| C / LES VILLAGES DE 
        COLONISATION On sait que parmi les 7 sous-préfectures de 1959, 
          
        Djelfa et Tablat 
        avaient été d'abord de simples villages de colonisation. 
        Sans compter ces deux cas particuliers sur lesquels je ne reviendrai pas, 
        et sans compter non plus les hameaux jamais promus communes, il a été 
        créé dans tout le Titteri, sauf erreur de ma part, 24 villages 
        européens entre 1848 et 1924.
 Leur répartition régionale est éloquente : aucun 
        dans l'Atlas saharien des monts Ouled-Naïl
 3 
        sur les hautes plaines
 21 
        dans l'Atlas tellien, plutôt au nord qu'au sud
 
 Sur ces 21 villages telliens, 7 sont proches de Médéa
 5 
        sont dans la plaine des Aribs
 3 
        sont alignés sur la RN 1 dans la vallée de l'oued Akoum
 6 
        sont plus isolés, à l'écart des axes majeurs des 
        RN 1 et RN 8
 
 
  2 / Sous le second 
        empire : BERROUAGHIA 
         
          |  | C'est un centre romain disparu et recréé 
            par les Français |   
          |  | Ce n'est pas une vraie ville, mais c'est 
            plus qu'un village de colonisation |   
          |  | C'est le siège d'une 
            CPE , commune de plein exercice, et d'une CM |   
          |  | Dans cette commune mixte il y eut 4 villages 
            de colonisation |  
          |  | En 1948 la population agglomérée 
            au chef-lieu était de 3 673 habitants |  
          |  | En 1954 la CPE avait 10 464 habitants 
            dont 953 européens |  L'origine du nomBerrouaghia est le nom arabe désignant l'asphodèle (berrouagh) 
        augmenté de la désinence "a" si fréquente 
        dans les toponymes algériens. Berrouaghia est donc la cité 
        des asphodèles.
 Il est clair que ce nom a été utilisé 
        bien avant l'arrivée des Français ; et sûrement avant 
        l'arrivée des Turcs au XVIè siècle. Mais dans l'antiquité 
        pré-islamique le nom utilisé par les Romains paraît 
        avoir été Tirinadi. J'ignore s'il s'agit d'un nom latin 
        ou berbère. Notons que sur les premières cartes (1851) Berrouaghia 
        est orthographié Bérouaguia. L'origine du centre actuelElle est française sans aucun doute, même si ce n'est pas 
        une création tout à fait ex nihilo. En effet il y avait 
        en 1830 une petite garnison turque. Mais il ne semble pas qu'une cité 
        ait existé auprès de ce camp militaire. De toute façon 
        quand les Français sont passés là pour la première 
        fois en 1840 ou 1841 les Turcs avaient levé le camp depuis longtemps. 
        Le site était habité par des tribus semi-nomades makhzen 
        non agglomérées dans un centre urbanisé. La création 
        décidée par Napoléon III a succédé 
        à un village romain dont il ne restait que quelques pierres éparses 
        et à un camp turc dont il ne restait rien de solide.
 Berrouaghia avant les Français 
        Sur Berrouaghia avant les Romains je ne sais rien. Et je n'en dirai pas 
        davantage.
 Sur Berrouaghia sous les Romains je ne sais pas grand-chose, mais je dirai 
        tout.
 Il est certain qu'une voie romaine fut tracée entre 
        Caesarea, capitale de la Maurétanie césarienne et la villa 
        d'Auzia (Aumale) 
        dès le premier siècle après Jésus-Christ. 
        Cette voie qui était l'axe majeur de déplacement des légions 
        entre l'est et l'ouest, passait par Auzia (Aumale), Rapidum (Masqueray) 
        et le futur Berrouaghia.
 Il est vraisemblable qu'une petite cité romaine ait été 
        établie en ce lieu puisqu'on a trouvé dans le village français 
        quelques grosses pierres bien taillées et gravées. Cette 
        cité était modeste car on n'aperçoit à Berrouaghia 
        aucune ruine grandiose : ni thermes, ni théâtre, ni temple, 
        ni forum
 Il est seulement probable que le nom de cette cité 
        ait été Tirinadi.
 
