| En novembre prochain, l'association Cité Universitaire d'Alger, 
        fêtera ses dix ans d'existence ; dix ans
 employés à un labeur acharné ; dix ans marqués 
        par une série de réalisations ont fait de la petite ville 
        universitaire dont les pavillons s'enroulent autour de par-terres fleuris 
        et de grands arbres, un ensemble, où sept cents étudiants 
        (jeunes gens, jeunes filles, jeunes ménages) peuvent vivre sainement, 
        harmonieusement.
 
 C'est à Ben-Aknoun, sur les hauteurs d'Alger, dans un parc de neuf 
        hectares, qu'il fut décidé il y a dix ans, d'implanter la 
        Cité Universitaire d'Alger. Le terrain appartenait à l'Algérie.
 
 Des vignes abandonnées, de vieux oliviers, une ravissante villa 
        turque enclose dans ses glycines échevelées, des écuries 
        délabrées baignant dans le soleil et le vent, représentaient 
        pour l'association nouvelle née, un trésor sans prix. Il 
        fallut l'obstination acharnée de l'équipe, hélas 
        éparpillée aujourd'hui et dont je reste le seul témoin, 
        et la bonne volonté agissante du secrétaire général 
        Pelabon et du recteur Gau, pour obtenir que l'attribution de cet emplacement 
        à l'Association soit décidé.
 
 Ainsi l'association Cité Universitaire, association privée 
        (régie par la loi de 1901) prenait corps.
 
 L'Assemblée Algérienne, se montra, elle aussi, très 
        généreuse. Soucieuse de la vie matérielle des futures 
        élites, elle voulut bien adopter mon projet qui traçait 
        dans ses grandes lignes la future cité.
 
 Les objections, les critiques, dès lors, allèrent leur train, 
        on s'en doute, mais notre équipe n'entendait rien et décidait 
        qu'elle participerait, sans attendre, au congrès international 
        de l'habitat de l'étudiant qui tenait ses assises à Paris, 
        Boulevard Jourdan.
 
        
          |  Immense 
              et claire, la salle de restauration où se groupent suivant 
              leurs affinités, étudiants et étudiantes, est 
              toujours le siège d'une joyeuse animation. |  L'Algérie, en ce mois de juillet 1950, eut la joie 
        de présenter au Président de la République, au Ministre 
        de l'Education Nationale et à de très nombreuses personnalités 
        étrangères, une très belle maquette de la Cité 
        Universitaire d'Alger. Cette maquette très admirée, conçue 
        par François Bienvenu, Président de l'ordre des architectes, 
        auquel l'Algérie doit de si prestigieuses réalisations, 
        est aujourd' hui, grâce à lui, une réalité 
        radieuse.
 Et ainsi, notre plan d'action bien établi grâce aussi à 
        l'amour particulièrement tendre de notre architecte pour la cité 
        qui devait être son oeuvre d'élection, nous pouvions, dès 
        novembre 1950, ouvrir les deux premiers pavillons, inaugurés par 
        M. Nægelen. Depuis, bon an, mal an, des pavillons se sont ajoutés 
        aux pavillons. Un très beau restaurant, un vaste foyer, un bureau 
        postal, une conciergerie ont complété l'ensemble. La tourmente 
        qui déchire notre province, n'a rien arrêté : les 
        étudiants ont continué d'affluer ; et pour mieux parer aux 
        besoins et aux détresses dans cette cité qui veut et doit 
        être une oasis de paix offerte à une jeunesse si troublée 
        par ailleurs, les comités de coordination du Fonds d'Action Sanitaire 
        et sociale se sont montrés à leur tour très généreux. 
        Grâce à eux, les jeunes ménages ont pu eux aussi être 
        accueillis dans de charmants studios bien équipés. Bien 
        plus, une nursery que mène avec tendresse et autorité une 
        nurse diplômée offre aux bébés des ménages 
        d'étudiants, son confort très moderne.
 
