| ----Laissant 
        derrière lui la 
        Colonne Voirol et longeant ensuite le Bois de Boulogne, le 
        promeneur venu d'Alger atteignait Birmandreïs 
        (corruption de Bir Mourad Reïs, "Le Puits du Reïs Mourad 
        ") puis, poursuivant sa randonnée, il empruntait la route 
        Alger-Laghouat, ouverte dès 1832 par le Génie militaire. 
        Une côte assez raide suivie d'une longue descente terminée 
        par un virage prononcé, une ultime montée le conduisaient 
        enfin à Birkhadem (1), randonnée effectuée au milieu 
        des cultures, des vergers, des jardins verdoyants parmi lesquels se détachaient, 
        çà et là disséminées, de blanches maisons 
        mauresques et de coquettes fermes.------"Le 
        Puits de la Négresse " devait ce nom à une 
        tradition orale remontant aux XVIe et XVIIe siècles selon laquelle, 
        à cette lointaine époque, une vieille femme noire avait 
        coutume de venir s'accroupir auprès de la source qui s'épanchait 
        en ce lieu pour y rouler le kousksoû (couscous) familial. Depuis 
        les temps anciens, cette fraîche et agréable fontaine naturelle 
        avait servi, tout comme celle de Bir Touta (" Le Puits du Mûrier 
        ", à dix kilomètres plus au sud, de point d'arrêt 
        pour les nomades et les troupes en campagne qui y dressaient leurs campements. 
        Mais bien avant les Arabes et les Turcs, les Romains avaient reconnu et 
        apprécié le site, comme ils surent le faire excellemment 
        partout ailleurs dans la zone qui entourait alors Icosium (Alger) de nombreux 
        vestiges en témoignaient encore, en 1830 et, de nos jours, les 
        restes d'une voie romaine, visibles au km 9, 500, attestaient toujours 
        de cette antique présence.
 ------À 
        partir du XVIIe siècle, les frais et verdoyants vallons du " 
        Puits de la Négresse " attirèrent à eux 
        les dignitaires turcs et les riches négociants maures d'El jezaïr 
        qui, durant la canicule, étouffaient dans la moiteur et la puanteur 
        de la capitale, enfermée entre ses vieux remparts sarrazins. Ils 
        furent alors nombreux à y élever des maisons de campagne 
        et, jusqu'à la venue des Français, Birkhadem ne constituait 
        qu'une agglomération de blanches villas mauresques éparpillées 
        dans cette riante contrée. Le dey Hassan, notamment, y séjournait 
        souvent l'été et l'endroit lui était si agréable 
        qu'il fit coiffer la source d'une élégante fontaine de marbre 
        qui subsiste aujourd'hui encore, recelant, sous sa coupole, une plaque 
        de marbre gravée de caractères arabes, comportant la dédicace 
        qui date cette érection de l'an 1212 de l'Hégire, soit 1797 
        de notre ère. Un bosquet de saules et de pins qui subsistait encore 
        en 1830 ombrageait le petit monument et, face à lui, le dey avait 
        fait élever une mosquée qui servit de mairie de 1840 à 
        1899, tandis qu'il installait un haouch et un moulin à grains au 
        bas des pentes du Sahel, à proximité et sur l'Harrach.
