| L'HISTOIRE AVANT 
        L'HISTOIRE : 1900/1945
 -----Il y a bien 
        longtemps dans un pays riche et prospère, avait grandi un jardin 
        merveilleux dont les senteurs de roses et d'orangers remplissaient de 
        bonheur ses habitants.-----Tous les hommes du village, laboureurs 
        de père en fils, venaient s'y retrouver aux heures fraîches 
        de la nuit et s'émerveillaient d'y voir s'épanouir de si 
        belles roses, de si douces oranges.
 -----Ils les aimaient tant qu'ils se mirent 
        à planter des milliers et des milliers d'orangers, et la plaine 
        tout entière devint une vaste orangeraie.
 -----La terre fut si prodigue que chaque 
        journée se passa à entretenir ces orangers qui faisaient 
        leur fierté. Mais bientôt les hommes se lamentèrent 
        de ne savoir que faire de leurs belles oranges
 «Non seulement nous devons cultiver nos champs de vignes et de blé, 
        mais nos orangers nous demandent de plus en plus de soins. Nos entrepôts 
        regorgent de fruits ! Que pouvons-nous faire de cette nouvelle richesse
 - I1 faut en faire du jus à boire en toutes saisons. Il faut faire 
        connaître nos oranges et leur jus au-delà des mers, par-delà 
        les montagnes !»
 -----Et toute l'assemblée acquiesça. 
        L'un d'eux assura même que par le jus de leurs oranges, leur petite 
        ville acquerrait une grande renommée.
 -----" Un jour, 
        nous connaîtrons la formule qui nous permettra de boire le jus de 
        nos oranges aux quatre coins du monde. N'hésitons pas à 
        aller de l'autre côté des mers, de l'autre côté 
        des montagnes, nous y découvrirons certainement la formule que 
        nous cherchons."
 -----Tous furent de son avis et l'aidèrent 
        à préparer son voyage. Cet homme s'appelait Léon 
        Beton et c'est avec lui que commence notre histoire.
 -----Est-ce l'intuition, le hasard, la chance, 
        qui conduisirent Léon Beton à traverser la Méditerranée 
        ?
 -----Peut-être les trois ensemble ou 
        simplement l'affection pour l'un de ses frères qui habitait Marseille.
 -----Toujours est-il que ce voyage, sans 
        qu'il s'en doutât un seul instant, allait changer sa vie et la notoriété 
        de Boufarik, 
        petite ville de la plaine de la Mitidja, au sud d'Alger.
 -----Une certitude cependant accompagnait 
        notre voyageur dans son périple : ce goût de la nouveauté 
        que l'on se transmettait de père en fils dans la famille Beton 
        allait à nouveau se révéler.
 -----Effectivement, le retour de Léon 
        Beton de Marseille, en cet automne 1935, est resté un évènement 
        dans la tradition familiale et boufarikoise. A peine arrivé, sa 
        famille et ses amis l'entourent. La curiosité domine et tout le 
        monde s'empresse, impatient d'avoir des nouvelles. Qu'a-t-il pu découvrir 
        qui serve les oranges de Boufarik ? Quelle nouveauté a-t-il pu 
        rapporter de la célèbre foire de Marseille ? Dans son enthousiasme, 
        Léon Beton est tout aussi fébrile que les autres. Sa valise 
        à peine ouverte, il en sort avec précaution un petit flacon 
        tout ventru, avec en guise de bouchon une minuscule fiole.
 -----Délicatement, sous les yeux de 
        toute la famille, il ouvre cette petite bouteille à la forme étonnante, 
        en verse une cuillerée dans un verre, y ajoute de l'eau sucrée, 
        prend entre ses doigts le bouchon et pour finir laisse glisser dans le 
        verre quelques gouttes odorantes...
 On goûte... Et c'est l'émerveillement ! Les amis, sa femme, 
        son fils, se passent de main en main cet étrange flacon qui contient 
        du concentré d'orange et de l'huile essentielle. Imaginez un peu 
        l'enthousiasme de Boufarik, capitale des oranges !