 Il est tout à fait certain que les Romains ont installé 
        au IIè siècle, sans doute sous Hadrien (117-133), un camp 
        militaire auquel fut associée une colonie de vétérans. 
        Ce camp était situé un peu à l'est du Berrouaghia 
        actuel : son nom était Thanaramusa castra. 
        Tirinadi et Thanaramusa sont donc deux centres proches, mais distincts.
 Sur les vicissitudes de ces deux centres à partir 
        des troubles du IVè siècle, je ne sais rien. Il est probable 
        que le site fut pillé et abandonné à cause de l'insécurité 
        due aux révoltes des Donatistes ou des circoncellions. Les Vandales 
        sont sûrement passés par là en suivant la voie romaine 
        qui les conduisit en 10 ans (429-439) de Gibraltar à Carthage. 
        Je doute que les Byzantins y soient venus. 
 A l'époque des invasions hilaliennes ils avaient disparu. Les annales 
        permettent d'affirmer que la région a été intégrée 
        aux royaumes ziride jusqu'en 1014, puis hammadide jusqu'à sa conquête 
        par les Almoravides vers 1080. Mais aucun nom correspondant à Berrouaghia 
        n'y figure. Ensuite la région vit passer tous les conquérants 
        venus de l'est ou, surtout, de l'ouest.
 Berrouaghia refait surface après la conquête 
        ottomane. En 1548 le site est intégré au nouveau beylik 
        du Titteri. Le bey réside à Médéa 
        à une trentaine de kilomètres à peine de Berrouaghia 
        où vivent des tribus classées par les Turcs dans le Makhzen 
        supérieur et chargées de surveiller les tribus raïas 
        soumises à tous les impôts. Ces tribus sont dévouées 
        à proportion des privilèges obtenus et de la crainte des 
        troupes régulières. Les Turcs ont aussi créé 
        une smala de soldats indigènes " professionnels " payés 
        par l'octroi de terres à l'endroit où la France créa 
        un pénitencier agricole. Le bey y avait aussi un vaste domaine 
        avec terres azel (cultures) et azib (pâtures) pour les bivouacs 
        des troupes en campagne, placé sous la responsabilité d'un 
        ou plusieurs caïds. 
 Berrouaghia sous les Français 1841-1860-1962
 Avant de s'installer durablement les Français sont passés 
        et repassés par ce site de nombreuses fois entre 1841 et 1860. 
        Il s'agissait de Français en uniforme le plus souvent accompagnés 
        de troupes auxiliaires indigènes indispensables pour le renseignement 
        et les entretiens en arabe.
 
         
          |     ·       | 1841, en mai, 
              c'est Baraguay d'Hilliers qui était à la poursuite 
              du khalifa El Berkani et qui trouva en ruines l'arsenal qu'Abd el-kader 
              avait fait aménager à Boghar. |   
          |     ·        | 1843, 
            en mai, c'est le duc d'Aumale qui avait appris que l'émir et 
            sa smala se déplaçaient sur les hautes plaines au sud 
            de Boghar. Il a d'ailleurs trouvé la smala à Taguine, 
            mais pas l'émir. |   
          | · | 1844, 
            en mai encore, c'est Marey-Monge, polytechnicien, agha des Arabes 
            depuis 1836 et bientôt commandant à Médéa, 
            qui partait pour Laghouat. Marey-Monge n'était encore que colonel. 
            Il obtint sans combattre la soumission du cheikh de cette oasis saharienne. |   
          | · | 1852, 
            en novembre, c'est le général à titre indigène 
             
             Yusuf, qui s'en allait, 
            avec d'autres généraux, conquérir l'oasis de 
            Laghouat révoltée. Au passage Yusuf avait créé 
            le camp de Djelfa. Il est très probable qu'un relais militaire 
            du même genre avait été créé aussi 
            à Berrouaghia ; et confié peut-être déjà 
            à la garde d'un escadron du 1er spahi car Berrouaghia fut la 
            garnison habituelle de cet escadron dépendant de Médéa. 
            Et de 1852 à 1860 ce fut une noria de soldats et de rouliers 
            qui transitèrent par Berrouaghia pour aller ravitailler ou 
            relever les soldats et les civils qui tenaient les caravansérails 
            échelonnés tous les 25 à 35 km tout au long de 
            la piste jusqu'à Laghouat. Il est presque sûr que des 
            civils aventureux vinrent s'établir près du camp pour 
            profiter de la clientèle des soldats, comme auprès de 
            tous les camps militaires ; et qu'ils sollicitèrent la création 
            d'un centre officiel de colonisation. Leur situation sur l'axe principal 
            d'accès au Sahara fut un argument décisif pour obtenir 
            l'accord de l'empereur Napoléon III. |  
 
