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          particulier.
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          LE MOUTON ALGÉRIEN 
        Le mouton est la véritable 
          spécialité de l'élevage algérien et son 
          principal appoint dans le grand commerce mondial de la viande. 
          
          L'Algérie possède trois races ovines : 
          Le mouton barbarin, 
          Le mouton berbère 
          Le mouton arabe. 
          
          Le mouton barbarin, quoique rustique et à engraissement facile, 
          a une mauvaise toison ; la queue énorme dépassant parfois 
          deux kilogrammes gêne les animaux dans leur marche et produit 
          un gros déchet en boucherie. La viande, suiffeuse, peu estimée 
          des Européens de la Colonie, est encore moins cotée dans 
          la Métropole. 
          
          Le mouton berbère, dont la taille, en général, 
          petite, varie un peu suivant la fertilité des milieux, a une 
          conformation défectueuse. La toison est de mauvaise qualité, 
          la viande peu estimée ; aussi doit-on croiser cette race et le 
          mouton barbarin, avec les ovins arabes - et ce sont ces derniers qui 
          doivent attirer toute notre attention. 
          
          En effet, le mouton arabe, c'est-à-dire le mouton du Sud, mérite 
          d'être conservé et amélioré, en raison de 
          sa grande taille, de sa conformation, de sa rusticité, de ses 
          qualités de bon marcheur, de sa viande, de sa laine et de son 
          aptitude à l'engraissement. 
          
          Il vit dans des pâturages où les moutons des autres pays 
          pourraient à peine subsister. Il est parfois précoce, 
          il n'est pas rare, en effet, de trouver des spécimens de 20 mois 
          qui, sans abri et sans nourriture spéciale, atteignent à 
          Marseille un rendement de 22 kilogs de viande nette. 
          
          On reproche à ces animaux d'être un peu trop hauts sur 
          jambes. Mais, ce défaut constitue dans la colonie une grande 
          qualité. Il dénote une sorte d'adaptation à la 
          vie. Enfin, on ne saurait, comme on ne le fait que trop souvent, établir 
          une comparaison entre l'élevage algérien et l'élevage 
          australien ou argentin. Nous ne sommes pas parvenus à ce degré 
          de perfection. 
          
          Si le mouton de ces pays d'exportation est universellement apprécié, 
          il le doit à un climat tempéré, à des pâturages 
          abondants, aux soins qu'il reçoit. Tel n'est pas le cas en Algérie. 
          
          
          La production ovine est subordonnée dans nos contrées 
          à un facteur qui échappe à tout calcul, nous voulons 
          dire, à la plus ou moins grande quantité d'eau qui tombe 
          aux bonnes saisons et suivant laquelle les pâturages sont abondants 
          ou maigres. 
          
          Aussi devons-nous conserver et rechercher avant tout des ovins rustiques 
          et bons marcheurs, pouvant, dans des pâturages souvent desséchés 
          et quelquefois privés d'eau, fournir des étapes de 30 
          à 40 kilomètres, tout en cherchant de ci de là 
          leur nourriture. 
          
          On comprend donc que, dans de telles conditions de vie, la première 
          qualité requise pour ces animaux soit d'être avant tout 
          d'infatigables marcheurs. 
          Ce n'est pas cependant qu'on n'ait tenté d'améliorer la 
          race par des croisements. 
          
          Dès le début de la conquête, on introduisit des 
          mérinos à Laghouat. Ils moururent en peu de temps, une 
          seconde tentative faite eu 1891 échoua complètement. Ces 
          ovins, mauvais marcheurs et mangeurs délicats, étaient 
          incapables de suivre le troupeau. 
          
          Ce croisement par le mérinos, dont l'idée remonte à 
          Bernis, avait été inspiré par l'hypothèse 
          que le mouton espagnol et le mouton de l'Afrique du Nord appartenaient 
          à une souche commune, le mouton emmené par les Arabes, 
          lors de l'invasion hilalienne. Hypothèse toute gratuite. Il est 
          plus probable en effet que, lors de leur intrusion dans l'Afrique du 
          Nord, les Arabes ont trouvé de nombreux troupeaux, améliorés 
          par l'élevage des Romains. Ceux-ci, en effet, avaient poussé 
          très loin leurs méthodes, et la Numidie était peuplée 
          d'immenses troupeaux, dont ils retiraient pour leur vêtement cette 
          fameuse laine blanche qu'ils affectionnaient particulièrement. 
          Ils en exportaient aussi, à la même époque, des 
          provinces espagnoles, irréfutable preuve que l'Espagne possédait 
          alors, également, des troupeaux déjà sélectionnés, 
          auxquels il eut été difficile que les Arabes aient dû 
          apporter la moindre amélioration. 
          L'origine commune du mouton mérinos et du mouton arabe repose 
          donc sur une base historiquement fausse. Il n'en reste pas moins vrai 
          qu'en dépit du peu de succès des premières expériences, 
          exécutées peut-être dans de mauvaises conditions, 
          de nombreux éleveurs ont obtenu d'appréciables croisements 
          de mérinos avec des ovins du Sud. L'amélioration du cheptel 
          du Sud au moyen de croisements par les mérinos espagnols ou de 
          la Crau serait donc possible, en procédant d'une manière 
          rationnelle. D'excellents résultats furent obtenus en 1914, à 
          Méchéria, avec quelques béliers mérinos 
          et des brebis hamyan. 
          La question n'en est pas moins discutée et les éleveurs 
          sont divisés sur ce point par deux thèses opposées. 
          Les uns soutiennent que les moutons du Sud Algérois doivent leur 
          supériorité au croisement avec les mérinos importés 
          par Bernis en 1851. 
          
