| J'ai trouvé cette monographie 
        de l'Amirauté d'Alger, après sa mort, dans les papiers de 
        mon père, le capitaine de frégate Marcel Costagliola, qui 
        y fut en service de novembre 1939 à avril 1941 comme commandant 
        de l'école des mousses indigènes et chef du 1er bureau, 
        puis de fin 1945 à 1947 comme chef du 2e bureau. Je n'en connais 
        pas l'auteur. J'espère qu'un lecteur érudit me permettra 
        de rendre à César ce qui est à Jules et de signer 
        et de dater cette oeuvre dont je ne sais pas si elle a été 
        publiée. Je n'ai pas touché au texte sauf à remplacer 
        " ère chrétienne " par " ère grégorienne 
        ", l'ère julienne n'étant pas tellement moins chrétienne. 
        Il s'agit en fait de l'histoire de l'Amirauté avant la conquête 
        d'Alger par l'armée et la marine françaises en 1830. Il 
        n'y avait aucun plan ni croquis joints à cette monographie. J'ai 
        tâché de remédier à cette carence.( 
        Jacques Castagliola)
 
 
 L Amirauté entre dans l'histoire d'Alger à partir de l'occupation 
        du " Peñon " par les Espagnols au début du xvle 
        siècle. Depuis, jusqu'à la prise d'Alger par l'armée 
        française en 1830, c'est-à-dire pendant trois siècles, 
        l'histoire de l'Amirauté est intimement liée à celle 
        de la ville d'Alger, dont elle était, pour ainsi dire, le coeur; 
        c'est là que se préparaient les expéditions des corsaires 
        et que ceux-ci amenaient leurs riches prises: navires, esclaves et marchandises, 
        qui faisaient la fortune de la ville et qui contribuaient à maintenir 
        la puissance des Turcs, maîtres des lieux. Aussi, tous les renseignements 
        historiques intéressant l'Amirauté sont-ils disséminés 
        dans de nombreux ouvrages et études relatifs à la ville 
        d'Alger et à la domination turque dans l'Afrique du Nord. Il existe 
        bien quelques monographies et quelques articles de revues concernant les 
        faits particuliers dont l'Amirauté a été le théâtre, 
        mais il n'a été publié aucun travail d'ensemble sur 
        cette partie importante de l'ancienne Alger. C'est pour combler cette 
        lacune que nous avons réuni dans la présente notice les 
        faits intéressants concernant le vieux port turc et les établissements 
        élevés sur les îlots dont il est formé.
 Le Peñon d'Alger 
        avant l'occupation turque Jusqu'au début du xvie siècle, 
        le port d'Alger était constitué par un abri naturel formé 
        de petits îlots et une ligne de rochers qui s'étendaient 
        entre les îlots et la terre ferme. Ce massif rocheux était 
        appelé El-Djezaïr (Les îles), d'où la ville prit 
        son nom.
 En 1505, les Espagnols avaient pris le fort de Mers el-Kébir; en 
        1509, le cardinal Ximenès s'emparait d'Oran. Le 6 janvier 1510, 
        le comte Pedro Navarro prenait Bougie au nom du roi d'Espagne.
 
 Le 31 janvier de cette même année, une députation 
        de notables d'Alger, venue par mer à Bougie, signait avec Pedro 
        Navarro un traité qui reconnaissait l'indépendance et l'autonomie 
        de la ville d'Alger qui, depuis 50 ans, avait répudié la 
        souveraineté des rois de Tlemcen, et déclarait celle-ci 
        vassale de l'Espagne. En même temps, les Algérois concédaient 
        au roi d'Espagne l'îlot de Stofla, la principale des petites îles, 
        pour y construire un fort et y tenir garnison. Aussitôt, Pedro Navarro 
        construisit la forteresse qui prit le nom de Peñon de l'Argel et 
        y installa une garnison de deux cents hommes (Peñon 
        est un augmentatif du mot espagnol pena (rocher).).
 
 Le Peñonétait bordé par la mer à l'ouest et 
        entouré ailleurs par les canaux qui le séparaient des îlots 
        voisins. Le plus grand de ces îlots situé au sud et au sud- 
        est, paraît avoir reçu quelques constructions espagnoles.
 
 La citadelle espagnole se composait de deux ouvrages qui menaçaient 
        la ville et tenaient ses habitants en respect.
 
 Pendant dix-neuf ans, les Espagnols occupèrent le Peñon 
        dans des conditions parfois difficiles par suite de l'incurie du gouvernement 
        espagnol et de l'hostilité des habitants d'Alger; souvent on y 
        manquait de vivres et de poudre et il fallait faire venir des Baléares 
        l'eau douce nécessaire à la garnison.
 
 Les Algériens, qui avaient d'abord bien accueilli les Espagnols, 
        ne tardèrent pas à s'irriter de la présence des chrétiens; 
        ils refusaient de fournir des vivres aux habitants de la forteresse et 
        les empêchaient de prendre de l'eau aux fontaines de la ville.
 
 En 1516, le roi Ferdinand étant mort, les gens d'Alger espèrent, 
        à la faveur des troubles que devait créer le règlement 
        de sa succession, se soustraire à la domination des Espagnols. 
        Le Perron était comme une épine dans le coeur et ils appelèrent 
        à leur secours le corsaire Aroudj qui était célèbre 
        par ses exploits contre les chrétiens.
 
 Aroudj s'empressa de répondre à l'appel des Algériens. 
        Il attaqua la forteresse espagnole mais, à cause de la faiblesse 
        de son artillerie, il ne lui causa aucun dommage notable et, au bout de 
        vingt jours, il dut abandonner son entreprise sans avoir obtenu le moindre 
        résultat. Au mois de mai 1529, Kheir ed Dine, qui avait remplacé 
        son frère Aroudj comme souverain d'Alger, trouva le moment propice 
        pour se débarrasser de la garnison espagnole du Perron dont l'existence 
        était à la fois pour lui une humiliation et une gêne.
 
 La garnison était placée sous le commandement d'un vieux 
        capitaine, Don Martin de Vargas, qui avait en vain demandé en Espagne 
        des secours et des munitions qui ne lui parvinrent pas à temps. 
        Kheir ed Dine envoya un officier au gouverneur le sommer de se rendre 
        et lui offrir une capitulation honorable. Il le menaçait en même 
        temps de passer la garnison au fil de l'épée s'il s'obstinait 
        à vouloir se défendre.
 
