| -------En 119 ans, 
        l'Algérie reçut cinq fois la visite officielle du chef de 
        l'Etat. Si Charles X n'eut guère le temps de visiter cette nouvelle 
        colonie, ses fils, en revanche, firent de nombreux séjours dans 
        le pays, et son cadet, le duc d'Aumale, exerçait les fonctions 
        de gouverneur général lorsqu'éclata la révolution 
        de 1848.-------Napoléon 
        III y vint à deux reprises, la première fois en 1860, accompagné 
        de l'impératrice Eugénie, très attendue par la colonie 
        espagnole qui fêtait dans Eugénie de Montijo l'impératrice 
        et la compatriote ! Elle avait élevé un arc de triomphe 
        en son honneur, rue Bab-el-Oued.
 -------D'autres 
        arcs furent également dressés à travers la ville 
        : celui des israélites devant l'opéra, et celui des musulmans 
        devant la mosquée de la pêcherie.
 -------Arrivés 
        le 22 août 1860, sur le yacht impérial "L'Aigle", 
        qu'escortaient les vaisseaux de haut bord "Gloire", "Eylau" 
        et "Reine Hortense", l'empereur et l'impératrice furent 
        reçus par Chasseloup-Laubat, ministre de l'Algérie, et Sarlande, 
        maire d'Alger, qui leur remit les clefs de la cité. C'étaient 
        d'ailleurs de fausses clefs, fabriquées pour la circonstance, les 
        véritables ayant disparu en 1830...
 -------Par 
        le futur boulevard de l'Impératrice, le cortège gagna la 
        place Bresson, où une mer de burnous rouges et d'étendards 
        multicolores s'avança vers les souverains, dans un déchaînement 
        de raïta et de teubels, cheikhs, caïds, aghas, montés 
        sur leurs plus beaux chevaux, aux harnais brodés d'or, saluèrent 
        l'empereur.
 -------Parmi 
        les innombrables cérémonies que Napoléon III devait 
        présider, citons la fantasia à laquelle il assista aux côtés 
        du bey de Tunis, qui était venu le saluer à Alger. Rassemblant 
        plus de 8 000 exécutants, cette fête fut suivie d'une dia 
        gargantuesque où l'on ne servit pas moins de 800 plats de couscous 
        et 500 moutons rôtis.
 L'imagination rêveuse de l'empereur avait été frappée 
        par ces scènes pittoresques. Ce timide apprécia d'autant 
        plus le noble maintien des dignitaires musulmans qu'un regrettable incident 
        devait, le lendemain, le pousser à des comparaisons désagréables.
 -------Lors 
        du dîner donné au palais d'Eté, dîner qui réunissait 
        officiers généraux et hauts fonctionnaires, une vive discussion 
        mit aux prises les deux clans, chacun prétendant à la gestion 
        exclusive des affaires algériennes.
 -------La 
        bonne chère aidant, le ton monta à un tel point que l'empereur, 
        surpris et mécontent, se vit obligé d'imposer silence.
 -------Sur 
        ces entrefaites, la mort subite de la sur de l'impératrice 
        contraignit les souverains à regagner la France. Napoléon 
        III quitta la colonie, les yeux éblouis du mirage oriental, tandis 
        que les "criailleries" des "bataillons de fonctionnaires" 
        bourdonnaient encore à ses oreilles.
 -------Il 
        est certain que ce premier contact, entre une Algérie échappée 
        des "Mille et une Nuits" et l'empereur, ne fut pas étranger 
        à la politique du "Royaume arabe" qu'il devait prôner 
        peu après.
 -------Mais 
        cette conception, non plus que celle qui avait présidé à 
        la création du ministère de l'Algérie, ne devait 
        satisfaire l'opinion algérienne.
 -------Aussi, 
        l'annonce de son second séjour fut-elle interprétée 
        par certains comme l'indice d'une nouvelle orientation.
 -------L'empereur 
        débarqua, seul cette fois, le 3 mai 1865, à Alger. Pendant 
        un mois, il devait visiter les exploitations agricoles, inaugurer des 
        expositions, parcourir la Mitidja, le Chéliff, l'Oranie, le Constantinois 
        ; en bref, serrer d'un peu plus près les réalités 
        algériennes.
