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        L'aventure des 
          peintres de l'Expédition d'Alger en juin 1830Marion Vidal-Bué
 Lorsque les Français prennent pied sur la terre d'Afrique, en 
          juin 1830, ils ouvrent certes une page de l'histoire de France, mais 
          aussi, accessoirement, une page de l'histoire de la peinture. Cette 
          conquête qui se terminera bien douloureusement aura eu au moins 
          une conséquence bénéfique dans le domaine artistique 
          : elle aura contribué à donner un nouveau souffle à 
          un nombre très important de peintres français et même 
          étrangers dont l'oeuvre s'enrichit d'un exotisme et d'une lumière 
          incomparables; elle aura de plus permis l'éclosion, sur le sol 
          de cette contrée qui deviendra l'Algérie, de multiples 
          talents voués à en célébrer toutes les beautés. 
          Enfin, les fruits de cette période sont encore manifestes aujourd'hui 
          dans un pays où, auparavant, la tradition islamique prohibait 
          le développement d'un art pictural qui s'y exprime désormais 
          avec force.
 
 En cette première moitié du xixe siècle, en pleine 
          époque romantique, le désir de l'Orient était plus 
          que jamais présent dans les esprits français, amplement 
          motivés depuis les fastueuses réceptions d'ambassadeurs 
          orientaux par Louis XIV, par le goût des turqueries développé 
          sous Louis XV et, surtout, par la campagne d'Égypte de Bonaparte 
          et la guerre d'indépendance de la Grèce.
 
 Le nom d'Alger ne quittait guère le devant de la scène 
          depuis des lustres, les histoires de corsaires et de batailles navales 
          en répression de leurs méfaits se répétaient 
          sans arrêt, provoquant des rêves de rivages mystérieux 
          et de palais enfermant des harems voluptueux.
 
 Aussi, lorsque fut décidée l'Expédition d'Alger, 
          les candidats artistes pour l'aventure ne manquèrent-ils pas, 
          et certains durent-ils intriguer pour en faire partie. Désireux 
          d'immortaliser cet événement important de son règne, 
          dans la pleine tradition française qui conservait par la peinture 
          le souvenir des grandes batailles, Charles X avait fait engager plusieurs 
          professionnels dans les navires de l'expédition, dont le commandement 
          en chef était, comme on le sait, assuré par le général 
          comte de Bourmont, futur maréchal de France et alors ministre 
          de la Guerre, le commandement de la flotte revenant au vice-amiral Duperré.
 
 Pierre-Julien Gilbert (1783-1860), 
          unBrestois spécialiste de marines qui était professeur 
          de dessin à l'École de la Marine royale, avait été 
          nommé peintre officiel de l'expédition. Il avait pris 
          place tout naturellement à bord du vaisseau amiral, la " 
          Provence " et avait commencé ses travaux par un " reportage 
          extraordinaire et précis des préparatifs de la flotte 
          dans le port de Toulon "(BARON 
          (Cristina), L'Algérie et les peintres de la Marine, in catalogue 
          du 38' Salon de la Marine, Musée national de la Marine, Paris, 
          mai - septembre 2003).
 
 Ainsi que le rappelait récemment le conservateur-adjoint du musée 
          national de la Marine de Toulon, il y avait vraiment de quoi s'enflammer, 
          à la vue des 600 navires qui couvraient littéralement 
          la rade de Toulon, et devant l'embarquement des 17000 hommes et 3800 
          chevaux qui devait durer une semaine entière, du 11 au 25 mai, 
          date de l'appareillage sous " les regards émerveillés 
          des Toulonnais venus assister au spectacle " (BARON 
          (Cristina), op. cit. p. 8.).
 
 Gilbert devait exposer, dès son retour, au Salon de 1831 à 
          Paris, deux sépias acquises par l'amiral Duperré: " 
          Débarquement de l'Armée française à Sidi-Ferruch 
          " et " Attaque des forts et batteries d'Alger par l'année 
          navale ". Le musée de Brest reçut en dépôt 
          une "Attaque du môle d'Alger " et une " Vue du 
          port et du môle pendant le bombardement ", tableaux appréciés 
          pour " leur exactitude et leur exécution consciencieuse 
          ", tandis que le musée de Nancy accueillait un " Débarquement 
          ".
 