 La réponse de Vargas fut qu'il était Espagnol, que les menaces 
        d'un petit vicéroi n'étaient point capables de lui fairetrahir 
        son devoir et qu'il serait ravi d'ée attaqué pour donner 
        des preuves de ses sentiments.
 
 Kheir ed Dine canonna la forteresse jour et nuit; bientôt les munitions 
        des Espagnols furent épuisées et la garnison se trouva dans 
        l'impossibilité de répondre à l'attaque; au bout 
        de vingt jours, une brèche était praticable et le 27mai 
        au point du jour, les Turcs donnaient l'assaut. La résistance fut 
        héroïque et l'ennemi ne put entrer dans la place qu'après 
        un jour de lutte désespérée. Tous les hommes de la 
        garnison étaient morts ou blessés; Don Martin de Vargas, 
        tout ensanglanté, l'épée à la main, soutint 
        la lutte jusqu'au bout; finalement il tomba vivant aux mains des vainqueurs, 
        ainsi que l'alcade des tours, 90 soldats et 25 femmes et enfants.
 
 Les prisonniers furent distribués comme esclaves entre les soldats 
        et les " raïs "; Don Martin de Vargas, d'abord traité 
        avec distinction par Kheir ed Dine, ayant refusé de renoncer à 
        sa patrie et à sa religion, fut condamné à la bastonnade 
        et mourut sous les coups.
 
 Parmi les femmes captives, deux furent épousées par leurs 
        maîtres, l'une devint la belle-mère de Ramdane Pacha qui 
        fut gouverneur d'Alger, et l'autre la belle- mère du roi de Fez 
        et de Marrakech, Abd-el-Mélec Abou-Mérouane.
 L'îlot de la Marine 
        pendant la domination turque Aiusitôt maître du Peñon, 
        Kheir ed Dine fitJémolir l'enceinte crénelée du fort 
        et 'châtiments; il ne conserva qu'un bastion servant de batterie 
        du côté du large et me tour sur laquelle il installa un fanal. 
        Au-dessus de la porte d'entrée de cette tour, on voit encore un 
        écusson en pierre sur lequel apparaissent avoir été 
        sculptées, et grattées depuis, les armes d'Espagne. Les 
        débris de démolition fient employés à relier 
        entre eux les petits écueils qui formaient une ligne presque droite 
        entre l'îlot du fort et la côte; ce fut l'origine du môle 
        qui a conservé le nom Kheir ed Dine. Ce travail fut achevé 
        avec des pierres arrachées aux constructions romaines de Fusgunium 
        (Matifou) d'une part, et prises à des carrières voisines 
        d'autre part. En même temps, une partie des anaux qui entouraient 
        les îlots furent carriblés et l'ensemble du groupe rocheux 
        devint une presqu'île. Ces travaux auxquels furent employés 
        tous les esclaves chrétiens durèrent trois ans.
 La date du 27 mai 1529 marque ce que le regretté colonel Rin, appelait 
        un des tournants de l'histoire de l'Algérie; elle fut le point 
        de départ de l'ère d'Alger. À partir de ce moment, 
        les corsaires musulmans possédant un port sûr et bien défendu 
        contre les Chrétiens, firent de la course une vaste entreprise 
        politique et commerciale; ils purent impunément ravager les côtes 
        et les îles de la Méditerranée, capturer les navires 
        chrétiens jusque dans l'océan et tenir tête aux flottes 
        les plus puissantes des nations européennes. En 1532, Kheir ed 
        Dine avait fait construire un mur sur le terre- plein réunissant 
        la ville à l'îlot; il était moins élevé 
        que les fortifications et avait été établi surtout 
        pour amortir l'assaut des vagues qui, par mauvais temps, empêchaient 
        la circulation sur le môle et causaient des avaries aux bâtiments 
        qui y étaient amarrés.
 
 Les successeurs du vainqueur du Perion complétèrent son 
        oeuvre par l'exécution de travaux de défense militaire et 
        de défense contre la mer.
 
 Hassan, successeur immédiat de Kheir ed Dine, établit sur 
        les îles les premières batteries: ces batteries étaient 
        simplement posées sur le sol sans aucun abri qui les recouvrit.
 
 Pour célébrer l'achèvement des fortifications du 
        port, en 1542, un Vénitien fondit une grosse pièce d'artillerie 
        à laquelle on donna le nom de " Baba Merzoug " (Père 
        fortuné) et qui devint célèbre plus tard sous le 
        nom de " la Consulaire ".
 
 Vers 1560, Salah Raïs suréleva la jetée et construisit 
        une chaussée maçonnée qu'il défendit au nord 
        contre la mer par un amoncellement d'enrochements.
 
 En 1573, le pacha Arab fit enceindre l'îlot d'un parapet. Il fit 
        aussi construire deux tours, l'une pour recevoir un fanal indiquant aux 
        navigateurs l'entrée du port, l'autre pour servir d'abri à 
        la garde chargée de surveiller le port et les navires au mouillage.
 
 Le port restait ouvert au sud; on fit défense en enrochements sur 
        les rochers et le banc sableux qui prolongeaient les îles au sud-ouest, 
        ce fut le grand môle.
 À la fin du )(vie siècle, des roches partant de terre et 
        faisant face au grand môle furent réunies par des blocs de 
        pierre et formèrent la base du môle actuel de la Santé; 
        ces travaux furent achevés au début du xve siècle.
 
 À l'extrémité de cet ouvrage, on fixait la lourde 
        chaîne, supportée par des bouées, qui servait à 
        fermer le port.
 
 Le port turc avait ainsi la forme d'un croissant ouvert au sud et dont 
        les deux cornes étaient représentées par le grand 
        môle à l'est et le môle de la Santé à 
        l'ouest; c'est aujourd'hui la partie du port d'Alger appelée la 
        darse.
 
 L'îlot situé au nord de la tour du phare resta isolé 
        jusqu'au règne d'Hussein Pacha, dernier dey d'Alger, qui fit combler 
        le canal qui le séparait du Perion. Pour la construction des grands 
        navires, les Turcs transformèrent en chantier la plage de l'îlot 
        sud où se trouve aujourd'hui la cale des torpilleurs.
 
 L'alimentation en eau douce se faisait par un réservoir où 
        l'on avait détourné avant 1700 les eaux d'une source située 
        près du Fort-l'Empereur (probablement Bir-Traria).
 
