| CHAPITRE IOUSQUE CAGAYOUS Y SE FAIT CONNAISSANCE AVEC MAMOISELLE VICENTA
 Vous voulez je vous dis la vérité, 
        hein ? Eh ben, moi, j'en pince pour une typesse que ma tête elle 
        se tourne de tant qu'elle m'a lancé le broumitche.
 Oilà comment c'est venu.
 
 Un jour que je marchais côté les scaliers du tréâte 
        micipal, une fille jolie, grosse et tout, elle se montait en dessus de 
        moi en levant une miquette sa robe par en bas.
 
 Quoi c'est je vois, Christo ! Saouna le c... de vous ! Endevinez ? Des 
        mollets, hein, la même chose deux gargoulettes d'Espagne ! Déjà 
        que ce jour-là j'étais beaucoup chaud à la cause 
        d'un livre qu'un y m'avait fait voir, oùsqu'y a plein des images 
        que la poulice elle se veut pas qu'on les vend ; quand je régarre 
        ça, le sang tout d'un coup y me sarge la tête et je viens 
        pareil que si j'aurais la tasse. Aïe qué de l'amour y me sortait. 
        Fou de goût ! Alors je me pense entre moi-même : Qui c'est 
        qui veut aparier que j'y parle à cette fille ! Aucun y m'empêche 
        ! Si des fois un y vient pour me chercher dispute, je dis c'est pas moi, 
        atso !
 
 Même moment, la gonzesse elle s'arrête pour respirer, et moi 
        je monte vite à côté elle et comme ça j'y dis, 
        poli vous savez :
 
 - Pardon, mamoiselle, c'est pas vous que vous s'appelez Consuella ? Ma 
        soeur elle se connaît une fille qui se ressemble à vous qu'on 
        dirait la même chose.
 
 Elle, elle se f... à faire malafatche et elle commence à 
        dire :
 
 - Quesque ça vous régarre à vous spèce d'imbécile 
        !
 - Pas besoin que vous mettez en colère oho ! Alors on n'a pas le 
        droit demander à le monde si c'est pas une que des fois on se connaît. 
        M... alors !
 
 Quand elle entend que je parle bien comme ça, à cause qu'à 
        présent j'ai l'habitude, elle me tape un coup dessur le dos - pour 
        de rire, vous savez - et elle me parle :
 
 - Allez ! foutche ! dessez-moi tranquille, que ma patronne elle m'attend 
        depis deux heures.
 - Non, je veux pas ! Par force vous me disez comment vous s'appelez !
 - Dessez-moi passer, vous rigolez pas !... 82
 - Non ! toute la nuit vous restez ici jusqu'à temps que vous arez 
        sorti le nom. Le premier qui s'amène, j'y lève les yeux 
        qu'il a milieu la figure.
 - A cause de quoi vous parlez comme ça ?
 - Parce que oui. Parlez ; après moi je vous splique.
 - Eh ben moi je m'appelle Vicenta...
 - Brabo ! où c'est vous travaillez ?
 - Chez Madame Muscat, devant la rue de la Lyre, vous savez oùsqu'y 
        a le marchand de souliers arabes ?...
 - A côté le café oùsqu'on fait la miquette 
        ?
 - Pluss par en bas. Vous savez où il est Toffoul ?
 - Le caucho : trois-quatre-cinq ?
 - Çuilà, oui : vous le connaissez ?
 - Des fois...
 - Juste en dessus de lui, la maison qui a le lévelbère, 
        au troisième.
 - Taïba ! ce soir je monte !
 - Qui c'est qui vous donne la permission ? Qué pressé vous 
        êtes, vous ! Et si ma maîtresse elle vous attrape, grand scandale 
        ! D'abord comment vous s'appelez, vous ?
 - Moi ?
 - Oui.
 - Moi, je m'appelle Cagayous.
 - C'est pas vrai.
 - Je vous jure : demandez-y à tous si je dis des mensonges.
 
 Alors Vicenta elle se f... à faire des grimaces jolies que si je 
        me retiens pas j'y saute dessur et j'y f... un coup de dents sur la bouche.
 - Qu'esque vous voulez aparier que je vous embrasse. Allez !
 - Et si mon frère y vient ?
 - Qué ! votre frère ! j'y p... au... ! Disez qui vient ici 
        ! D'un coup de soulier j'y sors l'eau de la pantcha.
 Allez, faites-moi cadeau d'une bouchée ; ma parole, après 
        je me lave plus la bouche pour qui reste le goût de vous tout le 
        temps.
 
 En disant ça j'y empoigne la main qu'elle tient pas le couffin, 
        et j'y tire pour que sa figure elle se met côté la mienne.
 
 Tac ! même moment elle m'allonge un coup de couffin dessur la tête 
        qui m'envoie le chapeau jusqu'en bas les scaliers.
 