 SENTINELLE AVANCÉE 
        DANS LE SAHEL ------Plusieurs 
        de ces maisons de campagne édifiées avant la conquête 
        existaient encore, plus ou moins bien conservées, telle la villa 
        du Cheikh e! Bled (" chef municipal d'El Djezaïr ", 
        située à droite en venant d'Alger, au km 9, 500, puis Ben 
        Négro, à quelque distance de la précédente, 
        ancienne propriété du chef de province.( Françoise 
        Bernard Bries précise:« Je vous signale que la maison turque 
        que vous mentionnez dans votre page sur Birkhadem, du nom de Ben Negro, 
        avait été achetée dans les années 1850/60 
        par mon arrière grand père, Aristide Bonifay...Elle fut 
        vendue à sa mort et donc ne resta pas dans la famille...Vous en 
        verrez une jolie peinture sur :http://www.pages-tambour.com/bonifay/index.html) 
        Toujours avant de pénétrer dans le centre, en retrait sur 
        la Nationale 1, à gauche, s'élevait l'Haouch Ben Siam, domaine 
        séculaire de cette famille de notables maures dont les ancêtres 
        avaient été les contemporains des frères 
        Barberousse. Un bois de pins d'Alep entourait alors les importants 
        bâtiments dont ne subsistait plus, de nos jours, qu'un seul et magnifique 
        exemplaire, vieux de plusieurs siècles, qui passait pour avoir 
        servi à la pendaison des criminels, car les Ben Siam avaient autrefois 
        droit de justice. De nombreux crochets de fer, noyés dans les couches 
        de l'écorce, auraient servi à ces exécutions. Ensuite, 
        dans l'agglomération, on trouvait la résidence du Caïd 
        el Bab, ancien gouverneur des portes d'El Djezaïr. Décorée 
        d'une collection unique de faïences Persanes et hispano-mauresques, 
        cette villa possédait encore les pierres provenant de l'ancien 
        porche de la Bab Azoun, démolie en 1846. Puis, à la sortie 
        sud, à droite et en retrait sur la route de Blida, on pouvait apercevoir 
        la Khazna Dar ou Maison du trésorier du dey. On trouvait aussi 
        le Djenan ben Abd-el-Kader, demeure de l'ancien chef de la police, ainsi 
        que le Djenan Safar, ou villa de l'orfèvre du dey.
 ------Durant 
        les premières années de la Conquête, Birkhadem demeura 
        un point avancé de l'armée dans la défense d'Alger. 
        Le 12 décembre 1831, le commandant Duvivier demandait et obtenait 
        Ben Négro. Ben Siam et Cheikh el Bled, chacune pour deux compagnies, 
        tandis que le Khazna Dar était occupé par le 6e de ligne. 
        Ben Siam fut occupé par un escadron de spahis réguliers, 
        constitué de cavaliers indigènes et français mêlés. 
        En 1836, les diverses constructions composant cet haouch abritaient 6 
        officiers, 137 hommes et 118 chevaux ; en 1840, le grand pavillon fut 
        attribué à un maréchal de camp (général 
        de brigade), ses officiers étant installés dans des annexes 
        construites exprès; le futur maréchal de Saint-Arnaud y 
        séjourna quelque temps. Cette propriété revint à 
        ses légitimes possesseurs en 1845 et, plus tard, fut aménagée 
        en pénitencier militaire. Le 18 septembre 1839, Birkhadem, l'un 
        des seize camps retranchés créés autour de la capitale, 
        voyait partir une unité de zouaves, sous les ordres du chef de 
        bataillon Laflo, au secours du poste du Fondouk attaqué par les 
        hordes d'Abd-el-Kader, opération menée conjointement avec 
        des troupes basées à la Maison-Carrée. 
        De continuelles et sanglantes escarmouches tinrent en éveil, en 
        cette première décennie de la Conquête, les troupes 
        installées à Birkhadem, sentinelle avancée face aux 
        Hadjoutes de la Mitidja qui attaquaient sans relâche les postes 
        isolés et même les camps implantés sur le pourtour 
        du Sahel, Douéra 
        (" la Petite Maison ") constituant leur cible préférée. 
        De nombreuses fois, " le Puits de la Négresse " eut à 
        recueillir des colons fuyant la plaine, chassés de leurs exploitations 
        agricoles à peine naissantes par les égorgeurs d'Abd-el 
        Kader notamment après la rupture du traité de la Tafna (1837). 
        Il servit aussi de point de concentration aux troupes expéditionnaires 
        dans leurs marches au secours vers Chebli, Boufarik et Blida.
 UN AUTRE ENNEMI A VAINCRE 
        : LE PALUDISME ------La 
        "Ferme modèle ", implantée au sud-est de Birkhadem, 
        subit elle aussi de fréquents assauts des Hadjoutes et nombreuses 
        furent les vies de colons sauvées par ses vieux murs crénelés 
        derrière lesquels ils avaient trouvé refuge avec femmes, 
        enfants et domestiques. La construction de cette " Ferme expérimentale 
        " avait été décidée dès la fin 
        de l'année 1830 par le général Clauzel qui, comprenant 
        le parti qui pouvait être tiré de la plaine de la Mitidja, 
        voulut tenter une expérience qui servît aux futurs colons. 