 Des magasins existaient sur l'îlot au début du xvinE siècle; 
        ils servaient à abriter le matériel d'armement des vaisseaux 
        et les marchandises des prises. Les dernières constructions élevées 
        sur le môle de Kheir ed Dine du côté de la mer furent 
        achevées au commencement du xixE siècle, ainsi qu'en témoigne 
        une inscription turque placée contre le mur d'un local qui, après 
        1830, a longtemps servi de chapelle à l'Amirauté. Nous reproduisons 
        la traduction de cette inscription, et de toutes celles qui intéressent 
        l'Amirauté, mentionnées ci-après telles qu'elles 
        ont été données par le docteur Gabriel Colin, professeur 
        d'arabe au lycée d'Alger, dans son ouvrage Corpus des inscriptions 
        arabes et turques de l'Algérie, Paris, 1901. Les inscriptions étant 
        classées dans l'ouvrage de M. Colin d'après leur date et 
        portant un numéro, nous rappelons pour chacune d'elles ce numéro 
        d'ordre afin de permettre au lecteur de se référer au texte 
        original et aux commentaires du savant traducteur.
 
 L'inscription de l'ancienne chapelle de l'Amirauté porte le n° 
        136 du Corpus: " Par ordre émanant du maître et seigneur 
        El-Hadj-Ali pacha et grâce à sa haute sollicitude, les sept 
        magasins ont été achevés. Qu'il soit à l'abri 
        de l'infortune de ce monde perfide et en un mot, qu'on se souvienne de 
        lui que pour le bénir. Il s'est proposé pour la conservation 
        des approvisionnements de la flotte de la guerre sainte. Qu'il soit délivré 
        à jamais dans les deux mondes de l'affliction que cause l'épouvante. 
        Que ses ennemis malveillants en ce monde périssable soient toujours 
        abattus. Dans les questions d'équité, sa parole, son zèle 
        et ses efforts tiennent toujours le premier rang. Que la pensée 
        de celui qui est la justice même soit réjouie par les délices 
        du Paradis. Puisse-t-il être agréé par la vérité 
        et obtenir un rang élevé. Année 1229 ". 
        L'année 1229 de l'hégire correspond aux aimées 1813 
        et 1814 du calendrier grégorien.
 Ces magasins ont conservé en partie 
        leur destination primitive et ont été transformés 
        en partie pour les marins de la Défense mobile.
 Le pavillon de l'Amiral (Amiral: émir 
        de la mer.) n'a été terminé que sous le 
        règne d'Hussein Pacha, dernier dey d'Alger. Une inscription turque 
        placée au-dessus de la voûte ouvrant sur la rampe qui suit 
        la jetée Kheir ed Dine relate la construction de cet édifice. 
        Elle porte le n° 160 du Corpus: " Le gouverneur sultan d'Alger 
        a fait cette construction, Hussein Pacha, mine de miséricorde, 
        a donné ses soins à cet édifice. Dieu désire 
        sans cesse la guerre sainte de ses intentions pures comme la perle. Que 
        la vérité rende son étendard toujours victorieux. 
        Il a donné à ce bâtiment des bases quadrangulaires 
        avec des arceaux reliés les uns aux autres. Désirant qu'elle 
        reste comme un monument, cet homme généreux a établi 
        cette construction dont les fenêtres sont opposées à 
        la mer, dont le dôme s'élève au faîte du ciel; 
        c'est la demeure des amiraux, champions de la guerre sainte et conquérante. 
        Un modèle nouveau ayant été créé, on 
        a édifié ce pavillon que la langue ne saurait décrire 
        et dont le plan est une oeuvre d'art au-dessus de toutes les louanges. 
        Énonce sa date: de quelle belle chose Dieu a voulu la vérité, 
        rendu son achèvement. Année 1242 ". L'année 
        1242 de l'hégire correspond aux années 1826 et 1827 du calendrier 
        grégorien.
 
 État des fortifications 
        du port d'Alger en 1830 Au moment de la prise d'Alger par les Français 
        en 1830, l'îlot de l'Amirauté était défendu 
        du côté de la mer par une ligne de batterie continue depuis 
        son extrémité nord jusqu'à la pointe du grand môle 
        au sud. Les batteries étaient superposées sur deux ou trois 
        étages, la Consulaire était isolée entre deux batteries, 
        à l'angle du grand môle et de l'îlot sud.
 La tour du phare, appelée par les indigènes Bordj-el-Fénard 
        comptait quatre étages, et un total de soixante et une embrasures, 
        mais son armement ordinaire n'était que de cinquante-cinq pièces, 
        dont une quarantaine de plus gros calibre. Cette tour renferme une citerne 
        d'une capacité de 750 tonnes au- dessus de laquelle est une vaste 
        salle voûtée qui était le quartier général 
        des canonniers turcs et le lieu de leurs réunions.
 
 Les fortifications de l'îlot de la marine vues du large avec leur 
        haute muraille baignée par la mer, crénelée au sommet, 
        et les gueules des nombreuses pièces d'artillerie apparaissant 
        aux embrasures, présentaient un aspect formidable.
 
 
 Forts des parties du nord et de l'est
 À l'extrémité nord de 
        l'îlot s'élevait la batterie appelée Bordj Ras Amar-el-Kédime 
        (fort du cap d'Amar l'ancien) qui avait vingt-cinq canons de 18, sept 
        mortiers de gros calibres et vingt-huit embrasures, plus une rangée 
        de mortiers vers la pleine mer.
 (note du site: voir 
        Feuillets d'El-Djezair sur ce site, 
        ici)
 
 Il y avait en outre vingt-cinq embrasures armées de vingt-cinq 
        grosses pièces. Au sud de ce fort, un parapet de quarante-deux 
        mètres abritait une triple rangée de mortiers dont le total 
        s'élevait à dix- huit; cette batterie de mortiers occupait 
        une partie de l'emplacement des voûtes dont l'une conduit aux bains 
        de l'amiral. Cette partie des fortifications resta isolée, formant 
        une île jusqu'au jour où Hussein Pacha, comme il a été 
        dit plus haut, y fit établir une batterie qui reliait les mortiers 
        de Ras Amar-el-Kédime à la tour du phare et prit le nom 
        de bordj Ras Amar-el-Khédidj (fort du cap Amar le neuf). Elle avait 
        trente-quatre pièces sur deux étages, l'intérieur 
        casematé.
 