        
          |  Un 
              des coins attractifs du foyer, le bar - Le libre-service est le 
              système adopté pour le restaurant. |  Les difficultés, les soucis, les peines, n'ont 
        point manqué ; on l'imagine. Bâtir de toutes pièces 
        une cité estudiantine n'est pas chose aisée. Une création 
        de cette envergure posait mille problèmes ardus dont heureusement, 
        M. Villevieille, Directeur des Travaux Publics au 
        G.G. et trésorier de notre association, simplifiait 
        au maximum les solutions. Mort loin de cette Algérie qu'il aimait 
        tant, ce " grand commis " ne sera jamais oublié à 
        la Cité.
 Notre livre d'or témoigne de l'intérêt que de très 
        nombreux et éminents visiteurs portent à la Cité. 
        Il me suffira de rappeler les questions qui nous sont le plus souvent 
        posées, les réponses qui y sont faites, pour donner une 
        idée très exacte de la vie de notre cité.
 
 Que la cité soit gérée par une association privée 
        cela ne surprend pas, puisque ce régime est celui de la Cité 
        Universitaire de Paris, et de plusieurs cités universitaires métropolitaines 
        et étrangères.
 
 Ce point précisé, l'on aime à connaître notre 
        mode de fonctionnement intérieur que dirige notre bureau. Présidente 
        fondatrice dont les fonctions sont multiples et bénévoles, 
        de même que celles des tuteur, tutrice et médecins ,(étudiants 
        en fin d'étude).
 
 Un secrétaire général (qui fut longtemps notre ami, 
        M. Massenet et que le Colonel Jamilloux a bien voulu remplacer) vient 
        assister à toutes les séances de bureau qui ont lieu une 
        fois par mois. A ces séances assistent également avec fonctions 
        délibératives un conseiller juridique (M° Saullard) 
        l'architecte M. Perret, le directeur administratif M. Grison, si dévoué 
        et si efficace, le Président des étudiants d'Algérie, 
        deux étudiants résidant à la Cité, le trésorier 
        de l'association : M. Pietri.
 
 Ces séances de bureau fonctionnent à la manière d'un 
        conseil municipal.
 
 Le conseil d'administration puis l'Assemblée générale 
        sont saisis de toutes les questions importantes : financières, 
        techniques, disciplinaires ; ils approuvent et votent le budget. Composé 
        de fonctionnaires, de personnalités politiques (maires, conseillers 
        généraux) de personnalités universitaires (recteur, 
        doyens, professeurs), d'étudiants et de bienfaiteurs de l'association, 
        le conseil d'administration et l'assemblée peuvent aider très 
        fermement à la marche de la Cité.
 
 La majorité des constructions appartiennent à l'Algérie 
        et sont approuvées et contrôlées par les services 
        de la Dé-légation générale (Ingénieur 
        en Chef M. Benoist).
 
 La gestion financière intérieure est soumise au contrôle 
        de deux commissaires aux comptes (un étudiant, un non-étudiant) 
        et vérifiée par le Contrôle des dépenses engagées. 
        Un comptable spécialisé prépare le plan comptable 
        et le présente.
 
 Mais c'est bien plus que ces détails matériels, l'agencement 
        et la vie de notre cité qui attire l'intérêt de nos 
        visiteurs. La disposition des pavillons qui s'inscrivent en demi-cercle 
        dans un très beau paysage, leur nombre (14), l'orientation des 
        chambres toutes baignées de soleil sont toujours approuvés.
 
 Par contre notre conception de la chambre individuelle munie d'un cabinet 
        de toilette avec douche est souvent trouvée trop luxueuse ; et 
        cependant c'est là un refuge que l'étudiant studieux retrouve 
        avec profit à sa rentrée des cours.
 
 Les studios de jeunes ménages, pimpants et confortables, la nursery 
        et son très jeune peuple étonnent toujours et l'on nous 
        reproche parfois d'inciter nos jeunes à se marier trop tôt 
        en leur facilitant ainsi l'installation de leur première année 
        conjugale.
 
        Les études sont longues, répondons-nous, et 
      il n'est pas toujours facile d'attendre lorsqu'on est très jeune 
      et que l'on s'aime...
          |  Dans 
              le pavillon pour étudiants mariés : un studio.- La 
              nursery : dans le coin pouponnière, la sur borde un 
              trés jeune pensionnaire. Son assistante garde les plus grands. |  
 Le restaurant, la bibliothèque conçus dans des lignes très 
      hardies offrent à la vue à travers leurs vastes parois vitrées 
      un mobilier léger, coloré, jeune.
 
