
          
           A 
          LA GLOIRE DE L'OLIVIER
A 
          LA GLOIRE DE L'OLIVIER 
        Ce n'est pas seulement 
          parce qu'il est le symbole de la paix, parce que. avec son tronc noueux, 
          ses ramures puissantes, son feuillage vert pâle au clair et vif 
          retroussis d'argent mat, il est un des plus beaux arbres du bassin méditerranéen 
          que les populations sur lesquelles il étend ses rameaux tutélaires 
          soignent et protègent l'olivier, c'est aussi, c'est surtout parce 
          que ses fruits donnent une huile recherchée qui possède, 
          en même temps que la couleur somptueuse de l'or, les qualités 
          les plus diverses et les plus précieuses. 
          
          Le culte qu'on lui porte remonte aux origines du monde ; de charmantes 
          légendes l'ont célébré à travers 
          les siècles. 
          
          On a dit que l'olivier fut importé de l'Atlas en Attiquc : la 
          vérité parait autre. Il aurait fait son apparition première 
          sur les côtes de Syrie. Il est à présumer que c'est 
          vers l'an 170 de la fondation de Rome qu'il fut apporte à Cartilage 
          par des Phéniciens. Aujourd'hui, il vit dans tout le Nord de 
          l'Afrique, où il se reproduit naturellement. Le culte dont il 
          a toujours été entouré le protège de la 
          destruction systématique dont les autres plantations sont l'objet 
          de la part des Arabes. Cèdres, chênes, pins, thuyas ne 
          trouvent point grâce devant la torche incendiaire des autochtones 
          : seul, l'olivier qui incline sur les koubas sacrées ses rameaux 
          grêles, qui dispense aux familles pauvres les fruits amers, l'huile 
          acre dont elles se nourrissent, bénéficie d'une mansuétude 
          et d'un respect sans limite. 
          
          Comment s'étonner que la consommation de l'huile se soit répandue 
          dans toutes les classes de la société indigène 
          et que les Européens en fassent un usage de plus en plus fréquent 
          ? 
          
          Aussi, la Colonie ne produit-elle pas les quantités d'huile nécessaires 
          à la satisfaction de ses besoins. Il lui est indispensable d'importer 
          annuellement des stocks considérables de matières oléagineuses. 
          Il n'y a donc rien de surprenant à ce que la question du ravitaillement 
          de l'Algérie en huiles comestibles et plus particulièrement 
          en huiles d'olives ait fait, dès 1917 et continue à faire 
          l'objet des plus vives préoccupations de l'Administration, 
          Au début de l'année 1919, on avait l'ait appel à 
          la production étrangère ; des envois importants avaient 
          été reçus de Tunisie et d'Espagne ; mais ces pays, 
          ayant eu, à leur tour, à défendre leurs propres 
          consommateurs, la Colonie se trouva bientôt privée de ces 
          sources d'approvisionnement. Elle se vit ainsi réduite à 
          ne disposer que des huiles provenant de la fabrication locale et des 
          huiles de graines importées de l'ét ranger. 
          
          Aussi, disent les documents officiels publiés par le Gouvernement 
          général, auxquels nous empruntons ces intéressants 
          détails, comme il fallait s'y attendre, celte situation a-t-elle 
          déterminé, parmi les fabricants et les commerçants 
          en huile, un mouvement analogue à ceux qui sont apparus depuis 
          la guerre chaque fois que la raréfaction d'un produit de première 
          nécessité s'est fait sentir. Les intéressés 
          se sont groupés afin d'obtenir des pouvoirs publics la suppression 
          ou tout an moins le relèvement de la taxe des huiles d'olive 
          et le rétablissement de la liberté de sortie de ce produit.
          
          On ne pouvait songer à envisager la suppression de la taxe pendant 
          la campagne : une pareille mesure n'aurait eu pour résultat que 
          d'enrichir, aux dépens des consommateurs les détenteurs 
          de stocks. Eu outre, l'expérience a maintes fois démontré 
          que, bien que très souvent dépassée, la taxe constituait 
          un moyen très efficace de modération des cours. Des palliatifs 
          opportuns avaient été prévus pour que le commerce 
          honnête des huiles demeurât rémunérateur. 
          C'est ainsi, par exemple, que, dans les communes où les commerçants 
          s'approvisionnaient chez le producteur dans des régions situées 
          à plus de 150 kilomètres de leur établissement, 
          les prix de vente en gros et au détail pouvaient être majorés, 
          avec l'autorisation du préfet du département, du montant 
          des frais de transport sans que celle majoration put excéder 
          20 francs par cent kilos. 
          
