| ------------C'est 
        sur l'agriculture essentiellement que s'est fondée la richesse 
        de l'Afrique romaine. ------------Progressivement, 
        de l'époque de César au IIIe siècle, les terres ont 
        été mises en valeur, les indigènes ont appris la 
        vie sédentaire, l'élevage même a perdu la forme barbare 
        de la transhumance sur de vastes espaces pour devenir, dans la mesure 
        du possible, une industrie régulière, à siège 
        fixe. Ainsi les Berbères romanisés ont senti le besoin de 
        se bâtir des demeures durables, d'avoir à leur disposition 
        tous les organes d'une société civilisée ; les fonctionnaires 
        et les colons immigrés d'Italie, peu nombreux, mais influents, 
        entraînant par leur exemple la masse des indigènes, désiraient, 
        de leur côté, donner à leur vie quotidienne un décor 
        semblable à celui qu'ils avaient quitté pour venir s'installer 
        en Afrique. Les bénéfices laissés dans le pays par 
        l'exploitation du sol mettaient à la portée des Africains 
        le moyen de satisfaire ces besoins. Par là s'explique l'existence, 
        en Afrique, d'un grand nombre de villes de type romain, et de villas rurales 
        qui présentent aussi tous les agréments du confort qu'on 
        recherchait à Rome à l'époque impériale. Les 
        ruines des unes et des autres, en beaucoup d'endroits, sont apparentes, 
        avant toute exploration, à la surface du terrain : les murs des 
        grandes constructions souvent sont restés debout en partie, et 
        les assises supérieures émergent au-dessus du sol ; des 
        pierres de taille, dressées par intervalles, et que reliaient autrefois 
        les unes aux autres des remplissages de briques ou de moellons aujourd'hui 
        disparus, dessinent le plan des édifices ; http :// perso. wanadoo. 
        fr/bernard.venis dans le cas le moins favorable, l'écroulement 
        des voûtes et l'amoncellement des débris ont formé 
        des tumuli à la surface desquels se montrent des vestiges architecturaux 
        et qui se révèlent tout de suite comme artificiels. Les 
        inscriptions, sur marbre ou sur pierre commune, se rencontrent fréquemment, 
        visibles sur le terrain, ou bien remployées dans une construction 
        berbère ou arabe, ou bien mises au jour par une fouille sommaire 
        ; car l'emploi des inscriptions commémoratives était, dans 
        le monde romain, quotidien et universel. Aussi, depuis très longtemps, 
        dès avant l'occupation française, un certain nombre de sites 
        romains étaient-ils signalés comme tels, et un certain nombre 
        d'inscriptions y avaient été copiées, malgré 
        les difficultés d'accès et les dangers du voyage pour les 
        Européens. Dès les premiers temps de la conquête française, 
        l'exploration archéologique du pays a suivi pas à pas l'occupation 
        militaire ; la collaboration constante des officiers n'a jamais cessé 
        d'aider efficacement, en Afrique française, le travail des historiens 
        et des épigraphistes. Aujourd'hui, les villes romaines de Tunisie 
        et d'Algérie ont été toutes, non pas explorées 
        méthodiquement, mais au moins repérées et sondées 
        : quelques-unes ont été déblayées par des 
        fouilles prolongées, ou sont en train de l'être. Monuments 
        et inscriptions, étudiés à loisir, dans des monographies 
        ou des ouvrages d'ensemble, nous permettent de nous représenter, 
        de façon assez précise ce qu'était la vie dans l'Afrique 
        romaine du II, au VP siècle. Le Maroc, ouvert depuis peu à 
        l'exploration scientifique, et d'ailleurs beaucoup moins riche en ruines 
        romaines que les régions moins occidentales, apporte néanmoins 
        à nos connaissances sa contribution : les ruines de Volubilis (Ksar-Faraoun), 
        à quelque distance de Meknès, sont étendues et intéressantes 
        ; l'exploration s'en poursuit régulièrement http:// perso. 
        wanadoo. fr/ bernard.venisEn Tripolitaine, les archéologues italiens 
        ont dès maintenant déblayé de très beaux monuments, 
        surtout à Leptis Magna et Sabratha. Je n'utiliserai aujourd'hui 
        que des exemples tunisiens ou algériens pour indiquer ce qu'était 
        le cadre matériel de la vie dans l'Afrique romaine, la physionomie 
        générale des
 villes, les principales catégories de monuments qui les décoraient, 
        l'aspect des habitations éparses dans la campagne, le degré 
        d'art réalisé dans les constructions et les objets affectés 
        soit à l'utilité, soit à la décoration.
 *** ------------A première 
        vue, il peut sembler étonnant qu'il y ait eu tant de villes dans 
        l'Afrique romaine, pays agricole : la vie agricole nous apparaît 
        comme impliquant essentiellement l'existence dans des fermes isolées 
        ou dans des villages. La ferme isolée se rencontrait en Afrique, 
        et nous en parlerons tout à l'heure ; le village aussi, en tant 
        que groupement spontané ou artificiel d'un nombre restreint d'habitations 
        ; mais une très forte partie de la population, même de celle 
        qui vivait de la terre, habitait dans des villes, et la proportion de 
        la population urbaine allait en augmentant de génération 
        en génération, à mesure que les villages s'agrandissaient 
        et se transformaient en cités administrativement indépendantes. 
        La plupart de ces villes apparaîtraient aux modernes, comme des 
        villes plutôt petites ; Carthage seule serait pour nous une grande 
        ville, dépassant cent mille habitants ; les autres villes africaines 
        contenaient sans doute de 5 ou 6.000 habitants à une trentaine 
        de mille, les villes d'environ 10.000 formant, selon toute vraisemblance, 
        la catégorie la plus abondamment représentée. Mais 
        il faut se rendre compte que, petites à nos yeux, ces villes étaient 
        pour les anciens, moins habitués que nous aux grosses agglomérations, 
        des villes d'une bonne importance moyenne.
 ------------Ceux 
        qui y vivaient étaient, évidemment, en partie des commerçants 
        et des industriels, dans la mesure où la présence de commerçants 
        et d'industriels était nécessaire à la vie de la 
        localité ; mais c'étaient aussi des cultivateurs, qui, chaque 
        matin et chaque soir, faisaient le trajet entre la ville et leurs terres 
        ou bien séjournaient alternativement, par périodes, à 
        la ville et aux champs. En d'autres termes, la ville africaine était 
        une ville à population paysanne, conforme à un type très 
        répandu de nos jours dans l'Italie méridionale, en Sicile 
        et en Andalousie.
 