 -----Mais ce n'est pas tout ! Léon 
        Beton n'a pas seulement découvert une idée, il a rencontré 
        un homme extraordinaire, un inventeur. En Espagne, le 
        Dr Trigo oeuvre dans ses laboratoires de Valence au progrès 
        de ses trois passions : les arômes, les huiles essentielles et les 
        jus d'orange. Cet humaniste est un scientifique qui a longtemps mené 
        des travaux sur le pénicillium cette fameuse poudre blanche qui 
        recouvre les oranges pourries - sans savoir que Fleming allait découvrir 
        la pénicilline.
 -----Dès lors, des lettres s'échangent, 
        des caisses contenant les flacons de concentré sont acheminées 
        de Valence à Boufarik, un projet de négoce voit le jour, 
        et pour couronner l'engouement général, la famille Beton 
        invite le Dr Trigo à séjourner à Boufarik.
 -----La guerre d'Espagne n'interrompt pas 
        ces relations épistolaires très amicales même s'il 
        faut attendre le retour de la paix en 1945 pour que tous ces projets se 
        concrétisent.
 -----Comme on le voit, Orangina vient à 
        peine de naître que déjà l'histoire d'une amitié 
        commence et, avec elle, l'épopée des oranges de Boufarik.
 A LA CONQUÊTE 
        DE LA FORMULE : 1946/1951 -----La paix est 
        revenue et les oranges de Boufarik sont toujours colorées, juteuses, 
        pulpeuses... "Eh bien ! Profitons de cette abondance et cette simplicité 
        ! confie Jean-Claude Beton à ses parents. Renouons avec le Dr Trigo 
        pour développer la nouvelle boisson à l'orange dont nous 
        parlions déjà avant la guerre. Nous avons tout pour réussir, 
        cueillons notre chance..."-----De l'idée à l'action, 
        il n'y a qu'un pas que Jean-Claude Beton franchit en mai 1947, en quatre 
        jours de voyage, de Boufarik à Valence, en Espagne. Plus qu'un 
        voyage, c'est une véritable expédition que le fils de la 
        famille entreprend vers cette Europe encore marquée par la guerre.
 -----Après une escale à Barcelone 
        où le jeune homme est conquis par le charme nonchalant de la vie 
        espagnole, il débarque au bout de quatre jours de voyage sur le 
        quai de la gare de Valence. M et Mme Trigo et leurs deux enfants sont 
        là. L'accueil est chaleureux, jovial comme pour un fils de la famille.
 -----Les journées passent vite entre 
        les visites des orangeraies érigées en terrasses où 
        les labradores espagnols entretiennent le sol à la pioche et les 
        longues conversations dans le bureau du Dr Trigo Miralles sous les portraits 
        bienveillants de Marie Curie et de Fleming.
 Ce qui s'échange entre le jeune homme et le grand humaniste espagnol 
        restera à jamais dans le secret de leur complicité. Tout 
        ce que l'on sait, c'est que très vite une décision fut prise...
 -----De retour au pays, le fils Beton n'a 
        de cesse de mettre en auvre cette entreprise. Il a l'accord de principe 
        du Dr Trigo, il a des projets pour les oranges de Boufarik, il est porté 
        par l'enthousiasme de la jeunesse mais il ne sait ni extraire le jus ni 
        le conserver, et les barrières douanières interdisent d'importer 
        le concentré d'Espagne. Alors comment faire ? Une fois de plus, 
        la chance va sourire à ce jeune homme de vingt-trois ans en la 
        personne de Pierre Lacoste, directeur 
        du Crédit Agricole Mutuel de Boufarik.
 -----C'est un homme écouté 
        à qui l'on vient parler. Il va devenir le conseiller de Jean-Claude 
        Beton, le temps de la création de l'entreprise. Pendant neuf mois, 
        tous les deux s'attèlent à la tâche et préparent 
        le montage de l'opération. Jusqu'au jour où le dossier est 
        au point.
 -----"Tout est prêt. Maintenant, 
        il vous faut signer un contrat écrit avec le Dr Trigo. Quand vous 
        reviendrez de Valence, votre société pourra se créer".