 Un autre artiste, beaucoup plus jeune mais déjà bien en 
          vue depuis une première exposition remarquée au Salon 
          de 1822, Théodore Gudin (1802-1879), 
          avait été nommé " Peintre attaché au 
          département de la Marine " pour la circonstance. Il rapportera 
          d'Alger de quoi enthousiasmer ses contemporains et conquérir 
          une réputation qui fera de lui " l'ami des princes et des 
          rois ", l'un des artistes préférés de Louis-Philippe: 
          celui-ci le nommera baron et le chargera de commémorer les épisodes 
          glorieux de l'histoire navale française pour son musée 
          historique de Versailles. Également dans ses bagages, des " 
          Souvenirs ", dont l'un des plus marquants sera, le jour de l'abordage, 
          " l'épouvantable tempête qui avait éclaté 
          tout d'un coup " (Souvenirs du 
          baron Gudin, peintre de la Marine (1820-1870), publiés par Edmond 
          Béraud, Paris, 1921.).
 
 En parfait artiste romantique attaché au culte des passions, 
          Gudin aima par-dessus tout représenter les tempêtes et 
          les naufrages; ainsi parmi ses tableaux les plus remarqués de 
          cette campagne d'Afrique venait en bonne place le " Coup de vent 
          du 16 juin à Sidi El Ferruch " (Musée national de 
          la Marine), " poétique et réel, un vrai tableau d'histoire 
          " selon le critique Jal dans son compte-rendu du Salon de 1831 
          ( JAL, Salon de 1831, p. 212, cité 
          par Esquer, p. 10.). Dans une lumière d'orage et de 
          soleil couchant exceptionnellement bien rendue et contrastée, 
          les bâtiments blancs de la Torre Chica (5L'algérianiste 
          a publié un article sur cette Torre Chica qui se détachait 
          sur la presqu'île, et fut remplacée après sa destruction 
          par le Nouveau fort, abritant une importante caserne.) s'y 
          détachaient sur la baie battue par un vent violent, qui courbait 
          les grandes agaves et les silhouettes des soldats, et faisait danser 
          les navires de l'escadre sur la mer argentée. Il devait récidiver 
          dans cette veine dramatique avec notamment un " Coup de vent du 
          7 janvier 1831 dans la rade d'Alger " (musée de l'Armée, 
          Hôtel national des Invalides, Paris), un " Naufrage d'un 
          brick français sur la côte d'Afrique ", 1830, et l'" 
          Explosion du Fort-l'Empereur (4 juillet 1830) ".
 
 Les spectateurs de son fameux tableau, " Camp de Staouéli 
          le jour du débarquement de l'Armée française, 14 
          juin 1830 (tente de l'agha Ibrahim) ", furent saisis par " 
          cette terre d'un jaune si éclatant, cette végétation 
          singulière, cet air si embrasé ". Ils y découvraient 
          pour la première fois les couleurs fauves des côtes africaines, 
          les palmiers et les dromadaires.
 
 Fils d'un miniaturiste et peintre de portraits, fort apprécié 
          et bien en cour, Eugène Isabey (1803-1886) 
          encore à ses débuts, dut sans doute à 
          la célébrité de son père sa nomination de 
          " dessinateur de l'Expédition d'Alger ". Il y réalisera 
          des dessins panoramiques et des aquarelles d'une grande finesse technique 
          qu'il développera par la suite excellemment et avec grand succès 
          d'estime. Dans son irremplaçable Iconographie historique de l'Algérie, 
          Gabriel Esquer, qui eut accès à un maximum de documents 
          de par ses fonctions d'archiviste bibliothécaire du Gouvernement 
          général et d'administrateur de la Bibliothèque 
          nationale d'Alger, rapportait qu'Isabey, " servi par l'influence 
          paternelle I... I s'efforça de tirer le plus rapidement possible 
          parti de ses croquis de campagne ", offrant au Dauphin une " 
          Vue générale de la ville de Toulon et de la flotte française 
          ", qui fut aussitôt lithographiée, puis exposant dès 
          la fin de juillet au Musée Colbert d'autres dessins sous le titre 
          général de " Panorama d'Afrique " ( 
          ESQUER (Gabriel), Iconographie historique de l'Algérie depuis 
          le xvi' siècle jusqu'en 1871, Plon, Paris, 1929 (trois volumes, 
          planches noir et couleur), p. 10 - Réédition en fac-similé 
          sous le titre L'Algérie en images, Bibliothèque des Introuvables, 
          Paris, 2002.).
 