 ------------Il 
        y avait, à ce goût d'une population agricole pour les villes, 
        deux raisons : d'abord, une raison de sécurité, mais qui 
        n'avait guère été valable qu'à l'origine et 
        qui, à l'époque impériale, avait perdu la plus grande 
        partie de son efficacité ; ensuite et surtout, une raison morale 
        et politique : aux yeux des Romains, ou plutôt aux yeux des anciens 
        en général, la vie urbaine est la seule forme de vie véritablement 
        civilisée ; l'Etat ne leur apparaît que sous l'aspect de 
        la cité, comme un agrégat de cellules municipales ; on ne 
        peut être pleinement citoyen, apte à tous les droits de la 
        vie sociale, qu'à condition d'être domicilié dans 
        une ville ; à l'intérieur de chacune des communes entre 
        lesquelles se fractionne le territoire de chaque province, il y a une 
        différence hiérarchique entre les habitants du chef-lieu 
        urbain et ceux qui sont épars dans les villages ou les hameaux 
        différence qui se traduit par les avantages juridiques et fiscaux 
        accordés aux premiers. http: //perso. wanadoo. fr/bernard.venis. 
        Les désirs de l'administration romaine et les intérêts 
        des administrés convergent donc pour augmenter le nombre des villes.
 
 ------------En 
        fait, on en trouve un peu partout. Sur la côte, le nombre des ports 
        est élevé : beaucoup de rades et de baies qui sont aujourd'hui 
        inutilisables fournissaient aux Romains des ports très convenables, 
        parce que leurs navires avaient un faible tirant d'eau. Ces ports, d'ailleurs, 
        existaient tous depuis une haute antiquité, depuis une époque 
        - celle que nous entrevoyons dans l'Odyssée - à laquelle 
        la navigation était timide : on longeait les côtes, on descendait 
        à terre à la première bourrasque ; il fallait beaucoup 
        de refuges échelonnés très pi ès les uns des 
        autres ; et tous ces petits ports de relâche, utilisés jadis 
        par les Phéniciens, sont restés, par la force d'inertie, 
        plus ou moins fréquentés à l'époque romaine. 
        Ils ont continué à occuper les sites qui avaient été 
        les sites favoris des Phéniciens ; soit un cap, dont la saillie 
        crée un mouillage en le mettant à l'abri de certains vents, 
        soit un point du rivage en face d'une île, dont l'obstacle fait 
        comme un môle naturel.
 
 ------------A 
        l'intérieur des terres, les villes romaines se trouvent très 
        rarement en plaine ; mais il est exceptionnel aussi qu'elles occupent 
        des acropoles abruptes, très difficiles d'accès ; des sites 
        comme ceux de Constantine et du Kef, rochers presque complètement 
        coupés du monde expérieur, sont exceptionnels, et d'ailleurs 
        ne sont pas des sites choisis par les Romains, mais hérités 
        par eux des indigènes. Il ne s'est pas produit, en Afrique, ce 
        qui semble s'être produit dans bien des cas en Gaule et en Espagne, 
        et souvent aussi en Italie : le transfert, par l'autorité des magistrats 
        romains, d'une ville indigène forteresse facilement défendable 
        à l'origine - dans une vallée, sur une route, en une position 
        telle qu'une révolte indigène n'était plus à 
        craindre, et qu'au surplus le courant normal de la circulation facilitait 
        le développement de la ville nouvelle. En Afrique, la plupart des 
        villes sont dans une situation intermédiaire entre l'isolement 
        farouche et l'accès trop aisé ; elles occupent des collines 
        moyennes, des plateaux à pentes douces, des flancs de coteaux. 
        Elles sont souvent couvertes sur une partie de leur pourtour par des obstacles 
        naturels, ravins ou cours d'eau, mais sans que cette ceinture naturelle 
        de défense ait l'allure d'un précipice infranchissable et 
        surtout sans qu'elle soit complète : une communication plane ou 
        en plan incliné, qui ne comporte que des travaux humains de fortification, 
        met la ville en rapport avec le reste du pays. Les villes sont placées 
        de façon à voir autour d'elles, à surveiller, à 
        être averties en cas de danger, mais on a eu en vue, en les construisant, 
        autre chose que les nécessités militaires et l'éventualité 
        d'un siège : on a songé à se placer au niveau des 
        sources, à proximité des bonnes terres, et en un point tel 
        que la circulation et les courants commerciaux pussent y passer. C'était 
        ce que faisaient déjà les Carthaginois et même les 
        Numides, sauf exception ; les Romains n'ont eu, sur ce point, qu'à 
        suivre, lorsqu'ils ont établi des villes nouvelles, une tradition 
        créée avant eux.
 