          Les autres, s'appuyant sur l'histoire du cheptel algérien, répondent 
          que cette supériorité est due aux rigoureuses pratiques 
          de sélection et de castration ordonnées depuis 1863 par 
          les généraux Margueritte et Diétrie. sur les moutons 
          de Djelfa et pratiquées durant quatorze ans. 
          
          Disposant chacun d'arguments, les deux partis restent sur leurs positions 
          et la discussion est ouverte. 
          
          En vérité, l'échec de certaines tentatives de croisement 
          par mérinos d'Espagne ou de Crau ne saurait constituer une raison 
          flagrante pour que soit abandonné et condamné un moyen 
          d'amélioration du cheptel ovin algérien dont, en d'autres 
          points du territoire, certains éleveurs européens et indigènes 
          préconisent l'application. 
          
          Tout dépend des conditions dans lesquelles s'effectue ce croisement 
          et des réserves fourragères dont dispose le pays. 
          
          Aussi, la meilleure ligne de conduite à suivre semble-t-elle 
          de se tenir en un juste milieu. 
          
          Telle était l'opinion, avant la guerre, de plusieurs membres 
          de la Commission d'élevage. Elle demandait que l'amélioration 
          des ovins fût favorisée par croisements mérinos 
          pour l'élevage et fût encouragée d'une façon 
          spéciale dans le Tell et dans les territoires de colonisation, 
          mais que l'amélioration des troupeaux du Sud ne soit appliquée 
          qu'avec beaucoup de prudence et qu'en attendant l'on procédât 
          par sélection en désignant les meilleurs sujets existant. 
          
          Aujourd'hui, après de longues discussions, il apparaît 
          nettement que les méthodes d'amélioration doivent surtout 
          s'inspirer de la région où elles sont pratiquées. 
          Utile dans la région du Tell, le croisement par mérinos 
          est défectueux dans le Sud, où l'on doit recourir à 
          une méthode plus rigoureuse, celle de la sélection, qui 
          ne laisse se perpétuer que les éléments les plus 
          robustes de la race ovine. 
          Ainsi, par cette double méthode, espère-t-on entretenir 
          la prospérité du cheptel ovin algérien, dont l'exportation 
          constitue une des principales ressources du pays. 
          
          En effet, au cours de l'année 1920, l'exportation moutonnière 
          s'est élevée, pour les départements d'Alger, d'Oran 
          et de Constantine, à 824.850 têtes. 
          Mais il convient de dire que la disparition des ressources alimentaires 
          causée par le manque de pluie, avait causé de graves inquiétudes 
          aux propriétaires de troupeaux. Menacés de voir le bétail 
          mourir de faim, ils s'étaient hâtés de l'acheminer 
          vers les ports d'embarquement, sans tenir compte de l'état d'embonpoint. 
          Plus de 800.000 ovins furent ainsi dirigés sur Marseille, depuis 
          janvier jusqu'à fin décembre, fait unique, déclare 
          le rapport officiel, auquel nous empruntons ces documents, puisque l'exportation 
          ne se pratique jamais que de mai à septembre. 
          
          Ainsi, quoique déjà sérieusement exploitée, 
          cette immense source de revenus que constitue l'élevage pour 
          l'Algérie, ne l'est pas assez rationnellement. Il reste encore 
          de nombreux efforts à faire. Les progrès de la vie économique, 
          la situation nouvelle créée par l'extension de la Colonie 
          exigent que l'on apporte de nouvelles améliorations à 
          l'élevage des moutons. C'est là une question de la plus 
          haute importance qui touche à l'existence de l'indigène. 
          Car, dans certaines régions, le troupeau seul constitue toute 
          sa fortune. Il convient de lui conserver ce moyen d'existence. 
          
          La première des conditions pour obtenir de bons résultats 
          est d'assurer aux animaux une nourriture aussi abondante que possible 
          Cette condition ne pouvant être réalisée dans les 
          Hauts-Plateaux et les Territoires du Sud, il importe donc de favoriser 
          la transhumance. Pour ce, il est nécessaire de créer des 
          pistes, de faciliter l'accès du Sud aux propriétaires 
          soucieux d'inspecter leurs troupeaux, aux commerçants susceptibles 
          d'acheter sur place. Il est également nécessaire de créer 
          ou d'améliorer les points d'eau, d'installer des abris d'hiver, 
          simples charpentes recouvertes de diss ou d'alfa, de pourvoir à 
          l'alimentation pendant le froid ou la sécheresse. 
          Enfin, ce qu'il convient d'améliorer de l'avis de tous les éleveurs, 
          ce sont les transports par voies ferrées. Rappelons qu'en Argentine, 
          pays d'élevage sur lequel il faut prendre modèle, " 
          les bestiaux sont transportés dans des wagons spéciaux, 
          les stations de chemins de fer sont pourvues de réservoirs d'eau 
          contenant 100.000 litres, destinés à abreuver les trains 
          de bétail qui passent. Ces trains sont tous express, les délais 
          sont réduits au minimum. Enfin, la loi surveille plus rigoureusement 
          le transport du bétail que celui des voyageurs ". 
          
          Rappelons également qu'il existe des steamers, " véritables 
          étables flottantes à plusieurs étages qui peuvent 
          transporter des milliers de moutons à chaque voyage et leur faire 
          faire presque sans perte une traversée de vingt-deux jours ". 
          
          
          Pourquoi toute cette savante organisation ? Parce que les Argentins 
          sont animés d'un esprit d'initiative qui ne néglige rien 
          de ce qui peut augmenter le rendement de leur richesse nationale. 
          
          L'exploitation du cheptel ovin, mieux comprise, pourrait, de ressource 
          qu'elle est, devenir, en Algérie comme en Argentine, une véritable 
          richesse.