 -------La 
        couleur locale, intentionnellement atténuée, cette fois, 
        lors des cérémonies, se réfugia... dans les cuisines. 
        On verra, plus loin, à titre de curiosité, le menu d'un 
        repas donné au palais d'Eté. Il n'y manquait qu'un beefsteak 
        du lion de Tartarin !...
 
 -------Sur 
        le plan politique, les espoirs mis en la venue de l'empereur furent rapidement 
        déçus ; et ce n'est pas le fait d'avoir signé à 
        Alger le décret élevant le chancelier Bismarck au rang de 
        grand officier de la Légion d'honneur - sans doute pour services 
        "exceptionnels" - qui put ajouter grand chose à l'utilité 
        de ce second et dernier voyage.
 
        
          | PotageTortue du Boudouaou
 Relevés
 Porc-épic aux rognons d'antilope
 Quartier de gazelle d'Ouargla
 Filet de marcassin de l'oued Allouf
 Entrées
 Salmis de poules de Carthage
 Côtelettes d'antilope.
 Pains d'outardes des chotts
 Rôtis
 Autruches de l'Oglat Nadja
 Jambon de sanglier
 Entremets
 Goyaves du Hamma
 Oeufs d'autruche à la coque
 Gelée de grenades de Staouéli
 Pâtisseries arabes.
 |  -------Il 
        fallut, comme nous l'avons dit, attendre 38 ans avant que son successeur 
        dans la liste des chefs de l'Etat ne vienne en Algérie.
 -------Emile 
        Loubet fut le premier des présidents de la République qui 
        franchît, dans ce but, la Méditerranée.
 Son voyage revêtait également une certaine signification 
        extra-protocolaire. C'était l'abandon consacré de la politique 
        dite "des rattachements" et l'approbation officielle donnée 
        à l'oeuvre nouvelle entreprise par les délégations 
        financières.
 -------Mais, 
        au dernier moment, alors que le président allait quitter Paris, 
        un grave incident vint jeter la confusion dans les sphères gouvernementales 
        : la démission subite du gouverneur général Revoil. 
        Ce dernier, qui était venu à Paris mettre la dernière 
        main aux préparatifs du voyage présidentiel, entra violemment 
        en conflit, pour des raisons politiques et personnelles à la fois, 
        avec le président du Conseil, Emile Combes. Il donna sur le champ 
        sa démission que l'on accepta.
 -------L'Algérie 
        entière fut plongée dans la stupéfaction. A la hâte, 
        le secrétaire du Gouvernement général, Varnier, fut 
        prié d'assurer l'intérim, afin qu'à son arrivée, 
        le président Loubet trouvât au moins quelqu'un pour l'accueillir.
 -------Le 
        15 avril, par un temps incertain, entra dans la baie d'Alger une puissante 
        escadre, forte de 12 vaisseaux de ligne et de 5 contre-torpilleurs. Afin 
        de rehausser l'éclat du voyage et témoigner de nos bons 
        rapports, les nations amies avaient délégué à 
        Alger quelques bâtiments de guerre.
 -------"L'Empereur 
        Nicolas", "l'Amiral Nakimov", le "Bayan", le 
        "Kirby" représentaient la Russie ; le "Magnificent" 
        le "Mars" le "Jupiter" l'Angleterre ; le "Sicilia", 
        le "Garibaldi", le "Varèse", l'Italie ; le 
        "Pelayo", l'Espagne. Le croiseur portugais "Don Carlos" 
        devait arriver le lendemain.
 -------Pour 
        se rendre à terre, le président Loubet emprunta un canot 
        arborant son pavillon personnel, fait de soie et brodé de ses initiales.
 -------La 
        ville offrait un spectacle magnifique. Comme en 1860, la population avait 
        participé intimement à la décoration générale 
        : la garniture des balcons avait donné lieu à un concours.
 -------Cependant, 
        les réceptions officielles débutèrent dans la gêne. 
        Bertrand, président des délégations financières, 
        Altairac, maire d'Alger, ne purent s'empêcher d'évoquer le 
        souvenir de l'exgouverneur. Mais le président Loubet, tant par 
        sa finesse naturelle que par le vif sentiment qu'il avait de sa mission, 
        dissipa rapidement le malaise.