 ------------Il 
        va sans dire que, d'une région à l'autre, la densité 
        des villes était inégale. Dans le Sud de la Tunisie comme 
        en Tripolitaine, il y avait quelques villes sur la côte, mais fort 
        peu d'agglomérations à l'intérieur. La région 
        accidentée, coupée de plaines et de collines, qui a son 
        débouché naturel par le Nord-Est, à Hadrumète 
        (Sousse), possédait plusieurs gros centres, comme Thelepte (Feriana) 
        et Sufetula (Sbeitla). Les villes se multipliaient, séparées 
        les unes des autres par quelques milles à peine, dans les vallées 
        des affluents de droite de la Medjerda, et dans la vallée de l'Oued 
        Miliane : là se trouvaient, entre autres, Ammaedara (Henchir-Haïdra), 
        Sicca Veneria (Le Kef), Althiburos (Hr.Medeina), Mactar, Thuburbo Majus 
        (Hr.-Kasbat). Les agglomérations urbaines étaient particulièrement 
        serrées dans la région de Thugga (Dougga), autour de laquelle 
        se groupaient Thignica (Aïn-Tounga), Thubursicu Bure (Teboursouk), 
        Uchi Majus, Musti, d'autres encore. Dans la basse vallée de la 
        Medjerda même, les villes étaient nombreuses aussi ; elles 
        se raréfiaient plus haut, vers la frontière algérienne, 
        du côté de Bulla Regia (Hammam-Derradji) et de Simitthu (Chemtou). 
        Les environs de Carthage étaient naturellement très habités, 
        ainsi que le pourtour du grand promontoire qui ferme le golfe de Carthage 
        à l'Est. En Algérie, une série de villes borde la 
        côte : elle comprend Hippo Regius (Bône), Rusicade (Philippeville), 
        Chullu (Collo), Igilgili (Djidjelli), Saldae (Bougie), Iomnium (Tigzirt), 
        Rusuccuru (Dellys), Rusguniae (Cap Matifou), Icosium (Alger), Tipasa, 
        Caesarea (Cherchel), Cartennae (Ténès), Portus Magnus (Saint-Leu). 
        Un groupe assez dense a sa raison d'être dans l'exploitation des 
        plateaux numides, avec Madauros (Mdaourouch), Thubursicu Numidarum (Khamissa), 
        Calama (Guelma), Thibilis (Announa), Cirta (Constantine), Cuicul (Djemila), 
        Sitifis (Sétif) ; d'autres villes jalonnent les routes qui servaient 
        de voies de pénétration à l'oeuvre romaine, Theveste 
        (Tébessa), Mascula (Khenchela), Thamugadi (Timgad), Lambaesis (Lambèse). 
        Les villes s'espacent de plus en plus, et perdent de leur importance - 
        il s'agit des villes qui sont à l'intérieur des terres -, 
        à mesure qu'on va vers l'Ouest.
 