         
          |  
               Notule sur l'extraordinaire destin 
                de Yusuf 
                 
                  | 1808 | Giuseppe Ventini naît dans 
                    une famille chrétienne de l'île d'Elbe française 
                    depuis 1802. |   
                  | 1815 | Il a 7ans lorsqu'il est vendu 
                    au Bey de Tunis par des corsaires arabes. Il devient musulman sous le nom de Yusuf et se fait remarquer 
                    à la cour du Bey qui le choisit pour sa garde de mamelouks. 
                    On lui apprend l'équitation le maniement des armes, 
                    l'arabe, le turc et le Coran. Le médecin français 
                    du Bey l'initie aussi au Français. Mais à la 
                    cour une intrigue fâcheuse se noue avec Karouba, une 
                    des filles du Bey. Yusuf aurait dû avoir le choix entre 
                    la strangulation et la décapitation. Heureusement il 
                    était devenu l'ami des enfants du consul de France 
                    De Lesseps.
 |   
                  | 1830 | Le consul lui sauva la vie en 
                    le mettant sur un bateau qui le débarqua le 31 juillet 
                    à Sidi-Ferruch ! Il est aussitôt engagé 
                    comme interprète à l'Etat- Major français. 
                    Mais il s'y ennuie et s'engage comme spahi. |   
                  | 1832 | Il est promu capitaine à 
                    titre indigène. Il continua ensuite à gravir 
                    tous les échelons militaires, toujours à titre 
                    indigène. Pourtant il était devenu français 
                    en 1839 et redevenu chrétien 
                    en 1844 pour se marier. |   
                  | 1852 | Il est à Laghouat qui 
                    est conquise le 4 décembre. |   
                  | 1854 | Il est en Crimée à 
                    la tête de 3 000 authentiques Bachi-Bouzouk |   
                  | 1856 | Il est nommé général |   
                  | 1865 | Il est en semi disgrâce 
                    pour sa brutalité et " exilé " en 
                    France comme chef de la Xè région militaire. 
                    Il meurt à Cannes en 1866 |   
                  |  | Il est inhumé à 
                    Alger ainsi qu'il l'avait souhaité. |  |  
 
         
          |     ·       | 1860, le 3 mars, 
              signature du décret de création du centre de colonisation 
              de Berrouaghia. La surface concédée a été 
              d'abord modeste car elle était prévue pour seulement 
              29 ou 34 concessionnaires sur près de 700ha. Ces concessions 
              furent gratuites. Cinq ans plus tard elles auraient été 
              vendues à prix fixe et à bureau ouvert, après 
              publicité, la gratuité ayant été supprimée 
              par le décret de décembre 1864. Certains colons seraient 
              venus de Damiette village créé 12 ans plus tôt 
              à une trentaine de kilomètres plus au nord.
 |   
          | · | 1869 Berrouaghia 
            est promu CPE, commune de plein exercice |  |   
          |     ·        | 1871 
            Inauguration d'une gendarmerie |   
          | · | 1877 Berrouaghia 
            devient le chef-lieu d'une commune mixte à laquelle furent 
            rattachés quatre villages de colonisation : Ben-Chicao, Loverdo, 
            Champlain et Nelsonbourg. Il est possible que quelques lots nouveaux 
            aient été attribués vers cette date pour élargir 
            le domaine cultivé par des colons de 400 ha environ. |  
         