 Toujours selon Esquer, Isabey avait réalisé un autre panorama 
          de la campagne comprise entre Torre Chica à Sidi- Ferruch et 
          Sidi Khalef. Ses dessins d'Alger conservés en collections privées 
          privilégient les aspects extérieurs de la ville depuis 
          la mer, ses remparts, ses bastions et ses faubourgs, nous léguant 
          des témoignages aussi précis qu'artistiques sur les lieux 
          qu'il explorait avec l'armée. Gudin et Isabey furent compagnons 
          de voyage sur le " Duquesne ".
 
 Leur confrère Antoine-Léon Morel-Fatio, 
          (1810-1871), un Havrais qui deviendra le représentant 
          le plus connu de l'école de peintres de marines de Gudin, sera 
          nommé peintre officiel de la Marine en 1854, et à la fin 
          de sa carrière, premier conservateur du musée de marine 
          installé au Louvre. Il n'avait que vingt ans en 1830: se trouvait-il 
          à bord de l'un des navires de la flotte, ou bien se rendit- il 
          à Alger par la suite? Plusieurs de ses oeuvres de chevalet appartenant 
          à des collections particulières sont datées de 
          1833, une " Rue de la Casbah ", toile de grandes dimensions 
          passée en vente publique en 1997, entre autres. En tout cas, 
          après une toile de facture classique, " Bourmont et Duperré 
          sur le vaisseau amiral en vue d'Alger, 1830 ", il peignit de façon 
          magistrale et exposa au Salon de 1837: " Vue d'Alger pendant l'attaque 
          de l'amiral Duperré le 3 juillet 1830 " (Musée historique 
          de Versailles).
 
 Comme Gudin, son maître, Morel-Fatio s'illustrera particulièrement 
          dans le genre dramatique, avec des oeuvres comme " Naufrage des 
          bricks " le Silène " et " l'Aventure " (1830) 
          ou " Tempête dans le port d'Alger ", une toile importante 
          acquise par l'État au Salon de 1856 et offerte par Napoléon 
          III au musée municipal d'Alger à l'occasion de son deuxième 
          voyage en 1865. Elle y demeura jusqu'en 1927, selon Fernand Arnaudiès, 
          avant d'aller orner le cabinet du gouverneur général de 
          l'Algérie (ARNAUDIÈS 
          (Fernand), Esquisses anecdotiques et historiques du Vieil Alger, éd. 
          A. Barthélémy, Avignon, 1990, p. 163.).
 
 Mais de cet artiste comme des autres, les sensibles aquarelles nous 
          renseignent et nous touchent aujourd'hui bien davantage que les tableaux 
          officiels. En effet, ces grandes toiles peintes en atelier, au retour, 
          restaient conventionnelles malgré leurs effets dramatiques, tandis 
          que les croquis pris dans la fièvre de la découverte ou 
          dans le tumulte de l'action, les aquarelles qui conservent la fraîcheur 
          de l'impression immédiate, constituent pour nous des témoignages 
          autrement passionnants.
 
 Ainsi, pour Morel-Fatio, la gouache représentant " Le Marché 
          Bab-Azoun " datée 1833, ou bien la " Mosquée 
          des Koulougli à Alger " et la " Rue Babazoun " 
          qu'il exposa au Salon de 1834, ou encore pour Gudin, la précieuse 
          aquarelle immortalisant l'aspect de la ville des corsaires vue de la 
          mer en 1830, posée " comme une aile de mouette " sur 
          la colline et dominée par le Fort- l'Empereur (Voir 
          reproduction in Alger et ses peintres, 1830-1960, Marion Vidal-Bué, 
          éd. Paris-Méditerranée, 2000, p. 91.).
 
