moins le général Clauzel fit-il rendre les honneurs 
          au brick autrichien qui l'emporta. --------Le nouveau 
          commandant en chef se trouvait dans une situation délicate. Pour 
          des raisons de politique intérieure et extérieure, le 
          gouvernement de Louis-Philippe n'était rien moins que décidé 
          à une politique de conquête. Dans ces conditions, le général 
          Clauzel arrêta la ligne de conduite suivante : occupation effective 
          des points importants de la côte, occupation de toute la Régence 
          d'Alger en confiant l'administration du pays à des chefs musulmans 
          vassaux. --------La liquidation 
          de l'autorité turque fut poursuivie. Mais il fallait se hâter. 
          Car, si, comme on le verra plus loin, Clauzel pensait à utiliser 
          les Tunisiens, avec qui la France entretenait de bonnes relations, l'autre 
          prétendant à la domination de l'Algérie, le Sultan 
          du Maroc cherchait aussi à reprendre la traditionnelle politique 
          d'extension vers l'est. Sa première tentative fut l'occasion 
          de l'entrée en scène de Mahi ed Din et de son fils Abd 
          el Kader. --------On a vu 
          l'importance grandissante prise dans l'Algérie turque par le 
          mouvement maraboutique. Un de ses représentants les plus vénérés 
          dans la province d'Oran au moment du débarquement des troupes 
          françaises à Alger était Madi et Din. Celui-ci 
          avait eu de sa seconde femme, Zohra, un fils, Abd El Kader, en qui certaines 
          prophéties faisaient voir le futur Mahdi qui délivrerait 
          les musulmans. Né en 1808, Abd El Kader était venu en 
          1822 poursuivre ses études à Oran. Là, il avait 
          senti grandir sa haine du Turc dont le peu de respect pour les préceptes 
          coraniques l'avait choqué, en même temps que les exactions 
          de la milice. Les prophéties relatives à Abd el Kader 
          inquiétèrent le bey d'Oran, Hassan. Peu après son 
          retour à la Zaouïa paternelle et son mariage, Abd el Kader 
          fut impliqué avec son père dans des poursuites consécutives 
          à une attaque contré Mascara. Détenus quelque temps 
          à Oran, le père et le fils purent enfin aller en pèlerinage 
          à La Mecque. Ils en revinrent au début de 1829. --------Après 
          le débarquement des Français, le sultan du Maroc, Abd 
          er Rahman envoya un gouverneur à Tlemcen. Le bey Hassan protesta 
          et chercha du secours auprès des populations indigènes 
          : il demanda notamment l'appui de Mahi ed Din, dont l'influence était 
          considérable. Sur le conseil d'Abd El Kader, Mahi ed Din refusa.------À 
        ce moment, le général Clauzel renforça la garnison 
        de Mers-el-Kébir par la brigade Damrémont, dont une fraction 
        occupa Oran le 4 janvier 1831. Hassan se retira à Alexandrie, puis 
        à La Mecque. Le commandant en chef français négociait 
        avec Tunis. Notre consul dans la Régence, Mathieu de Lesseps, avait 
        entretenu les bonnes dispositions du bey pour la France. Clauzel résolut 
        d'en profiter. Le 4 février, il installait le prince Achmet comme 
        bey d'Oran. Il songeait à établir un autre prince tunisien 
        à Constantine. --------En même 
          temps, il agissait dans le Tittery, occupait Médéa, où 
          il installait un bey dévoué à la France et une 
          garnison française.
 --------Mais 
          Paris hésitait. Les effectifs furent réduits, Clauzel 
          fut rappelé et remplacé par le général Berthezène 
          (que Bourmont avait désigné pour son successeur éventuel 
          au gouvernement de la Restauration). Celui-ci resta en fonction jusqu'en 
          décembre 1831. Il fut remplacé à son tour par le 
          duc de Rovigo (Savary), qui lui-même, en avril 1833, céda 
          la place au général Voirol. Ces changements continuels 
          empêchèrent l'action méthodique et à larges 
          vues qui eût été nécessaire.