          On se rend compte, par ce détail, de l'attention avec laquelle 
          l'Administration a suivi les phases de cette question de l'huile. 
          
          Aussi bien, ces dispositions qui avaient été arrêtées 
          après avis des comités consultatifs de taxation de trois 
          départements furent publiées, dès octobre 1919, 
          et ne donnèrent lieu à cette époque à aucune 
          réclamation. Mais, au début de la nouvelle campagne, en 
          décembre 1919, l'application de la taxe souleva, plus particulièrement 
          dans le département de Constantine, de vives protestations de 
          la part des oléiculteurs et des fabricants. 
          
          Le Gouverneur général décida, au mois de février 
          suivant, de relever uniformément les prix de la taxe de soixante-cinq 
          centimes par litre et de porter à 30 francs le maximum de majoration 
          que les commerçants seraient autorisés à faire 
          subir au prix de la taxe pour frais de transport. 
          
          Quant à l'interdiction de sortie des huiles d'olives en vigueur 
          depuis le 30 avril 1917, l'Administration a cru devoir, à cette 
          époque, la maintenir rigoureusement. 
          
          La suppression de cette mesure aurait eu, en effet, les plus graves 
          conséquences. Elle eût entraîné, tout d'abord, 
          une spéculation effrénée et une hausse irrésistible 
          des cours qui se fussent établis rapidement à parité 
          de ceux de Marseille, rendant la taxe inopérante. D'autre part, 
          l'appel qui se serait produit vers la Métropole aurait vidé 
          la Colonie en quelques mois, l'exportation n'étant plus limitée 
          que par les disponibilités du fret. L'Algérie aurait souffert 
          de la disette presque absolue d'une denrée aussi nécessaire 
          à l'alimentation des populations indigènes et européennes 
          que le froment et le sucre. Et quelle anomalie que d'autoriser l'exportation 
          d'un produit alors que le pays qui le fournit en consomme plus qu'il 
          n'en fabrique ! 
          
          Les seules dérogations qui furent accordées visèrent 
          des crasses d'huile et des huiles sulfurées de grignons d'olive 
          qui ne trouvent pas leur emploi en Algérie. Et encore convient-il 
          d'ajouter que ces autorisations de sorties ne furent délivrées 
          que sous la condition imposée aux exportateurs de mettre à 
          la disposition du Gouvernement général, aux prix de la 
          taxe, pour être rétrocédées à des 
          municipalités ou à des coopératives de consommation, 
          des quantités d'huile d'olive extra ou surfines, égales 
          au quart des quantités de marchandises à exporter. 
          
          Celte interdiction fut maintenue durant toute l'année 1920 et 
          les dérogations dont nous venons de parler permirent, grâce 
          aux conditions auxquelles elles étaient consenties, de fournir 
          à divers groupements ou municipalités 250,000 kilogs d'huile 
          surfine à des prix réellement avantageux. 
          
          Nous empruntons au lumineux exposé de la situation de l'Algérie 
          présenté par M. Abel aux Assemblées algériennes, 
          en 1920, le récit des dernières phases de la crise des 
          huiles comestibles en Algérie. Il montre que très souvent 
          les meilleures initiatives ne peuvent continuer à produire dans 
          la Colonie leurs effets bienfaisants, par suite du jeu de dispositions 
          prises pour la Métropole et nettement en opposition avec elles 
          : 
          
          " ... Mais la loi du 20 avril 1916 sur la taxation de certaines 
          denrées et substances, arrivée à expiration le 
          15 août 1921, n'ayant pas été prorogée et 
          les huiles ayant subi depuis lors de continuelles variations de cours, 
          il n'a pas été possible, lors de la dernière récolte, 
          de continuer à appliquer cette réglementation. 
          ,. Cependant, la récolte 1920 ayant été déficitaire, 
          l'Administration décida de maintenir, jusqu'à nouvel ordre, 
          l'interdiction d'exportation des huiles d'olives, dont la hausse de 
          prix a d'ailleurs été enrayée par la concurrence 
          des huiles de graines exotiques arrivant en abondance, à des 
          cours de plus en plus bas. Les importations d'huiles fixes pures de 
          graines grasses ont atteint, en effet, 60,623 quintaux en 1920, contre 
          21,623 quintaux seulement en 1919 et 13,265 quintaux en 1918. 
          