 -
 |  | ------Fêtes 
        de nuit, fêtes nautiques, banquets, inaugurations se succédèrent 
        sans interruption, de l'Algérois à l'Oranie, de l'Oranie 
        au Constantinois. Et Loubet, qui n'était plus un jeune homme - 
        il était né en 1838 - déjà fatigué 
        par une pénible traversée, vivait dans la crainte de ne 
        pouvoir terminer son périple.-------Recevant 
        à Saïda les journalistes, il leur confiait : "Enfin, 
        voici terminée la moitié du voyage ! Et tout le monde est 
        en bonne santé... Vous riez... Hé ! C'est que j'ai 65 ans 
        !"
 -------Parmi 
        les menus incidents qui marquèrent son passage, citons l'émeute 
        enfantine de Boufarik. Au dernier moment, des trombes d'eau s'étant 
        abattues sur la ville, on avait dû faire rentrer les écoliers 
        dans leurs classes. Mais les gamins, voulant, malgré tout, "voir 
        le président", enfoncèrent, dit-on, les 
        portes et se répandirent dans la ville où ils ne furent 
        pas les derniers à crier "Vive Loubet", 
        avec cette familiarité qui caractérise le jeune âge 
        et les foules.
 -------Rompant 
        avec l'habitude, le président Millerand, qui nous rendit visite 
        en avril 1922, aborda l'Algérie par la frontière marocaine.
 -------Tlemcen 
        et Bel-Abbès furent les premières étapes de sa randonnée 
        algérienne. Oran réserva au président un accueil 
        mémorable. Précédée d'un escadron de caïds 
        et d'aghas, vêtus de leur tenue d'apparat, escortée de chasseurs 
        d'Afrique, l'automobile présidentielle gagna la préfecture 
        sous les acclamations.
 -------L'inauguration 
        du môle Millerand, au port d'Oran, devait fournir aux journalistes 
        une amusante anecdote. -------Après 
        avoir signé le procès-verbal rituel, le président, 
        sous les yeux d'une assistance attentive, tendit la plume à Léon 
        Bérard qui l'accompagnait. Or, celui-ci, terminant son paraphe, 
        fit sur la page un énorme pâté.
 -------Alors, 
        dans le silence gêné des spectateurs, on entendit Millerand 
        murmurer: "Et dire, Monsieur le Ministre, 
        qu'on vous a mis à l'Instruction publique !"
 -------Après 
        avoir reçu des notables musulmans de la région le traditionnel 
        cheval de "gada" ; le président 
        reprit le train pour Perrégaux où la Cie des Chemins de 
        fer algériens lui offrit un banquet. Remontant la vallée 
        du Chétiff, le wagon présidentiel traversa les gares fleuries 
        où s'était massée la population des environs, s'arrêta 
        à Affreville, puis à Blida. Une regrettable querelle de 
        protocole priva, cette fois, Boufarik de la visite du chef de l'Etat. 
        Finalement, après un arrêt à Maison-Carrée, 
        le président arriva à Alger.
 -------Les 
        quelques gouttes de pluie qui avaient accueilli le président Loubet 
        dans cette dernière ville lui avaient valu l'épithète 
        symbolique de président "aux éperons 
        verts". Millerand lui ravit sans peine ce titre grâce 
        aux larges ondées qui ponctuèrent son séjour. D'opportunes 
        éclaircies permirent cependant aux cérémonies prévues 
        de se dérouler normalement. Et, même, pendant que le président, 
        escorté du gouverneur général Steeg, visitait l'Exposition, 
        Mme Millerand put présider une ravissante "bataille 
        de fleurs" où toutes les élégances 
        algéroises s'étaient donné rendez-vous. Après 
        la traditionnelle fantasia des dunes d'Hussein-Dey et la non moins traditionnelle 
        revue navale, le cortège officiel, quittant Alger, traversa, en 
        voiture cette fois, la Kabylie par Tizi-Ouzou, Fort-National, Azazga. 
        Près de cette dernière localité, les gardes forestiers 
        avaient dressé en travers de la route un arc de triomphe peu banal. 
        Tendu par deux poteaux ornés de feuillages champêtres, un 
        solide câble, que masquaient guirlandes et drapeaux, supportait 
        trente six sangliers abattus la veille.
