Léon Carré 
          (1878-1942)
          peintre de l'Algérie et des Mille et Une Nuits
          par Marion Vidal-Bué
        Léon-Georges Carré 
          naquit à Granville, le 23 juin 1878, dans une famille de petits 
          commerçants. Grâce à un long article dans la revue 
          L'art et les Artistes publié en mars 1914 par son neveu, Jean-Marie 
          Carré, nous apprenons qu'il adorait dès l'enfance la nature 
          et les longues courses dans les dunes normandes, où il prit sans 
          doute le goût des " grands sables " qu'il rechercha 
          plus tard en Algérie.
          
          Son premier apprentissage du métier de peintre se fit aux Beaux-Arts 
          de Rennes, auprès du maître qui fut aussi celui de Mathurin 
          Méheut, artiste aujourd'hui très prisé pour ses 
          scènes de la vie bretonne. Paris suivit très logiquement, 
          il fut admis en 1897 aux Beaux-Arts dans l'atelier de Léon Bonnat 
          et fréquenta également celui du peintre d'histoire Luc-Olivier 
          Merson. Quoiqu'il se fût révélé d'emblée 
          peu attiré par les sujets acadé-miques et qu'il délaissât 
          quelque peu l'enseignement classique au profit de l'expérience 
          sur le vif, le jeune homme reçut par deux fois le prix Paul Chenavard, 
          attribué par l'Ecole nationale des Beaux-Arts.
        
          
            |  Ketty et Léon Carré | 
        
        
          
          Comme tout provincial curieux découvrant la capitale, Léon 
          Carré préféra se mêler à la vie parisienne, 
          côtoyer la foule des boulevards, musarder aux terrasses de cafés, 
          pénétrer dans les restaurants et les cabarets, attendre 
          la sortie des théâtres, tous lieux où quantité 
          de personnages s'offraient à son crayon, ou bien encore passer 
          des après-midi au champ de courses, au Bois de Boulogne ou au 
          Parc Monceau, bref, observer ses contemporains. De cette époque 
          datent des séries de croquis ou de peintures à l'huile 
          représentant aussi bien des cochers de fiacres et des gens du 
          peuple que des élégantes
          et des mondains, tous caractérisés avec beaucoup de perspicacité.
          
          Par ailleurs, l'étude des animaux le passionnait, et comme pas 
          mal d'autres artistes de l'époque, il passait des heures à 
          les dessiner dans le zoo du Jardin des Plantes. Durant ses vacances 
          en Ardennes, les lourds chevaux du pays lui fournissaient des modèles, 
          tout autant que les paysans. A l'issue du concours international de 
          1904, ce fut son projet que la Société protectrice des 
          animaux choisit pour éditer une affiche. Tout au long de sa vie, 
          il pratiqua son art très sûr de peintre ani-malier, considérablement 
          enrichi en Algérie.
          
          A Paris, il s'est exercé en outre à la technique méticuleuse 
          de l'eau-forte, qui lui permit de donner un rendu des plus vigoureux 
          à ses sujets réalistes, et de participer à une 
          importante exposition à la galerie Georges Petit avec plusieurs 
          de ses planches.
          
          Carré s'est montré sensible au japonisme, on en trouve 
          bien des exemples dans son oeuvre, mais alors qu'en 1905 explosait le 
          fauvisme et que bientôt se profilait le cubisme, il resta en dehors 
          de ces mouvements car sa per-sonnalité discrète et mesurée 
          refusait tout excès. Ceci ne l'empêcha pas de nouer une 
          amitié avec son aîné Albert Besnard, personnalité 
          très en vue de la scène parisienne et artiste amoureux 
          de l'Orient, qui lui-même était parti visiter l'Algérie 
          en 1892, et qui a peut-être influé sur les choix du jeune 
          Normand.
          
          Vers la fin de 1905, en effet, Léon Carré décide 
          de se rendre en Algérie, afin d'explorer d'autres directions 
          pour sa peinture. Il séjourne à Alger, naturellement et, 
          depuis sa chambre de l'hôtel de l'Oasis ou depuis les hauteurs 
          d'El-Biar, il peint à plusieurs reprises le port, nous laissant 
          un témoignage des plus précieux sur l'ancien tracé 
          et sur les abords de la ville alors très peu construits. Et déjà, 
          il s'éprend de la douceur des collines du Sahel, dont la riche 
          nature répond on ne peut mieux à son vécu personnel.
          