        Il choisit l'haouch Hassan Pacha, au bas des pentes du Sahel, à 
        dix kilomètres des marais des Ouled Mendil et cette ferme modèle 
        inaugura ainsi la longue liste des victimes que devait faire la Mitidja 
        avant de devenir saine et prospère. Car la petite garnison installée 
        dans ce premier établissement colonial français dans ce 
        qui ne s'appelait pas encore l'Algérie, y découvrit avec 
        effroi un ennemi encore plus terrible que les Hadjoutes : le paludisme, 
        qui la décima rapidement. Dès lors, les dépêches 
        officielles à destination de Paris sont remplies de longues plaintes 
        sur l'état sanitaire de la troupe. Par exemple : "Les postes 
        de la Maison Carrée et de la Ferme Modèle sont tellement 
        malsains que, dans l'espace d'un mois, le 30e de ligne se trouve presque 
        réduit à rien (Berthezène à Soult, 1e juillet 
        1831 ". Et le 8 août de la même année "L'état 
        sanitaire de l'armée empire tous les jours et devient véritablement 
        effrayant; il n'y a pas de jour où il n'entre 100 et jusqu'à 
        150 hommes à l'hôpital ". Pour tenter de 
        remédier à ce désastreux état de choses, on 
        fit relever les hommes de la Ferme Modèle tous les dix jours, puis 
        tous les cinq jours et enfin tous les jours, mais en vain. Au contraire, 
        en quelques semaines, presque toute l'armée se trouva impaludée, 
        jusqu'à 18.000 hommes en 1830 et plus de 10.000 en 1831. Situation 
        qui ne fit que s'aggraver au cours des années suivantes. 20 août 
        1837 "Le chiffre des malades continue à 
        augmenter... Il a fallu renforcer le 2e de ligne, qui était insuffisant 
        pour le service, par 200 hommes de la Légion étrangère 
        et suspendre les travaux ".------Les 
        petites garnisons qui s'y succédèrent laissèrent 
        un souvenir de leur passage en ces lieux l'inscription Cabaret du 23, 
        gravée sur une plaque de schiste, elle-même apposée 
        sur la fontaine turque qui avoisinait l'haouch. Les moulins d'Hassan Pacha, 
        sur l'Harrach, furent réutilisés, devenant plus tard les 
        moulins Morhing et Marchand avant d'être désaffectés. 
        En 1913 encore, la Ferme Expérimentale, devenue domaine privé, 
        fit parler d'elle : sa propriétaire Mme de Félieu, y fut 
        assassinée par un jeune indigène qu'elle avait élevé 
        comme son propre fils et le meurtrier expia son crime sous la guillotine. 
        Enfin la propriété devint le Domaine de Kéroulis, 
        bien connu des Birkhadémois.
 UNE PÉRIODE D'INSÉCURITÉ ------Cependant 
        durant cette décennie 1830-1840, la pacification était loin 
        d'être achevée et les Hadjoutes et Ben Salem qui infestaient 
        la Mitidja ne laissèrent guère de repos aux défenseurs 
        de Birkhadem. Ainsi, en 1834, le 3è bataillon du 4è régiment 
        de ligne qui effectuait une tournée de surveillance vers l'oued 
        Kherma fut surpris au beau milieu des massifs épais qui bordent 
        l'oued par un ennemi très supérieur en nombre. Chargeant 
        furieusement à la baïonnette, les lignards, succombant à 
        la pression numérique, durent lâcher pied, laissant de nombreux 
        morts derrière eux. Sur ces lieux, une borne fut dressée 
        au bord de la route, en hommage aux malheureuses victimes. Elle portait 
        l'inscription : " 3e bataillon, juillet 1834 ". Le 7 septembre 
        1838, alors que des pillards en nombre cherchaient à razzier une 
        tribu soumise, dans le voisinage de Birkhadem, le poste de gendarmerie 
        se portait à leur rencontre et le brigadier Disseaux était 
        tué d'un coup de poignard au cours d'une charge. Son corps emporté 
        par les pillards disparut dans les épaisses frondaisons de l'oued 
        Kherma et ne fut jamais retrouvé. Le 7 septembre 1838, le gendarme 