 -----Aussitôt dit, aussitôt fait, 
        à la stupeur des Boufarikois et du Dr Trigo lui-même, dans 
        la même journée un avion transporte notre jeune entrepreneur 
        d'Alger à Valence, de Valence à Alger !
 Vous n'en doutez pas, le Dr Trigo entérine l'affaire.
 -----Quant à Jean-Claude Beton, il 
        s'adresse à ses parents le soir même de son retour.
 -----"Nous n'avons pas le capital suffisant 
        pour cette affaire et nous ne savons pas si notre entreprise sera rentable, 
        mais je suis convaincu que l'idée et le produit sont bons et que 
        nous parviendrons à faire de "Naranjina" une boisson 
        moderne, au goût français. Nous pourrons commercialiser toute 
        l'année une boisson à l'orange, aussi simple d'utilisation 
        que les colas, les limonades ou les jus de fruits en boîte des Américains. 
        Mais pour l'heure, il nous faut réunir les fonds..."
 -----Sans hésiter, sa mère 
        intervient.
 -----"Proposons à mes frères 
        de Blida de s'associer à notre entreprise et réunissons 
        en famille le capital social."
 -----Ainsi se créa Naranjina Nord-Afrique, 
        société familiale de production du concentré Orangina, 
        S.A.R.L. au capital de cinq millions d'anciens francs.
 -----Voyons un peu cette première 
        année : chacun y joue un rôle bien précis.
 -----Par son expérience, Edmond Derai 
        apprend à son neveu les notions nécessaires à une 
        gestion saine des affaires ; Lucien Derai optimise les rendements ; Léon 
        Beton s'occupe des approvisionnements et Mme Beton mère veille 
        à la courtoisie des relations de tout ce monde et notamment avec 
        le Dr Trigo.
 -----Notre jeune entrepreneur, pour sa part, 
        se démène pour rendre ses locaux performants. Au bout de 
        la première année, l'ancienne confiturerie où s'est 
        installée Naranjina NordAfrique s'avère trop petite. La 
        société connaît son premier déménagement. 
        Et le procédé du Dr Trigo, allez-vous dire ?
 -----Eh bien, ce dernier a dépêché 
        à Boufarik l'un de ses contremaîtres, Fernando Peris, et 
        grâce à cet échangé d'expériences, Jean-Claude 
        Beton apprend le b.a.ba. du concentré Orangina, dont la formule, 
        aujourd'hui encore, est restée inchangée, et toujours secrète. 
        Nous ne sommes qu'en 1951 et la culture Orangina est déjà 
        là !
 A LA CONQUÊTE 
        DU GUÉRIDON DE CAFÉ : 1952/1960 -----La Seconde 
        Guerre mondiale est terminée depuis plusieurs années. Les 
        terrasses des cafés et des brasseries s'animent à toute 
        heure. Un peu partout en France comme en Algérie, on cherche à 
        inventer une nouvelle façon de boire où ce que l'on partage 
        sans alcool nourrit une convivialité heureuse et une jeunesse retrouvée. 
        La limonade est devenue une boisson classique ; le jus de fruits, un raffinement 
        naturel. Tous cherchent à innover dans l'exploitation des " 
        Softdrinks" , à l'image de ces premiers jus en boîtes 
        métalliques que les soldats américains ont apportés 
        dans leur paquetage. Tout pousse à inventer, à rechercher, 
        à dynamiser le commerce entre l'Algérie et la métropole.-----Mais prenons le temps de découvrir 
        l'Orangina comme ceux qui l'ont goûtée pour la première 
        fois en Algérie en 1951.
 -----Orangina, c'est la marque qui chante 
        la saveur de l'orange, avec sa bouteille ronde et granuleuse qui se fait 
        orange pour accueillir l'orange, sa pulpe et son arôme et ce goût 
        à la fois naturel et raffiné...
 Orangina réinvente l'été !