          Cependant, il entend découvrir le Sud, et aller pour cela le 
          plus loin possible, c'est-à-dire à l'époque, jusque 
          dans le M'Zab. Il arrive à Ghardaïa encore peu fréquentée, 
          visite les autres villes de la pentapole, dont Berriane, se rend également 
          à Touggourt au printemps 1906, et par la même occasion 
          à Ouargla. Partout, il dessine à tour de bras, mais davantage 
          les scènes humaines que les paysages pittoresques. Les marchés, 
          avec leurs foules de personnages tellement nouveaux pour lui, les étalages 
          de denrées exotiques et surtout les animaux qu'il n'a pas encore 
          étudiés, tels les dromadaires et les gazelles, le ravissent 
          particulièrement. Dans le quartier réservé ou dans 
          les cafés maures, il a l'occasion de relever quelques portraits 
          de femmes, telle cette " Meryem à Ouargla ", assise 
          sur un seuil de porte.
          
          On peut parler de reportage graphique pour l'ensemble de dessins et 
          de croquis qu'il accumule sur des carnets ou sur de grandes feuilles 
          enjolivées à l'aquarelle, lors de ces voyages. Ils sont 
          tous réalistes et sincères, autant que techniquement très 
          aboutis. Avec leur cadrage serré, ils visent avant tout à 
          refléter l'âme des gens et leurs comportements, à 
          restituer l'entasse-ment des bestiaux et leurs attitudes apeurées 
          ou résignées, bref, à traduire la vie.
          Ces dessins suscitent l'intérêt de Léonce Bénédite, 
          responsable du musée du Luxembourg (musée des artistes 
          vivants, à l'époque), qui en fait acquérir une 
          quinzaine par l'Etat. De retour à Paris, Léon Carré 
          utilise ses notes pour réaliser plusieurs toiles, notamment un 
          très beau " Marché à Ouargla " qu'il 
          expose au Salon de 1907.
          
          Sa rencontre avec Anne-Marie Lederer, elle-même peintre dans un 
          style volontairement naïf et coloré, admise comme lui à 
          la Société nationale des beaux-arts, aboutira à 
          une union solide et heureuse, fertile pour leurs talents respectifs. 
          Ils se marient en 1908, elle prend le nom de Ketty Carré et produit 
          à ses côtés de ravissants tableaux et miniatures 
          qu'elle exposera désormais en même temps que ceux de son 
          époux. Jean-Marie Carré devait reconnaître qu'elle 
          avait exercé sur lui " une influence discrète autant 
          que sûre ". " Grâce à elle, il a trouvé 
          plus de joie aux valeurs neuves, aux chocs de clarté, aux tons 
          francs et bien plaqués, durs comme des émaux, glacés 
          comme des faïences " (1- 
          J.-M. Carré, L'Art et les Artistes, mars 1914, p. 266,).
          
          L'ouverture en 1907 de la villa Abd-el-Tif en tant que résidence 
          pour artistes métropolitains donne à Carré l'opportunité 
          de revenir vivre dans cette Algérie qu'il a tant appréciée. 
          Il se présente au concours et obtient la bourse de séjour 
          en même temps que son ami l'excellent portraitiste Jules Migonney. 
          Arrivés à Alger en 1909, ils suivent donc de près 
          les tout premiers pensionnaires, Léon Cauvy et Paul Jouve.
          