        Bidart fut grièvement blessé d'un coup de yatagan au cours 
        d'une patrouille et le 27 avril 1840, deux maisons étaient brûlées 
        et trois personnes enlevées dans les environs de la Ferme Modèle; 
        le 30 octobre de la même année, nouvelle incursion des Hadjoutes 
        : les gendarmes les attaquent et, bien qu'inférieurs en nombre, 
        les contraignent à battre en retraite, mais le gendarme Labourdette 
        est tué d'un coup de poignard et son corps ramené à 
        la brigade. Le ler novembre 1867, la brigade de gendarmerie de Birkhadem 
        prenait possession de sa nouvelle caserne, dans les locaux de l'ancien 
        pensionnat Sainte-Jeanne-d'Arc dont une statue se voyait encore dans une 
        niche aménagée sur la façade. Pour quelles raisons 
        cet établissement scolaire avait-il dû fermer ses portes 
        ? L'explication pourrait se trouver dans le dépeuplement provisoire 
        du centre, en ces années 1840, qui virent le départ de nombre 
        des premiers colons installés là dès 1833 : les insuccès, 
        la maladie, joints à l'insécurité les ayant découragés 
        et contraints à l'abandon. Le 3 décembre 1924, fut apposée, 
        dans les locaux de la brigade et en présence de plusieurs personnalités, 
        dont les maires des localités voisines, une plaque de cuivre commémorant 
        la mort des gendarmes Disseaux et Labourdette. CLIMAT, GÉOLOGIE 
        ET GÉOGRAPHIE DE BIRKHADEM ------Situé 
        à 105 mètres d'altitude, Birkhadem jouit d'un climat tempéré 
        et salubre. Environné par les hauteurs qui l'enserrent, le centre 
        lui-même est assez chaud et humide l'été, climat cependant 
        corrigé par les brises marines qui soufflent de la Méditerranée 
        proche, tandis que les habitations placées à flanc ou sur 
        les crêtes des collines subissent de plein fouet les vents d'est 
        et de sud. Sous le sable rouge qui constitue une terre légère 
        très propice aux cultures maraîchères, celles des 
        primeurs et de la pomme de terre, notamment, s'étendent les marnes 
        sahariennes recouvrant une molasse calcaire tendre, avec des grès 
        par endroits, et ces argiles renferment de nombreuses poches d'eau qui 
        ont fait la richesse de la commune. Car, au début, le centre était 
        peu fourni en eau.
 
 ------On rapporte 
        à ce sujet, qu'au XVIIè siècle, alors que l'esclavage 
        constituait encore, avec la piraterie maritime, l'industrie principale 
        de la Régence turque d'Alger, un riche Maure d'El Djezair occupait 
        de nombreux esclaves dans ses jardins du " Puits de la Négresse 
        ". Comprenant qu'il fallait de l'eau pour que ses terres devinssent 
        plus productives, le Maure proposa à une équipe d'Espagnols 
        qu'il utilisait de leur rendre la liberté contre la découverte 
        et l'amenée jusque dans ses jardins du précieux liquide. 
        Marché aussitôt accepté par les Ibériques qui 
        se mirent sans tarder au travail, sous la conduite de l'ancien officier 
        qui les dirigeait habituellement. Si puissant était le désir 
        qui animait ces malheureux de recouvrer leur liberté, qu'ils accomplirent 
        le miracle d'alimenter Birkhadem en eau, en moins de six mois, grâce 
        à leur travail forcené. Ayant capté la source de 
        Kaddous, trois kilomètres plus haut, ils l'endiguèrent, 
        la canalisèrent et l'amenèrent ainsi jusque sur les terres 
        de leur maître, ayant ouvert jour après jour d'innombrables 
        tranchées creusées à force d'énergie et d'obstination. 
        Cette histoire n'a jamais été authentifiée, mais 
        il n'en demeure pas moins vrai que le village reçoit encore l'eau 
        légère de Kaddous pour tous ses besoins et, selon toutes 
        apparences, ce sont toujours les mêmes conduites du XVIIe siècle 
        qui, modernisées et agrandies continuent de lui apporter la prospérité. 