 ------------De 
        ces différentes villes, celles dont il nous est le plus difficile 
        peut-être de reconstituer l'aspect antique sont les villes maritimes. 
        Sur plusieurs points, les cours d'eau ont changé de lit, ont modifié 
        par leurs apports le dessin du littoral : il en est ainsi, notamment, 
        dans le golfe de Carthage ou d'Utique, comblé en partie par la 
        Medjerda : la portion de golfe qui avoisinait Carthage 
        au Nord est aujourd'hui une lagune ; Utique est éloignée 
        de la mer. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. Il faut un grand effort 
        d'imagination pour retrouver les lignes anciennes du paysage, pour reconnaître 
        les ports de Carthage dans les petits étangs qui les représentent. 
        Il en est de même, dans une moindre mesure, à Bône, 
        où le dessin du littoral aussi a été modifié. 
        Ailleurs, ce qui a effacé les traces du port antique, c'est le 
        fait que le mouillage a continué à être utilisé 
        à travers les siècles, et que les constructions postérieures, 
        en se superposant aux constructions antiques, les ont fait disparaître 
        : c'est ce qui s'est produit à Sousse, à Bizerte, à 
        Philippeville. C'est moins par les monuments restés en place que 
        par les menus documents épigraphiques que nous pouvons évoquer 
        la vie des ports antiques : par exemple, les dédicaces aux dieux 
        exotiques, orientaux en particulier, nous font saisir l'influence sur 
        les ma;urs des relations entretenues avec les pays asiatiques, directement 
        et surtout indirectement, par l'intermédiaire de marins qui ont 
        fréquenté les ports orientaux ; des plombs de douane, des 
        reçus écrits sur des tessons de poterie nous renseignent 
        sur les opérations qui accompagnaient le chargement des navires.
 |  | -------------Nous 
        avons des exemples mieux conservés de ce qu'on peut appeler les 
        villes agricoles, c'est-à-dire de celles qui ont été 
        sans doute, à l'origine, un village, grossi peu à peu, par 
        la force des choses, à mesure que le pays était mieux mis 
        en valeur. Dougga, en Tunisie, dont les fouilles sont, parmi les fouilles 
        tunisiennes, celles qui ont été poursuivies avec le plus 
        de continuité, Mactar en Tunisie, Announa en Algérie, dont 
        la fouille peut être considérée comme terminée, 
        sont de bons échantillons de ce type. http:// perso. wanadoo.fr 
        /bernard.venis. La ville s'est construite peu à peu, et on a utilisé 
        le terrain au gré des caprices individuels et des commodités 
        du moment ; le caractère foncièrement indigène de 
        cette population de cultivateurs se révèle à l'examen 
        des noms dont les inscriptions fournissent une longue liste ; et l'on 
        y voit telle ou telle famille s'élever progressivement dans la 
        hiérarchie sociale, à force d'économies accumulées 
        sur chaque récolte et de terrains conquis sur la friche.
 ------------Enfin, 
        nous connaissons bien, par quelques exemples fameux, les villes militaires, 
        telles que Timgad et Lambèse. Timgad, colonie de vétérans, 
        a été tracée au cordeau : des rues perpendiculaires 
        les unes aux autres, régulièrement espacées, dessinent 
        un quadrillage exact. Les édifices publics y occupent une place 
        prévue, voulue : tout le plan a été conçu 
        " sur le papier ", dans un bureau impérial, et appliqué 
        délibérément sur le terrain. A Lambèse, le 
        camp seul présente la même régularité, ou pour 
        mieux dire, Timgad, ville de vétérans, a été 
        dessinée par quelqu'un qui avait dans la mémoire le schéma 
