| Ce texte est extrait 
        du Journal de la Commune de Philippeville - Événements d'Algérie 
        pour la seule journée du tragique 20 août 1955.Le décompte macabre de ces pauvres victimes pour Philippeville 
        et son arrondissement fait état de 72 civils et 12 militaires.
 Dans la nuit du 19 au 20 août, tous les hommes de 
        la Carrière Romaine, carrière d'extraction de matériaux 
        située à quelques kilomètres de Philippeville, disparaissent.
 Au matin du 20, les ouvriers du domaine Grima " Clos Marie Roger 
        " de Damrémont se mettent en grève et forcent quelques 
        employés fidèles à cesser le travail. Ces meneurs 
        identifiés ont disparu.
 
 Dans le courant de la matinée, tous les taxis de Philippeville, 
        sauf un taxi européen, partent vers la périphérie.
 
 10 h 15 :
 Trois agents de la PRG ( Police Renseignements Généraux) 
        se présentent au commissariat central et déclarent qu'ils 
        viennent de faire l'objet, à la Carrière Romaine d'une agression 
        de la part d'une bande de rebelles. Des coups de feu ont été 
        échangés. Une patrouille de gardiens de la paix, d'inspecteurs 
        de la PI, les agents Chelli et Berges de la PRG et des parachutistes se 
        rendent immédiatement sur les lieux sous les ordres du commissaire 
        Filiberti. Cette patrouille est armée d'un fusil-mitrailleur et 
        de pistolets-mitrailleurs.
 
 En cours de route, elle intercepte deux camions, chargés de bombes 
        et de fûts d'essence et transportant des individus qui ouvrent le 
        feu sur les policiers. Les rebelles s'enfuient à travers champs 
        poursuivis par la patrouille. De nombreux rebelles viennent se joindre 
        aux fuyards. Les policiers tiennent environ deux heures, mais menacés 
        de succomber sous le nombre, ils se replient après avoir incendié 
        les deux camions et sans subir de pertes.
 Par contre, les hors-la-loi laissent sur le terrain huit morts et emmènent 
        leurs blessés. Un pistolet automatique 6,35 est récupéré 
        sur l'un des tués.
 
 11 h 30 :
 Sensiblement au même endroit, un groupe d'une quinzaine d'individus 
        armés tire sur un propriétaire européen mais prend 
        la fuite devant les policiers, parachutistes et CRS revenus sur les lieux 
        avec le commissaire Filiberti. Deux blessés parmi les rebelles 
        réussissent à disparaître dans les vergers.
 11 h 55 :
 
 En ville, le calme a régné toute la matinée. La population 
        vaque à ses occupations l'esprit en paix. Dans les bureaux et commerces 
        on se prépare à fermer les portes, quand soudain éclate 
        une action généralisée des hors-la-loi qui semblent 
        prendre à partie tout d'abord les policiers et certains locaux 
        de la police (à noter que les militaires sont consignés 
        depuis le matin dans les cantonnements militaires de l'état-major 
        de la 41e DBP).
 Le commissariat du 2e arrondissement et le cantonnement des CRS sont attaqués 
        par une bande rebelle qui est repoussée.
 
 A la même heure quelques coups de feu sont tirés par un individu 
        sur le bâtiment de la PRG; mais le tir du fusil-mitrailleur, placé 
        sur la terrasse du commissariat central, oblige l'agresseur à prendre 
        la fuite.
 
 Au même moment, le quartier indigène, la Cité indigène, 
        le Mamelon Négrier, les rues de la Porte des Aurès et Tissot, 
        les rues Palestro, du Ravin de Paris sont le théâtre d'actes 
        de terrorisme : maisons assaillies par les rebelles qui brisent portes 
        et fenêtres à l'aide de hachettes. Des coups de feu (mitraillettes 
        et fusils de chasse), des explosions de bombes viennent jeter la perturbation 
        dans ces quartiers.
 
 Plusieurs personnes sont atteintes.
 
 Dans le quartier indigène, des coups de feu tirés des fenêtres 
        de certains immeubles occupés par des musulmans atteignent quatre 
        gardiens de la paix MM. Bentz et Benrelem gravement atteints et MM. Gauthier 
        et Blanes, plus légèrement blessés aux mains.
 
 12 h 05 :
 Le terrain d'aviation de Philippeville-Valée est attaqué. 
        Le quartier de l'Espérance subit l'assaut des rebelles.
 
 12 h 15 :
 Nous apprenons que Saint-Charles et Collo attaqués demandent des 
        renforts. Des rebelles tirent du Skikda sur le C.E.S.
 
 12 h 20 :
 Un groupe de hors-la loi décroche du Skikda et contourne le mamelon 
        en se dirigeant vers la gare ou vers le terrain d'aviation.
 
 12 h 30 :
 Valée attaqué demande des renforts. Des incendies sont allumés 
        par les hors- la-loi en plusieurs points de la ville.
 