 Du nord au sud, la défense se continuait par le Bordj el-Djédid 
        (fort neuf) qui aurait eu dix-huit embrasures supérieures et neuf 
        basses, au total vingt et une pièces. Il avait été 
        construit sous Mohamed ben Osmane Pacha, au XVIIIe siècle.
 
 Une inscription turque, aujourd'hui conservée à l'arsenal 
        de l'artillerie à Mustapha, qui était autrefois placée 
        au- dessus de l'entrée du fort, fait mention de sa construction. 
        Elle porte le n° 96 du Corpus : " A la louange de Celui dans 
        l'Empire de qui rien ne survient qu'il n'ait voulu et prédestiné, 
        la construction du fort a été achevée selon les ordres 
        et dispositions de Mohamed Pacha, que sa pieuse mémoire dure autant 
        que le Soleil et la Lune tourneront devant leur zodiaque. Les fondations 
        en ont été bien cimentées et le bâtiment crépi 
        rendu agréable à Dieu et solide. Au bonheur, en raison de 
        son utilité générale, il l'a institué comme 
        un monument. Que la miséricorde de la vérité mette 
        en évidence un zèle digne d'éloges et une oeuvre 
        méritoire; que le Seigneur de bonne nouvelle intercède en 
        sa faveur au jour du jugement dernier. Que sa boisson soit du vin scellé 
        et son eau l'onde de Kawter. Son défenseur, son protecteur dit: 
        c'est le Dieu très grand. Que ses ennemis irréligieux semblables 
        à la poussière de la terre soient vaincus et anéantis 
        puisque, grâce à sa libéralité ont été 
        installés des canons qui ne mangent pas du miel. Dis: Dieu garde 
        la date du fort illustre. Année 1187 ".
 L'année 1187 de l'hégire correspond aux années 1773-1774 
        du calendrier grégorien.
 
 Faisant suite à ce fort, Hussein Pacha fit construire la batterie 
        mâbine (du milieu) qui fut spécialement affectée aux 
        saluts à rendre aux navires, étrangers au commencement du 
        XIXe siècle.
 
 Il existe deux inscriptions turques relatives à cette batterie.
 
 L'une se trouve sur un pilier placé dans la voûte conduisant 
        aux bains de l'amiral, sans que l'on puisse expliquer sa présence 
        en ce lieu assez éloigné de la batterie et séparé 
        d'elle par le fort Djedid.
 
 Cette inscription porte le n° 155 du Corpus: " Ie me mets 
        auprès de Dieu à l'abri de Satan le lapidé. Au nom 
        de Dieu le Clément, le Miséricordieux, en lui est l'assistance. 
        Dans la voie de Dieu en vue de la guerre sainte, il a inauguré 
        une construction dans la partie médiale; il a donné une 
        muraille, la mâbine redoutable comme un lion. Que Dieu bénisse 
        son constructeur, les stratagèmes qu'il projette préparant 
        la prospérité; que la vérité fasse triompher 
        son drapeau, il a tiré vengeance des infidèles. Nous demandons 
        à Dieu la protection qui fait la force de l'Islam, la victoire 
        reste au faible qui marche à la guerre sainte avec la miséricorde 
        de Dieu. Ô mon maître, pardonne aussi pour cela à un 
        humble serviteur. Dieu enclin à l'assistance est entré dans 
        la meilleure partie de sa date. Ô mon Dieu le meilleur des protecteurs 
        fais-nous triompher de la troupe des infidèles. Et Dieu t'apportera 
        une aide puissante. Ce que Dieu a voulu arrive. En l'année 1239 
        ".
 
 Cette inscription ne mentionne pas le nom d'Hussein, mais cette lacune 
        est comblée par la seconde inscription qui complète la première 
        et se trouve placée au-dessus de la porte d'entrée d'un 
        magasin faisant face à la cale des torpilleurs et d'où part 
        un conduit souterrain; on arrivait à la batterie Mâbine. 
        La seconde inscription porte le n° 157 du Corpus. Elle se compose 
        de deux parties, l'une formant marge autour de l'autre formant corps:
 
 En marge: " Quelle belle chose Dieu a voulu. Le Bordj Mâbine 
        a pris un bel aspect.
 Ô Clément, Ô Miséricordieux, je me mets auprès 
        de Dieu qui entend tout et qui sait tout, à l'abri de Satan le 
        maudit, le lapidé; c'est en Dieu qu'est l'assistance, c'est lui 
        qui est le meilleur protecteur. Au nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux. 
        Il n'y a pas de victoire que grâce à Dieu le Puissant, le 
        Sage, et Dieu t'apportera une aide puissante. En l'année 1239 
        ".
 
 En corps: " En un jour béni, son constructeur a 
        posé ses fondements. Grâces soient rendues, le maître 
        a produit l'achèvement de sa prospérité. Après 
        avoir appliqué ses efforts à le terminer, Hussein Pacha 
        a prononcé avec joie son nom: Bordj Mâbine. Ce vizir, mine 
        de générosité en manifestant sa bienveillante bonté, 
        a augmenté les appuis du peuple musulman. (Le fort), tel un dragon 
        à sept têtes répand le feu de tous côtés. 
        (Le Pacha) a garni ses murailles de canons qui ne mangent pas du miel. 
        Il veut le salut, c'est chose faite. Quant à ses ennemis irréligieux, 
        qu'ils augmentent l'abondance de leurs lamentations et de leurs cris de 
        détresse. Ô mon Dieu, fais cette grâce que la dignité 
        d'Hussein Pacha s'accroisse et que, sous peu, il prenne de force à 
        ses ennemis, ce qu'il désire ".
 
 L'an 1239 de l'hégire correspond aux années 1823 et 1824 
        du calendrier grégorien.
 
 Cette batterie dominait en arrière le Bordj Es-Sârdin lui 
        formant un troisième étage de feux à dix-huit embrasures: 
        quatre au nord, treize à l'est et une au sud-est. En dedans, du 
        côté de la ville, se trouvait le quai nord-sud, formant un 
        des côtés du port où avait été établi 
        le chantier de construction de navires. La ligne de défense se 
        continuait par le Bordj Es-Sârdin construit au xviie siècle, 
        qui avait trente-deux pièces sur deux étages dont l'intérieur 
        était casematé. L'entrée du port était un 
        peu en avant de la voûte sud.
 