 Le service des repas se fait au plateau.
 
 Les mets montent de vastes cuisines équipées de la manière 
      la plus moderne et la plus complète.
 
 Un peuple jeune et gai se presse au Foyer entièrement vitré 
      lui aussi, il y trouve un bar bien agencé, des tables de ping-pong, 
      des jeux, la télévision. On y danse souvent le dimanche après-midi.
 
 Une salle de conférence, (petit théâtre mauve et jaune 
      de 650 places, sobre et élégant) permet les manifestations 
      culturelles les plus diverses, une discothèque, complètent 
      les installations du Foyer. L'Infirmerie avec l'infirmière et le 
      docteur veille sur la santé des étudiants, comprend avec les 
      chambres de malade, une salle de radio, une pharmacie, une salle d'opération, 
      des salles d'examen et de pansement.
 Au bureau postal qui s'ouvre à l'entrée de la cité 
      à côté de la conciergerie, les étudiants peuvent 
      effectuer toutes les opérations de poste.
 
 Tout est prévu, remarquent nos visiteurs, mais quel est le rôle 
      du tuteur et de la tutrice ? Le tuteur qui est un professeur de l'Université 
      M. Giberton, la tutrice Mine Beaufrère, professeur d'anglais au lycée 
      de Ben Aknoun s'emploient de tout leur dévouement à faciliter 
      sur les plans social, culturel, matériel la vie de l'étudiant 
      : conseils, aides, secours sont souvent nécessaires. Il y a des crises 
      morales, sentimentales, les maladies, les accidents et toutes autres choses...
 
 Le tuteur et la tutrice s'emploient à suppléer à l'absence 
      des parents avec tendresse, compréhension toujours, sévérité 
      parfois.
 
 - La cité est bien loin de la ville, nous dit-on aussi bien souvent.
 
 Oui, et cela est heureux répondons-nous, car l'étudiant trouve 
      ici le calme, la paix, un air pur dont il a particulièrement besoin 
      - tout irait bien si nous pouvions obtenir des transports 
      mieux adaptés.
 
 L'administration du grand Alger étudie les moyens d'accélérer 
      et d'améliorer le parcours des gros cars bleus qui s'arrêtent 
      tous les quarts d'heure devant la Cité.
 
 Les prix des chambres qui, service compris, varient de 7 NF, 5 à 
      5 NF, 5, le prix des repas 1 NF sans boissons, surprennent toujours par 
      leur modicité, et suivant l'âge ou la nationalité des 
      interlocuteurs, l'on trouve ces facilités heureuses ou trop larges.
 
        C'est sur cette note qui ouvre aux jeunes les portes les 
      plus vastes sur le monde que je terminerai ce trop long article. 
          |  Haut 
              : le théâtre-cinéma. Sans décors ni costumes, 
              Michel Amengual, avec des camarades férus de théâtre 
              met au point "Bellavita" de Pirandello. Milieu : Le judo a de nombreux adeptes.
 Bas : La "quadrette" du "Jazz-Cité".
 | Enfin, comme si cette dernière 
            question était particulièrement délicate et qu'ils 
            soient gênés de nous la poser, nos visiteurs étrangers 
            s'inquiètent de la qualité et de l'origine de nos étudiants 
            ; et comme nous répondons : " Mais naturellement, ici 
            toutes les disciplines intellectuelles sont représentées 
            (droit, médecine, science, lettres, arts, etc...) " ils 
            insistent : " Toutes les disciplines oui, mais toutes les religions 
            ? ". 
 Et c'est une joie pour nous de leur faire constater une fois de plus 
            que la Cité est à un tel point le creuset de " 
            Toute " l'élite de notre province qu'ils n'ont pas perçu 
            parmi nos jeunes les diverses origines ethniques qu'ils réunissent 
            ici.
 
 Oui, fraternellement se mêlent dans leurs jeux et, dans leurs 
            vies tous les jeunes, quels que soient leur religion et leur patronyme.
 