 -----Le système est simple et nouveau 
        : la société Naranjina fabrique le concentré, ce 
        dernier est acheminé chez le limonadier embouteilleur dans des 
        fûts en châtaignier. Là, on procède au mélange 
        du concentré avec le sirop de sucre et l'eau légèrement 
        gazéifiée. Puis on affectue la mise en bouteilles et la 
        pasteurisation. II ne reste plus qu'à livrer aux cafetiers les 
        caisses d'Orangina : la bouteille consignée contient 24 cl. Et 
        pour mettre l'eau à la bouche des premiers consommateurs, des affichettes 
        ont été placardées aux vitres des cafés : 
        "Orangina, le fruit attendu ! ..."
 -----Car telle est l'aspiration de cette 
        petite bouteille ronde : partir à la conquête des bistrots 
        et des guéridons de café en dépit de sa forme peu 
        conventionnelle.
 -----Mais quand on est joufflu, que l'on 
        se renverse sur les chaînes d'embouteillage, que l'on prend toute 
        la place dans les réfrigérateurs, et que l'on ne passe pas 
        dans les caisses standards des boissons consignées, la conquête 
        des marchés demande beaucoup d'audace et d'astuce.
 -----En 1951, le sans-alcool n'en est qu'à 
        ses débuts, d'autant que le vin et la bière occupent l'essentiel 
        du marché. Pendant ces années de création, l'énergie 
        de Jean-Claude Beton est donnée à la constitution d'un "réseau 
        Orangina" où le limonadier embouteilleur va tenir un rôle 
        essentiel.
 -----Voyons la suite de l'histoire...
 -----Quand André Marin, limonadier 
        à Blida, ouvre ses vantaux ce matin-là, sa journée 
        lui sourit : les affaires sont bonnes, ses ouvriers
 sérieux et le travail ne lui fait pas peur. Justement Jean-Claude 
        Beton approche de son établissement à pas décidés. 
        Cordialement, ils se
 serrent la main en s'inquiétant des nouvelles des uns et des autres, 
        mais le jeune homme est très impatient et en vient au fait : il 
        lui propose d'embouteiller un soda à l'orange tout à fait 
        naturel : l'Orangina.
 -----André Marin ne peut qu'être 
        enchanté par cette proposition de diversification. II connaît 
        d'autant mieux le produit qu'avant la guerre, à la demande de Léon 
        Beton, il a procédé à des essais qui étaient 
        très encourageants : il accepte bien évidemment. Commence 
        alors l'embouteillage des premières bouteilles rondes.
 -----Tout se fait, en ces premières 
        années, de façon très artisanale : l'exactitude des 
        niveaux est vérifiée avec un bâtonnet, les capsules 
        se posent manuellement. Et si parfois une bouteille saute du tapis roulant 
        et tombe par terre, il y a toujours une main complaisante pour la remettre 
        en circuit... Cette première tentative encourage Jean-Claude Beton 
        à poursuivre la diffusion de sa nouvelle boisson à Alger 
        et dans toute l'Algérie. En ces années-là y exerce 
        avec talent Antoine Monserrat, négociant en vins, réputé 
        pour son dynamisme et son sens des affaires. «Goûtez, monsieur 
        Monserrat ! Qu'en pensez-vous ? Venez donc faire de l'Orangina avec nous 
        !"
 -----Antoine Monserrat déguste une 
        gorgée, allume un cigarillo, tourne et retourne le verre entre 
        ses mains, s'enquiert du procédé de fabrication, réfléchit 
        quelques instants puis s'appuie contre le 
        dossier de son fauteuil.
 -----"Oui, ça me plaît 
        comme saveur, c'est une boisson nouvelle... Seulement, vous n'ignorez 
        pas que d'autres entreprises fabriquent des boissons à base d'agrumes. 
        Chez vous à Boufarik, par exemple, Vérigoud est en train 
        de démarrer, leur procédé est moins complexe, ils 
        ne pasteurisent pas... En fait, c'est surtout votre bouteille qui me plaît, 
        je la trouve très commerciale...
 - Faites comme vous voulez, monsieur Monserrat. A l'occasion, passez discuter 
        avec M. Marin, notre concessionnaire de Blida. Vous visiterez ses ateliers. 
        Vous verrez qu'Orangina marche bien..."