 Une inscription turque qui surmontait la porte d'entrée du fort 
        a été placée et fixée sur le mur d'un magasin 
        de l'artillerie situé à l'est de la tour du phare. Elle 
        porte le n° 38 du Corpus et comprend deux parties, l'une relative 
        à la construction du fort, l'autre concernant sa restauration un 
        siècle plus tard:
 
 N° 1: " Ô sultan Mohamed Kane Razy, par ta haute 
        justice, une batterie importante a été ajoutée à 
        la fortification d'Alger. Celui qui a continué sa construction 
        est Ahmed Pacha. L'armée victorieuse l'a entreprise avec zèle 
        et courage. Elle a été heureusement achevée. Jurmy 
        a prononcé pour elle une date. Frappe des coups qui atteignent 
        leur but. Bravo belle batterie. Par les soins de l'humble Ibrahim ben 
        Moussa l'an mille septante-sept. 1077 ".
 
 N° 2: " Celui qui a restauré cette batterie 
        pour dompter l'ennemi est le victorieux Mohamed Pacha ben Osmane, l'homme 
        heureux et brave. Elle sera devant l'ennemi un bâtiment solide comme 
        la barrière d'Alexandrie. Que le Dieu Créateur lui donne 
        une large récompense. De Dieu, on lui donne une date: son feu fait 
        périr le mécréant comme les flammes ardentes. An 
        mil cent nonante, année de la restauration. 1190 ". Les 
        aimées 1077 et 1190 de l'hégire correspondent respectivement 
        aux aimées 1666-1667 et 1776-1777 de l'ère grégorienne.
 
 La table de marbre sur laquelle est gravée cette inscription présente 
        de chaque côté, sculptée en relief, une mosquée 
        à minarets et deux ifs; chacun de ces arbres porte à son 
        sommet un oiseau faisant face à celui de l'arbre opposé. 
        Il faut voir dans cette représentation l'oiseau que le mythe persan 
        désigne sous le nom de chêbavis et qui, perché sur 
        un arbre, est censé répéter continuellement: " 
        Yahacq, Yahacq... (Ô Vérité, ô Vérité...) 
        ". C'est un indice du mysticisme des derviches dans l'Odjaque d'Alger.
 
 Au-dessus de l'inscription on voit également en relief deux poissons 
        se faisant face et deux navires à voiles. Enfin, dominant le tout, 
        un lion, également sculpté en relief, tient une sphère 
        entre ses pattes antérieures. C'est à cause de la présence 
        des poissons au-dessus de l'inscription que l'on donna au fort le nom 
        de Fort des Sardines.
 (À suivre)
 | 
   
    | Histoire de l'Amirauté d'Alger
 (suite) *
 Jacques Costagliola
 Deuxième partie
 La Consulaire La voûte située au coude formé par 
        la jetée qui se dirige vers la ville au sud-ouest, abritait dans 
        une embrasure ouverte vers l'est, l'énorme canon appelé 
        " Baba Merzoug " ou la Consulaire.
 Au-dessus de cette voûte, une batterie sans nom reliait le Bordj 
        Es-Sardine au Bordj El-Gouème ; elle avait sept embrasures.
 
 Cette voûte n'est pas très ancienne et pendant longtemps, 
        la Consulaire resta à découvert sur un emplacement vide 
        entre les forts Es-Sardine et ElGouème.
 
 La Consulaire a été ainsi dénommée à 
        la suite du supplice infligé au père Levacher, consul de 
        France, en 1683. Ce religieux fut attaché à la bouche du 
        canon et ses membres mutilés par la décharge de la pièce, 
        vinrent tomber près des vaisseaux français qui bombardaient 
        la ville.
 
 Cette grosse pièce d'artillerie, actuellement élevée 
        sur un socle dans l'arsenal de la Marine à Brest où elle 
        fut transportée après la prise d'Alger, mesurait vingt pieds 
        cinq pouces et six lignes de longueur, soit 6,25 m; sa portée était 
        de 2 500 toises, soit 4 872 m. Elle était pointée vers l'est 
        et servie par les meilleurs artilleurs de la Régence. C'était 
        pour l'époque, une pièce formidable et un des meilleurs 
        éléments de la défense du port. L'histoire du père 
        Levacher et de sa fin tragique, épisode barbare de la lutte séculaire 
        soutenue par les corsaires d'Alger contre la chrétienté, 
        mérite à tous égards de retenir l'attention car s'il 
        est une manifestation de la cruauté des Barbaresques, il fut aussi 
        la conséquence de l'entêtement et de la maladresse du lieutenant-général 
        des armées navales Duquesne. Le père Levacher était 
        un vieux missionnaire, vicaire apostolique habitant le pays depuis plus 
        de vingt-cinq ans. Il avait été chargé du consulat 
        de France en 1675, bien qu'il eût allégué son grand 
        âge et de nombreuses infirmités, pour décliner ces 
        fonctions dont l'exercice lui était rendu difficile par le mauvais 
        état de sa santé, il avait été maintenu dans 
        sa charge. La vénération qu'il inspirait aux Turcs par sa 
        haute vertu, sa profonde connaissance du pays et de la langue le mettaient 
        en mesure de soutenir au mieux les intérêts qui lui étaient 
        confiés. Il faisait tous ses efforts pour maintenir la paix entre 
        la France et la Régence, mais ses conseils ne furent pas écoutés 
        à la cour de France et une expédition contre Alger fut décidée.
 A la fin d'août 1682, Duquesne avait commencé à bombarder 
        la ville d'Alger où le feu des galiotes avait causé de grands 
        dégâts.
 
 Le 4 septembre, le père Levacher (note 
        du webmaster .- voir mon site http://levacher-dupuch.fr, 
        la rue Levacher où j'habitais.)fut envoyé 
        en parlementaire demander la paix à l'amiral; Duquesne refusa de 
        répondre au consul, déclarant qu'il ne voulait traiter qu'avec 
        les délégués du Divan et continua le feu jusqu'au 
        12. À cette date, la mer devenant mauvaise, Duquesne partit avec 
        ses galiotes laissant une partie de la flotte croiser devant Alger pendant 
        l'hiver. Il revint en juin 1683 et commença de nouveau à 
        bombarder la ville le 26 de ce mois. Le 28, le dey envoya à bord 
        du bâtiment amiral, le " Saint-Esprit ", un parlementaire 
        accompagné du père Levacher. L'amiral se montra cruel pour 
        le consul qui méritait plus d'égards tant par son âge 
        que par sa fonction. Après l'avoir traité durement, il termina 
        par ces mots: " Vous êtes plus turc que chrétien 
        "
 - " Je suis prêtre ", répondit simplement 
        le vieillard.
 