 12 h 35 :
 La villa du docteur De Lorgeril, au Beni Melek, 3 km à l'ouest 
        de Philippeville, est assiégée et son propriétaire 
        blessé légèrement. Elle est dégagée 
        par l'armée. Trois rebelles sont abattus.
 
 12 h 37 :
 La section de gendarmerie de Philippeville est attaquée. A la même 
        heure nous apprenons que celle d'El-Arrouch l'est également.
 Durant ce temps, dans une grande partie de la ville, grenades, bombes 
        et coups de feu. La bataille fait rage entre les rebelles et les forces 
        de l'ordre (armée, police, CRS). Un sous-officier est tué.
 
 13 heures :
 La PJ fait connaître que le col des Oliviers attaqué demande 
        des renforts.
 Des militaires blessés sont conduits à l'hôpital. 
        Un violent engagement, continue en pleine ville, où un groupe de 
        rebelles s'est retranché dans un café maure de la rue de 
        France, derrière l'Hôtel du Commandant d'armes. Les hors-la-loi 
        résistent jusqu'à l'anéantissement.
 
 13 h 25 :
 Des incendies sont signalés à la carrière de marbre 
        et à la mine de pyrite d'ElHalia.
 
         
          | Les victimes Mine d'El-Halia : Mme Yvonne, Madeleine Napoleone, 
              née Atzéï, 20 ans; MHe Marie-Louise Atzeï, 
              27 ans; M. Emmanuel Atzeï, 55 ans; M. Sylvain Atzeï, 28 
              ans; M. Daniel, Emmanuel Napoleone, 8 mois; Mme Conception Scaffardi 
              épouse Emmanuel Atzeï; Mme Vve Noëlie, Antonia, 
              Regina Crepin, née Chapuis, 68 ans; M. Roger, René 
              Crepin, 34 ans; Mme Vve Ernestine, Marthe Clérin, née 
              Crepin, 44 ans; M. Henri Defrino; M. Louis, Nicolas Gaudioso, 50 
              ans; Mme Clorinde, Caroline Degand, 61 ans; Mme Victorine Pusceddu, 
              née Scaforto, 43 ans; M. Pierre Scaforti; Mme Rose Brandy, 
              née Canavera, 33 ans; M. Roger Brandy, 15 ans; M. Paul Brandy, 
              40 ans; M. Julien Hundsbitchler, 38 ans; Mue Maryline Monchatre; 
              M. Yves Monchatre; M. Henri Monchatre; M. Julien Marie Menant, 56 
              ans; Mme Marcelle Menant, née Marqués, 46 ans; Mme 
              Lucrèce Russo, née D'Agro, 49 ans; Mlle Josyane D'Agro, 
              12 ans; M. Armand Paiou; Olga Pusceddu, 13 ans; M. Julien, Edmond 
              Pusceddu, 20 ans; M. Martial, Joseph, Michel Varo, 25 ans; M. François 
              Rodriguez; Mile Jacqueline Rodriguez; Mlle Marie Rodriguez; M. Henri 
              Rodriguez; M. Armando Pusceddu.
 Carrière de marbre du Fil-Fila: M. Joseph Zabatta, 
              25 ans.
 
 Carrière Romaine: M. Jean Côme Renucci, 50 ans; 
              M. François Renucci, 55 ans; M. Lucrétius Zahra, 56 
              ans.
 
 Philippeville-ville: M. Jules Graillat.
 
 Décédés des suites de blessures: Mme Monchatre 
              (El-Halia); Mme Victorine Pugliese, née Deniau, 67 ans; Mlle 
              Gisèle, Georgina Michaël, 11 ans (de Lannoy); M. Henri 
              Mengual, 56 ans (de Robertville); Mme Alexandrine Santini, née 
              Montacie (de Robertville); M. Louis Emile Pellier, 57 ans.
 
 Militaires : M. Irénée Duverney-Prêt, brigadier 
              de CRS, 35 ans; sergent-chef Joseph Michel Leste, 1/ler RCP, 27 
              ans; sergent Jacques Auroy, C.E.S. n° 1, 26 ans; caporal-chef 
              Jacques Guérin, ler RHP, 21 ans; caporal Madani Lebguiret, 
              GMPR; gendarme André Morin de la brigade de Philippeville; 
              gendarme Théophane Nauleau du peloton 9/4 bis de gendarmerie 
              de Philippeville; brigadier Jean-Pierre Bersezio, 1Ce RHP; sergent-chef 
              François Mercuri du 1/18e RIPC; chasseur de 2e classe Jean 
              Schmitt du 1/18e RIPC; brigadier Alberto Gamba du 35e RALP; brigadier-chef 
              Jean Maldomado de la 75e CRD.
 