 -----Et c'est ainsi qu'Antoine Monserrat 
        devint un limonadier malgré lui par amour pour Orangina ! Il fut 
        par sa passion et son enthousiasme un excellent supporter de la petite 
        bouteille ronde.
 |  | -----A 
        partir de ce moment-là, rien ne va arrêter la progression 
        de la petite bouteille ronde qui cherche dès 1953 à s'implanter 
        en métropole. C'est par l'intermédiaire du célèbre 
        afficheur Jean Giraudy que Jean-Paul Beton va rencontrer un nouveau partenaire, 
        Roger Destruol du Tronçay, propriétaire de la société 
        Fruidam, et donner ainsi une nouvelle ampleur au produit.-----"C'est un produit nouveau et sain. 
        Tout est au point : la fabrication, l'embouteillage, la distribution. 
        Venez donc faire de l'Orangina avec nous !"
 -----Jean-Claude Beton,toujours plus enthousiaste, 
        explique cette boisson qui fait les beaux jours des terrasses de café 
        en Algérie, le génial procédé du Dr Trigo, 
        cette idée nouvelle de créer un "soda mieux qu'un soda" 
        naturel, non chimique, pasteurisé...
 -----Roger Destruol réfléchit. 
        C'est un homme rigoureux et soucieux de la bonne marche des affaires qui 
        a la réputation de ne pas revenir sur ses décisions quand 
        il a donné sa confiance.
 -----"J'ai plusieurs propositions américaines 
        pour faire Nutricola, Nutricafé et d'autres boissons non alcoolisées. 
        Cependant, votre boisson m'intéresse et son procédé 
        est très ingénieux. Je m'associerais bien à son lancement 
        sur Paris, à condition toutefois de modifier la bouteille, lui 
        répond ce dernier.
 -Changer ma bouteille ? C'est tout à fait impossible ! Si Orangina 
        vous plaît, vous en ferez dans cette bouteille ou vous n'en ferez 
        pas !"
 -----Et c'est ainsi que M. Desruol du Tronçay 
        devint concessionnaire Orangina, malgré sa bouteille boule.
 -----Jean Giraudy fut très fier de 
        parrainer cette nouvelle marque et d'être à l'origine d'un 
        compagnonnage exceptionnel entre Roger Desruel et Jean-Claude Beton.
 -----Dans cette conquête de la métropole, 
        il paraissait inévitable que Gaston et André Denni, embouteilleurs 
        de bière et de limonade à Strasbourg, rencontrent un jour 
        Orangina. Eux-mêmes n'ont-ils pas entrepris de fabriquer une nouvelle 
        boisson à l'orange, "Denni Orange" ?
 -----Quelle n'est pas la surprise de Gaston 
        Denni de découvrir dans le bulletin de liaison des entrepositaires 
        de bières et de boissons gazeuses, un petit encart "Orangina" 
        à la recherche d'embouteilleurs métropolitains !
 -----Quelle n'est pas sa contrariété 
        quand il voit pour la première fois devant lui cette bouteille 
        ronde ! En vrai professionnel de la limonade, il le sait d'avance, elle 
        ne passera jamais sur ses lignes d'embouteillage...
 -----Comme beaucoup avant lui, et comme beaucoup 
        après lui, il va goûter et il va aimer. Il dit d'abord non 
        et ensuite oui, sans se douter un instant qu'à Strasbourg il finira 
        par vendre plus d'Orangina que de bière...
 -----Tout est en place ou presque, car il 
        manque encore une dernière touche pour distinguer la petite bouteille 
        ronde des autres bouteilles : il lui faut une image, des couleurs, une 
        affiche en somme ! La saison d'Orangina est courte, bien courte, trop 
        courte ! Elle dure à peine plus que la saison des roses. Orangina 
        c'est avant tout l'été, la douceur d'une soirée après 
        la chaleur d'une journée, c'est le temps d'une détente, 
        c'est comme un goût de vacances. Et un été c'est bien 
        court pour faire aimer une boisson...
 -----Comment dire qu'Orangina c'est du concentré 
        d'orange, c'est parfumé à l'orange, ça contient du 
        jus et de la pulpe d'orange ?
 -----Telle est la question qui est posée 
        à Bernard Villemot, l'affichiste renommé de Paris quand 
        ils se rencontrent dans les bureaux de Jean Giraudy en 1953.