 Ils étaient jeunes, ils se dépensaient sans compter, enthousiasmés 
          par l'exotisme d'une contrée qui hantait depuis longtemps leur 
          imagination et qui ne les déçut pas.
 " Bien que des caricatures malicieuses les représentent 
          en ancêtres de Tartarin, affolés par les lions et les serpents, 
          ces jeunes gens, " favoris de tous les bivouacs, bienvenus de toutes 
          les tentes ", se faisaient remarquer, au contraire, par leur intrépidité 
          insouciante: " Partout où il y avait un paysage à 
          saisir, une scène militaire à retracer, un effet de lumière 
          à surprendre, on était sûr de les rencontrer ", 
          racontait Nettement, l'un des premiers historiens de cette aventure 
          (NETTEMENT (Alfred-François), 
          Histoire de la conquête d'Alger, écrite sur des documents 
          inédits et authentiques, Lecoffre, Paris, 1856 - Réédition 
          en 1867 et en 1870.).
 
 Gabriel Esquer mentionnait les rivalités personnelles qui ne 
          tardèrent pas à mettre la discorde dans le petit groupe, 
          mais rappelait-il : " Ces artistes s'adaptèrent fort bien 
          à leur existence nouvelle.
 
 Ils ajoutèrent même parfois au pittoresque de la vie des 
          camps, celui des charges d'atelier. Un témoin nous montre Gudin 
          parcourant le plateau de Staouéli après le combat du 17 
          juin, juché sur un gros et lourd cheval, armé d'un sabre, 
          d'un pistolet d'arçon et d'une lance de dix pieds. Quoique privés 
          de ce stimulant que la bataille procure au soldat, ils firent bonne 
          contenance On les vit partager les fatigues et la soupe du troupier, 
          accompagner les colonnes en quête d'un effet, d'une pose, d'un 
          sujet de tableau à saisir " (ESQUER 
          (Gabriel), op. cit., p. 9.). Esquer rapportait aussi ces 
          phrases d'un témoin des événements, J.-T. Merle, 
          secrétaire du général de Bourmont: " Que de 
          peines et de soins a coûté à Isabey son panorama 
          de la presqu'île de Sidi-Ferruch! J'ai vu Gudin, sous des torrents 
          de pluie, prendre l'esquisse de la tempête " (MERLE 
          (1.-T.), Anecdotes pour servir à l'histoire de la conquête 
          d'Alger, Paris, 1831, p. 161.).
 
 Tournié de Belville et Ferdinand Wachsmuth 
          (1802-1869) se joignirent au groupe. Le second, peintre et 
          graveur formé auprès du baron Gros, âgé de 
          28 ans à son arrivée, demeura plusieurs mois ou années 
          en Algérie, et y continua ses études si l'on en croit 
          la notice du Comité du Vieil Alger à l'occasion de l'importante 
          " Exposition iconographique rétrospective du Vieil Alger 
          " qui eut lieu en 1942 et où l'une de ses lithographies 
          en couleurs, " Le Jardin du Sérail ", appartenant au 
          grand collectionneur algérois Eugène Robe, était 
          exposée (Exposition organisée 
          à Alger à l'occasion du Congrès des maires de France. 
          La rubrique " chercheurs " de l'algérianiste nous a 
          transmis une copie manuscrite du catalogue par Amaudiès.). 
          Esquer confirmait d'ailleurs dans son Iconographie que Wachsmuth " 
          était resté bien après ses camarades ".
 