 -------Bougie, 
        par l'importance du discours que M. Millerand y prononça, marqua 
        un arrêt important. Tour à tour, Sétif, Batna, Timgad, 
        Biskra, eurent l'honneur d'accueillir le président. Dans cette 
        dernière localité, l'hospitalité fastueuse du bachagha 
        Bouazziz ben Gana s'accompagna de fantasias endiablées et de danses 
        très couleur locale.
 -------Si 
        le président Millerand supportait bien, sous son casque colonial, 
        les premières chaleurs du printemps du Sud, il n'en était 
        pas de même de certains ministres de sa suite. M. Chéron, 
        en particulier, sembla maintes fois regretter les frais brouillards de 
        sa Normandie natale. Aussi n'est-ce pas sans admiration sincère 
        qu'il félicita le lieutenant Brunet qui, à la tête 
        d'un goum de Touareg, avait traversé le Sahara par cette température, 
        pour apporter au président de la République l'hommage des 
        populations du Hoggar.
 -------Constantine, 
        Philippeville, Bône terminèrent ce voyage rapide, propre 
        cependant à donner une image assez exacte de l'Algérie sous 
        ses divers aspects.
 La lecture des articles télégraphiés à leurs 
        journaux par les reporters parisiens du cortège montre d'ailleurs 
        que ce but était loin d'être atteint. Une "perle" 
        parmi tant d'autres, mit en joie nos amis kabyles : Tizi-Ouzou, la cité 
        du "Col des Genêts" se vit un jour transportée 
        sur le littoral et promue au rang de 'port d'attache de la grande Kabylie".
 
 -------La 
        métropole, à l'inverse, recevait beaucoup d'hôtes 
        importants : rois, princes, chefs de tribu, etc. des différentes 
        régions de l'empire. Ici, l 'aménokal Moussa Ag Amastane 
        arrive à Paris en 1906.
 -------En 
        1930, l'Algérie accueillit le président Doumergue, pour 
        les fêtes du centenaire.
 -------Le 
        voyage se déroula dans une atmosphère d'euphorie que l'éternel 
        sourire présidentiel concrétisait à merveille.
 -------Parmi 
        toutes les cérémonies auxquelles M. Doumergue présida, 
        nous nous bornerons à rappeler les principales : à Alger, 
        la fête saharienne du Caroubier
 qui, ressuscitant des fastes lointains, fut agrémentée de 
        la présence d'une délégation targuie conduite par 
        l'aménokal Ag Hamouk. Ce dernier devait se tailler d'ailleurs un 
        beau succès personnel au cours des diverses réceptions qui 
        suivirent.
 -------Après 
        les princes du désert, ce fut aux colons d'être à 
        l' honneur et l'on inaugura le monument de Boufarik. Sur le trajet qui 
        devait mener M. Doumergue à Constantine, de nombreux arrêts 
        permirent aux populations du bled d'acclamer le chef de l'Etat. Constantine 
        assista à l'inauguration de son monument aux Morts. Gagnant Bône, 
        le président posa la première pierre de la nouvelle gare 
        de la ville. "Cette pierre est modeste, 
        dit-il, en souriant, mais elle grandira ".
 -------De 
        retour à Alger, ce fut la grande revue navale qui réunit 
        66 bâtiments.
 -------Trois 
        cuirassés : Provence, Paris, Bretagne, ouvraient la marche, suivis 
        du porte-avions Béarn. Puis les croiseurs, les contre-torpilleurs, 
        les avisos défilèrent devant le Duquesne où se tenait 
        le président, tandis que les escadrilles du Béarn tournoyaient 
        dans le ciel.
 -------Après 
        cet intermède naval, le cortège gagna l'Oranie. A Oran, 
        un banquet de 700 couverts réunit à la Foire exposition 
        toutes les notabilités oranaises.
 -------Plusieurs 
        d'entre elles devaient évoquer devant leur hôte d'honneur 
        l'époque lointaine où le jeune Gaston Doumergue, juge de 
        paix d'Aïn-et-Arba, débutait dans la carrière administrative.
 
 -------... 
        Dix-neuf ans plus tard, ce fut le président Auriol qui franchit 
        la passe d'Alger..
 Transmis par Madiana 
        Delay-Lastrajoli SourceBoyer Pierre, archiviste en chef du département d'Alger, revue 
        L'Algeria, 1949.
 
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