          | · | 1879 
            Création du pénitencier agricole à la place d'une 
            ancienne smala de spahis français. |   
          | · | 1892 
            Inauguration de la gare qui resta, jusqu'en 1912, la gare terminus 
            de la ligne à voie étroite montant de Blida 
            par Médéa, 
            Lodi, Damiette et Loverdo. |   
          | · | 1941 
            Ouverture d'une école ouvroir pour les fillettes musulmanes |   
          | · | 1942 Arrivée 
            de prisonniers de guerre italiens et allemands capturés en 
            Libye. Grâce aux souvenirs d'une mienne cousine par alliance 
            qui a quitté Berrouaghia en 1948, je puis apporter les précisions 
            que voici : " Ils avaient amené une telle ambiance 
            dans ce village qu'il serait difficile de les oublier. Ils logeaient 
            dans des sortes de grands chalets à l'entrée du village 
            à gauche, en allant vers la gare. Libres comme le vent, ils 
            allaient et venaient
Il y avait dans l'enceinte du camp un bâtiment 
            bar-réception réservé au personnel français 
            qui se réunissait là le soir ; les messieurs jouaient 
            aux boules, les dames brodaient, les enfants jouaient. De temps en 
            temps il y avait fête. Après le repas ça dansait 
            aux sons d'un orchestre (accordéon, violon, batterie avec un 
            chanteur ténor prénommé Vieti).Il y avait aussi 
            un comique Scander qui amusait beaucoup l'assemblée. Les murs 
            de la salle avaient été décorés par l'un 
            d'entre eux qui avait représenté Blanche neige et les 
            sept nains auxquels il avait prêté le visage de l'un 
            des membres du personnel. Ils ont laissé un grand vide quand 
            ils sont partis." Bien sûr ces prisonniers étaient 
            occupés à divers travaux. Beaucoup coupaient du bois 
            en forêt sous la surveillance de réservistes français. 
            D'autres exerçaient dans leur spécialité : notamment 
            un couturier, un médecin et des cuisiniers qui livraient des 
            repas au domicile de cadres français travaillant avec l'armée. |   
          | · | 1962, 
            le 26 mars, c'est de Berrouaghia que partit, pour empêcher des 
            manifestants européens de porter secours à Bab el-Oued, 
            un détachement du 4è régiment de tirailleurs 
            algériens. C'est ce détachement de soldats musulmans 
            aux ordres d'un lieutenant musulman, Daoud Ouchène, qui, devant 
            la grande poste d'Alger, mitrailla les manifestants, tuant officiellement 
            61 personnes et en blessant 102 autres. En juillet Daoud Ouchène 
            choisit de demeurer français et de rester dans l'armée 
            française jusqu'à sa retraite qu'il prit avec le grade 
            de capitaine sous le nom de Michel Duchesne. Les autres soldats choisirent 
            la nationalité algérienne. Quant au gouvernement français 
            et au chef de l'Etat ils se félicitèrent, discrètement, 
            que ce drame ait mis un terme aux espoirs des partisans du maintien 
            de la souveraineté française sur l'Algérie. Le 
            18 mars les rebelles avaient été amnistiés, puis 
            libérés ; le 26 mars les opposants français étaient 
            matés : tout allait pour le mieux. |  Le cadre naturel et ses aptitudes
 
 
         
          | Cliquer 
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  Le cadre naturel 
 |  Berrouaghia se trouve dans une cuvette à fond plat, à plus 
      de 900 m d'altitude. Cette cuvette est entourée de moyennes montagnes 
      sur trois côtés : c'est au nord que les altitudes sont les 
      plus élevées avec les 1327 m du djebel Serane. Au sud et à 
      l'ouest elles ne dépassent guère les 1000 m. En 1954 il restait 
      pas mal de versants et de sommets boisés, surtout vers l'extrémité 
      du massif de l'Ouarsenis qui se termine à peu de distance de Berrouaghia.
 