 Epaulant l'Association Cité Universitaire, deux autres groupements 
            créés en 1950 et en 1951 élargissent son action 
            :
 
 " Les amis de la Cité Universitaire " dont le Colonel 
            Jamilloux a pris la présidence après M. Na gelen, comprend 
            d'éminentes personnalités comme le Pt Schiaffino, le 
            Pt Belaïche, le Professeur Delarue de l'Université de 
            Paris, le Président René Mayer, le député 
            de Paris Jacques Féron et tant d'autres. Cette association 
            est ouverte aux parents d'étudiants. La ville de Paris et la 
            ville de Lyon parrainent deux de nos pavillons. " Le comité 
            inter-cités universitaires " auquel collaborent tous les 
            consuls, les Présidents de Cités Universitaires métropolitaines 
            et étrangères p ermet des échanges d'étudiants 
            et tout un travail culturel enrichissant.
 
 |  Henriette CHARLES-VALLINPrésidente Fondatrice
 de la Cité Universitaire d'Alger.
 
 Un étudiant parle de 
        " son " Foyer...
 Dix délégués élus par les résidents 
        de la Cité les représentent dans les différentes 
        commissions de gestion de notre organisme.
 
 Nous nous sommes répartis les tâches : l'un d'entre nous 
        s'occupe des questions juridiques, un autre de la question du restaurant, 
        un autre des sports, un autre des manifestations culturelles, etc. Mais 
        tous bien entendu étant solidaires pour telle revendication ou 
        tel projet.
 
 Cependant, c'est le Foyer, où se retrouvent tous les étudiants 
        qui monopolise nos efforts. On y trouve 'diverses occupations : ping-pong, 
        cartes, dominos, T.V., etc.
 
 C'est au Foyer que nous organisons tous les dimanches un bal. C'est au 
        Foyer que nous organisons aussi nos concerts, nos conférences, 
        nos représentations théâtrales, etc...
 
 Le Foyer appartient donc aux étudiants. Chacun verse et début 
        d'année la somme minime de 1.000 Frs (une bourse d'étudiant 
        ne permet pas de verser davantage.) Aussi, sommes-nous souvent handicapés 
        dans nos différentes réalisations. Et souvent des projets, 
        pourtant très intéressants, doivent " tomber à 
        l'eau ".
 
 A cet égard, le Foyer mérite d'attirer l'attention - et 
        l'aide agissante - de sociétés ou de particuliers. A cette 
        oeuvre fraternelle, un appui effectif serait éminement souhaitable.
 Un délégué : Michel 
        AMENGUAL  ... et de son budget
 On dénonce parfois les facilités que l'on fait aux étudiants. 
        Malgré toutes ces facilités, l'étudiant arrive t-il 
        à suivre ses études sans être une charge lourde pour 
        ses parents ? Nous avons établi approximativement le budget d'un 
        étudiant :
 
 BUDGET MINIMUM (Etudiant mineur)
 
         
          | Loyer Cité Universitaire 
 | 7 500 |   
          | Abonnement autobus 
 | 3 000 |   
          | Restaurant Universitaire 
 | 7 200 |   
          | Petit déjeuner Ben-Aknoun ou 
            fait soi-même 
 | 1.500 |   
          | Cité Universitaire 
 |  2.200 |   
          | Dégraissage (1 pièce 
            par mois) 
 | 500 |   
          | Cinéma (ville : 1 fois par 
            mois) 
 | 300 |   
          | Cinéma et spectacle (Cité) 
 | 1 000 |   
          | Déplacements autobus (relations) 
 | 500 |   
          | Toilette (produits divers) 
 | 500 |   
          | Coiffeur 
 | 600 |   
          | Cigarettes (petit fumeur) 
 | 1.200 |   
          | Courrirer, journaux 
 | 300 |   
          | Papeterie. Librairie 
 | 2.000 |   
          |  | 28.500  |   
          | TOTAL : 28.500 f rs X 12 - 339.600 
            francs. |  
 pour ETUDIANT EMANCIPE :
 
         
          | Théâtre - Opéra 
            (1 fois par mois) | 1.5oo |   
          | Tabacs supplément |  1.000 |   
          | Frais de compagnie | 1.000 |   
          | Abonnement à une revue indispensable | 2.000 |   
          | 1 livre bibliothèque |  800 |   
          |  | 33.600  |   
          | TOTAL : 33.600 frs x 12 = 403.200 
            francs. |  |