
          
           
 
          
          LA REGION DE L'AURÈS 
        Le massif de l'Aurès 
          s'étend au nord-est de Biskra. 
          
          Des plissements profonds le découpent, les vallées de 
          l'oued Abdi et de l'oued El-Abiod, qui ont été récemment 
          rendues accessibles aux voyageurs et qui constituent le circuit dont 
          nous allons parler. 
          
          L'Aurès, vers le Nord, comporte les sommets les plus élevés 
          de l'Algérie (Chelia et Mahmet, 2.327 et 2.321 mètres) 
          et ses vallées étroites s'écoulent rapidement vers 
          les plus basses régions (Biskra, 122 mètres). Tous ces 
          oueds vont se perdre dans les chotts qui sont au-dessous du niveau de 
          la mer. 
          
          Il en résulte non seulement un sol très mouvementé, 
          mais une succession d'aspects saisissants entre les cèdres du 
          Chelia et ses pâturages d'une part, et, d'autre part, les palmiers 
          et les lauriers-roses, les montagnes dénudées des oasis 
          au seuil du Sahara, lequel vu du haut des sommets de l'Aurès 
          donne l'illusion parfaite de la mer. 
          
          De plus, cette curieuse région offre l'intérêt de 
          ses populations qu'on désigne sous le nom de Chaouïa (pasteurs), 
          le touriste y trouvera des visions de la vie montagnarde et pastorale 
          aux premiers siècles de notre ère. 
          
          Les Chaouïas ont gardé dans leur sang mêlé 
          le souvenir de races belliqueuses et surtout indépendantes. Aussi 
          s'explique leur caractère, leurs longues révoltes, leur 
          culte de la liberté. Ils se présentent comme un peuple 
          fruste et laborieux vivant sa vie, sans rien emprunter à la civilisation 
          qui cerne son domaine. 
          
          Comme les Kabyles ils appartiennent à la race berbère, 
          mais sont d'un groupe linguistique un peu différent. Ils sont 
          ni nomades, ni sédentaires. Les nécessités de la 
          défense les ont porté à construire leurs villages 
          dans des sites inaccessibles au flanc des falaises verticales ou au 
          sommet de rochers élevés que couronne la Guelaa, 
          grenier et forteresse à la fois où l'on dépose, 
          en prévision des mauvaises années, l'excédent des 
          récoltes et ou l'on se retranche en cas d'attaque. 
          
          Deux centres de tourisme commandent les voies d'accès de l'Aurès 
          : l'un est Batna, l'autre Biskra. 
          
          De Batna, par la vallée de l'oued Abdi, les villages se succèdent 
          en escaliers sur les hauteurs : Teniet el Habed ; Nouader, aux maisons 
          entassées ; Chir, en gradins au-dessus de la rivière, 
          et soudain c'est Menaa, la capitale de la vallée, reine des vergers. 
          
          
          On y arrive par un sentier d'eaux vives dans le lit même de l'oued 
          qui coule entre la ville nichée sur un mamelon et une rude muraille 
          de rochers percés de trous réguliers qui sont, disent 
          les indigènes, l'uvre des Romains. 
          
          Des balcons andalous, de jolies femmes dévoilées, des 
          caravanes venues du Sud avec des dattes et qui repartent avec les sandales 
          jaunes et les abricots secs appelés " kermés ", 
          telle est la cité chère aux filles de joie et aux chameliers. 
          
          
          Aussi intéressante d'ailleurs par de typiques architectures que 
          par des murs non moins typiques. Dans un faubourg se trouve la 
          zaouïa avec les tombeaux de la famille séculaire des Beni-Abbès. 
          
          
          Ce village, où s'arrête la route accessible aux autos, 
          est bâti sur les débris d'une forteresse détruite 
          après l'une des innombrables révoltes de l'Aurès 
          et, à une distance de 6 à 7 kilomètres, se trouvent 
          les ruines de Nara, incendiée par nos troupes à la suite 
          de l'insurrection de 1850. 
          
          De Ménaa, il est loisible de gagner Lambèse en remontant 
          l'oued Bouzina, à travers un maquis de romarins, des escarpements 
          rouges, les deux villages de Tagoust, des ruines romaines et enfin les 
          admirables verdures de Bouzina. Un millier d'habitants peuple les maisons 
          étagées de cette bourgade, des monts pelés l'entourent, 
          deux bras de torrent l'isolent. De là on chevauche vers la maison 
          forestière et la forêt de Sgag. Pour descendre vers le 
          Sud, on prend, au contraire, la direction d'Amentane, où règne 
          de nouveau la palmeraie. 
          
          Plus loin, Beni-Souik suspendue au roc, ses dattiers serrés le 
          long de l'oued. 
          
          Enfin un dernier escarpement, c'est Djemmorah, la grande, avec plus 
          de cent mille palmiers et la patrie des Ouled-Ziane, éleveurs 
          de chevaux. Là, on est à l'entrée de la plaine 
          d'El-Oulaya par laquelle on peut revenir à la station d'El-Outaya 
          ou de la Ferme-Dubourg, sur la voie ferrée, à moins que 
          l'on préfère continuer par la petite oasis de Branis (à 
          18 kilomètres de Biskra) et le lit de l'oued Abdi qui, après 
          avoir rejoint son confluent l'oued El-Kantara, s'appelle alors l'oued 
          Biskra. 
          