 Et vers l'est s'ouvre le sillon synclinal qui, par les plaines des Beni-Slimane, 
      des Aribs et de la vallée de la Soummam, atteint la Méditerranée 
      du côté de Bougie. Quand on aborde Berrouaghia en venant de 
      Bir-Rabalou ou d'Aumale on n'a pas vraiment l'impression d'être dans 
      une montagne. Il en va un peu différemment quant on arrive de Médéa 
      car, après le passage du col de Ben-Chicao à 1230 m, la descente 
      sur Berrouaghia est rapide. Ce col est le plus haut de la RN 1 qui va d'Alger 
      au Sahara. L'hiver il lui arrive d'être bloqué par la neige 
      durant quelques heures aussi longtemps que le chasse-neige n'a pas dégagé 
      la route. La RN 1 est une route bien aménagée et accessible 
      à tous les véhicules, gros camions compris. Elle n'a rien 
      de commun avec la route de Sakamody à l'autre bout du département.
 Le climat est nettement méditerranéen, 
        nuancé par l'altitude et un début de continentalité 
        pour le régime des températures. La moyenne de 
        janvier est basse (5°) et il neige tous les ans. Les moyennes de juillet 
        et août plafonnent à 25° bien qu'il y ait quelques journées 
        où souffle le vent de sirocco. La pluviométrie est moyenne, 
        un peu supérieure à 600mm, et son régime est méditerranéen 
        classique, avec un net maximum de novembre à mars, et deux mois 
        presque sans pluie en juillet-août. Dans la cuvette de Berrouaghia 
        les sols, convenables, et le climat sont favorables aux cultures de céréales 
        et au vignoble. La rigueur de l'hiver exclut les agrumes ; l'humidité 
        favorise les pâturages là où la forêt a été 
        détruite. Berrouaghia fut d'abord et surtout 
        un centre agricoleC'était sa première vocation. Elle n'avait pas été 
        oubliée en 1962. Les colons qui, au début semaient du blé 
        ou de l'orge se sont mis à planter de la vigne, comme partout dans 
        le Titteri, à partir des années 1880. Et ici comme ailleurs 
        dans la région les vins produits furent classés VDQS et 
        rapportaient davantage que les céréales, ou que l'élevage 
        des moutons. Ce vignoble est le dernier que l'on rencontrait quand on 
        se dirigeait vers le sud : c'était le plus méridional de 
        l'Algérie centrale. Il n'a pas survécu à l'indépendance.
 Les terres incultes ou en jachère offraient de 
        belles pâtures à moutons. Deux marchés se tenaient 
        chaque mercredi ; en lisière de la cité pour le bétail 
        et au centre pour le reste. Berrouaghia fut un centre administratif 
        modeste en tant que chef-lieu de commune mixteSon rôle administratif fut important pour les Européens de 
        la région car quatre villages de colonisation lui restèrent 
        attachés jusqu'à leur émancipation en 1947.
 Il y eut successivement Ben-Chicao créé en 1872
 Loverdo 
        créé en 1874
 Champlain 
        créé avant 1904
 Nelsonbourg 
        créé en 1910
 Ces créations ont donc été décidées 
        sous la IIIè République. Elles ont été toutes 
        associées à Berrouaghia quand la commune mixte y fut domiciliée 
        en 1877.
 
 Berrouaghia fut un carrefour routier bien desservi par les services 
        d'autobus
 Le village s'est retrouvé, avant 1914, au centre d'une étoile 
        routière à 5 branches avec notamment les
 - routes nationales N 1 vers Alger au nord 
        ; et vers le Sahara au sud
 18 
        vers Ain-Bessem et Bouira, par Bir-Rabalou
 - routes départementales 
        N 20 vers Aumale par Masqueray
 144 
        vers Boghari. Cette difficile route de montagne doublait la RN 1
 22 
        vers Nelsonbourg
 Toutes ces routes, sauf celle de Nelsonbourg, étaient 
        parcourues par les services réguliers de deux sociétés 
        d'autobus : les autocars blidéens et l'Auto-Traction de l'Afrique 
        du nord.
 La première permettait aux gens de Berrouaghia d'aller à 
        Alger, Boghari, Aïn-Boucif, Djelfa et Champlain. La seconde desservait 
        la ligne Berrouaghia-Masqueray-Aumale.
 