 -----Homme de dessin et de couleur, Bernard 
        Villemot voit dès leur première rencontre la forme d'une 
        orange prendre corps autour de la bouteille ronde.
 -----Quelque chose vient de naître 
        dans ce goût sucré et pulpeux, comme une invitation à 
        boire qui renouvelle le plaisir de l'été : un verre, une 
        chaise, un petit guéridon, un parasol légèrement 
        incliné comme un clin d'aeil malicieux.
 -----Quelque chose sans prétention, 
        avec des couleurs vives, du bleu, du jaune, du vert enroulé d'un 
        zeste d'orange, la petite bouteille ronde vient de trouver sa première 
        parure...
 -----Il a fallu deux ans à Orangina 
        pour venir jusqu'à Paris dans l'espoir d'y être consommée, 
        deux années pleines et fructueuses pendant lesquelles Orangina 
        à la pulpe d'orange a complètement conquis les consommateurs 
        d'Algérie.
 -----Les ventes progressent, Les concessionnaires 
        de la métropole s'amourachent d'Orangina. L'usine de Boufarik s'agrandit. 
        Tout va pour le mieux ! Sauf à Lyon, capitale gastronomique, où 
        personne ne connaît Orangina puisqu'on lui préfère 
        le célèbre beaujolais. Alors comment faire ? Une seule solution 
        : s'intégrer dans la région.
 Ainsi, en 1956, Jean-Claude Beton décide-t-il de créer sur 
        le site de Caluire Rhône-Orangina, première filiale de Naranjina 
        Nord-Afrique en métropole. Mais cela n'est pas encore suffisant 
        ! De nombreux établissements boudent la petite bouteille ronde 
        et lui préfèrent les boissons aux bouteilles normalisées. 
        C'est bien ce qui inquiète l'ensemble des concessionnaires d'Orangina 
        réunis au siège de la société à Boufarik 
        en ce mois d'avril 1954, venus faire part de leurs préoccupations 
        à JeanClaude Beton. La journée s'annonce amicale, longue 
        et studieuse, et Gaston Denni commence le premier à raconter ses 
        démêlés avec les brasseurs de Strasbourg et de la 
        région.
 -----"Pour laver les verres d'Orangina, 
        il leur faut un troisième bac à vaisselle sinon la pulpe 
        vient se coller aux chopes de bière et la clientèle se plaint".
 -----Roger Destruol enchaîne en expliquant 
        avec précision que les dimensions des réfrigérateurs 
        actuels ne peuvent en aucun cas convenir à la petite bouteille 
        ronde.
 -----Quant à Edmond Derai, il s'inquiète 
        du mécontentement général. "Les cafetiers sont 
        nos seuls clients. Comment faire boire de l'Orangina à la jeunesse 
        s'ils refusent de s'approvisionner ? II faudrait peut-être modifier 
        la bouteille..."
 -----Effectivement, ça ne peut plus 
        durer ! A son tour, Jean-Claude Beton prend la parole et rassure ses partenaires.
 -----"Notre seule force, c'est la confiance 
        que nous avons dans cette petite bouteille ronde qui est, n'en doutons 
        pas, la meilleure trouvaille des boissons françaises depuis la 
        fin de la guerre. La seule chose que nous ayons à faire, c'est 
        d'en convaincre tous les consommateurs. Vous verrez, tout le monde se 
        mettra à boire de l'Orangina. Les cafetiers se plaignent peut-être, 
        mais le grand public aimera la bouteille pour son élégance".
 -----Après les paroles, vinrent les 
        actes, et grâce à cette complicité proverbiale de 
        toute la "famille" Orangina fut montée une opération 
        commerciale bien particulière... Etranges commerciaux, ces comptables, 
        secrétaires, ouvriers, directeurs ou responsables d'usine, embouteilleurs 
        ou livreurs qui, par jeu et par esprit d'entreprise, firent la tournée 
        systématique des cafés de leur région aux heures 
        d'affluence pour commander de l'Orangina.