        A partir des années 1850, la fécondité des terres 
        de Birkhadem s'accrut encore, grâce aux nombreux puits forés 
        dans la région, des centaines de norias déversant en abondance 
        l'or liquide dans les jardins maraîchers du "Puits de la Négresse 
        ".
 -----Un 
        précieux instantané du village à ses débuts 
        nous est livré par un jeune sous-officier de spahis réguliers 
        cantonné à Birkhadem dans une lettre datée du 6 octobre 
        1837, et adressée à sa famille en France: " 
        Mon cantonnement est un des plus beaux que les spahis occupent. Ben Siam 
        est situé dans un vallon à deux lieues d'Alger. Quelques 
        colons hardis y ont élevé quelques maisons qui forment un 
        petit village à la française. La culture y est facile, la 
        terre est couverte d'arbres fruitiers, de vignes et il y a une ou deux 
        petites forêts, ici la chasse est bonne et Dieu merci on ne vit 
        que de gibier... Quatre jours après notre arrivée dans ce 
        beau séjour, je prends mon fusil, je bats les broussailles, les 
        figuiers et j'avais déjà trois perdrix et un merle.------La 
        peste et le choléra sont à Alger, tous les colons désertent 
        la ville et viennent camper dans la plaine. Le choléra a commencé 
        par l'hôpital du Dey où il y avait 2.000 hommes... Nous quittons 
        demain Ben Siam pour aller cantonner à Ben Imred, tout près 
        du mont Atlas (2)". C'est que l'histoire 
        de Birkhadem est intimement liée à la conquête de 
        l'Algérie et à la mise en valeur de la Mitidja.
 ------Louis 
        de Baudicourt (La colonisation en Algérie) a vu Birkhadem en 1856: 
        avec lui, découvrons-le tel qu'il était à cette époque: 
        " Au-delà de Birmandreis, la route 
        de Blida est bordée de belles plantations çà et là 
        des caroubiers ou de gros oliviers sauvages viennent marier leur feuillage 
        aux lignes d'ormeaux et de platanes; plus loin, des groupes de pins étalent 
        à l'horizon le parasol de leurs cimes élevées ; à 
        droite et à gauche de la route, on rencontre de belles exploitations 
        agricoles qui se succèdent sans interruption jusqu'à une 
        fontaine aux arcades de marbre appelée Bir-Khadem. Un café 
        maure y est établi ; quelques industriels, aubergistes, épiciers, 
        boulangers, maréchaux-ferrants se sont installés alentour 
        à l'ombre du clocher d'une petite église." 
        Ajoutons que, après l'exode des premiers colons, dans les années 
        1840, le centre vit l'arrivée progressive de nombreux immigrants 
        espagnols, originaires des îles Baléares le plus souvent 
        et qu'il doit en grande partie sa prospérité au labeur opiniâtre 
        et à la science maraîchère des Sintes, Fédélich, 
        Tixidor, Ruitort, Fabrer, Bagur, etc
 
 ------Depuis 
        1842, le centre possédait une église. Érigéen 
        commune par décret royal du 22 avril 1833, les offices du culte 
        catholique avaient jusque-là été célébrés 
        par le vicaire forain de Dély-Ibrahim dans une tour de défense 
        désaffectée. Le 26 décembre 1842, Mgr Dupuch, nouvel 
        évêque d'Alger, posait la première pierre de l'édifice. 
        Confiée au Génie militaire, la construction en était 
        achevée en 1843 et, au mois de juillet de la même année, 
        le prélat consacrait l'église, la dédiant à 
        sainte Philomène. Une cloche fondue à Lyon était 
        placée dans le beffroi. Elle reçut le même jour son 
        nom de baptême : Marie-Caroline-Philomène, la marraine étant 
        Mme Marie-Caroline Darciaux et le parrain M. Albin, ex-maire de la commune.
 ------À 
        l'intérieur, la chapelle possédait un maître-autel 
        de marbre vert et noir construit sur le modèle de celui de l'église 
        du saint suaire de Turin.
 -------C'était un don du roi de Naples, 
        père d'une fillette elle aussi prénommée Philomène. 
