agriculture et arboriculture en Algérie avant 1962
VENDANGES ALGERIENNES

Après le pessimisme l'optimisme.

Il y a quelques semaines à peine, les propriétaires-viticulteurs paraissaient fort soucieux et difficilement abordables par suite de l'effondrement des cours des vins, de la mévente qui en résultait et de la perspective d'une nouvelle récolte à loger, alors que les cuves étaient pleines de celle de l'année précédente.

Tout le commerce algérien se ressentait de ce malaise. Les affaires présentaient un arrêt absolu et les voyageurs qui visitaient la clientèle viticole ne notaient plus d'ordre. On ne voyait plus, sur les routes, les gros camions de transport véhiculant des fûts. Les entrepreneurs de labour se trouvaient en plein chômage. Les maladies d'estomac, de reins, de foie, la goutte, les rhumatismes n'existaient sans doute plus, car personne ne parlait de cures à Evian, Vichy, Vittel, ou ailleurs. On se contentait, le soir venu, d'écouter Radio-Alger et autres radio-concerts.

Les viticulteurs passaient de sombres journées dans leur villa ou maison d'habitation, espérant toujours une amélioration des cours. Certains d'entre eux, de nos amis, gardèrent cependant une confiance inébranlable. Est-ce le pressentiment des événements qui devaient se produire, est-ce une foi aveugle en les destinées heureuses de la terre algérienne, ils conservèrent intact leur optimisme de jadis.

Bref, c'était tout de même le marasme complet.

Depuis la hausse, la reprise des transactions sur les vins, la perspective d'une bonne récolte, la physionomie des choses précitées a changé du tout au tout.

L'optimisme le plus joyeux a fait place aux jours sombres et le commerce en général reprend de son activité. Comme les escargots après les premières pluies, les voyageurs et courtiers reprennent avec une nouvelle ardeur leurs visites et sont reçus avec plus d'aménité.

Afrique du nord illustrée du 30-8-1930 - Transmis par Francis Rambert
mai 2021

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Les Vendanges

Après le pessimisme l'optimisme.

Il y a quelques semaines à peine, les propriétaires-viticulteurs paraissaient fort soucieux et difficilement abordables par suite de l'effondrement des cours des vins, de la mévente qui en résultait et de la perspective d'une nouvelle récolte à loger, alors que les cuves étaient pleines de celle de l'année précédente.
Tout le commerce algérien se ressentait de ce malaise. Les affaires présentaient un arrêt absolu et les voyageurs qui visitaient la clientèle viticole ne notaient plus d'ordre. On ne voyait plus, sur les routes, les gros camions de transport véhiculant des fûts. Les entrepreneurs de labour se trouvaient en plein chômage. Les maladies d'estomac, de reins, de foie, la goutte, les rhumatismes n'existaient sans doute plus, car personne ne parlait de cures à Evian, Vichy, Vittel, ou ailleurs. On se contentait, le soir venu, d'écouter Radio-Alger et autres radio-concerts.

Les viticulteurs passaient de sombres journées dans leur villa ou maison d'habitation, espérant toujours une amélioration des cours. Certains d'entre eux, de nos amis, gardèrent cependant une confiance inébranlable. Est-ce le pressentiment des événements qui devaient se produire, est-ce une foi aveugle en les destinées heureuses de la terre algérienne, ils conservèrent intact leur optimisme de jadis.

Bref, c'était tout de même le marasme complet.

Depuis la hausse, la reprise des transactions sur les vins, la perspective d'une bonne récolte, la physionomie des choses précitées a changé du tout au tout.
L'optimisme le plus joyeux a fait place aux jours sombres et le commerce en général reprend de son activité. Comme les escargots après les premières pluies, les voyageurs et courtiers reprennent avec une nouvelle ardeur leurs visites et sont reçus avec plus d'aménité.

De lourds camions de vin sillonnent toutes les routes. Les défonceuses entament un peu partout et profondément de nombreux hectares de terre. Les dyspepsies, gastralgies, gastrites, hépatites et autres maladies du foie, des reins ou d'articulation ont fait leur apparition annuelle mais retardée. Nombreux sont, en effet, les propriétaires qui se sont vus obligés d'aller faire une cure dans les villes d'eaux appropriées à leur cas.

Les vendangeurs.

Le temps particulièrement favorable à une bonne bonne prompte maturation a avancé le commencement des vendanges. Dans de nombreuses propriétés du littoral et de la plaine l'activité bat déjà son plein.

Au cours de voyages dans le département, nous nous sommes arrêtés en différents endroits pour assister aux joyeuses scènes de vendanges qui se déroulent généralement dans l'allégresse.

A l'intention de nos lecteurs nous avons fait prendre une série de photographies qui illustreront les quelques lignes qui vont suivre.

Les procédés modernes.