 -----Tout le monde s'y est mis. Selon leurs 
        déplacements, M. Fisher, M. Beton, MM. Derai, Bouchet, Desruol 
        ou Denni et bien d'autres, choisissaient une brasserie et prenaient le 
        temps de discuter avec le patron de la pluie et du beau temps, de la famille, 
        du Tour de France ou du dernier match de football. Comme ça, tout 
        simplement, pour le plaisir de converser et de faire connaissance...
 -----A la fin des années 50, tout 
        semble sourire à Orangina, si ce n'est l'histoire qui la rattrape 
        : nous sommes en pleine guerre d'Algérie...
 A LA RECHERCHE DES AGRUMES 
        : 1961-1969
 ----En Algérie, 
        les événements s'accélèrent et Jean-Claude 
        Beton a très vite compris que dans un futur proche les oranges 
        de Boufarik viendront à manquer. En homme avisé, il s'est 
        déjà mis en quête de nouvelles terres qui lui permettront 
        progressivement de relayer ses approvisionnements.-----Mais aura-t-il le temps nécessaire 
        pour transférer ses activités sur la métropole ?
 -----Trouvera-t-il à temps et en quantités 
        suffisantes les agrumes qui font la qualité et la saveur de sa 
        boisson
 -----Pour l'entreprise, ces temps de transition 
        ressemblent un peu à une course contre la montre : ne pas s'arrêter, 
        continuer à progresser, étendre sa distribution et surtout 
        préserver ce bel équilibre qui a fait d'un succès 
        commercial une réussite de l'amitié.
 -----Tout est en place pour le succès 
        d'Orangina et pourtant tout semble dire la fragilité de ce projet 
        entrepris dans l'invention de l'après-guerre.
 -----Que de choses à préserver 
        : une famille, des collaborateurs fidèles, des partenaires enthousiastes, 
        des installations modernes et cette petite bouteille ronde qui rêve 
        d'aller toujours plus loin, toujours plus haut...
 -----Et comme pour signifier un peu plus 
        l'incertitude de ces nouvelles années, l'installation en France 
        en juillet 1962 est suivie par les disparitions successives de M. Lacoste 
        et du Dr Trigo en 1963. Avec le départ de ces deux initiateurs, 
        Orangina s'éloigne peu à peu de son origine espagnole et 
        algérienne.
 -----Une seule chose alors peut détourner 
        la petite bouteille ronde de cette solitude où la place la rupture 
        avec sa terre natale : défendre les couleurs de la métropole 
        qui l'accueille en devenant la goût français de l'orange.
 -----Ce goût de la vie, elle a su le 
        donner aux soldats du contingent qui, de retour d'Algérie, n'ont 
        eu de cesse que de faire découvrir Orangina à leurs parents 
        et à leurs fiancées.
 -----Ce plaisir de boire naturel, les rapatriés 
        en seront les hérauts et les initiateurs comme pour retrouver dans 
        cette métropole inconnue l'évocation nostalgique d'un charme 
        disparu.
 -----Alors, sous le parasol de Villemot, 
        toute ronde, toute orange, avec ses bulles légères qui libèrent 
        la fragrance du fruit, Orangina devient peu à peu " la reine 
        des bistrots" même si les grands noms des boissons françaises 
        la regardent sans bien comprendre la nouveauté du produit : à 
        l'inverse des eaux minérales, Orangina a sa source dans le fruit. 
        Tout est fait dans les usines d'embouteillage de Bordeaux, Paris, Strasbourg, 
        Rennes, Lyon ou Vitrolles, de Troyes, Chambéry, Perpignan ou Puyoô, 
        de Clermont-Ferrand, Nice ou Saint-Pierre-sur-Dive pour préserver 
        la naturalité du concentré d'orange. Et si personne n'y 
        croit, c'est tant mieux pour la petite bouteille qui prospère sans 
        affrontement, toujours avec un brin d'humour et beaucoup de malice !
 -----Une seule chose compte alors pour Jean-Claude 
        Beton, vous vous en doutez déjà, c'est de faire aimer Orangina.