 Wachsmuth, que Merle décrivit comme esquissant avec passion ses 
          croquis " à l'ardeur du soleil et souvent sous les balles 
          des Arabes aux avant-postes " (Merle, 
          cité par Jean Adhémar in La France romantique: les lithographies 
          de paysages au xix' siècle, Somogy Éditions d'Art, 1997 
          (réédition illustrée du texte de 1937), p. 42-43.), 
          exposa deux tableaux au Salon de 1833: une " Vue prise à 
          Staouéli, Arabes près d'une fontaine ", et un " 
          Épisode de l'expédition d'Alger ". Le catalogue du 
          Salon que cite Esquer décrit ainsi cette dernière toile: 
          " Le 4 juillet 1830, jour de la prise du Fort-l'Empereur, un officier 
          français s'étant écarté fut pris par les 
          Bédouins qui se disposaient à lui trancher la tête, 
          lorsque l'explosion du Fort les mit en fuite. Le moment représenté 
          est celui où les Arabes, avant de lui porter le coup mortel, 
          frappés de sa contenance impassible, lui adressent les dernières 
          insultes " ( ESQUER (Gabriel), 
          op. cit., p. 11.).
 
 Cette description pourrait semble-t-il s'appliquer au tableau daté 
          1833 nous reproduit page 86, intitulé sur le catalogue de la 
          vente publique où il fut proposé: " Militaire français 
          interrogé par un dignitaire algérien ".
 
 Sur place, Wachsmuth s'attacha à peindre la vie des camps militaires 
          pendant les campagnes d'Afrique: ainsi présenta-t-il au Salon 
          de Paris en 1841 " La vivandière en Afrique ", " 
          Une cantinière ", ou " Le Camp français ". 
          Il fut également l'auteur de scènes plus typiquement algériennes 
          qui témoignaient de sa vision du pays avec, par exemple " 
          Un caravansérail " proposé en 1844, ou encore de 
          lithographies bien diffusées par les journaux de l'époque, 
          comme cette " Famille arabe " assez pittoresque: dans une 
          scène destinée à toucher, le père assis 
          devant un rocher surmonlilté de palmiers nains s'entretient avec 
          son jeune fils et la mère de celui-ci jolir-7)aent habillée, 
          une corbeille de fleurs Posée devant eux. L'artiste alsacien 
          fut nor-_-lamé par la suite professeur de dessin à 1'b 
          École de Saint-Cyr.
 
 Mais là ne s'arrête pas la liste, Plusâteurs autres 
          artistes professionnels ayant . également pu vivre l'aventure. 
          Leur dclyen était sans doute Louis-Philippe 
          Crépin, (1772-1851), considéré comme 
          l'un, des meilleurs spécialistes de marines en son temps, qui 
          s'était formé auprès de Joseph Vernet, et avait 
          à son tour été le maître, entre autres, de 
          Pierre-Julien Gilbert. Crépin, dont plusieurs ceumuvres figurent 
          dans les collections du musée historique de Versailles, se joignit 
          à titre privé au convoi et revint en France . avec les 
          sujets de cinq toiles illustrant le débarquement à Sidi-Ferruch 
          et les combats navals qu'il exposa au Salon de 1934.
 
 Le peintre de marines et lithographe marseillais Philippe 
          Tanneur (1796-1873), un élève d'Horace Vernet 
          qui avait tavaillé auprès d'Isabey, obtint l'autorisation 
          de s'embarquer avec ce dernier (ADHÉMAR 
          -op .. cit., p. 42-43 et Guiral (Pierre) Marseille et l'Algérie, 
          1848 à 1870, in Revue Africaine,). On constate avec 
          ces exemples à quel point ces artistes spécialisés 
          formaient une confrérie dont les éléments évoluaient 
          dans un même circuit, au fil des générations.
 litait
 S'était en outre joint au convoi, selon Cristina Baron, 
          Louis Garneray, (1783-1857) titulaire du titre de " 
          Peintre pour les marines du Grand amiral de France " depuis 1817 
          (BARON (Cristina), Les peintres officiels 
          et l'AIgérie, in catalogue de l'exposition " Lumineuse Algérie 
          sous le regard des peintres de marines ", Musée national 
          de la Marine, Toulon, juin - décembre 2003, p. 7.): 
          " Sa présence au sein du corps expéditionnaire d'Algérie 
          semble pourtant avoir été officieuse, et due à 
          des intrigues ", remarquait François Bellec dans une récente 
          étude sur les Carnets de rayages des Peintres de la Marine (BELLEC 
          (F.), Carnets de voyages des Peintres de 
          la Marine,d. Marine Nationale - Sirpa Marine/Ouest-France,).-,
 Rennes, 2002, p. 37.) La curiosité 
          de Garneray, auteur renommé d'innombrables 
          tableaux d'histoire et de marine inspirés par des voyages sur 
          toutes les mers du globe, montre à quel point cette Expédition 
          d'Alger mobilisait les esprits, toutes générations confondues.
 