 Saint-Charles: M. Jean Monti; M. Paul Grima; M. Zammit; M. 
              Georges Schembri; M. Betoulle; M. Haïm Benchetri; Mme Benchetri; 
              deux enfants Benchetri; M. Dimeglio; M. Barbato.
 
 Collo : M. Francis Vitiello.
 
 Lannoy: M. Michaël; Mlle Germaine Catuogno (de Stora).
 
 Robertville: M. Manès, 82 ans; Mme Manès, 72 
              ans; M. Feller G.
 
 On déplore également un disparu, M. Claude Serra à 
              la mine d'El-Halia, des blessés : MM. Alfred Larrivière, 
              Ergo Capitani, Jean-Pierre Clerin, de Haro, Gaudino, Roland Pusceddu, 
              Mmes D'Agro, Jeanne Brandi née Pusceddu, Mies Aline Clerin, 
              Nicole Brandi, tous d'El-Halia, MM. Jean Maltera de Philippeville, 
              Lucien Teuma, sapeur-pompier, adjudant-chef Maurice Giraud
 
 |  13 h 40 :Une bande de 80 rebelles s'infiltre entre l'hospice et la gendarmerie. 
        Quatorze rebelles se retranchent, rue de Paris, dans une maison occupée 
        par des musulmans. Les youyous des femmes stimulent l'ardeur des hors-la-loi. 
        Les militaires et les gardiens de la paix en font le siège pendant 
        plus de quatre heures, faisant usage de gaz lacrymogènes et de 
        grenades. Un militaire est blessé, l'adjudant-chef Maurice Giraud 
        de l'état-major de la 41e DBP.
 
 Tous les rebelles sont abattus.
 
 Venant des djebels environnants, de la Carrière Romaine, de la 
        mechta Zef-Zef par vagues successives, les rebelles se regroupent Porte 
        des Aurès où ils forment des groupes de quinze à 
        vingt hommes qui descendent vers la ville le long des remparts, protégés 
        par une arme automatique (vraisemblablement un PM).
 
 Une véritable bataille de rues est engagée dans le quartier 
        indigène.
 
 13 h 55 :
 La gendarmerie prévient que la mine d'El-Halia a été 
        attaquée et qu'il y a de nombreux morts et blessés.
 
 Le garde-forestier d'Oued Ksob signale le cadavre d'une femme européenne 
        sur la route de la mine.
 
 Durant de longues heures, la bataille se poursuit. La fumée des 
        incendies de voitures automobiles plane sur la ville.
 Peu à peu les coups de feu s'éteignent.
 
 Vers 19 heures, le calme est revenu. Quelques autos circulent. Les habitants 
        qui étaient bloqués dans certains quartiers regagnent leur 
        domicile. De nombreux groupes de rebelles prisonniers sont conduits au 
        stade Paul Cuttoli.
 
 Les unités de la 41e DBP, consignées à Philippeville 
        ainsi que celles du 2/18e RIPC de Saint-Antoine ont été 
        engagées dès le début de l'action.
 
 Certains groupes rebelles n'ont pu être anéantis qu'au bout 
        de cinq heures de combat.
 
 La population urbaine a été très favorablement impressionnée 
        par la réaction rapide, brutale et efficace des forces du maintien 
        de l'ordre. La satisfaction qu'elle a éprouvée lui a même 
        caché le danger qu'elle avait couru. Il est indéniable, 
        en effet, que l'action des rebelles était bien orchestrée, 
        largement pourvue de moyens en personnel et en matériel, bénéficiant 
        d'une aide massive de la population indigène. Il semble seulement 
        que les actions ont été moins bien commandées qu'elles 
        n'étaient préparées. Dans plusieurs cas - en particulier 
        le " Fort Chabrol " du café Redjem - les exécutants 
        paraissaient sacrifiés et livrés à eux-mêmes.
 
 Mais l'opinion devait déchanter très vite en apprenant les 
        très lourdes pertes subies par la population européenne 
        de la mine d'El-Halia, s'ajoutant à des massacres commis sur les 
        routes et villages de l'arrondissement. La découverte des corps 
        de femmes et d'enfants affreusement mutilés a causé une 
        émotion considérable, gagnant très vite les fermes 
        et centres isolés.
 
 Dans la nuit du 20 au 21 août 1955, seule une ferme de la Carrière 
        Romaine, occupée par dix Européens armés de fusils 
        de chasse, est attaquée par un groupe de rebelles qui se replie 
        en abandonnant un tué et un fusil de chasse.
 
 Le dimanche 21 août 1955 à 14 heures, une nouvelle alerte 
        met en émoi la population. Des coups de feu sont tirés dans 
        les hauts quartiers de la ville et dans le quartier indigène. Des 
        rebelles qui avaient cherché refuge dans certaines habitations 
        occupées par des musulmans essayaient de gagner le maquis. Les 
        points névralgiques furent cernés par les forces de l'ordre 
        qui ripostèrent immédiatement.
 
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