 L'amiral réclama d'abord la mise en liberté de tous les 
        captifs français.
 
 Cette condition fut exécutée rapidement. Duquesne demanda 
        alors aux envoyés du dey, un million et demi de livres à 
        titre d'indemnités. Le dey sollicita un délai de quelques 
        jours pour réunir cette somme; entre-temps, il envoya des otages 
        parmi lesquels se trouvait Mezzo Morto, dit Hadj Hussein, renégat 
        génois, chef des raïs.
 Les exigences de Duquesne avaient profondément ému la ville, 
        et deux partis s'étaient formés, l'un qui voulait la paix, 
        l'autre qui réclamait la guerre; ce dernier était appuyé 
        par la Taïffe des raïs.
 
 Mezzo Morto supplia Duquesne de le débarquer, disant qu'il en ferait 
        plus en une heure que Baba Hassem, le dey, en quinze jours. L'amiral le 
        crut et le laissa descendre à terre. Aussitôt Mezzo Morto 
        s'entoura des raïs, marcha à leur tête sur la Jénina, 
        fit massacrer le dey, arbora le drapeau rouge et ouvrit le feu de toutes 
        les batteries sur l'escadre française. Il fit dire à Duquesne 
        que s'il envoyait encore des bombes sur la ville, des chrétiens 
        seraient mis à la bouche des canons. Cela se passait le 22 juillet.
 
 Le bombardement reprit et la menace du dey fut exécutée. 
        C'était le 29 juillet.
 
 Au plus fort du feu, une bande de forcenés se dirigea sur le consulat 
        de France, saccagea la maison et s'empara de la personne du consul en 
        poussant des cris de mort; comme le père Levacher ne pouvait pas 
        marcher, on l'emporta assis sur une chaise et on le dirigea vers le môle. 
        Là, il fut attaché à la bouche de la grosse pièce 
        dite " Baba Merzoug ", et les débris pantelants 
        de la malheureuse victime furent avec la mitraille lancés sur les 
        vaisseaux de Duquesne; vingt résidents français partagèrent 
        le sort du consul.
 
 En juillet 1686, lors du bombardement d'Alger par l'escadre du maréchal 
        d'Estrées, le successeur du père Levacher, M. Piolle, fut 
        conduit au môle pour y subir le même supplice, mais il avait 
        été si cruellement frappé le long de la route, qu'il 
        expira avant d'arriver à la batterie; quarante-deux Français 
        furent successivement attachés au canon. Le maréchal riposta 
        en faisant pendre autant de Turcs qu'il y avait eu de victimes mises au 
        canon.
 
 Rappelons qu'à cette époque, la voûte n'existait 
        pas et que, la Consulaire étant à découvert, on pouvait 
        très distinctement des vaisseaux français, voir tous les 
        détails de ces scènes barbares. Il 
        n'est que juste d'accorder notre pitié aux innocentes victimes 
        de ces conflits sanglants et d'honorer la mémoire des hommes courageux 
        qui ont supporté d'aussi horribles tortures pour demeurer fidèles 
        à leur patrie et à leur foi. On souhaiterait voir ici un 
        monument commémoratif pour signaler à la postérité 
        le nom et le martyre du père Levacher et de ses compagnons d'infortune.
 La chambre sanglante C'est dans cette partie de l'Amirauté que se trouve 
        le local désigné dans ces derniers temps sous le nom de 
        " chambre sanglante "; c'est une pièce obscure, voûtée, 
        ouvrant par une fenêtre grillagée et une porte pleine sur 
        un escalier enfoui dans la maçonnerie et qui aboutit sous la voûte 
        du coude.
 À l'époque de sa construction, cet escalier était 
        à découvert et la chambre recevait l'air et la lumière 
        directement de l'extérieur. Il s'est formé, au sujet de 
        ce local, une légende que nous ne devons pas laisser s'accréditer.
 
 Dans le numéro de la Revue Nord-Africaine, 
        portant la date du 18 mars 1906, M. Fritz Müller a donné une 
        description impressionnante de la chambre sanglante de l'Amirauté, 
        accompagnée d'un croquis de cette salle. Cet artiste signale de 
        nombreuses empreintes de mains et d'avant-bras appliquées sur le 
        mur et sur le pilier central supportant les voûtes de la chambre 
        et il considère ces taches comme faites de sang humain. Pour lui, 
        cette chambre sanglante est la salle des exécutions capitales ordonnées 
        par les raïs et par le Bacbachi chargés d'administrer les 
        bagnes de la marine.
 
 En réalité, l'opinion de M. Müller n'est pas fondée 
        et son affirmation qu'il s'agit de sang humain est controuvée par 
        l'observation. En 1905, nous avons procédé à l'examen 
        méthodique de la matière consistante de ces taches et nous 
        avons pu nous rendre compte tout d'abord qu'il ne s'agissait point de 
        sang d'homme ni d'animal. Nous avons pu ensuite caractériser nettement 
        la nature de cette substance qui se rattache aux hydrocarbures de la série 
        aromatique et nous avons conclu qu'il s'agissait tout simplement de goudron.
 
 Il convient donc d'attribuer l'origine de ces empreintes, d'ailleurs de 
        date récente et postérieure à 1830, aux marins maures 
        employés à la direction du port et chargés des travaux 
        de goudronnage des ancres et chaînes des bâtiments et des 
        corps-morts de la marine. Ces indigènes, soit pour se débarrasser 
        de l'excès de matières qui les gênait au cours de 
        leur travail, soit suivant une superstition pour conjurer le mauvais sort 
        ou s'attirer la protection divine, ont frotté ou appliqué 
        leurs mains enduites de goudron liquide sur les murs de la salle qui leur 
        servait de dépôt ou de remise et laissé ainsi des 
        traces persistantes de leur présence. Du reste, aucun document, 
        aucune tradition ne mentionne un événement tragique en ce 
        lieu.
 