 -------Dans la 
          province d'Oran, le Tunisien Achmet n'avait pu se maintenir : il évacua 
          Oran à la fin d'avril 1831. Le sultan du Maroc en profita immédiatement. 
          Avec l'aide de deux chefs des tribus Douairs et Srnela, qui, après 
          avoir développé une savante propagande, lancèrent 
          leurs cavaliers en avant, des représentants d'Abd er Rahman furent 
          installés à Médéa (que les Français 
          avaient dû abandonner) et à Miliana. Un Marocain, Bel Amri 
          occupa Mascara. A Tlemcen, le premier gouverneur marocain avait échoué 
          complètement. Mahi ed Din, appelé en médiateur, 
          prit le titre de Khalifa du Sultan du Maroc, la garnison turque se maintenant 
          toujours au Méchouar comme dans la citadelle de Mostaganem. --------Il importait 
          de mettre un terme à l'action du Maroc. Un bataillon de renfort 
          débarqua à Oran le 17 août. Le mois suivant, un 
          chef énergique, le général Pierre Boyer, fit rentrer 
          dans leurs tribus les cavaliers Douairs et Smela. Une démonstration 
          navale devant Tanger (novembre 1831), l'envoi d'une ambassade à 
          Meknès (mars 1832) amenèrent Abd er Rahman à renoncer 
          à ses prétentions. Ses représentants, y compris 
          Mahi ed Din, abandonnèrent les pouvoirs qu'ils s'étaient 
          arrogés. Par la suite, les Français occupèrent 
          Arzeu et Mostaganem. --------Dans les 
          autres parties de l'Algérie, il n'y avait pas d'amélioration 
          sensible. Sous Savary, et après un échec en 1831, Bône 
          fut prise par Yusuf et d'Armandy en mars 1832, et Bougie en octobre 
          1833. Mais l'intérieur du pays était livré à 
          une complète anarchie, les rivalités entre les tribus, 
          entre les descendants des Marabouts et les chefs de guerre, entretenant 
          le désordre. --------Il restait 
          encore en fonction un bey turc, Ahmed, à Constantine. En juillet 
          1830, Bourmont avait songé un moment à lui donner l'investiture 
          de la France. Mais Ahmed pensait pouvoir s'assurer l'indépendance 
          et restait maître de la plus grande partie de son beylik, où 
          il croyait difficile, sinon impossible, une campagne des troupes françaises. 
          Il songeait même à s'étendre vers l'ouest et jetait 
          ses regards vers le Tittery. -------C'est cependant 
          encore dans la province d'Oran que les événements retenaient 
          le plus l'attention. Les villes où nous tenions garnison étaient 
          en fait bloquées. Mahi ed Din avait groupé autour de lui, 
          cette fois en son nom, et non pas comme Khalifa d'Abd er Rahman, tous 
          ceux des indigènes qui voulaient lutter contre nous. --------Au mois 
          d'avril 1832, il avait été proclamé chef de la 
          guerre sainte au cours d'une réunion tenue par les principaux 
          chefs de la région de Mascara. Dès le 17, il avait attaqué 
          une reconnaissance française, à peu de distance d'Oran, 
          et, le 1er mai, sommé la garnison de se rendre. Il lança 
          alors l'appel à la guerre sainte et attaqua Oran le. 3 mai. Dans 
          ce combat, Abd el Kader fut sur le point d'être pris. Mahi ed 
          Din renouvela l'attaque le 4. Le 6, douze mille guerriers des tribus 
          étaient réunis, mais ils se dispersèrent pour la 
          fête de l'Aid-el-Kébir (11 mai). --------Le blocus 
          d'Oran était maintenu. Cependant les premiers essais de politique 
          indigène s'ébauchaient dans la région. Les Français 