Que nous sommes loin des méthodes de jadis, méthodes que nous voyons encore utiliser dans certaines régions méridionales de la Métropole !
Une cave algérienne est une véritable usine où les procédés les plus modernes de vinification ont contribué à l'excellente réputation de nos vins. Les vendanges sont elles-mêmes industrialisées afin d'obtenir, avec un gros rendement, un produit de qualité.

La culture de la vigne mériterait, d'abord et à elle seule, un long chapitre, car les colons algériens savent utiliser les plus récents perfectionnements de la motoculture spécialement adaptée aux vignobles.

Un coup d'œil sur ces derniers et on remarque en plus de la magnifique végétation la belle ordonnance de plantations longuement espacées pour permettre que tous les travaux se fassent mécaniquement et par tracteurs. On admire également la belle tenue des terres qui, jusqu'aux vendanges, sont scarifiées et où l'on ne voit pas une herbe.

Mais occupons-nous pour aujourd'hui uniquement des vendanges.

Le recrutement des vendangeurs.

Avec la pénurie actuelle et générale de main-d'œuvre, le recrutement des vendangeurs est devenu une chose laborieuse et même difficile surtout pour les grands domaines où il faut plusieurs centaines d'hommes.
Nombreux sont les propriétaires du département qui vont chercher le personnel dont ils ont besoin en Kabylie, dans les monts du Djurdjura, du Dahra, de l'Ouarsenis ou la plaine du Chéliff.
Dans ces régions, il y a certains indigènes qui se sont spécialisés comme intermédiaires dans ce recrutement et qu, moyennant une prime, procurent dix, vingt, cinquante ou plusieurs centaines d'hommes suivant les contrées.
Chaque équipe est dirigée par un chef bénévolement reconnu par ses compagnons et qui seul discute les conditions de travaux et d'embauche.
Ces équipes sont ensuite transportées sur les lieux de travail, aux frais du propriétaire, par camionnettes, camions auto ou chemins de fer.
Elles sont logées dans la ferme ou ses dépendances. Un des leurs est désigné par eux pour assurer le ravitaillement et faire la cuisine, quand il y a lieu.
Nous disons bien quand il y a lieu, car leur nourriture principale est le raisin. Certains propriétaires ou chefs de culture nous ont affirmé que chaque vendangeur mangeait, en moyenne et par jour, de trois à quatre kilogs de raisin !
Pour une cure de fruits frais, c'en est une !...

La façon d'opérer.
Les vendangeurs sont répartis par chantiers.

Dans de nombreux vignobles on met deux coupeurs par rang qui alimentent le porteur de hotte. Ce dernier transporte son contenu à la pastière qui s'arrête dans les " tournières ". Dans les grands domaines, et comme le montre une de nos photos, ce sont des ânes qui, portant deux hottes, circulent dans les rangs et viennent remplir les pastières. On remarquera sur cette gravure le système de balancier amovible, fixé sur la pastière, pour faciliter le déchargement des ânes.
Chaque chantier est placé sous la surveillance d'un chef dont on entend fort souvent les interpellations.
Les pastières.
En ce qui concerne les pastières et suivant l'importance de la propriété et la richesse en chevaux, mulets, bœufs ou tracteurs, on emploie des véhicules de différentes capacités.
Dans le domaine où nous avons pris la plupart des photographies, on emploie près de 1.000 vendangeurs et ouvriers et- plus de 80 pastières sont en travail. Les capacités varient entre 12 et 15 quintaux pour celles tirées par les bêtes. Celles remorquées par tracteur à chenilles transportent d'un seul coup 45 quintaux environ et font trois à quatre fois plus de voyages que les autres, à cause surtout de leur rapidité et de la facilité d'évolution.
L'arrivée des pastières à la cave est ordonnée par un européen spécialisé qui, suivant les cépages, fait déverser dans des conquêts différents.
Des conquêts les raisins passent dans les fouloirs-égrappoirs rotatifs à grand débit qui envoient les grains foulés et le jus à la pompe à moûts et rejette les grappes, absolument et proprement dépouillées, sur un chemin roulant où elles sont dirigées vers un pressoir hydraulique.
La pompe à moûts refoule, suivant la nature des raisins, la qualité et la couleur des vins que l'on veut obtenir, soit directement dans les cuves de fermentations soit au préalable sur des égouttoirs.
La cave elle-même présente au milieu de bruits une activité fébrile. On se rend compte que tout a été préparé soigneusement pour donner au vin cette grande sécurité qu'est la propreté.
Dans les cuves, où domine le bouillonnement des moûts et d'où s'échappent des émanations capiteuses qui grisent rapidement le visiteur, s'élabore le pur nectar de Bacchus.
La campagne algérienne a repris désormais sa belle physionomie d'autrefois. En cette saison où les chaleurs commencent à devenir moins fortes, où les vignobles sont ventés par une brise plus fraîche, le spectacle des vendanges dans la plaine et sur les coteaux marquent la joie nouvelle du travail heureux.
F. N. B.