 Certains services d'Autobus pouvaient être en correspondance avec 
        le train venu de Blida ou de Djelfa.
 Berrouaghia fut une centre militaire 
        très secondaire bien que cet aspect dût jouer 
        un rôle non négligeable dans la décision de création 
        du centre et pour le choix de son emplacement, à l'écart 
        des terres de l'ancienne smala turque, juste sur le tracé de la 
        route du sud. Il y eut tout de même toujours quelques soldats cantonnés 
        dans la cité ; et notamment le troisième escadron du premier 
        régiment de spahis dépendant de la subdivision militaire 
        de Médéa. Le colonel était à Médéa, 
        et l'escadron de Berrouaghia obéissait à un capitaine. Deux établissements publics étaient 
        situés hors du village  
         
          | · | Le pénitencier 
            agricole. Créé en 1879, 
            il a pris la place de l'ancienne grande ferme du bey que nous avions 
            transformée en smala de spahis qui fut dissoute après 
            1870. Il était à 2km de Berrouaghia, un peu au sud de 
            la route de Bouira. Je ne crois pas que le choix du mot pénitencier 
            ait été motivé par le souci d'amener ses résidents 
            contraints, à faire pénitence avec la ferme intention 
            de ne pas récidiver. Ces résidents étaient des 
            condamnés aux travaux forcés pour je ne sais quels délits. 
            Mais cet établissement de Berrouaghia n'était pas un 
            bagne malgré l'allure moyenâgeuse des tours d'angle du 
            bâtiment principal. 
 Les pénitenciers de ce genre (il y en avait en Corse) poursuivaient 
            officiellement trois buts :
 - fournir un minimum de formation agricole 
            pour une réinsertion future
 - faire des essais de culture ou de 
            pratiques culturales
 - subvenir aux besoins du pénitencier
 
 Les responsables du pénitencier de Berrouaghia semblent avoir 
            accordé une sorte de priorité à la viticulture 
            si l'on en juge par la taille des caves de l'établissement. 
            Etrange spécialité si l'on considère que les 
            détenus étaient en majorité musulmans et buveurs 
            d'eau.
  Le personnel de surveillance et d'encadrement, 
              avec femme et enfants, était logé sur place.
 En 1945, pour les enfants de 6 ans et plus, existait déjà 
              une forme de ramassage scolaire assuré par " une 
              grosse calèche tirée par un cheval, très haute, 
              noire et aussi lugubre qu'un corbillard ".
 |   
          |  |  |  
         
          | · | Les sources thermales 
            d'Hammam Essalihine. Elles sont situées à 6 ou 
            7 km à l'est de Berrouaghia en bordure des collines boisées 
            du " Draa Ach el Agab ". Elles sont connues depuis 
            l'antiquité. Si l'on en croit les textes, ses eaux chaudes 
            (38° à 44°) guériraient toutes sortes de maladies. 
            Le plus probable est qu'elles n'aient pas guéri grand monde 
            car le site n'a jamais été vraiment mis en valeur et 
            équipé pour recevoir des curistes européens. 
            Et après l'indépendance les rares équipements 
            qui existaient ont été négligés et finalement 
            abandonnés. Il y a bien des sources chaudes mais il n'y a jamais 
            eu de station thermale. |  L'aspect du villageIl est des plus classiques. Berrouaghia a gardé jusqu'au bout le 
        plan en damier des villages de colonisation, à peine perturbé 
        par une longue rue de la gare tracée pour l'arrivée du train 
        en 1892. Les maisons les plus hautes ont un étage ; la plupart 
        sont très basses. Les trottoirs sont plantés d'arbres.
 
 Grâce à une cousine déjà citée je peux 
        compléter un plan de Berrouaghia du début du XXè 
        siècle avec l'indication de l'emplacement de quelques bâtiments.
 
         
          | 
               
                | Cliquer 
                    sur l'image pour l'agrandir ( 
                    90ko)
  
 |  | 1 Mairie2 Synagogue
 3 Eglise
 4 Mosquée
 5 Tribunal indigène
 6 Marché couvert
 7 Place du marché
 8 Etude du notaire Farès
 10 Maison du cadi
 11 Magasin Korteby
 12 Presbytère
 13 Ecole ouvroir
 14 Ecole et cours compl.
 15 Ecole coranique
 16 Marché aux bestiaux
 17 Commune mixte
 18 Monument aux morts
 19 Gendarmerie
 20 ferme Garnier
 21 Hôpital
 22 Génie civil et caserne
 NB 9 domicile familial NB Au-dessous j'ajoute un plan de la place centrale 
               |  
        
          | L'église Saint Maurice et la mosquée en plein centre du 
            village Le minaret carré est de style maghrébin. Le marché 
            se tenait le mercredi.
 