 Enfin, venaient dans les rangs de l'armée et de la flotte les 
          artistes militaires, les uns dûment mandatés par le ministère 
          de la Guerre, comme le lieutenant Alexandre Genet, les autres partis 
          à titre personnel, comme le colonel d'état- major Jean-Charles 
          Langlois, deux personnalités dont l'oeuvre en Algérie 
          compte à coup sûr parmi les plus passionnantes de l'époque.
 
 Gabriel Esquer avait également recensé les peintres militaire. 
          Officier d'état- major également, et peintre professionnel, 
           Antoine de Gazeau dit Tancrède de Labouère 
          (né en 1801), qui envoya au Salon différentes " Études 
          " et un tableau, " Alger, vue prise de la route de Blida ", 
          avec cette légende: " Après un siège meurtrier, 
          le dey ayant capitulé et le drapeau blanc ayant été 
          arboré sur la ville et les forts, les troupes des principautés 
          se retirent. Celles du bey d'Oran suivent la route de Blida, emportant 
          le neveu de ce chef, blessé grièvement dans un des combats 
          que la division Des Cars eut à soutenir pendant cinq jours contre 
          la presque totalité de l'Armée algérienne, avant 
          l'investissement de la ville " ( 
          ESQUER (Gabriel), op. cit., p. 10 et 11.). Le Musée 
          d'Angers conservait cinq de ses toiles sur l'Algérie, l'Égypte 
          et l'Espagne.
 
 Artistes amateurs : " le lieutenant Letouzé 
          de Longuemar, du 1e régiment de marche; le lieutenant 
           Dumoulin, du génie; le capitaine 
          de vaisseau de Villeneuve-Bargemont, 
          commandant la " Didon " et vraisemblablement d'autres que 
          nous ignorons ". Letouzé de Longuemar fit comme volontaire 
          la campagne d'Afrique et, blessé au combat, resta sur place jusqu'au 
          12 août 1831, date de sa nomination comme capitaine. " Il 
          dessinait vite, avec bieaucoup d'adresse et de sincérité, 
          ses nombreux croquis nous ont conservé l'aspect de l'Alger turc 
          en 1830 et celui che monuments qui ont pour la plupart disparu ". 
          Du lieutenant Dumoulin, il existait dans la collection du Dr Lucien 
          Raynaud, rapporte encore Esquer, " sept carnets couverts de croquis 
          lestement enlevés, faits pendant la traversée et la campagne 
          ". Le capitaine de vaisseau de ViLleneuveBargemont avait appris 
          quant à lui la peinture avec le Toulonnais Vincent Courdouan, 
          " Ses deux vues de Sidi- Ferruch, son croquis d'Alger constituent 
          par leur fidélité et les dates auxquelles ils furent exécutés 
          (juin-juillet 1830) de précieux documents " ( 
          ESQUER (Gabriel), op. cit., p. 12.).
 