 Réfotré ! J'y attrape l'aute bras et par force, j'y colle 
        un baiser en pleine figure que ma langue elle s'avait goulpé tout 
        la farine et qu'on s'aurait dit que je me mangeais la colle de cerf-volant. 
        Qu'ça fout ! Bésif je l'ai embrassée.
 
 Ça va bien. Du temps que je descends pour ramasser le chapeau, 
        elle, elle se la cavale par en haut sans rien dire. Mais quand même 
        elle était contente, pourquoi si des fois je l'arais laissée 
        qu'elle part tout de suite, elle se serait pensé que je suis un... 
        qu'il a pas le courage vec les filles.
 Tsss ! vous vous croyez qu'on sait pas. Besoin ! quoi !
 CHAPITRE IIDANS ÇUILA-LA ON SE VOIT BACORA QUI FAIT LE MALIN ET CAGAYOUS QU'IL 
        Y VIENT LE BUF
 
 Après que je m'ai arrangé bien 
        le chapeau juste à sa place, je commence à marcher par en 
        bas la rue du Tréâte pour promener, en tendant que la nuit 
        elle s'amène.Pour passer le temps, je rentre dedans un café que je connais le 
        patron et oùsque on se joue les cartes spagnoles à l'argent.
 
 Qui je me trouve ? Bacora, çuilà de la Pêcherie, bien 
        habillé et qu'il avait pas encore la tasse, mais qui se commençait 
        à se tenir une olive numéro un.
 - Saha ! Bacora ! Nous faisons la fête jourd'hui. Où c'est 
        que ti as volé ces effets ? Je te jure que tu te ressembles un 
        grand mecieu qui se serche le Gouverneur. Si ti as besoin faire la monnaie 
        cinq cents francs, moi je te la sange, man ! Voir moi cette fantasie !
 
 Parle pas que des fois tu te salis la langue vec nous autes. Tu me donnes 
        la permission que je tourne darrière toi pour voir si le paletot 
        y fait figure ? Marche en calèche, quesque ti as peur : tous y 
        te sortent le chapeau. Ça oui ! Mais si je serais riche comme toi 
        je me mets les gants. Qué coyons ! en bas la pêcherie, plein 
        la peau des chiens de mer y a. Ti dis à Marco qui te prend mesure, 
        lui y te sort une paire taïba. Allez, vive toi ! Tu fais le Kif, 
        dis que c'est pas vrai ?
 
 - Passe moi que je fais le Kif. Le manche j'ai, oui.
 
 - Jette le noir, oho ! Si ti as peur que la poulice y t'arrête à 
        la cause du foulard Garibalde que tu t'as attaché à le cou, 
        moi j'y parle à M. Paysant qu'on te lâche. Le rouge y gagne 
        ! Nous faisons un verre l'anisette ?... Sors le porte-monnaie.
 - Commande ça que tu veux. Moi je bois plus.
 - Aouah ?
 - Ma parole. Ecoute : ça que moi je vais te dire, jamais tu le 
        dis à personne, hein ?
 - Que le Bon Dieu y me coupe la langue !
 - Assions-nous. Ce soir je fais rendez- vous vec une fille qu'elle en 
        tient pour moi. C'est la cause d'elle que je m'ai habillé comme 
        ça. Bon. Voilà qu'en marchant dans la rue Bablouette y me 
        tombe le bracelet que je m'avais acheté pour elle dedans le bazar 
        arabe, en sortant le tabac de la poche. Serche que tu serches, rien j'ai 
        trouvé.
 - Eh ! pour ça ti as le boeuf ! Qué ! tu dis que tu l'as 
        perdu et un aute jour tu donnes une bague. Alors tu fréquentes 
        ?
 - Je fais l'amour, basta ! Jolie qu'elle est tu sais.
 - Comme tu l'y dis ?
 - Vicenta.
 
 Moi, quand j'entends ça, je viens blanc, et en dedans la poitrine 
        un boyau y me fait : toc !
 - Comment t'as dis ?
 - Vicenta. Mà si tu verrais cette fille, fou tu viens !
 Où c'est qu'elle reste ?
 - Rue 
        la Lyre, par en bas le marchand souliers arabes... Pourquoi 
        tu fais mauvaise figure ? On dirait qu'une crape elle te monte dedans 
        le pantalon. Cette fille-là personne y la touche, tu sais, pourquoi 
        moi à çuilà je l'ouvre ! Alors tu veux pas croire 
        ça que je dis, moi. Demain je te fais voir le portrait d'elle.
 - Peut-être que non...
 - Sûr que oui !
 - Ça va bien, moi je dis : peut-être que non.
 - Malade, ti es, ou quoi ? Tu veux savoir pluss de moi ça qu'elle 
        m'a dit.
 - A voir. Parle.
 
 Alors Bacora y commence à dire des choses que chaque parole elle 
        me mangeait la peau. Quand y s'a fini, je dis comme ça :
 - Demain y fera jour. Si cette fille-là elle en pince pour toi, 
        emporte toi-la au môle et f...-la à la mer, toi avec ! Qu'ça 
        me f... à moi ! Adios.
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