 |  |  |  Je n'ai pas trouvé de photo de la synagogue. C'est 
        dommage car cela aurait fourni une bonne image de la présence des 
        trois religions monothéistes et d'une probable tolérance 
        réciproque. Sur les listes d'électeurs vers 1922 accessibles 
        par Internet, les noms à consonance israélite sont très 
        nombreux. Cette minorité est postérieure à l'arrivée 
        de la France en ce lieu. Elle provient peut-être de Médéa. 
        Ne serait-ce qu'en raison de l'existence de ces trois bâtiments 
        de culte, il est clair que le Berrouaghia des Français était 
        mieux qu'un village, sans être vraiment une ville.
 Un simple village n'aurait pas possédé : 
        - un hôpital, dont j'ignore le rang dans la hiérarchie à 
        6 niveaux des hôpitaux algériens
 - un tribunal avec cadi
 - un médecin ; en 1948 il s'appelait Ceccaldi
 - un marché couvert
 - deux hôtels
 - deux écoles dont une avec un CCEG annexé (cours complémentaires 
        de la 6è à la 3è).
 En 1948 ce CCEG n'avait que 2 classes : une pour les 
        6è/5è une pour les 4 /3è
 - un cinéma, curieusement situé au rez-de-chaussée 
        de la mairie
 - un notaire qui était en 1945 un musulman, kabyle, Abderhamane 
        Farès
 Une ville aurait possédé aussi: un lycée, ou à 
        défaut un vrai collège
 un 
        théâtre, ou à défaut une salle de spectacle 
        polyvalente
 quelques 
        immeubles à plusieurs étages
 et 
        un dentiste. En 1948 Il en montait un d'Alger un jour par semaine !
 Les photos ci-dessus montrent l'aspect des maisons ; le 
        plus souvent, un simple rez-de-chaussée : les plus hautes n'ont 
        qu'un étage. C'est une architecture de village. Korteby est le 
        nom d'un commerçant qui tenait avec ses fils un magasin d'alimentation. 
         Deux personnalités musulmanes 
        liées à Berrouaghia Abderahmane Farès Il fut le notaire de Berrouaghia dans les années 1940. Il est le 
        symbole d'un musulman bien intégré à l'Algérie 
        française, mais qui, par pragmatisme et par prudence fut amené 
        à choisir, pas trop tardivement, le parti nationaliste.
 
         
          |     ·       | 1911 Naissance 
              à Akbou en Kabylie. Il a peu connu son père qui est 
              " mort au champ d'honneur " dans une tranchée 
              française en 1917. C'est un oncle, notaire à Akbou, 
              qui prend en charge son éducation. Abderhamane réussit 
              des études de Droit à l'université d'Alger. 
              Après l'obtention de son diplôme il s'établit 
              comme huissier à Alger, puis comme clerc de notaire à 
              Sétif, puis comme notaire à Collo en 1936. Il achète 
              la charge notariale de Berrouaghia, sans doute pendant la guerre. |   
          |     ·        | 1945 Il 
            se lance dans la vie politique en se faisant élire au Conseil 
            Général du département d'Alger dans le deuxième 
            collège électoral, celui des musulmans. Il récidive 
            l'année suivante en devenant député de la première 
            Assemblée Constituante à Paris. Il était inscrit 
            dans le groupe " Union et progrès " proche 
            de la SFIO. |   
          | · | 1953 
            Il est élu Président de l'Assemblée Algérienne 
            prévue par le statut de 1947. Il y mène une politique 
            jugée modérée et pragmatique. |   
          | · | Après 
            1955 il se rapproche des nationalistes et finit par se 
            rallier au FLN. Cela lui vaudra quelques mois de séjour à 
            la prison de Fresnes à Paris de novembre 1961 au 19 mars 1962. 
            Cet intermède carcéral lui vaut l'estime de quelques 
            dirigeants du FLN ; mais pas de tous. |  
          | · | Le 19 mars 1962 
            il est libéré et nommé dans la foulée 
            " Président de l'Exécutif Provisoire " 
            mis en place par de Gaulle au Rocher Noir. Un Français Jacques 
            Roth y faisait de la figuration comme vice-président. C'est 
            à ce titre que Farès eut à discuter, fin mai 
            et début juin, avec jacques Susini qui représentait 
            l'OAS. Le 5 juillet il céda la place au premier Président 
            de la République Algérienne et se retira de la vie politique. |  Benyoucef Ben KheddaIl est natif de Berrouaghia où il a vu le jour le 23 février 
        1920 dans une famille sans doute porteuse de l'idéologie nationaliste. 
        Son père était le cadi de Berrouaghia. C'était une 
        famille aisée et instruite.
 