        Deux tableaux de quatre mètres de hauteur en ornaient le chur, 
        don de l'empereur Napoléon III, lors de son passage à Birkhadem, 
        le 6 mars 1865, alors qu'il allait inaugurer l'exposition agricole de 
        Boufarik. Plus laid, en 1928, le clocher et son beffroi furent reconstruits 
        en même temps que l'intérieur était remanié, 
        tandis qu'une horloge était enchâssée dans le fronton 
        de l'édifice religieux dont les servants furent les curés 
        Pons, Raffat, Salles, Roman et Martin, secondés dans leur tâche 
        paroissiale par les Surs missionnaires de 
        Notre-Dame d'Afrique et les 
        Surs Blanches.
 -----En 1865, le Nouveau Guide Général 
        du Voyageur en Algérie nous dépeint notre village : "Birkhadem 
        a acquis une certaine importance qu'il doit à sa proximité 
        d'Alger, ainsi qu'à la beauté de son site et à la 
        fertilité de ses terres. Les habitations, groupées autour 
        de l'église, ne sont pas très nombreuses : maison commune, 
        écoles, salle d'asile, hôtel-café-restaurant, mais 
        au-dehors du village on trouve, éparpillées dans la campagne, 
        une centaine de fermes qui présentent l'aspect le plus riant. Le 
        territoire, couvert d'arbres fruitiers, de mûriers et de vignes, 
        produit en abondance des céréales et du tabac." 
        Et en 1882, les itinéraires de l'Algérie ajoutaient: "Birlkhadem, 
        agglomération de fermes et de villas mauresques et françaises, 
        constitue, avec Saoula, une commune de 2.054 habitants (408 Français, 
        5 Israélites, 1.020 indigènes et 621 étrangers").
 ------La place 
        est ornée, en face de l'église, d'une fort jolie fontaine 
        mauresque alimentée par un aqueduc, mais qui, comme celle de Birmandreïs, 
        est gâtée par des constructions parasites. Près du 
        village, se trouve un pénitencier pour quatre ou cinq cents militaires. 
        Birkhadem possède encore un orphelinat de jeunes filles indigènes 
        fondé par 
        Mgr Lavigerie après la grande famine de 1866-67."
 ORGANISATION ADMINISTRATIVE ------Érigée 
        en commune de plein exercice le 17 décembre 1843, Birkhadem incluait 
        d'abord, dans son territoire, les centres de Birmandreïs et Saoula. 
        Mais Ces deux annexes se développant rapidement, la première 
        fut érigée en commune le 17 décembre 1863 et la seconde 
        le 12avril 1894. Depuis, Birkhadem a vu ses 1591 hectares de territoire 
        limités au nord par Bizmandreïs, à l'est par 
        Kouba, et au sud par Saoula.------Birkhadem 
        était placé sous l'autorité d'un maire assisté 
        de vingt et un conseillers dont deux adjoints. Depuis 1840, la mairie 
        était logée dans l'ancienne mosquée construite par 
        Hassan Pacha ; en 1889, elle vint installer ses services dans l'ancienne 
        école. Quelques noms de ces magistrats municipaux: MM. Truchet, 
        Alexandre, Berthier, Borderie. En 1860, la commune se dotait d'abattoirs, 
        tandis que s'amorçait la construction des égouts collecteurs, 
        terminée en 1913. En 1932, la salle des fêtes apparaît 
        à son tour. La première école fut ouverte en 1843. 
        Elle occupait le premier étage d'un immeuble appartenant à 
        Mme Aymes et située à l'entrée du village, à 
        droite, en venant d'Alger. En 1863, elle était transférée 
        sur la place, dans l'immeuble qui servit plus tard de mairie. Un nouveau 
        groupe scolaire la reçut en 1889 et, dans le jardin curial y attenant, 
        une école indigène fut édifiée en 1928, Elle 
        devint ensuite école de filles exclusivement. Quelques noms d'enseignants 
        dont les Birkhadémois se souviennent encore : Mlle Marage, M. et 
        Mme Alexandre, M. et Mme Lacrampe, Mmes Maumy et Didier. Dans les années 
        1960, les écoles communales abritaient plusieurs cours primaires 
        et complémentaires.