 -----L'indépendance de l'Algérie 
        est proclamée le 5 juillet 1962. L'usine de Boufarik ne produit 
        plus et ses ouvriers, désemparés, téléphonent 
        régulièrement à Jean-Claude Beton, installé 
        à Marseille depuis un mois, et lui demandent de rouvrir la fabrique 
        de concentré. II a longtemps hésité avant de prendre 
        sa décision. Pendant toutes ces années, il a prôné 
        l'apaisement et le dialogue. Aujourd'hui revenir en Algérie lui 
        apparaît comme une épreuve bien difficile à surmonter, 
        et pourtant sa décision est prise.
 -----Le 20 juillet 1962 à midi, tous 
        les ouvriers de Boufarik attendent leur patron dans l'aérogare 
        d'Alger pour le conduire dans ses anciens locaux. Ensemble, ils vont retrouver 
        l'odeur un peu acide des jus, réentendre le ronflement de la chaudière, 
        le roulement des tapis et la cadence régulière des lames 
        qui coupent les oranges, et jusqu'en 1967, date à laquelle l'usine 
        de Boufarik fermera définitivement, des cargos affrétés 
        en concentrés Orangina vont sillonner la Méditerranée 
        vers les entrepôts de la rue de Crimée, à Marseille. 
        Pendant cette décennie, les voyages vont devenir une habitude pour 
        Jean-Claude Beton qui, en bateleur infatigable, multiplie les contacts 
        avec les pays producteurs d'oranges afin de satisfaire ses besoins de 
        plus en plus importants en matière première. La course aux 
        approvisionnements trouvera une fin en 1974, où Jean-Claude Beton 
        signe un accord de coopération avec le gouvernement marocain.
 -----Par caisses entières, par conteneurs, 
        en camions ou par bateaux, la petite bouteille ronde voyage.
 -----Embouteillée, acheminée, 
        déchargée, stockée, elle sillonne routes et autoroutes 
        en France comme à l'étranger. Il ne lui suffit pas simplement 
        d'être l'enfant chérie des bistrots français, d'être 
        la préférée des entrepositaires de bières 
        et de boissons gazeuses, d'être plébiscitée par les 
        consommateurs, elle aime avant toute chose ce goût de l'invention 
        qui lui fait découvrir le monde.
 -----Etre bue en même temps à 
        Nice, Paris ou Bordeaux, à Tunis ou à Alger, au Cameroun 
        ou à Casablanca, en Côte-d'Ivoire ou à la Réunion, 
        à Djibouti comme à Madagascar, est une enivrante conquête. 
        Partout où elle passe, elle séduit, enchante et porte haut 
        l'image des boissons françaises. Il lui faut nouer de nouveaux 
        partenariats, adapter les machines et les lignes d'embouteillage, développer 
        un réseau de distribution, se fondre dans les habitudes locales.
 -----Grâce à l'unité 
        de culture que lui apporte la francophonie, chaque nouveau pays est une 
        aventure réussie. Et comme tout arrive par surprise, elle découvre 
        un beau jour, encore tout étourdie par ses voyages aux quatre, 
        coins de la terre, qu'elle est devenue le numéro un des boissons 
        gazéifiées en France : la conquête va bien à 
        son tempérament volontaire ; le plaisir de la séduction 
        pour les années futures ? Ce serait sans compter avec l'air du 
        temps !
 -----Une nouvelle décennie arrive 
        avec son lot de bouleversements profonds car déjà se profile 
        à l'horizon la révolution de la grande consommation...
 Extraits de "Orangina, 
        mieux qu'une Saga" de Jean-Claude Beton chez Denoëhttp://www.orangina.fr/corporate/corpo/orig.htm
 En janvier 1996, Jean-Claude Beton, fondateur 
        et aujourd'hui président d'honneur d'Orangina, a été 
        promu Commandeur de la Légion d'honneur. Dans son message, lors 
        de la remise de la "cravate", Jean-Claude Beton rappela avec 
        beaucoup d'émotion son origine Pieds-Noirs, non sans insister sur 
        les qualités de nos communautés qui sont le travail, l'esprit 
        d'entreprise et la plus grande fraternité.-----Que Jean-Claude Beton trouve là, 
        l'expression de toutes nos félicitations.
 
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