
           
 
          
          
          LES RESSOURCES DE LA TERRE 
          ALGÉRIENNE 
        Il y a déjà 
          longtemps qu'un de nos penseurs les plus clairvoyants, Prévost 
          Paradol. avait prédit le rôle essentiel que l'Algérie 
          pourrait jouer, dans les destinées de la France. On peut se demander 
          si ce jour n'est pas arrivé et si, selon sa propre expression, 
          cette colonie n'est pas devenue, à l'heure actuelle, notre dernière 
          et suprême chance. 
          
          En présence du développement incroyable du nationalisme 
          économique, je signalais récemment, dans le Journal Général 
          de l'Algérie, la nécessité pour la Métropole 
          de tirer de ses colonies les produits dont elle a besoin et de remplacer 
          sa clientèle étrangère par une clientèle 
          coloniale. C'est l'unique moyen qui nous reste, ajoutais-je, de restaurer 
          notre puissance économique. 
          
          Aucune de nos colonies ne nous offre incontestablement autant de ressources 
          ni de débouchés que l'Algérie. 
          
          Sans doute, elle traverse, en ce moment, comme la plupart des pays du 
          monde, une crise financière et commerciale très grave 
          dont la principale, cause doit être attribuée aux récoltes 
          déficitaires de ces deux dernières années. Mais 
          ce n'est là qu'un incident passager et il n'y a aucun doute qu'elle 
          ne reprenne bientôt son essor ininterrompu jusqu'ici. 
          
          On peut dire, qu'à l'exception du charbon - et encore ne pourra-t-ou 
          se prononcer définitivement sur ce point qu'après exploration 
          complète des gisements de houille récemment découverts 
          dans le Sud oranais à Kenadsa - l'Algérie serait capable, 
          à la seule condition de faire l'effort approprié, de fournir 
          en abondance à la France, dans un laps de temps assez court, 
          le blé, les bois, les moutons, les chèvres, la laine, 
          le tabac, l'alfa et même le coton nécessaires à 
          son alimentation ou à celle de ses industries. 
          
          Personne n'ignore le degré de prospérité auquel 
          la terre africaine avait atteint sous la dénomination romaine. 
          L'épithète de " grenier de Rome " qui lui avait 
          été donnée et qui s'est conservée, à 
          travers les âges était pleinement justifiée par 
          la fertilité de son sol, l'abondance et la variété 
          de ses productions. 
          Assurément, l'uvre accomplie par la France en moins de 
          cent ans ne saurait encore être comparée à celle 
          que nos grands prédécesseurs eurent tout le loisir de 
          parfaire au cours des cinq ou six siècles que dura leur occupation. 
          Elle n'en est pas moins admirable. 
          
          Sans parler de l'implantation sur son sol d'une population vivace et 
          énergique de plus de 500.000 Européens, profondément 
          attachés à la France par la langue et par le cur, 
          de l'ouverture d'un réseau de 30.000 Kilomètres environ 
          de routes admirables et. de près de 4.000 kilomètres de 
          voies ferrées qui s'avancent s'avancent jusqu'aux confins du 
          désert, la France s'est appliquée à faire renaître 
          l'antique prospérité de ce pays qu'elle avait trouvé 
          replongé dans une profonde barbarie. 
          
          Et voyez les résultats déjà obtenus : la production 
          moyenne annuelle en céréales de l'Algérie est de 
          18 millions de quintaux, mais avec une culture amélioré 
          ou, simplement, des conditions atmosphériques plus favorables, 
          elle pourrait rapidement s'élever au double. Ainsi, en 1918. 
          année d'abondance exceptionnelle, il est vrai, la récolte 
          a atteint 30 millions de quintaux. 
          
          En 1917, la Colonie a exporté pour plus de 41 millions de francs 
          de blé, et près de 72 millions d'orges et d'avoines, soit 
          au total 113 millions environ. En 1918, les exportations ont atteint 
          137.032.000 francs pour les blés et 166,345.000 francs pour les 
          orges et avoines, ce qui donne le chiffre très appréciable 
          de 303 millions 377.000 francs. 
          