 Le colonel Langlois, (1789-1870) 
          pour revenir à lui, était devenu p(eintre de batailles 
          par passion et par expérience: ayant fréquenté 
          les ateliers de Girodet, Gros et Horace Vernet, il s'était d'abord 
          consacré à la glorification des. batailles de Napoléon 
          dont il avait brossé de vastes panoramas après y avoir 
          participé, puis avait exposé avec grarnd succès 
          un " Panorama de Navarin ", résultat de sa présence 
          à la campagne de Grèce en 1828. Il se fit mettre hors 
          solde pour venir à ses frais " se joindre à ses jeunes 
          camarades de la campagne d'Afrique " et " apprécier 
          dans toute sa valeur l'expédition ", ayant déjà 
          dans l'idée son projet sur Alger, de " faire revivre, de 
          faire sentir, de restituer l'ambiance, de créer l'émotion 
          " ( B. d'Ymouville, conservateur 
          des Archives de la ville de Caen, " Le musée Langlois, Jean-Clueirles 
          Langlois, colonel et peintre d'histoire militaire du Premier et du Second 
          Empire ".). Ayant pris quantité de croquis et 
          d'études lors de son premier débarquement, il sollicita 
          la permission de revenir deux ans plus tard, pour un séjour prolongé 
          qui lui permit de mettre au point un spectaculaire " Panorama d'Alger 
          ". Il n'en reste malheureusement que peu d'éléments, 
          mais l'ensemble dut véritablement créer un événement 
          frappant lorsqu'il l'ouvrit au public, le 17 février 1833. " 
          D'une façon à laquelle personne, jusque-là, n'avait 
          pensé ", Langlois avait juxtaposé circulairement 
          dans une vaste rotonde aménagée à cet effet, une 
          série de toiles représentant tous les aspects caractéristiques 
          de la ville, à l'intérieur comme à l'extérieur, 
          afin de reconstituer avec le maximum de fidélité à 
          l'intention de ses contemporains la cité telle que la trouvèrent 
          les conquérants de 1830. " L'écran panoramique du 
          cinéma de nos jours n'est que la redécouverte de Langlois, 
          dont les " Panoramas " d'il y a plus de cent cinquante ans 
          eurent un succès mondial ", écrivait à ce 
          sujet le conservateur des Archives de la ville de Caen où sont 
          conservées ses oeuvres .
 
 Les oeuvres d'Alexandre Genet de Belloc (1799-1850) 
          constituent de nos jours la mine la plus féconde de renseignements 
          artistiques sur le pays dont il parcourut différentes régions. 
          Attaché comme peintre-dessinateur au cabinet du ministre de la 
          Guerre, adjoint à la brigade topographique, il était notamment 
          chargé de préparer les actions des troupes en dessinant 
          les vues des principaux points à occuper. Genet prit part à 
          la campagne d'Alger comme lieutenant au 30e de ligne, et livra un nombre 
          considérable de dessins et d'aquarelles, dont beaucoup furent 
          lithographiés, sur les sites de la ville et des environs. L'intérêt 
          de son art vient de ce qu'il ne se limitait pas aux seuls besoins militaires 
          et à la sèche description des lieux: aussi sensible par 
          nature que précis par nécessité, il animait ses 
          lavis et ses aquarelles de personnages fort bien campés, faisant 
          apprécier une vision personnelle originale, attachante, d'une 
          civilisation arabe qu'il observait avec bienveillance. Capitaine à 
          la Légion étrangère, puis au 51e de ligne, il a 
          séjourné en Algérie du 14 juin 1830 au 30 octobre 
          1831, et refait deux autres campagnes de 1833 à juin 1835 et 
          de novembre 1835 à mai 1837, se déplaçant à 
          Bône, Mascara, Tlemcen et Constantine, exécutant partout 
          ses petits tableaux irremplaçables. Durant l'expédition 
          de Mascara, nous dit Gabriel Esquer en citant les lignes du futur maréchal 
          Canrobert, on vit Genet " par n'importe quel temps, accroupi sur 
          une pierre et prenant des notes sur un grand album. Il était 
          toujours accompagné d'un affreux moricaud monté sur un 
          mulet et dont les longues jambes, maigres et velues, pendaient négligemment 
          à terre. Il tenait le cheval du capitaine lors de ses arrêts 
          et
 lui servait de guide " .
 
 Très apprécié pour son talent par le responsable 
          du Dépôt de la Guerre, le général Pelet, 
          Genet fut chargé en août 1839 de composer pour le Roi un 
          certain nombre d'aquarelles des batailles de 1814 et de quelques-unes 
          des campagnes de la République.
 