 Benyoucef fréquenta l'école indigène de Berrouaghia, 
        puis le collège de Blida, puis l'université d'Alger où 
        il obtint son diplôme de pharmacien. Il s'établit à 
        Alger.
 Son père l'avait inscrit aux SMA " Scouts 
        Musulmans d'Algérie " dès leur création 
        en 1935, car il avait compris que ces scouts dispenseraient la bonne parole 
        nationaliste qu'il souhaitait sans doute.  
         
          |  
               Notule sur les SMA : scouts musulmans 
                algériens Les premiers ont été 
                réunis à Alger en 1935 
                par Mohamed Bouras né en 1908 à Miliana, mais vivant 
                alors à Alger. M. Bouras désapprouvait l'adhésion 
                de jeunes musulmans à l'organisation laïque des Eclaireurs 
                de France. Dans les statuts qu'il déposa alors à 
                la Préfecture figurait l'expression "Education para-militaire" 
                qui déplut aux autorités. Il l'effaça et 
                obtint l'agrément de gouvernement du Front populaire le 
                 5 juin 1936, comme association 
                régie par la loi de 1901.D'autres villes imitèrent 
                Alger et en juillet 1939 fut créée une ligue des 
                SMA pour toute l'Algérie. Ses dirigeants étaient proches 
                des oulémas et M. Bouras, qui admirait l'imam Ben Badis, 
                orienta les activités des SMA vers la propagation des idéaux 
                nationalistes et musulmans. Il arrivait aux scouts de distribuer 
                des publications du PPA ou de lui prêter ses locaux. Dans les années 1950 
                les SMA devinrent une pépinière pour le recrutement 
                du FLN. |  Dès qu'il fut adulte Ben Khedda milita dans des 
        organisations anti-françaises, non par pragmatisme ou par prudence 
        pour son avenir comme Farès, mais par conviction. 
         
          |     ·       |  1942 Il adhère 
              au PPA (parti populaire algérien) et s'y distingue suffisamment 
              pour attirer l'attention des autorités qui l'arrêtent 
              le 6 mai 1943.  |   
          |     ·        | 1955 
            Il rejoint le FLN. Il est arrêté, mais est vite libéré 
            sur intervention de Jacques Chevalier, maire d'Alger (de 1953 à 
            1958). Craignant d'être à nouveau arrêté 
            il réussit à se mettre à l'abri, pour la bonne 
            cause, comme chargé de mission à l'étranger, 
            de 1957 à 1960. |   
          | · | 1958 le 
            19 septembre, le GPRA (gouvernement provisoire de la république 
            algérienne), est créé avec Ferhat Abbas pour 
            Président. Ben Khedda en fait partie. |   
          | · | 1961 
            le 27 avril, il remplace Ferhat Abbas à la tête du GPRA. |   
          | · | 1962 
            le 5 juillet, il s'installe à Alger et proclame l'indépendance 
            de l'Algérie. Mais en août-septembre il est destitué 
            par Ben Bella et Boumediene. Il se retire dans sa pharmacie et s'y 
            tient tranquille. |   NB Ben Bella fut à son tour destitué et 
        interné par Boumediene le 19 juin 1965.  Il est temps de quitter Berrouaghia : il y fait vraiment 
        trop froid. Pourvu que le col de Ben Chicao ne soit pas fermé ; 
        si c'est le cas nous prendrons le train plutôt que le bus des autocars 
        blidéens. |