          Au bout d'un an, en 1910, Carré expose conjointement avec Migonney 
          dans le cadre de la Villa: en majorité des scènes de vie, 
          parfois intimes comme les charmantes représentations de sa femme 
          Ketty ramassant des fleurs dans le jardin, attablée devant une 
          coupe de fruits ou caressant son fox-terrier (2 
          Le pastel " Femme et fox-terrier " fut acquis par l'Etat et 
          déposé à la présidence du Sénat.), 
          mais surtout, des scènes du quotidien algérois, et des 
          " types humains " représentatifs du pays. Se remarquent 
          notamment des " Chargeurs de sable " sur la plage du Hamma, 
          des " Muletiers " espagnols au feutre cabossé, entourés 
          de mules harnachées de clochettes, des " Goumiers ", 
          des " Méharistes ", un " Homme au sloughi ", 
          un " Marché dans la rue ". Dès ces débuts, 
          les grands collectionneurs algérois, en particulier Louis Meley 
          et Frédéric Lung qui suivront de près le parcours 
          des artistes de la villa Abd-el-Tif, apprécient son talent dédié 
          à l'Algérie, et lui achètent des oeuvres. Frédéric 
          Lung avait acquis une quarantaine de dessins exécutés 
          dans le Sud, dont sa famille a fait donation à l'Etat. Ils font 
          actuellement partie des collections du Musée national d'Art moderne 
          de Paris. Venus pour deux ans, Léon et Ketty Carré resteront 
          ancrés à Alger. Certes, ils conservent leur atelier à 
          Montmartre, ils passent autant que pos-sible des vacances en Alsace 
          dont les villages et la campagne bien ordonnés leur offre un 
          délicieux dépaysement, ils entreprennent des voyages à 
          l'étranger et partent régulièrement à la 
          découverte du vaste territoire algérien, mais toujours, 
          ils reviennent dans la ville blanche. Ils vont désormais participer 
          activement à la vie artistique algéroise, et exposer régulièrement 
          dans les Salons de la Société des Artistes algériens 
          et orientalistes, souvent côte à côte. Comme ils 
          aiment à se faire photographier ensemble, leurs por-traits très 
          sympathiques sont nombreux, dans la rue, dans leur appartement ou sur 
          les collines au-dessus d'Alger.
          
          
        
           
            |  Léon 
                Carré, " Birkadem " (coll. part.). | 
        
        En 1911, Léon Carré 
          séjourne longuement en Andalousie, à Grenade notamment, 
          où il exécute quantité de portraits de gitanes 
          et autres person-nages folkloriques, dessine les villages blancs de 
          la sierra, Ronda en parti-culier, et se révèle un véritable 
          aficionado des courses de taureaux. Celles-ci lui suggèrent une 
          toile très réussie, " La Corrida de toros ", 
          qu'il expose à la Nationale des Beaux-Arts. Ce tableau solidement 
          charpenté, synthétique et savamment coloré, retient 
          l'attention du grand peintre espagnol Zuloaga, et rencontre un certain 
          succès au Salon de Paris de 1911. Grâce à lui et 
          à une huile intimiste peinte à la villa Abd-el-Tif, " 
          Le Thé dans le jardin " (3), il reçoit le titre de 
          Sociétaire à " la Nationale ".
          
          A la suite de l'Espagne, Carré visite le nord du Maroc, où 
          son penchant pour l'humain le pousse à s'intéresser aux 
          communautés juives. Il couche sur le papier d'innombrables études, 
          telle celle qu'il intitule sobrement " Les Juifs du Maroc ".
          
          Autre expérience productive pour lui, celle de la Grande Kabylie, 
          dont il explore les hauts sommets en 1913. Il en retient surtout la 
          vie pastorale, et la vision des troupeaux et de leurs bergers dans une 
          nature inviolée restera gravée dans sa mémoire 
          pour inspirer toute son oeuvre à venir. " Le muletier kabyle 
          ", " La halte au Djurdjura ", comptent parmi les meilleurs 
          tableaux qu'il réalise alors.
          
          Entre temps, Léon Carré a commencé une carrière 
          que l'on peut considérer comme parallèle à celle 
          de peintre, celle d'illustrateur, on pourrait presque dire de poète, 
          tant ses créations vont de pair avec les textes qu'elles accom-pagnent. 
          Un bibliophile parisien lui commande des gravures en couleurs pour une 
          édition des Poèmes barbares de Leconte de Lisle publiée 
          en 1909; ses images saisissantes, notamment " Le Jaguar ", 
          " Les Eléphants ", " Le Condor ", sont remarquées 
          par l'éditeur d'art Henri Piazza, et ce sera le départ 
          d'une fertile collaboration.
          
