| CHAPITRE 
        3 ------En 
        fait, les récits de voyages de tous ces explorateurs, militaires, 
        civils, religieux, avaient frappé vivement l'imagination et l'opinion 
        françaises. Sans doute se fit-on au début de singulières 
        illusions sur la signification de traités comme celui de Ghadamès 
        et de Ghat, traités signés avec des chefs indigènes 
        dont les titres nobiliaires l'emportaient et de beaucoup sur leur faible 
        autorité. Sans doute aussi, se faisait-on encore, faute d'avoir 
        médité suffisamment les écrits des Barth, des Schweinfurth, 
        des Nachtigal, de fausses idées sur les richesses actuelles des 
        confins soudanais.------Toujours 
        est-il que, dès après la guerre de 1870-71, fut lancée 
        dans l'opinion, et cela d'une façon très ardente, une campagne 
        en faveur de la création d'un nouveau chemin de fer appelé 
        Transsaharien, lequel souderait les possessions Françaises des 
        deux rives du Sahara, à ce moment là en pleine voie de développement.
 ------L'ingénieur 
        Duponchel fut le premier technicien averti qui lança la grande 
        idée dont la réalisation n'est encore aujourd'hui envisagée 
        que dans un certain délai. Son ardeur et son enthousiasme passèrent 
        dans le peuple français dont l'âme, après les grands 
        revers de 1870, ne voulait pas se laisser abattre. Une grande commission 
        fut nommée par M. de Freycinet, alors ministre des Travaux publics, 
        pour étudier la question, et de nombreuses missions dirigées 
        par des hommes de talent, les Pouyanne; les Choisy, les Rolland, furent 
        envoyées dans le sud algérien pour en examiner les possibilités 
        de réalisation.
 ------Aucune 
        d'entre elles n'obtint de résultats décisifs, car elles 
        ne dépassèrent en aucun point la ligne précédemment 
        atteinte par nos premiers explorateurs.
 Seules les missions dirigées par le lieutenant-colonel Flatters, 
        ancien chef du bureau arabe de Laghouat, réussirent à pousser 
        au Sud la ligne Ghadamès, Temassinine, El-Goléa, précédemment 
        atteinte.
 ------Il n'est 
        pas nécessaire de rappeler ici l'effroyable issue de cette aventure. 
        Après une tentative de percée vers le Soudan par les régions 
        Ajjers, Flatters, contraint à la retraite mais non découragé, 
        se porta franchement sur le Nord-Est du Hoggar d'où il escomptait 
        gagner le Soudan de Zinder et de Kano par le puits d'Assiou.
 Le massacre de la mission Flatters à Bir-El-Gharama (16 février 
        1881), les épisodes douloureux de la retraite des vestiges de son 
        escorte vinrent, pour un temps, porter un coup fatal à la question 
        qui paraissait en si bonne voie, du chemin de fer transsaharien.
 ------Le chef 
        de la mission avait en réalité affronté, avec des 
        moyens matériels insuffisants, une tâche à ce moment-là 
        prématurée. Son uvreétait condamnée 
        d'avance; eut-elle réussi à atteindre le Soudan, elle n'était 
        nullement assurée de l'accueil qu'elle y trouverait chez des sultans 
        noirs puissants, cruels et disposant de troupes nombreuses... Il ne pouvait 
        être question d'un succès pour une, mission de ce genre qu'autant 
        qu'une tête de pont soudanaise, sur l'autre rive du Sahara, lui 
        permettrait de s'y réorganiser en vue d'un retour difficile. Dix-huit 
        ans plus tard, la mission Foureau-Lamy allait démontrer à 
        nouveau, par l'exemple, que cette condition était primordiale. 
        Que serait-il advenu d'elle, malgré son admirable encadrement et 
        sa solide organisation, si elle n'eût trouvé Zinder déjà 
        occupé et nos soldats soudanais prêts à l'accueillir 
        ?
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 ------C'est 
        devenu un lieu commun d'assurer que la mission Flatters porta un coup 
        décisif à uvre de la pénétration française 
        au Sahara et que l'exécution du Transsaharien s'en trouva reculée 
        de vingt années.
 En vérité, à quoi pouvait correspondre cette conception 
        â priori d'une voie ferrée intercoloniale, sinon internationale, 
        se lançant avant toute reconnaissance et même toute exploration 
        préalable, sur un tracé choisi de la façon la plus 
        arbitraire vers un objectif incertain qui, suivant les auteurs, pouvait 
        être aussi bien Dakar que Tombouctou, Kano ou le Tchad ? - Dakar 
        étant à ce moment le seul point en notre possession.
 ------En réalité, 
        nous pensons que ce fut la sagesse même de remettre à plus 
        tard des projets de cette envergure. Pour le moment, on se recueille, 
        on se borne à consolider l'occupation algérienne du Sud 
        des trois provinces, en occupant le M'Zab, Ouargla, Touggourt et Djenien 
        Bou Rezg et en poussant vers Aïn-Sefra et Biskra le terminus des 
        chemins de fer de pénétration. De ces points rayonne notre 
        action politique plus au Sud. Des explorateurs mieux préparés 
        que ceux du début procèdent à des reconnaissances 
        scientifiques de court rayon qui préparent l'opinion indigène 
        à notre venue. Parmi eux, Foureau procède à partir 
        de 1882 à la glorieuse série de ses voyages sahariens qui 
        aboutiront, finalement, en 1898, à la constitution de la mission 
        Foureau-Lamy. La mort du marquis de Mores à El-Ouatia vient signifier 
        que la France a enfin compris ses destinées. D'autres suivront 
        le glorieux chevalier.
 ------C'est 
        durant cette période que peuvent être rassemblés et 
        recueillis les premiers documents cartographiques sérieux sur le 
        Sud du Sahara dont la carte Lannoy de Bissy au 1/2.000.000 allait longtemps 
        constituer le principal monument.
 
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