        traditionnel du camp légionnaire ; mais à Lambèse, 
        la ville, surgie au voisinage du camp, n'a à aucun degré, 
        l'allure géométrique de Timgad ; elle fait contraste par 
        sa souplesse avec le camp d'où, en somme, elle est sortie. Le même 
        contraste existe d'ailleurs à Timgad, entre la ville proprement 
        dite et les faubourgs. Je citerai encore, comme intéressante à 
        observer, la ville de Djemila, qui, colonie de vétérans 
        à l'origine, a oublié par la suite ses débuts et 
        s'est affranchie du plan initial : éloignant son centre peu à 
        peu du promontoire où elle avait été d'abord
 installée, la ville de Cuicul, remontant la pente sur laquelle 
        elle est bâtie, s'élargissant de plus en plus, a épousé 
        les formes du terrain avec une docilité qui en fait un très 
        bon exemple de ville vivante, non asservie à un formalisme d'arpenteurs 
        officiels.
 
 ------------[La 
        présence d'un camp ou d'un fort a entraîné souvent 
        la formation d'une ville. Ce fut d'abord, aux portes de l'établissement 
        militaire un groupe de cabanes, puis peu à peu l'agglomération 
        prit de l'importance jusqu'à former une véritable ville, 
        dotée même un jour d'un statut particulier.
 
 ------------Comme 
        on peut s'y attendre ces bourgades, dont cer taines atteignirent d'assez 
        vastes dimensions, se trouvent surtout le long de la frontière. 
        Parmi les mieux connues grâce à des fouilles récentes 
        il faut citer Rapidum (Masqueray, près d'Aumale) et surtout Gemellae 
        (à 40 km. au SudOuest de Biskra).]
 
 ------------Dans 
        toutes ces villes, quelle qu'en soit la physionomie particulière, 
        l'élément essentiel et le centre vital est la place publique, 
        le forum. Le forum symbolise à lui seul cette existence 
        urbaine à laquelle il est si important, dans le monde romain, de 
        participer. C'est une place dallée, où les voitures n'ont 
        pas accès, qu'entourent des monuments publics et des boutiques, 
        dont des arcs et de beaux escaliers parfois décorent l'entrée, 
        et qui porte une quantité sans cesse croissante de monuments honorifiques, 
        statues d'empereurs, de patrons de ville, ou de bons citoyens. Les forums 
        de Gigthi (dans l'extrême Sud de la Tunisie), d'Althiburos et d'Hippone, 
        entre autres, sont très attrayants. http: //perso.wanadoo.fr/bernard.venis. 
        Il peut y avoir dans une ville plus d'un forum, surtout quand la ville 
        s'est agrandie et que le centre du mouvement s'est déplacé. 
        C'est le cas à Khamissa, à Djemila. Celui qui est le forum 
        proprement dit, dans ce cas, est celui où se trouve la curie, salle 
        où se réunit le conseil municipal. Une ou plusieurs basiliques 
        sont nécessaires : c'est le bâtiment où, à 
        l'abri du soleil et de la pluie, on jugera les procès et on traitera 
        les affaires. Des temples s'élèvent, un peu dans tous les 
        quartiers, à des divinités multiples ; les cités 
        les plus romaines se construisent un Capitole, comme Sufetula. Il arrive 
        que des établissements d'un caractère particulier s'y ajoutent 
        : c'est ainsi qu'à Lambèse le sanctuaire d'Esculape est 
        accompagné de toute une série de constructions qui correspondent 
        sans doute à un grand hôpital. Il faut des marchés 
        aussi, pour la vente au détail des produits destinés à 
        la vie quotidienne, les marchés en gros se traitant à la 
        basilique : ils apparaissent comme une cour de forme variable entourée 
        de petites boutiques, par exemple à Timgad et à Djemila.
 