          La première publication avec Piazza est Le Jardin des caresses 
          de Franz Toussaint, paru en 1914, un ensemble de textes poétiques 
          sur le sentiment amoureux inspirés par la tradition orientale. 
          Carré présente les dix planches originales qu'il a composées 
          dans le style de la miniature au Salon de la Société des 
          peintres orientalistes français en mars 1913 (4 
          Illustrations hors texte du Jardin des Caresses: L'Heure tranquille 
          - La Danseuse nue - Le Souvenir - L'Adieu - Le Bain - Le Voyage nocturne 
          - Le Jaloux - La Voluptueuse - La Fontaine des Gazelles - Le Bonheur.).
          
          " Elles ont retenu plus d'un visiteur par leur étrange charme 
          et leur précise poésie ", notait Jean-Marie Carré 
          (5 J.-M. Carré, L'Art et les 
          Artistes, mars 1914, pp. 261, 266 et 267.), en commentant 
          ce coup de maître.
          
          " Synthèses scrupuleuses et visions éblouies, elles 
          marquent à la fois la fin de recherches passionnées et 
          la découverte d'un nouveau pays. Un style original s'y élabore, 
          mais toute la réalité l'étoffe et le soutient. 
          Nous sommes en plein rêve, et pourtant la nature nous conduit 
          par la main. C'est une vision de fantaisie et de liberté, un 
          royaume subtil, aérien, et jamais décor merveilleux ne 
          fut tendu sur de plus solides charpentes. Les jeux de la pure couleur, 
          inattendus, francs et légers, s'enroulent autour d'un incisif 
          dessin; la vérité nourrit et fortifie le songe ".
          
          " Il avait à éviter un double écueil: imiter 
          les Persans, démarquer sans le vouloir leurs miniatures, et d'autre 
          part, apporter dans l'illustration de ces fragiles histoires, délicates 
          ainsi qu'un mirage, un métier nerveux, âpre, formé 
          à l'école réaliste. Entre la douceur des vieux 
          orientaux et la manière acérée de ses eaux-fortes, 
          Léon Carré sut trouver un style pur et solide. Il y a 
          [...] une atmosphère de subtilité, une limpidité 
          qui révèle le poète ".
          
          Ce qui nous touche le plus aujourd'hui, c'est que l'artiste puisait 
          dans sa connaissance intime des paysages et des moeurs de l'Algérie 
          pour créer ces illustrations : " Le peintre de la vie algérienne 
          n'abandonne jamais le poète du rêve islamique ", écrivait 
          encore J.-M. Carré, tandis que Charles Hagel s'enthou-siasmait 
          dans un long article consacré au peintre en 1925: " Tout 
          le paysage, tout le fond sur lequel se meuvent les héros et se 
          dessinent leurs gestes, s'inspirent de l'Algérie, fleurs, arbres, 
          le ciel et la mer, les architectures et leurs détails ornementaux, 
          le costume et le plan des terres ". Tout ceci " magnifié, 
          conduit jusqu'à l'expression de splendeur inouïe qu'exige 
          la légende " (6 Léon 
          Carré, Un peintre, par Ch. Hagel, L'Afrique du Nord illustrée, 
          Pâques 1925, p. 1-19.).
          
        
           
            |  (coll. 
                part.). La fontaine aux gazelles
 | 
        
        
          Cette création et celles qu'il entreprend à la suite requièrent 
          un travail intense, que Léon Carré évoque dans 
          une lettre à son mécène et ami Louis Meley (7Lettre 
          à Louis Meley datée janvier 1916, illustrée de 
          dessins, aimablement communiquée par la famille de ce grand collectionneur 
          des artistes de l'Algérie.) : " L'illustration, 
          travail minutieux de bureau, m'avait amené à un état 
          de santé précaire. rai repris avec joie mes études 
          de paysages L..1 ". Nous sommes en janvier 1916, le couple Carré 
          a été invité à résider à Gouraya, 
          sur la côte algéroise non loin de Cherchel, dans la villa 
          du gouverneur général. En plein temps de guerre, ils mènent 
          dans ce " château aux pièces somptueuses, aux tapis 
          rares ", " la vie des pauvres ". " Nous avons les 
          joies de l'esprit pour parer aux faiblesses de la table ", écrit 
          encore Léon, qui connaît là des " heures de 
          vrai repos et d'émotions pures. Quelques chants de bergers, quelques 
          cris de femmes, la grande voix des houles et c'est tout ".
          
