| Avant 1849, le crédit n'existait pour ainsi dire 
        pas en Algérie. La Banque, placée entre les mains de petits 
        escompteurs, obligeait le commerce à subir des exigences qui mettaient 
        hors de prix le loyer de l'argent. Cela avait pour conséquence 
        forcée d'empêcher le développement de l'agriculture, 
        du commerce et de l'industrie.
 Nous étions, pour ainsi dire, reculés au XVIe siècle 
        en France, ce qui faisait dire à Bodin, secrétaire de Henri 
        III, lorsqu'il émettait son opinion sur le commerce de la France, 
        durant le siècle qui précédait celui où il 
        vivait : " Oncques nous ne trafiquions en lieu du monde, sinon 
        entre nous ; mais cestait seulement de marchandise en marchandise, comme 
        de bled à vin et de vin à bled, et ainsi des autres ; car 
        d'or et d'argent, il ne s'en parlait point, veu que nous n'avons mine 
        ny que de l'un, ny que de l'autre, que bien peu d'argent qui couste plus 
        à affiner qu'il ne vault. "
 
 Telle était notre propre situation ; mais la face des choses a 
        bien changé, à l'avantage de l'Algérie.
 
 Vers la fin de 1849, nous voyons s'établir le Comptoir d'Escompte, 
        sous le patronage du Gouvernement ; malgré le modeste capital d'un 
        million et demi avec lequel cet établissement de crédit 
        dut faire ses opérations, il se développa avec une telle 
        rapidité, que l'Assemblée nationale n'hésita pas 
        d'adopter, le 4 août 1851, une loi lui substituant la Banque de 
        l'Algérie.
 
 La confiance de l'État ne fut point trompée ; la Banque, 
        dont le capital était d'abord de trois millions de francs, vit 
        successivement s'élever ce capital à dix millions, puis 
        à vingt millions.
 
 Les opérations de la Banque consistent à escompter tous 
        les effets de commerce revêtus de deux signatures au moins, à 
        escompter les effets négociables garantis par des dépôts 
        de marchandises, des transferts de rentes, dépôts de lingots, 
        de monnaie ou de matières d'or et d'argent, à prêter 
        sur les effets publics, rentes, obligations des chemins de fer d'Algérie 
        et sur les obligations des villes, cotées à la Bourse de 
        Paris. Elle est autorisée à créer des billets de 
        banque qui ont cours légal, et fait toutes les opérations 
        permises à la Banque de France.
 
 Cet établissement financier est arrivé à un tel essor 
        que, pendant son dernier exercice, il a escompté 423,535 effets, 
        pour une somme de 351,062,884 fr. 34, sans compter toutes ses opérations 
        accessoires.
 
 Sans contredit, la Banque de l'Algérie a rendu et rend d'immenses 
        services au petit commerce, dont l'accès est facilité par 
        une excellente direction. Il emprunte aujourd'hui à. un taux d'intérêts 
        de 4 % l'an, ce qui lui permet d'assurer immédiatement, à 
        bon compte, la réalisation de ses ventes, et de développer 
        sans cesse ses affaires. Le commerce d'exportation est actuellement très 
        favorisé par la Banque, qui escompte le papier sur France à 
        2 ,5 %.
 
 Un semblable progrès devait solliciter l'attention des sociétés 
        financières françaises ; c'est ainsi que nous avons vu venir 
        s'installer le Crédit Lyonnais, qui, de suite, s'est formé 
        une clientèle importante et fructueuse.
 
 Depuis que la Compagnie algérienne a succédé à 
        la Société Générale algérienne, liquidée 
        à la suite de pertes dont l'Algérie n'a pas fait les frais, 
        la Compagnie algérienne, disons-nous, est arrivée à 
        faire un chiffre d'escompte considérable ; ses comptes rendus dénotent 
        une bonne entente des affaires financières et ses titres deviennent 
        en faveur. Elle commence à tirer bon parti des cent mille hectares 
        de terres concédées ; elle en fait des locations que les 
        preneurs emploient à la culture des céréales et à 
        l'élève du bétail ; nous sommes heureux de rendre 
        justice à la Compagnie algérienne, qui a jugé utile 
        de joindre aux exploitations actuelles la création de vignobles. 
        Nul doute qu'elle n'obtienne des résultats satisfaisants.
 
