
          
          LE PALAIS DE L'ARCHEVÊCHÉ
          ANCIEN PALAIS DES AMBASSADEURS SOUS LES TURCS
        Cet ancien palais est peut-être 
          beaucoup plus ancien qu'on le pense généralement, car 
          nous le retrouvons sur les plus anciens plans cavaliers connus du XVIIe 
          siècle. Il était situé directement derrière 
          l'ancien Dar-Es-Soltan, l'ancienne maison des Sultans qui servit de 
          résidence à cette époque aux rois d'Alger, bien 
          avant l'occupation turque. Nous voyons, sur tous les plans de cette 
          époque, que l'ancien Dar-Es-Soltan n'avait à ce moment 
          qu'un étage et que déjà se profilait, immédiatement 
          en arrière, un palais qui servait d'hôtel pour la résidence 
          des chargés de mission des puissances étrangères.
          
          Voici le passage du récit fait en 1720, par les R. P. Rédempteurs 
          Comelin de Lamothe et Bernard : 
          " Trois jours après notre arrivée à Alger, 
          nous quittâmes le bord pour aller loger avec l'Ambassadeur, qui, 
          à cette époque était M. Dussault, dans l'hôtel 
          qui nous était préparé. C'est l'un des plus beaux 
          hôtels ; avant le tremblement de terre de 1716 (qui détruisit 
          en grande partie la ville d'Alger), il avait trois étages. Depuis, 
          il ne lui en reste plus que deux. Sa forme est carrée avec une 
          cour au milieu. Chaque façade est formée de quatre arcades 
          soutenues par des piliers en marbre ; sa façade orientale est 
          ornée d'une double galerie. On entre par une petite rue située 
          du côté de la rue du Soudan ". C'était une 
          ruelle donnant dans l'intérieur même de la Maison des Sultans, 
          appelée depuis l'occupation turque " Djenina ".
          
          L'architecte Ravoisié a donné le plan de la construction 
          primitive dans son ouvrage archéologique sur Alger, dans lequel 
          il mentionnait l'entrée rue du Soudan. Il y avait la porte principale 
          qui a été réemployée, lors de la réfection 
          de l'entrée, place du Cardinal Lavigerie. Cette entrée 
          primitive de la ruelle du Soudan était suivie d'une Sqifa, qui 
          menait à un escalier de vingt marches (plan Ravoisié 1831 
          ) . Ce dernier fut démoli en 1832, par le Génie militaire, 
          lors de l'agrandissement de la rue du Soudan. Par ce fait, ce qui était 
          primitivement le premier étage devint le rez-de-chaussée 
          actuel et le rez-de-chaussée ancien était ce qui forme 
          les caves voûtées, qui sont le sous-sol à notre 
          époque. Il y avait là un puits qui alimentait en même 
          temps le dehors et l'intérieur du Palais. Ce puits était 
          alimenté par une source qui existait déjà au XVIe 
          siècle, citée sur d'anciens titres (Devoulx), et qui partait 
          du pied d'un rocher situé rue Saint-Vincent de Paul, désigné 
          sur des documents du XVIe siècle sous le nom de Ras-Essofa (la 
          tête du rocher plat) . 
          
          Ce puits existe toujours, voisinant avec l'ancienne citerne dans laquelle 
          se trouve, parait-il, une porte donnant communication dans un souterrain 
          dont la direction irait vers la Kasba. Nous ne donnons cela, sans aucune 
          affirmation, ne l'ayant pas vu. 
          
          Continuons donc le récit des R. P. Rédempteurs de 1720 
          : " La cour disent ils est pavée de carreaux blancs, elle 
          se trouve située au-dessus de caves qui sont fort belles. L'intérieur 
          des appartements est très riche. Tous les plafonds sont ornés 
          de peintures avec des encadrements dorés. Les lambris sont en 
          pavés de Gênes, le reste est en filigranes (gypsoplostie) 
          ; les fenêtres qui ouvrent sur les galeries sont encadrées 
          de marbres, et munies de grilles en cuivre ".
          Ici s'arrête la description ancienne. Il faudrait tout un volume 
          pour détailler les merveilles de décoration qui existent 
          dans ce palais dont les poutres, en bois de cèdre soutenant les 
          escaliers d'honneur, sont sculptées de dessins du plus grand 
          fini. Au centre, se trouvent des souhaits pour tous ceux qui visitent 
          cette demeure princière. Au dessus de la première marche 
          on lit, en caractères arabes du XVI'e siècle, la sentence 
          suivante, dont nous devons la traduction à un arabisant distingué, 
          Si Taïeb: " Bénis sois-tu, toi qui viens au nom du 
          Seigneur apporter la justice et la vérité ". Sur 
          le palier suivant, au dessus de la première marche : " Dieu 
          protecteur ". Au troisième palier : " Vous êtes 
          la pleine lune qui éclairez l'Univers, elle est la bienheureuse 
          parmi les beaux édifices ". Au quatrième : " 
          Puisse Dieu l'éternel nous préserver des mauvais yeux 
          et des maléfices des envieux ". Au cinquième : " 
          Puissent ici se manifester la magnificence et le bonheur ". Au 
          sixième : " Puissent durer ici la magnificence et la paix, 
          ainsi que la réalisation des vux ". Enfin, sur le 
          dernier palier qui donne entrée dans les appartements particuliers 
          de ce qui était jadis le second étage, on lit le souhait 
          suivant : " Qu'il soit le Bienvenu, celui qui nous visite, à 
          lui la paix et le bonheur ".
          
          L'on voit que ces souhaits s'adressent tout particulièrement 
          à des visiteurs, à des hôtes, et rien que cela démontrerait 
          que cette demeure fut affectée de temps ancien à un hôtel, 
          dans lequel étaient reçus les Dignitaires des pays en 
          contact avec les Deys d'EI-Djedzaïr, en particulier les Rédempteurs 
          des principaux ordres religieux qui s'occupaient du rachat des captifs.
          
          C'est peut-être le seul palais intact qui nous reste à 
          Alger, et ce serait un crime que de l'abattre, ou même de le transférer 
          dans un autre endroit. Bien des fois il fut déjà question 
          de le faire disparaître en même temps que la Djenina. Ce 
          fut grâce à la sollicitude des amis de l'art de la Société 
          Historique Algérienne qu'il fut conservé ainsi qu'aux 
          démarches des premiers évêques, tels que Mgr Dupuch, 
          Mgr Pavy que nous le voyons encore debout. En terminant, nous formons 
          le vu que ce spécimen unique de l'art Hispano-Mauresque 
          africain demeure encore bien longtemps au centre d'Alger.