          Le gouverneur général Charles Jonnart manifesta l'estime 
          en laquelle il tenait l'artiste en lui confiant en 1921 l'un des plus 
          importants décors du Palais d'été à Alger, 
          celui des panneaux du salon d'attente présidentiel. Il avait 
          fait également appel à Louis Ferdinand Antoni, chef de 
          file des peintres d'Alger, mais aussi à Marius de Buzon et à 
          Paul Jouve, anciens pensionnaires de la Villa Abd-el-Tif dont il avait 
          porté l'institution. Carré conçoit cinq grandes 
          fresques, " Les corsaires ", " Les cavaliers ", 
          " Les gazelles ", " Pastorale ", et surtout, " 
          La vie musulmane " qui occupe le grand panneau de droite du salon. 
          Résumant les caractères essentiels de la nature et de 
          la vie algéroises, cette scène patriarcale représente 
          une famille arabe entourée d'animaux, d'arbres et de fleurs devant 
          une grande villa blanche du Sahel (8- 
          Voir au sujet de ce décor Art & Décoration, tome XLIV, 
          juil.-déc 1923.).
          
          Après avoir fait ses choix parmi les différents thèmes 
          qu'il avait explorés en Algérie, Carré, qui aimait 
          à la fois l'humain et la nature, s'était en effet affirmé 
          comme le peintre de la pastorale algérienne. Celle du Sahel d'Alger, 
          tout d'abord, avec le charme souriant de ses villas blanches perdues 
          dans un fouillis de verdure, au creux des vallons ou sur la crête 
          des collines, mais aussi celle de la campagne kabyle, qui lui a inspiré 
          des scènes bucoliques, hommes et bêtes en harmonie avec 
          les arbres, les fleurs et les sources jaillissantes.
          
          Victor Barrucand l'a souligné en 1930 dans son livre de référence 
          : " Certains matins d'El-Biar dans le bonheur de la lumière, 
          la vibration des montagnes kabyles, tentèrent le pinceau de Léon 
          Carré qui découvrit l'élégance et la finesse 
          du paysage algérien. Ses études précieuses resteront 
          comme des merveilles d'observation et d'harmonie. C'est sans doute à 
          l'Algérie qu'il doit la flore de sa fantaisie d'imagier, poussée 
          jusqu'à la luxuriance indienne et à la minutie persane 
          dans notre " Chariot de terre cuite " et dans les " Mille 
          Nuits et Une Nuit " du docteur J.-C. Mardrus " (9- 
          V. Barrucand, L'Algérie et les peintres orientalistes, B. Arthaud, 
          Grenoble, 1930. Voir p. 13 de la réédition en fac-similé 
          par les éditions du Tell, Blida, 2003.).
          
          Léon Carré illustra en effet de vingt merveilleuses planches 
          hors textes la pièce de théâtre indien attribuée 
          au roi Soudraka et adaptée en cinq actes par Barrucand, publiée 
          en 1921 paf. Henri Piazza (10 V. Barrucand, 
          Le Chariot de terre cuite, première édition en 1895, et 
          éditions d'Art H. Piazza, 1921, pour la version illustrée 
          par Carré.). Suivit un autre livre de bibliophilie 
          édité par Piazza en 1924, Au Jardin des Gemmes de Léonard 
          Rosenthal, une célébration des pierres précieuses 
          mettant en scène princes et princesses, animaux légendaires 
          et génies fabuleux, rehaussée de douze illustrations tout 
          aussi fantastiques de Carré. Ce n'étaient que l'avant-goût 
          de son grand oeuvre, l'illustration des douze volumes qui allaient être 
          publiés par Piazza entre 1926 et 1932, pour Le Livre des Mille 
          et une Nuit dans la libre traduction du Dr J.-C. Mardrus. Pour ce chef-d'oeuvre 
          de la littérature orientale, Léon Carré exécuta 
          144 miniatures en couleurs, tandis que Mohammed Racim, réinventant 
          l'art traditionnel musulman de l'enluminure, en assurait l'ornementation 
          avec 85 compositions et éléments décoratifs. Ces 
          illustrations sont tellement prisées des amateurs qu'il n'est 
          pas rare de les trouver découpées et encadrées 
          pièce par pièce.
          
          Entre temps, l'artiste avait créé, toujours pour l'éditeur 
          Piazza, douze com-positions d'une finesse absolue pour illustrer Aucassin 
          et Nicolette, une " chante-fable du xne siècle " publié 
          en 1929.
          