 ------Passées 
        les difficiles années du début, Birkhadem s'étoffa 
        graduellement, devenant, grâce au labeur incessant de ses habitants, 
        une petite cité florissante. En 1870, en 1914-18 et en 39/45, la 
        commune paya son tribut humain aux guerres nationales. Une plaque de marbre 
        apposée dans la nef de l'église rappelait les noms de ceux 
        qui avaient offert leur vie au pays en 14/18. Gachet Charles, Mol Honoré, 
        Tosiano Joseph, Sintès Joseph, Voger Charles, Fédélich 
        Antoine, Lesch Pierre, Moréra Joseph, Camdona Simon, De Serroux 
        Jean, Ganourgue Julien, Bay Marcel, Courmontagne Marcel, Prady Désiré, 
        Cortès Antoine, Cardona Antoine, Moréra Pierre, Moréra 
        Francois, Sintès Jacques, Fédélich Damien, Battarel 
        Jean, Prady Louis, Monjo Joseph, Sintès Barthélemy, Tur 
        Marius, Beuffe Jean, Llorens Raphaël, Gomila Gabriel, Colt Barthélemy, 
        Bérenguer Michel, Pérez François.
 ------Jusqu'en 
        1962 la vie économique de la commune était active et prospère. 
        Outre une importante cave coopérative agricole, de nombreuses exploitations 
        maraîchères et fruitières, entreprises de transport 
        ou de conditionnement, conserveries, import-export, Birkhadem pouvait 
        utiliser les services de multiples professionnels : médecins, pharmaciens, 
        dentistes, architectes, avocats, banquiers, commerçants en denrées 
        ou en produits divers, artisans en tous genres, bref, notre village ne 
        souffrait alors d'aucune carence sur presque tous les plans. Ses 8.402 
        habitants y vivaient heureux. Ajoutons qu'ils n'étaient pas isolés 
        de la capitale, grâce aux services d'autocars qui fonctionnaient, 
        rapides et fréquents, entre Birkhadem et Alger: Autocars Blidéens 
        et Cars Seyfried notamment.
 ------De nombreuses 
        activités de loisirs contribuèrent longtemps à souder 
        une population heureuse de vivre dans le calme et la douceur du "Puits 
        de la Négresse". Deux sociétés de musique se 
        partagèrent même, un temps, les faveurs des mélomanes 
        du centre. Finalement, subsista seule l'harmonie municipale dirigée, 
        en dernier lieu, par M. François Pérez. Pour toutes les 
        générations, le boulisme fut le sport et la distraction 
        favoris. La Société Bouliste fut plusieurs fois championne 
        d'Algérie et envoya des finalistes au championnat de France. S'y 
        illustrèrent les Llopis, Combes, Sorabella dont les noms étaient 
        alors sur toutes les lèvres. Une société de football, 
        I'Olympic de Birkhadem, et le Racing Club de Birkhadem, société 
        de basket-bal! virent longtemps leurs couleurs dignement portées 
        par leurs jeunes athlètes.
 ------Les 
        Birkhadémois, aujourd'hui en exil dans leur propre patrie, ressentiront 
        sans doute un pincement au coeur à l'évocation de ces lieux 
        où ils naquirent et vécurent les moments les plus heureux 
        de leur existence, ce milieu familier dont les moindres recoins leur étaient 
        connus, connivence qu'ils partageaient avec celles et ceux qu'ils avaient 
        fréquentés à l'école, à l'église, 
        à la salle des fêtes, au club, au stade ou sur le terrain 
        de boules. Et le souvenir de ce bonheur simple ne s'effacera jamais de 
        leur esprit et de leur cur...
 Gaston PALISSER (1) Nous reprenons ici l'orthographe ancienne 
        la plus logique "Le Puits (bîr) de la Négresse (khadem)". (2) Le maréchal des 
        logis-chef Eugène Cèdre, originaire du Doubs fut nommé 
        sous-lieutenant dans le même corps des spahis en 1838 et mourut 
        le 5 septembre 1840, à l'âge de 31 ans, à Alger où 
        il fut emporté par le choléra qui sévissait alors 
        dans la colonie.   |