 Sans parler des banquiers privés, dont plusieurs 
        mériteraient cependant d'être cités pour leurs opérations 
        sérieuses, nous ne passerons pas sous silence la Société 
        des Comptoirs maritimes de Crédit industriel et commercial, société 
        anonyme créée à Marseille et maintenant constituée 
        au capital de dix millions de francs. Cette société a, depuis 
        peu, installé un comptoir à Alger, et elle en a confié 
        la direction à l'honorable M. Antoni, bien connu des Algériens 
        ; les opérations de ce comptoir se développent rapidement. 
        Les Docks d'Alger viennent d'être ac quis par cette société, 
        et ne sauraient manquer de rendre d'utiles services au commerce local 
        et aux agriculteurs.
 
 Bien que la Caisse d'Épargne soit plutôt considérée 
        comme une institution de bienfaisance, elle n'en est pas moins une caisse 
        de dépôt ouverte au profit des travailleurs économes, 
        animés du véritable esprit d'ordre. Il suffira, pour prouver 
        que cet esprit existe bien réellement dans la classe laborieuse 
        et intéressante des déposants, de citer en deux mots la 
        situation de la Caisse d'Épargne d'Alger au 31 décembre 
        1880 : elle comprend 6,508 livrets, formant ensemble un solde dû 
        aux déposants s'élevant à 1,284,974 fr. 53 c.
 
 De création récente, nous avons le Crédit Foncier 
        et Agricole d'Algérie, fondé au capital important de 60 
        millions. Cette société, qui a son siège à 
        Alger, aura bientôt des succursales et des agences sur tous les 
        points de. l'Algérie. Comme l'indique son titre, le Foncier algérien 
        a pour objet de prêter sur hypothèque aux propriétaires 
        d'immeubles urbains ou ruraux en Algérie, avec ou sans amortissement 
        ; de prêter avec ou sans hypothèque,. aux départements, 
        communes et douars, et aux établissements publics ; d'acheter, 
        négocier, émettre les obligations créées ou 
        à créer par les départements, communes ou associations 
        syndicales.
 
 Au point de vue spécial des colons, la Société du 
        Crédit Foncier et Agricole peut également prêter aux 
        propriétaires ou simples concessionnaires d'immeubles, soit à 
        long terme, soit à court terme, par obligation ou ouverture de 
        crédit, des sommes à employer pour l'amélioration 
        du sol, les défrichements et la construction des bâtiments 
        urbains ou ruraux, et, lorsqu'une loi spéciale aura appliqué 
        à l'Algérie les dispositions de la législation coloniale 
        à ce relative, le Foncier algérien pourra également 
        prêter sur récoltes pendantes. Enfin, par les soins de cette 
        société, il sera sans nul doute établi, partout où 
        les besoins s'en feront sentir, des magasins généraux qui 
        pourront, à peu de frais, renfermer les récoltes de nos 
        agriculteurs en leur faisant des avances.
 
 De tout ce qui précède, on peut conclure que le crédit 
        se trouve parfaitement organisé en Algérie; il est complet, 
        et cependant son organisation n'a pas dit son dernier mot, car de nouvelles 
        sociétés de crédit sont encore sur le point dé 
        se former Les assemblées constitutives du Crédit Algérien 
        viennent d'avoir lieu. Cette société est constituée 
        au capital de vingt millions ; il est également question d'une 
        société commerciale et agricole algérienne, ayant 
        son siège à Paris. Ses opérations auraient pour but 
        des acquisitions de terres en Algérie, leur mise en culture, l'achat 
        des produits de l'Algérie. Enfin, sous le patronage du Crédit 
        Foncier et Agricole, nous allons voir se constituer une grande Société 
        des Magasins généraux de France et d'Algérie. Cette 
        société, en voie de formation, rendra certainement d'importants 
        services en établissant entre la France et notre Colonie des relations 
        incessantes d'affaires.
 
 Telle est la situation des établissements financiers de notre pays 
        . Le crédit est affirmé ; il aidera puissamment à 
        développer encore ce grand mouvement commercial et industriel qui 
        tend à inspirer aux habitants de l'Algérie des sentiments 
        pacifiques, en rendant, par la solidarité des opérations, 
        leurs intérêts communs, et à nous rapprocher de la 
        mère patrie par l'échange des produits et par l'exploitation 
        des richesses de notre territoire.
 
 
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