          Collaborateur de la revue L'Illustration dans plusieurs numéros 
          spéciaux (" Dont le numéro 
          spécial sur L'Alsace, dont il composa la couverture, et celui 
          de Noël 1935.), Carré fut également appelé 
          en 1927 par la Compagnie générale transat-lantique pour 
          contribuer à la décoration du luxueux paquebot " 
          Ile-de France ".
          
          Motivée par ces réussites, la compagnie du P.L.M. lui 
          confia la conception de plusieurs affiches touristiques, dont l'imprimerie 
          algéroise Baconnier (12 - Voir 
          L'Algérie en affiches, 1900-1960, par Béatrix Baconnier, 
          Editions Baconnier-Copagic, 2004.) assura l'édition: 
          Hivernage en Algérie, Kabylie, Tlemcen (deux versions), Hamman-Righa 
          et Boufarik. L'administration des P.T.T. lui commanda les maquettes 
          de plusieurs timbres poste, et la Banque de l'Algérie, celles 
          des billets de 50 et 1000 F. Pour le monumental Foyer Civique d'Alger, 
          qui devait être inauguré en 1933, le maire M. Brunel lui 
          demanda, comme à d'autres artistes de l'Ecole d'Alger, quatre 
          panneaux décoratifs, qui ne purent toutefois être mis en 
          place. Les thèmes de Carré, pleins de fraîcheur, 
          traitaient L'Initiation à la parole, à la musique, au 
          chant et à la danse.
          
          Léon Carré a mené de front cette brillante carrière 
          d'illustrateur, et celle de peintre de l'Algérie. Il a exposé 
          régulièrement dans les Salons de la Société 
          des Artistes algériens et orientalistes, il a participé 
          à plusieurs expositions de l'Afrique française organisées 
          par le gouvernement, et il a constitué en 1935 avec un groupe 
          d'amis, le Syndicat professionnel des artistes peintres et sculpteurs 
          d'Algérie, dont il fut le premier président (13Le 
          premier bureau se composait ainsi : vice-présidents Jean-Désiré 
          Bascoulès et Marius de Buzon - secrétaire général 
          M. Second-Weber - trésorier M. Casabone - secrétaire adjoint 
          M. Nicolaï - trésorier adjoint M. Halbout - Assesseurs MM. 
          Bouviolle, Brouty et Mohammed Racim.
            ). Cependant, il n'a 
          fait que peu d'expositions personnelles, trop modeste pour se mettre 
          en avant. " Il se plaisait, expliquait Louis-Eugène Angéli, 
          à ne montrer que quelques toiles et dessins dont il était 
          pleinement satisfait et partageait souvent les cimaises avec Mme Ketty 
          Carré, autre peintre de talent " Les 
          maîtres de la peinture algérienne, Léon-Georges 
          Carré, par L.-E. Angéli, Algéria, Noël 1955, 
          p. 31-36. La couverture du numéro reproduit une illustration 
          de Carré.)
          
          Léon Carré s'est éteint dans l'appartement-atelier 
          de la rue Dumont-d'Urville (15 Selon David 
          Damon Olivencia, cf l'algérianiste n° ? , de ? ) 
          où il vivait depuis le début de la guerre, au matin du 
          2 décembre 1942, peu de temps après le débarquement 
          des Alliés. Quelques amis seulement, dont Albert Marquet, purent 
          suivre ses funérailles. Sa veuve, Ketty Carré, demeura 
          à Alger jusqu'à sa propre mort en 1964.
        o
        uvres de Léon 
          Carré dans les musées :
          MNAM, Centre Georges Pompidou, Donation Lung : une quarantaine de dessins 
          à la mine de plomb exécutés dans le Sud.
          Musée d'Orsay: " Le thé dans le jardin ", huile- 
          Musée du Luxembourg: cadre de 28 dessins.
          Musée de l'Histoire de l'Algérie, Montpellier: " 
          Ketty Carré dans le jardin de la Villa Abd-el-Tif - Villas mauresques 
          dans le Sahel ".
          MNBA Alger: " Sahel, Nature morte ". Un " Paysage du 
          Sahel ", et une " Halte de muletiers " anciennemént 
          acquis ont disparu des collections.