          .. Au début de l'année 1921. les producteurs et les négociants, 
          ne trouvant pas sur place un écoulement aux prix rémunérateurs 
          qu'ils exigeaient, ont demandé avec insistance l'autorisation 
          d'exporter leurs huiles d'olive, qui pouvaient trouver preneurs, notamment 
          à Marseille, à des cours beaucoup plus élevés. 
          Le ravitaillement de la Colonie paraissant assuré désormais, 
          grâce à l'afflux des huiles de graines exotiques, un arrêté 
          gouvernemental du 1" février 1921 a rétabli la liberté 
          d'exportation des huiles végétales de toute nature sur 
          toutes destinations, en exigeant toutefois des exportateurs d'huile 
          d'olive l'engagement de tenir à la disposition de l'administration, 
          pour les besoins du ravitaillement de la Colonie, jusqu'au là 
          août 1921 inclus, au prix de 451 francs le quintal nu, une quantité 
          d'huile d'olive extra ou surfine égale à la moitié 
          des quantités d'huile qu'ils auront à exporter. Ces dispositions 
          ayant permis de réserver un stock d'environ 200 000 kilogrammes 
          d'huile pour les besoins éventuels du ravitaillement, un arrêté 
          du Gouverneur général, en date du 12 mai 1921. vient de 
          rétablir la pleine liberté d'exportation des huiles de 
          cette nature pour toute destination et par toute quantité.
          
          Les cours ont l'ait aussitôt un bond considérable et, à 
          l'heure où nous écrivons ces lignes, les prix s'élèvent 
          graduellement et la hausse semble loin de son maximum... 
          
          On peut se rendre compte, par ce rapide exposé, des fluctuations 
          qu'ont subies durant les derniers mois de la guerre et depuis l'armistice, 
          la fabrication et le commerce des huiles d'olive : nous avons puisé 
          - nous ne saurions trop y insister - nos renseignements aux sources 
          officielles, afin que leur exactitude ne soit pas mise en doute. 
          Il est facile d'envisager l'essor que pourrait prendre l'extension de 
          l'oléiculture et surtout l'adoption par les indigènes, 
          et même par certains européens, de modèles de moulins 
          à huile munis de tous les perfectionnements modernes. 
          
          C'est dans la Kabylie principalement que la culture de l'olivier est 
          pratiquée : cette contrée merveilleuse, intensément 
          peuplée de montagnards travailleurs, sillonnée de routes 
          pittoresques, de chemins hardis le long de versants sauvages, offre 
          à la fois un champ merveilleux d'activité industrielle 
          et de possibilités touristiques. 
          
          Au pied de montagnes imposantes, dressant leurs pics neigeux à 
          des altitudes considérables, couverte d'épaisses forêts 
          encore hantées de bêtes fauves, cette région étale 
          aux yeux du voyageur une multiplicité de paysages, une diversité 
          de cultures, une quantité de souvenirs vraiment prodigieuses. 
          C'est dans ses défilés abrupts, dans ses éboulis 
          pierreux, qui retiennent les racines tordues des oliviers séculaires, 
          que se déroulèrent les épisodes sinon les plus 
          fameux, peut-être les plus héroïques de la conquête 
          de l'Algérie. Les beaux arbres pacifiques ont vu passer les héros 
          d'Icheriden, les braves ensevelis au Tombeau de la Neige, qui allaient 
          ériger en plein bled la redoute de Fort-Napoléon, aujourd'hui 
          Fort-National, que les vieillards fanatiques, navrés de leur 
          défaite, mais licrs de subir les conditions d'un vainqueur Ici 
          que les Français, surnommèrent le Fantôme-Blanc... 
          
          
          Faut-il, épousant les superstitions antiques, voir dans la présence 
          de l'olivier un signe de la volonté des Dieux qui ont fait de 
          la Kabylie, où il règne un peuplement nombreux, la province 
          d'Algérie la plus riche et la plus féconde ?
          
          Autant et davantage peut-être que n'importe quelle autre partie 
          de la Colonie, cette terre bénie exerce sur ceux qui l'ont connue 
          un charme dont on ne se libère pas. Pour celui qui veut entretenir 
          avec les indigènes des rapports de bon voisinage, qui sait les 
          traiter fermement mais justement, c'est le pays par excellence de la 
          vie libre et large, de la prospérité couronnant l'effort, 
          et quoi qu'on ait écrit, de la sécurité. 
          
          Au moment où le placement des capitaux devient pour ceux qui 
          les détiennent, un problème chaque jour plus compliqué, 
          l'exploitation rationnelle d'olivettes encore disponibles, la fabrication 
          de l'huile au moyen d'un outillage moderne, le traitement sur place 
          des crasses et des huiles sulfurées qu'on est obligé d'exporter 
          méritent de retenir l'attention des financiers avertis et d'être 
          étudiés de très près.