          La production viticole de l'Algérie en 1920 a été 
          de 7.041.220 hectolitres contre 7.788.000 hectolitres en 1919, 6.343.000 
          en 1918, 6.233.000 en 1917, 8.786.255 en 1916 et 5.139.000 en 1915. 
          Notons que la quantité de vins distillés s'est élevée 
          successivement à 150.000 hectolitres en 1913-1914, à 500.000 
          en 1914-1915, à 100.000 en 1915-1916, à 950.000 en 1916-19l7, 
          à un million 400,000 en 1917-1918, à 2.150.000 en 1918-1919 
          et 386,781 hectolitres en 1919-1020, représentant respectivement. 
          1/80, 1/20, 1/51, 1/9, 1/4, 1/3, 1/20 de la production totale. 
          
          Les fruits et primeurs donnent également lieu à des transactions 
          importantes et qui ne font que se développer d'année en 
          année. L'Algérie, comme on le sait, est un des grands 
          fournisseurs de Paris en primeurs. 
          
          Une autre source de revenus appréciables est constituée 
          par les produits du sous-sol, aussi abondants que variés, tels 
          que marbres, phosphates, minerais de fer, de plomb, d'antimoine, etc. 
          Pour les phosphates, les exportations ont atteint 334.704 tonnes en 
          4920, contre 242.186 en 1919 et 198.539 en 1918, représentant 
          des valeurs respectives de 18.409.000 francs, 13 millions 220.000 et 
          9.927.000 francs. Quant aux minerais de fer, les quantités exportées 
          ont été de 1.114.338 tonnes en 1920, de 782.805 en 1919, 
          de 759.217 en 1918, lesquelles correspondent à des valeurs de 
          33.879.000 francs, 23.799.000 francs et 18 millions 677.000 francs. 
          
          
          Au surplus, l'Algérie n'est pas un pays d'exportation. Elle doit 
          acheter un grand nombre de produits qui lui font défaut et ses 
          importations atteignent un chiffre très élevé. 
          Si nous consultons les statistiques douanières, nous constatons 
          que pendant l'année 1920, par exemple, sur un chiffre global 
          de 4 milliards 342 millions, représentant la valeur de ses échanges 
          commerciaux et dans lequel le commerce spécial, c'est-à-dire 
          le trafic intéressant exclusivement la consommation et la production 
          de la Colonie, entre pour une somme de 3 milliards 977 millions, les 
          importations figurent pour 2 milliards 435 millions alors que les exportations 
          n'atteignent que 1 milliard 442 millions, soit un excédent de 
          1 milliard 093 millions en faveur des importations. 
          Je reconnais qu'il s'agit là d'une année exceptionnelle. 
          Il n'en demeure pas moins que l'Algérie offre à la France 
          une clientèle de près de six millions d'habitants auprès 
          de laquelle elle peut trouver des débouchés de plus en 
          plus étendus pour l'écoulement de ses produits manufacturés 
          (1 milliard 551 millions en 1920) et dont il ne tient qu'à elle, 
          au surplus, de développer les facultés d'achat. 
          
          Le pouvoir d'absorption de cette population se développera en 
          effet au fur et à mesure que s'intensifiera l'activité 
          agricole et industrielle du pays. Or, celle-ci est bien loin d'avoir 
          atteint son maximum. D'immenses étendues restent encore à 
          mettre en culture, les richesses minières de la Colonie sont 
          à peine explorées et l'industrie algérienne n'est 
          encore qu'à l'état embryonnaire. 
          
          Aussi, sans vouloir critiquer ce qui a été fait, je ne 
          puis m'empêcher de regretter qu'une partie des nombreux milliards 
          consacrés par la France à sa politique extérieure, 
          n'aient pu être affectés à notre grande Colonie. 
          Il eût suffi d'un milliard ou deux pour reconstituer l'uvre 
          gigantesque accomplie par les Humains en matière d'hydraulique 
          agricole et grâce à laquelle le succès des récoltes 
          était assuré en permanence quels que fussent les caprices 
          du ciel. Nul doute que si cet effort avait été réalisé 
          avant la guerre, la France eût pu se passer du concours des pays 
          étrangers pour son alimentation en céréales. 
          
          Quoi qu'il en soit, l'Algérie offre encore un champ très 
          vaste à toutes les initiatives publiques ou privées et 
          nos capitaux ne sauraient trouver un meilleur placement que dans les 
          multiples entreprises qui peuvent y être tentées. 
          
          A ceux qui voudraient s'en convaincre, je conseille d'aller visiter 
          la Grande Foire-Exposition qui se tiendra au mois d'avril prochain à 
          Alger. Malgré les circonstances défavorables de l'heure 
          présente, ils y trouveront certainement l'occasion d'engager 
          des affaires fructueuses avec chance de fortune