          étaient entrés en conversation avec les Douairs et les 
          Srnéla ç mais une grave erreur avait été 
          commise par le général Boyer qui avait répondu 
          négativement à une démarche des cheikhs des anciennes 
          tribus maghzen demandant qu'un bey fût choisi parmi les principaux 
          Turcs restés au Méchouar de Tlemcen. --------De son 
          côté, Mahi ed Din ne réussissait pas à faire 
          l'unité autour de lui. Ses échecs devant Oran, renouvelés 
          les 31 août, 19 septembre, 23 octobre, 10 novembre, lassaient 
          ses partisans. Il dispersa ses contingents en leur donnant rendez-vous 
          au mois de mai 1833. --------L'étoile 
          d'Abd el Kader, qui s'était distingué dans tous les combats, 
          se levait à l'horizon. Le 21 novembre, il était proclamé 
          sultan dans la plaine d'Eghris, et le 25 il faisait son entrée 
          dans Mascara. Il n'accepta d'ailleurs que le titre d'émir, qu'il 
          transforma par la suite en celui d Émir et Mouminin (commandeur 
          des croyants). --------Le général 
          Boyer à Oran ne s'émut pas : le nouvel émir n'était 
          reconnu, en dehors de sa propre tribu, les Hachem, que par les Beni 
          Amer et les Gharaba ç il lui fallait chercher à consolider 
          ses pouvoirs, à organiser une sorte de gouvernement, de façon 
          à se procurer les ressources nécessaires pour la guerre 
          sainte. La France allait lui en fournir les moyens, partie sans le vouloir, 
          partie de propos délibéré. -------En avril 
        1833, à la suite d'un dissentiment avec le duc de Rovigo, commandant 
        en chef, le général Boyer, qui venait d'enlever Arzeu, quitta 
        Oran, où il fut remplacé par le général Desmichels. 
        Celui-ci déploya d'abord de l'énergie et occupa Mostaganem. 
        La ville, attaquée par Abd el Kader, pendant 
        que Desmichels était allé razzier les Smela passés 
        à l'Emir, tint bon. Les Smela abandonnèrent Abd el Kader 
        qui dut rentrer à Mascara. --------Les garnisons 
        françaises pouvaient vivre grâce aux relations qu'elles entretenaient 
        avec les tribus du voisinage. Mais, moyennant une active propagande, et 
        à la suite de quelques actes de violence Abd el Kader réussit 
        à les isoler. Le moment semblait venu d'essayer d'entrer en conversation 
        : Abd el Kader sentait la nécessité d'organiser ses forces 
        avant de reprendre la lutte; Desmichels, s'inspirant des conceptions de 
        Clauzel, croyait discerner en Abd el Kader des qualités capables 
        de faire de lui le chef indigène qui pacifierait l'intérieur, 
        et des sentiments qui lui permettraient d'accepter la suprématie 
        de la France. --------Abd el Kader, 
        chef de la guerre sainte, ne pouvait faire le premier pas pour entrer 
        en conversation avec les infidèles. Desmichels accepta de le faire 
        : il demanda la libération de quatre soldats faits prisonniers 
        dans une embuscade par des hommes de l'émir. La négociation 
        se noua par l'intermédiaire d'un Busnach d'Oran. Elle aboutit au 
        traité du 26 février 1834, dit traité Desmichels, 
        après avoir été marquée par des incidents 
        militaires qui, brillants pour les Français, leur étaient 
        en fait nuisibles dans l'esprit des indigènes, parce qu'ils regagnaient 
        leurs bases après chaque engagement. --------Ce premier 
        accord avec Abd el Kader ouvrait la porte à de nouvelles contestations. 