 Les anciens maîtres d'Alger ont à répondre devant 
        l'histoire d'un assez grand nombre d'actes de cruauté d'une authenticité 
        bien établie et il est vraiment inutile de charger encore leur 
        mémoire, d'atrocités nouvelles et imaginaires.
 Forts du Sud - fin de 
        la description des fortifications Sur la jetée sud-ouest, faisant suite à 
        la voûte du coude, se trouve le Bordj ElGouème (fort des 
        câbles), ainsi nommé parce que la corderie de la marine était 
        établie au rez-de-chaussée; il y avait dix-sept embrasures 
        hautes et treize basses, au total trente- deux bouches à feu. Il 
        a été achevé au début du XIX e siècle. 
        Une inscription turque se trouve aujourd'hui au musée d'Alger et 
        qui figurait autrefois au-dessus de l'entrée du fort, mentionne 
        ces travaux. Elle porte le n° 141 du Corpus: " Bien qu'elle 
        fût devenue fort ancienne, la vigie était indispensable. 
        Dieu soit loué. Elle est maintenant achevée et a reçu 
        une organisation. À l'origine, la vigie n'avait que deux canons, 
        c'était peu. A présent, elle est devenue un fort à 
        six canons, c'est la sécurité. Son constructeur est Omar 
        Pacha, compatriote de celui qui fit la conquête. Puisse-t-elle durer 
        tant que dureront les mondes jusqu'au jour de la résurrection. 
        Ô hommes de garde, observez bien qui aborde ce rivage. Artilleurs 
        qui êtes du nombre, donnez vos soins aux canons. Ali, si le moment 
        est venu, dis: " C'est en toi qu'est sa date ". Elle a été 
        achevée en l'an mil deux cent trente et un. 1231 ".
 L'an 1231 de l'hégire correspond aux années 1815 et 1816 
        du calendrier grégorien. Il résulte de cette inscription 
        que Bordj El-Gouème, dont la construction est bien antérieure 
        à cette époque, avait englobé l'ancienne vigie construite 
        par Arab Ahmed en 1573. C'était une petite tour signalée 
        par Hédo vers 1580 comme peu importante et ne contenant pas d'artillerie. 
        Le père Dan, en 1634, décrit également une petite 
        tour où l'on faisait la garde à l'entrée du port; 
        il ne dit pas qu'elle fut armée de canons. A la suite, se trouvait 
        le Bordj El-Hadj-Ali, du nom de son dernier restaurateur et plus connu 
        sous le nom de Bordj El-Moul (fort de l'extrémité du môle), 
        à cause de sa situation. Il avait dix-neuf embrasures à 
        deux étages, l'inférieur casematé. Construit au commencement 
        du XVIe siècle, il a été restauré et remanié 
        à diverses époques. Plusieurs inscriptions arabes mentionnent 
        ces travaux. L'une portée sur le mur extérieur porte le 
        n° 46 du Corpus: " Louange à Dieu, la construction 
        de ce fort a été achevée par l'entreprise de l'illustre 
        maître Mohamed Arab ben Mohamed, fils du maître Ali (que Dieu 
        pardonne ses péchés et voile son imperfection) dans le mois 
        de rebitani de l'an 1115 ".
 
 L'an 1115 de l'hégire correspond aux années 1703 et 1704 
        du calendrier grégorien. Ces travaux ont été terminés 
        sous le règne du dey Hadji Mustapha. Une seconde inscription placée 
        aussi sur le mur extérieur, porte le n° 47 du Corpus: " 
        Louange à Dieu. La construction de ce fort de surveillance a été 
        achevée par les soins du respectable et illustre maître Mohamed 
        Arab, fils de Mohamed fils du maître Ali. Que Dieu pardonne ses 
        péchés et voile son imperfection de sa grâce dans 
        le mois de rebitani de l'an 1120. 1120 ".
 
 L'an 1120 de l'hégire correspond aux années 1708 et 1709 
        du calendrier grégorien.
 
 Il s'agit de travaux de modifications partielles effectuées sous 
        le règne du dey Mohamed Bactacha.
 
 Une troisième inscription placée au- dessus de la porte 
        d'entrée du fort, porte le n° 52 du Corpus: " Fort 
        extraordinaire qui triomphera des ennemis du maître. Le défenseur 
        dont les flancs jetteront les dommages dans les entrailles de quiconque 
        est voué à la ruine. La construction en a été 
        achevée par sa grâce et le bonheur de son étoile se 
        manifeste sous le règne du maître dont les actions sont toujours 
        louables, le seigneur Pacha Ali ben Hussein le victorieux dans le mois 
        de chabane (dont les mérites sont sans cesse proclamés) 
        de l'en vingt-quatre et ajoute: " afin de voir mil et après 
        lui cent. Ô mon Dieu, fais triompher l'entreprise ". 1124 ".
 
 L'an 1124 de l'hégire correspond aux années 1712 et 1713 
        du calendrier grégorien.
 
 Enfin, au-dessous de celle-ci, une dernière inscription arabe, 
        reproduite de chaque côté de l'entrée du fort et divisée 
        en deux parties, porte le n° 53 du Corpus: " Il n'y a de divinité 
        que Dieu le Roi, la Vérité. L'évident Mohamed est 
        le prophète de Dieu ".
 
 Dans le vestibule à l'entrée du fort on voit encore les 
        râteliers d'armes, où les soldats turcs plaçaient 
        leurs fusils et des peintures décoratives qui paraissent l'oeuvre 
        de quelque esclave chrétien.
 
 Au-dessus de la porte d'entrée de ce fort, connue sous le nom de 
        " porte des lions " et qui se trouve au fond d'une voûte, 
        on remarque un dessin d'allure héraldique où l'on a cru 
        voir les armoiries d'Alger; mais il ne s'agit que de la fantaisie d'un 
        captif chrétien car les Turcs n'ont jamais eu d'armoiries. Ils 
        n'ont adopté comme signe distinctif de leur souveraineté, 
        que le croissant devenu l'emblème de l'Islam depuis la prise de 
        Constantinople en 1453.
 