 ------------Il 
        n'est nullement indispensable qu'une ville romaine soit entourée 
        de murs : il n'y a jamais eu, à ce sujet, de règle générale. 
        On fortifiait, en l'entourant d'une muraille tracée avec un soin 
        religieux, toute colonie qu'on fondait ; mais, dans les autres cas, Rome 
        préférait plutôt, pour la sécurité de 
        sa domination, que les villes restassent ouvertes ; au surplus, les colonies, 
        quand elles prospérèrent, débordèrent de beaucoup, 
        comme on le voit à Timgad, le cadre dans lequel elles avaient été 
        créées. Il n'y a eu de fortifications véritables, 
        d'abord, que dans les villes d'avant-garde, installées 
        dans un pays encore dangereux ; puis il s'en est élevé en 
        beaucoup d'endroits à partir du III' ou du IV' siècle, quand 
        a commencé le désarroi qui facilitait et encourageait les 
        attaques des Barbares.
 
 ------------Mais 
        même là où il n'y avait pas d'enceinte continue, il 
        y avait souvent un ou plusieurs arcs qui, faisant fonction de portes, 
        donnaient tout de suite à l'arrivant une haute idée de la 
        prospérité de la ville.
 
 ------------Cette 
        prospérité se marquait surtout, comme il était naturel, 
        par l'importance donnée au superflu, aux constructions destinées 
        au divertissement. Il n'y a guère de ville un peu notable où 
        l'on n'ait signalé un théâtre, c'est-à-dire 
        une construction semi-circulaire, la scène occupant le diamètre 
        et les gradins la demi-circonférence ; plus rarement on a l'amphithéâtre, 
        c'est-à-dire la construction elliptique dont les gradins occupent 
        tout le pourtour, l'arène étant réservée aux 
        spectacles ; plus rarement encore, le cirque, ellipse extrêmement 
        allongée. Le cirque est le lieu des courses de chars ; l'amphithéâtre 
        sert aux combats de gladiateurs, aux chasses ; au théâtre 
        on joue des tragédies, des comédies, et ces courtes pièces 
        plaisantes, appelées mimes, très en faveur depuis le dernier 
        siècle de la République.
 
 ------------Les 
        villes très riches ont tous ces lieux de divertissement à 
        la fois ; c'est le cas à Cherchel par exemple ; d'autres s'entendent, 
        entre voisines, pour se répartir les dépenses il semble 
        ainsi que Timgad n'ait pas d'amphithéâtre, et Lambèse 
        pas de théâtre. L'amphitéâtre d'El-Djem (Thysdrus) 
        et le théâtre de Dougga sont des spécimens très 
        instructifs.
 