        Les textes arabe et français ne concordaient pas. En outre, le 
        traité du 26 février avait été précédé, 
        le 4 du même mois, d'un échange de notes qui, aux yeux de 
        Desmichels, étaient de simples préliminaires révisés 
        par le traité lui-même, tandis qu'Abd el Kader les considérait 
        comme des parties constitutives du traité ayant même valeur 
        que le texte du 26. --------Les stipulations 
        du traité tendaient à représenter Abd el Kader comme 
        un souverain indépendant traitant d'égal à égal 
        avec les Français. C'était lui donner, aux yeux des indigènes, 
        une autorité et un prestige qu'il n'avait pu acquérir lui-même. 
        Cet avantage était complété par d'autres, matériels 
        ceux-là : existence de représentants de l'émir (appelés 
        dans le texte arabe " consuls ") à Oran, Mostaganem et 
        Arzeu : liberté du commerce, mais, en fait, monopole du commerce 
        des grains en faveur d'Abd el Kader (imitation évidente du procédé 
        employé par Méhémet-Ali pour enrichir son trésor). --------La conclusion 
        du traité Desmichels constitue une faute incontestable. Et la responsabilité 
        en retombe tout entière sur son auteur. En effet, le général 
        Desmichels rendit compte correctement des premiers pourparlers; mais il 
        signa le traité du 26 février sans attendre les instructions 
        qu'il avait cependant demandées. Ces instructions, datées 
        du 29, étaient infiniment plus raisonnables : elles comportaient 
        la reconnaissance par Abd el Kader de la souveraineté française 
        avec serment de foi et hommage, et tribut annuel. Conditions évidemment 
        moins dangereuses mais encore peu réalistes... car Abd el Kader 
        ne les eût jamais acceptées. C'est ce que montreront le traité 
        de la Tafna et ses suites. --------Quelques 
        Français commençaient cependant à comprendre. C'est 
        ainsi que le commandant en chef, le général Voirol, repoussa 
        les avances d'Abd el Kader qui s'offrait à ramener l'ordre et le 
        calme dans la province d'Alger. C'est ainsi que le gouvernement de Paris 
        lui-même tenait bon dans l'entreprise commencée, sans d'ailleurs 
        en mesurer toute l'étendue. --------L'opinion 
        s'était émue en France des difficultés rencontrées. 
        Certains, en s'hypnotisant sur ces difficultés, d'autres en invoquant 
        des principes se prononçaient contre le maintien de l'occupation 
        d'Alger : les deux tendances se retrouveront par la suite dans toute notre 
        histoire coloniale au XIXè siècle. Heureusement, d'autres 
        hommes, les La Rochefoucauld, les Pelet de la Lozère, les de Laborde, 
        les Clauzel, faisaient valoir les avantages d'ordre économique 
        et militaire que nous assurerait la persévérance. --------Le gouvernement 
        accepta l'idée d'une vaste enquête menée sur place, 
        mise en avant par un adversaire de l'occupation, Hippolyte Passy. Une 
        « commission d'Afrique », composée de parlementaires 
        et d'officiers, se rendit en Algérie et y séjourna de septembre 
        à novembre 1833. Elle conclut à la nécessité 
        de rester à Alger; non qu'elle fût bien profondément 
        convaincue des avantages d'avenir que l'occupation assurerait au pays, 
        mais pour la sauvegarde de l'honneur national : la question n'était 
        plus entière, nous étions engagés; l'entreprise n'aurait 
        peut-être pas été à recommander; mais on ne 
        pouvait pas reculer. --------Une commission 
        supérieure, chargée de réviser les travaux de la 
        commission d'Afrique, conclut dans le même sens, et d'une façon 
        plus catégorique : l'intérêt de la France concordait 
        avec son honneur pour imposer le maintien de l'occupation. Celui-ci fut 
        décidé. Une ordonnance royale du 22 
        juillet 1834 créa le gouvernement général de l'Algérie, 
        désignée sous le nom de « possessions françaises 
        dans le nord de l'Afrique ». Le premier gouverneur général 
        fut Drouet d'Erlon, qui prit possession de son poste en septembre 1834 
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