 Un ouvrage additionnel complétant le fort du môle, présentait 
        deux embrasures casematées basses et deux embrasures supérieures; 
        il avait été construit après l'expédition 
        de Lord Exmouth (1816). Au total, la défense de l'îlot de 
        la marine comprenait 295 pièces, presque toutes du plus gros calibre 
        et dont la moitié à peu près était dans les 
        casemates, ce qui constituait pour l'époque un armement considérable. 
        Bien que n'ayant que trois hectares de superficie, le port si puissamment 
        défendu a pu abriter jusqu'à quarante navires. Sa passe 
        était fermée chaque soir par une chaîne et deux bateaux 
        veillaient au dehors.
 Édifices civils En dehors des établissements militaires, il existait 
        à l'Amirauté une fontaine ornementale et deux édifices 
        religieux, un marabout et une mosquée. La fontaine située 
        auprès du pavillon de l'amiral existe encore; elle a été 
        construite par Ali Pacha qui fut dey d'Alger de 1754 à 1766. Elle 
        porte une inscription turque qui figure sous le n° 86 du Corpus: " 
        Ali Pacha ayant examiné parfaitement ce monde périssable 
        a songé à gagner son salut par l'emploi de ses richesses 
        tout en élevant une construction. Il a fait couler ces fontaines 
        qui donnent la vie et en même temps la pureté. Puisse-t-il 
        être admis sans jugement au plus haut du paradis. An 1178 ".
 L'an 1178 de l'hégire correspond aux années 1764 et 1765 
        du calendrier grégorien.
 
 Au commencement duXVIIIè siècle, Laugier de Tassy signale 
        la présence, à cet endroit, d'un édifice carré 
        au milieu duquel se trouvait une cour entourée d'une balustrade 
        et ornée de quatre fontaines. L'amiral et les officiers de marine 
        y tenaient tous les jours leurs assemblées.
 
 Sur les côtés de l'édifice, un banc de pierre couvert 
        d'une natte, c'est là que, suivant la tradition, les captifs étaient 
        débarqués à leur arrivée. En attendant d'être 
        conduits chez le dey et au " badestan " (marché 
        aux esclaves), ils demeuraient exposés à la curiosité 
        et aux injures de la foule. Cet édifice, dont on ne reconnaît 
        pas les traces, a été remplacé par le pavillon de 
        l'amiral au commencement du XIXè siècle. Le marabout qui 
        se trouve auprès de la voûte du coude est consacré 
        à Sidi- Brahim El Robérini El-Bahri. Les restes de ce saint 
        personnage auraient été inhumés en cet endroit avant 
        la construction des batteries dans lesquelles le monument est encastré. 
        Ce Sidi-Brahim serait le fils d'un marabout célèbre qui 
        a son tombeau à 
        Cherchell où sa famille, les Robérini, a joué 
        un rôle politique important au moment de l'occupation française. 
        Sidi-Brahim serait venu à Alger par la mer, c'est pourquoi on lui 
        a donné le surnom d'El-Bahri (le marin). Il est l'objet d'un culte 
        particulier de la part des marins musulmans d'Alger. Chaque année, 
        de nombreux pèlerins se rendant à Cherchell, viennent en 
        procession avant leur départ faire une visite au tombeau de Sidi-Brahim 
        à l'Amirauté.
 
 Ce monument était autrefois plus considérable et empiétait 
        sur une partie de la route; il était surmonté d'une " 
        quouba " dont un segment subsiste encore sous l'arceau de 
        la voûte des remparts. Lors du remaniement des constructions, l'alignement 
        a entraîné la mutilation du marabout qui n'en continue pas 
        moins à recevoir la visite de nombreux fidèles, surtout 
        de femmes mauresques.
 
 L'eau de la darse tient du voisinage du marabout des propriétés 
        particulières, on voit à certains jours, les femmes indigènes 
        venir en grand nombre sur la cale qui s'étend devant le marabout, 
        s'y livrer à des ablutions rituelles et puiser de l'eau de mer 
        pour en remplir les récipients qu'elles emportent chez elles.
 
 Dans un acte de l'an 1104 de l'hégire (1692-1693 du calendrier 
        grégorien), on trouve signalée une mosquée du port, 
        exclusivement fréquentée par les gens de mer. D'après 
        Delvoux, cette mosquée n'avait pas de minaret et aurait été 
        située à l'est du pavillon de l'amiral. Actuellement, aucune 
        construction existant à cet endroit paraît répondre 
        à cette indication. D'autre part, dans les magasins dont l'entrée 
        est surmontée d'une inscription concernant la batterie Mâbine 
        et par où on accède à cette batterie, on voit un 
        escalier conduisant à un minaret qui s'élève au-dessus 
        du magasin au nord de l'atelier des torpilleurs, bien qu'on ne trouve 
        pas, dans la vaste salle où s'ouvre cet escalier, de trace de " 
        mirab "; la tradition conservée par les marins indigènes 
        y place l'ancienne mosquée de la marine.
 
 Nous devons signaler en terminant, un certain nombre d'inscriptions de 
        provenances diverses qui se trouvent placées sur les murs de deux 
        magasins appartenant à l'artillerie située à l'ouest 
        et à l'est de la tour du phare sur la plate-forme du Peiion. Sur 
        le magasin de l'ouest est une inscription arabe qui porte le n° 83 
        du Corpus: " À la gloire du défenseur du fort, a 
        été achevée cette citadelle de la guerre sainte excellente 
        et élevée sous le règne du prince le plus fortuné, 
        orgueil des rois éminents, Ahmed, au commencement du mois de joumadataniya 
        de cent et après lui huit avant lesquels mille ans se sont écoulés 
        depuis l'émigration du prophète, le meilleur des envoyés. 
        1108 ".
 
 L'année 1108 de l'hégire correspond aux années 1696 
        et 1697 du calendrier grégorien.
 
 On n'a pu déterminer l'édifice d'où provient cette 
        inscription; c'est en 1845, après l'explosion de la poudrerie de 
        l'Amirauté, qu'elle a été placée sur le magasin 
        qu'on voit aujourd'hui. Sur le mur du magasin de l'est se trouve d'abord 
        la belle inscription provenant du fort des sardines; en outre, on y voit 
        de nombreuses inscriptions arabes provenant des tombes de Babel-Oued, 
        des tables funéraires hébraïques et des inscriptions 
        turques d'origine indéterminée, mentionnant l'aménagement 
        ou la restauration des chambres de janissaires.
 
 Enfin, nous devons relater une inscription espagnole portant la date de 
        1777 et qui provient probablement d'un des forts d'Oran. Elle aurait été 
        apportée ici après la seconde prise de cette ville par les 
        Algériens en 1792.
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