          Le paysage est désolé dans les dernières heures, 
          c'est la Dekhla, des terres corrodées, des montagnes rouges : 
          l'entrée du Sahara. Cependant, le crépuscule et l'aurore 
          dotent toute cette désolation de couleurs merveilleuses.
          
          Par la vallée de l'El-Abiod, avec toujours Batna comme point 
          de départ, on arrive, après avoir franchi un col élevé, 
          à Arris, le siège de la commune mixte de l'Aurès 
          et le point terminus de la route. 
          
          A quelque distance, non loin des sources de l'oued El-Abiod, se trouve 
          le plateau de Médina, d'où l'on, peut entreprendre l'ascension 
          du Chelia, ce Mons Aspidis des Romains (2.328 mètres), point 
          culminant de l'Atlas Algérien. Les cèdres géants 
          qui le boisent, reste des forêts fabuleuses citées par 
          les auteurs anciens, meurent faute d'un repeuplement rendu impossible 
          en partie par les ravages d'un parasite spécial qui se présente 
          sous l'aspect d'un petit papillon dont la larve attaque les jeunes pousses. 
          
          
          D'Arris encore vers le Djebel-Mahmel, de la Montagne nue ou des flancs 
          du Bou-Telaghmine et la vallée de l'oued-Taza, on peut cheminer 
          entre ce qui reste de forêts de genévriers mutilés 
          par les bergers et les ouragans puis traverser la forêt de Tilifine 
          où le héros berbère Tacfarinas tint si longtemps 
          les légions de Rome en échec. A moins que l'on n'emprunte 
          simplement la route qui conduit à Lambèse 
          et 
          Timgad. 
          
          Au delà d'Arris, la vallée tout entière n'est qu'un 
          ruissellement d'eaux murmurantes. Le torrent est saigné de toutes 
          parts par les conduites et les seguias et c'est à peine si dans 
          le fond, parmi les pierres, zigzague un mince filet. Mais toutes les 
          sources, ingénieusement captées, circulent à flanc 
          de coteau, arrosent le moindre jardinet, de sorte que la vallée 
          toute entière est remplie du bruissement des eaux. 
          
          Longtemps il en est ainsi et, quand on franchit le défilé 
          de Tighanimine, on retrouve, au pied d'une inscription gravée 
          dans le roc par la III° légion Augusta, les traces d'une 
          voie impériale et d'un puissant travail de canalisation romaine 
          remontant jusqu'à Arris. 
          
          A la sortie des gorges, le pays est tout différent. Il faut abandonner 
          la rivière, et remonter sur le plateau, où on chemine 
          dans une région sauvage et dénudée. Subitement, 
          on arrive sur le rebord abrupt d'une gorge extrêmement profonde 
          et au-dessous, dans une sorte d'entonnoir qui rappelle les canons du 
          Colorado, c'est la palmeraie, 
          l'oasis de Roufli. 
          
          Des palmiers remplissent tout le creux de la vallée qui, à 
          cet endroit, s'est élargie. C'est comme une coulée de 
          plantes vertes, un fleuve de palmes entre de hautes murailles de rocs 
          qui le sertissent. Plus semblable à un escalier qu'à un 
          chemin, un étroit sentier de chèvres permet de traverser 
          la rivière et de remonter de l'autre côté jusqu'au 
          village de Roufli dont les maisons sont tapies contre les rochers. Le 
          fondouk a été placé à l'extrémité 
          du village dans une vaste anfractuosité. C'est le rocher lui-même 
          qui en constituela toiture. On a l'impression de loger dans une grotte. 
          
          
          Après Roufli, le spectacle continue aussi stupéfiant, 
          aussi prodigieux ; villages des Ouled-Mimoun et des Ouled-Mansour. 
          
          Aux Ouled-Yahia, il faut quitter la gorge désormais inaccessible 
          aux mulets pour atteindre le village de Baniane avec sa guelaa si pittoresque, 
          sortes de greniers creusés dans le roc où les indigènes 
          serrent leurs provisions. 
          
          Les montagnes deviennent de plus en plus hautes, la gorge de plus en 
          plus profonde ; d'énormes rochers encombrent le lit de la rivière 
          au milieu desquels il est impossible de trouver un chemin. Force est 
          de quitter la vallée, d'escalader la montagne par un étroit 
          sentier. La vallée ne s'aperçoit plus et c'est à 
          peine si une étroite fente au fond de laquelle coule la rivière, 
          décèle sa présence. 
          
          On continue de monter parmi les pierres, dans un paysage calciné 
          où pas un brin d'herbe ne pousse et brusquement, tout en haut 
          du col, c'est un éblouissement. 
          
          A ses pieds, tout en bas, l'oasis verdoyante de Mchounèche, le 
          petit village enfoui parmi les palmiers et plus loin, beaucoup plus 
          loin, Biskra et ses immenses palmeraies. A l'extrême horizon de 
          tous côtés le désert pareil à une mer illimitée. 
          
          
          C'est de beaucoup la vision du Sahara la plus magnifique et la plus 
          impressionnante qu'on puisse avoir en Algérie. 
          
          A Mchounèche accèdent les voitures de Biskra. La route 
          serpente dans les défilés de la Dekhla où les vents 
          et l'eau - pourtant rare - ont sculpté certains talus en des 
          architectures singulières. 
          
          En cours de route, la douceur verte des oasis de El-Habel et de Droh, 
          et on atteint Biskra après avoir traversé l'oued.