 ------------Nulle 
        part ne manquent les thermes, souvent très vastes et très 
        somptueux. C'est que les thermes sont l'endroit où l'on va de préférence 
        passer ses loisirs ; ils tiennent lieu aux Romains de café et de 
        cercle. Non seulement on s'y baigne, mais on y fait des exercices physiques, 
        on y cause, on y joue. Le Romain ou le Berbère romanisé 
        passe, aux thermes, une bonne partie du temps que ne lui prennent pas 
        les affaires, sur le forum : il n'est guère chez lui que pour dormir. 
        - Un édifice jusqu'à présent unique en Afrique et 
        qui apportait de nouvelles ressources contre l'ennui est la bibliothèque 
        publique de Timgad.
 ------------Telle 
        est la place tenue par les édifices publics, et matériellement, 
        dans la surface des villes, et moralement, dans la vie des Romains ou 
        des peuples formés à leurs moeurs, que pour les maisons 
        privées il ne reste pas grand' chose. Souvent elles sont petites, 
        pas très bien distribuées, et devaient être peu meublées. 
        Cela tient non seulement à l'indifférence relative des Romains 
        en général pour la vie d'intérieur, mais aussi à 
        la condition modeste de la majorité des Africains ; il y a, dans 
        les villes, une majorité de petits propriétaires, de petits 
        commerçants, de petits industriels, qui vivotent ; et une aristocratie 
        locale, une bourgeoisie composée de quelques familles riches, petits 
        propriétaires plus heureux que les autres, qui ont arrondi leur 
        patrimoine, et surtout capitalistes participant à l'exploitation 
        des grands domaines privés ou impériaux.
 
 ------------Ces 
        privilégiés, qui dirigent, comme duumvirs, décurions 
        ou flamines, les affaires de la cité, qui souvent font construire 
        à leurs frais ou embellir les monuments de leur ville, ont eux 
        aussi, une maison dans la ville ; ce domicile leur est nécessaire 
        pour qu'ils puissent légalement jouer un rôle municipal. 
        http:// perso. wanadoo.fr/ bernard.venis. Mais cette maison de ville ne 
        se distingue, en général, pas essentiellement des autres 
        maisons privées, bien qu'elle soit un peu plus grande et un peu 
        plus luxueuse ; le séjour favori des riches Africains, c'est la 
        villa confortable qu'ils possèdent à la campagne.
 
 ------------Il 
        y a, en effet, en dehors des villes, toute l'échelle possible des 
        habitations rurales. Elle part du gourbi qu'a conservé l'indigène, 
        quand il est resté inculte, et de la chaumière où 
        s'abrite le colon pauvre. Puis viennent les petites fermes plus aisées, 
        et les hameaux, les villages où se développe, par le rapprochement 
        des maisons et des familles, un germe de vie sociale. Enfin, le type de 
        beaucoup le plus intéressant de l'habitation à la campagne, 
        c'est la grande villa, que nous voyons figurée sur les mosaïques 
        de Tabarca et d'Oudna (au Bardo de Tunis), et d'Oued-Athménia (près 
        de Constantine).
 
 ------------Le 
        noyau de cette villa est une vaste cour, entourée de constructions 
        élégantes qui servent d'habitation ; s'y adossant par derrière, 
        ou bien formant un groupe à part autour d'une autre cour, les bâtiments 
        d'exploitation. Audelà, un parc, avec des arbres bien taillés, 
        des eaux, un enclos à gibier. Les salles de cette maison des champs 
        sont grandes ; il s'y trouve des bains, plus petits que les thermes publics 
        de la ville, mais offrant les mêmes commodités. On peut, 
        dans cette villa, vivre sur soi, en grand seigneur, avec tout le confort 
        des bonnes maisons de Rome. On peut s'y permettre des fantaisies comme 
        l'entretien d'écuries luxueuses pour les chevaux de course. C'est 
        dans de telles villas que devaient habiter les plus importants des procurateurs 
        chargés de l'administration des domaines, les gros propriétaires, 
        quand ils résidaient en Afrique, et les gros fermiers : ils vivaient 
        sur la partie des domaines non distribuée aux colons, et sur laquelle 
        les colons étaient tenus de fournir des corvées. D'une part, 
        la vie municipale à l'image de Rome, telle qu'elle se déroule 
        au forum et dans les monuments qui l'entourent ; d'autre part, la vie 
        confortable menée par un Africain riche dans une propriété 
        rurale aménagée au goût romain, telles sont les deux 
        formes les plus évoluées que prend l'existence matérielle 
        dans la Berbérie romanisée.
 
    |