 En conclusion, nous regretterons avec Gabriel Esquer que les oeuvres 
          de tant d'artistes professionnels n'aient pas connu une fortune plus 
          importante. Celles qui ont subsisté sont fort peu accessibles 
          au public. " On est frappé de leur petit nombre. Il semble 
          bien que la moindre partie des croquis pris entre le 25 mai, date du 
          départ, et la fin juillet, ait été utilisée 
          par leurs auteurs. D'autre part, des projets formés ne furent 
          pas réalisés. Le tableau sur la prise d'Alger que Charles 
          X avait demandé au baron Gérard ne vit jamais le jour, 
          de même, la relation de la campagne que Jal se proposait de publier 
          avec des dessins de Gudin. La révolution de Juillet, en ouvrant 
          un champ nouveau aux préoccupations et à la curiosité 
          du public, détourna les artistes de tirer de leurs études 
          d'Afrique des uvres qui auraient paru être la glorification 
          d'un régime dont ils n'avaient plus rien à attendre " 
          (ESQUER (Gabriel), op. cit., p. 11.).
 o
 
 Bibliographie:
 Nous signalons que dans son n° 10 de mai 1980, l'algérianiste 
          a publié une bonne partie de la bibliographie établie 
          par Charles Taillard sur les ouvrages se rapportant à la conquête 
          de l'Algérie.
 
 Lire également L'Algérie romantique des officiers de l'armée 
          française, 1830-1837, d'Isabelle Bruller, dessins de la collection 
          du ministre de la Défense, SHAT, 1994, et les ouvrages de Marion 
          Vidal-Bué comportant de nombreuses reproductions de tableaux: 
          Alger et ses Peintres, 1830-1960, et L'Algérie des Peintres,1830-1960, 
          éd. Paris-
 Méditerranée.
 
          
            | Liste des oeuvres reproduites 
                dans L'iconographie historique de l'Algérie, deGabriel 
                Esquer: - Alexandre Genet: très nombreuses 
                planches, à Alger, Bône, Mascara, etc..
 - .Pierre-Julien Gilbert:
 - " Débarquement de l'Armée française 
                devant la baie de Sidi-Ferruch, côte d'Alger, 14 juin 1830 
                " (pl. LXXXVII). La lithographie comporte en légende: 
                " Le 14 juin 1830, le vice-amiral Duperré ordonne 
                le débarquement de l'Armée expéditionnaire 
                sur la plage de Sidi-Ferruch. L'opération commencée 
                à quatre heures et demie est complètement terminée 
                à midi ".
 - " Attaque des forts et des batteries d'Alger (3 juillet 
                1830) " et " Attaque du môle d'Alger (3 juillet 
                1830) ", huiles, (pl. CV).
 - " Le môle d'Alger pendant le bombardement ", 
                (pl. CVII).
 - " Le port d'Alger " (un navire en construction devant 
                les bâtiments de l'Amirauté), (pl. CXXXIX).
 
 - Théodore Gudin:
 - " Naufrage d'un brick français sur la côte 
                d'Afrique, 1830 ", (pl. LXX)
 - " Attaque d'Alger par mer ", (pl. CX).
 - " Explosion du Fort-l'Empereur " (pl. CXII).- Eugène 
                Isabey:
 - " Vue de la rade de Toulon " et " Panorama du 
                camp de Sidi-Ferruch " (six feuilles mises bout à 
                bout), (pl. LXXII).
 - " Camp des Arabes à Staouéli " (pl. 
                XCVIII).
 
 - Antoine-Léon Morel-Fatio:
 - " Bourmont et Duperré sur le vaisseau amiral en 
                vue d'Alger " (pl. LXXXV1).
 - " Naufrage des bricks le " Silène " et 
                " l'Aventure " (1830) " (pl. LXX).
 - " Oran, route du Figuier " (pl. CLXX).
 
 - Ferdinand Wachsmuth:
 - " Défense d'une batterie turque à Sidi Kalef 
                le 24 juin " (pl. XCV).
 - " Le camp français devant Alger " et " 
                Scène du camp français " représentant 
                un officier français recevant un chef arabe (pl. XCIX).
 - " La famille arabe " (pl. CXXXIX).
 - " Porte Bab-el-Oued, 1830 " (pl. CXLII).
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