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" Algeria " en particulier.
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LE JARDIN DE LA FRANCE
Au temps où, chargées
de céréales, les lourdes galères romaines fendaient
les flots méditerranéens, amenant vers les terres glorieuses
du Latium les produits de la blonde Cérès, la fertilité
d'un sol généreux, l'abondance de ses fruits précocement
mûris aux rayons caressants d'un soleil clément, la richesse
des ressources agricoles et une certaine impression d'intarissable fécondité,
tout cela concourait à justifier dans l'esprit des populations
latines le renom de Grenier de l'Empire dont jouissait à cette
époque l'Afrique du Nord.
Ce renom, elle ne l'a pas perdu. Il convient même de dire que
la colonisation française lui a donné un nouvel éclat.
Derrière les armées conquérantes qui refoulaient
les masses barbares dont le pillage et l'incurie avaient compromis la
richesse de cette terre merveilleuse, nos colons rappelèrent
l'ancienne prospérité. Ils firent même plus. Autour
de l'antique grenier, ils réservèrent de vastes espaces
à des cultures plus délicates et plus choisies. Aussi
est-il encore plus juste, lorsque l'on considère à côté
de ces principales exportations, telles que le vin, le blé et
les moutons, les produits de moindre importance qu'elle envoie à
la métropole, d'appeler l'Algérie le Jardin de la France.
Là poussent à l'envi, dans des terrains propices, pommes
de terre, artichauts, haricots verts, tomates, petits pois et un grand
nombre d'autres légumes qui, pour être moins nécessaires
à l'alimentation générale, n'en sont pas moins
appréciables.
Et, en marge des cultures maraîchères, objets de soins
diligents, poussent librement les citronniers, les orangers et les mandariniers,
que ceignent de vastes étendues de vigne ou des allées
de figuiers opaques, dont les fruits violets semblent des lambeaux d'ombre
de la nuit dernière emprisonnés par le feuillage.
Ainsi Demeter féconde prodigue à ses enfants les produits
essentiels des repas, leur agrément et leur parure.
C'est surtout sur les bords tempérés de la mer ou dans
les plaines profondes, que protègent les reliefs montagneux du
Sahel, que poussent les légumes.
La douceur et la régularité du climat, l'absence presque
complète de gelées, la constitution géologique
du sol formé d'alluvions légères et de date récente
d'ingénieux systèmes d'irrigations régulières
suppléant aux problématiques chutes de pluie, les conduisent
à une maturité précoce.
Or, de plus en plus, les primeurs sont réclamés pour les
besoins des pays tempérés. La cuisine française
s'en montre très friande. Ne tire-t-elle pas d'eux son renom
mondial auquel les fêtes organisées par le Touring-Club
de France vont redonner un nouveau lustre ?
L'importance économique des primeurs dépendant étroitement
des moyens de transport, n'a cessé de s'accroître à
mesure que s'affirmait le perfectionnement de ceux-ci.
Aussi, toutes les régions d'Alger, d'Oran et de Philippeville
leur doivent-elles en partie leur activité et leur prospérité.
La proximité des ports leur facilite le recrutement de la main-d'uvre
nécessaire pour leur culture et pour l'expédition.
Le commerce des primeurs se range donc en bonne place parmi les nombreuses
ressources de l'Algérie. On peut d'ailleurs en juger par l'exposé
du chiffre des exportations que nous choisirons à dessein dans
les années normales d'avant-guerre, afin de leur garder leur
réelle importance.
Les statistiques officielles que nous donne la Situation générale
de l'Algérie accusent qu'au cours des années 1911, 1912
et 1913 on a exporté une moyenne de
253.459 quintaux de pommes de terre,
76.900 - d'artichauts,
60.370 - de haricots verts,
64.491 - de tomates,
25.538 - de petits pois.
La guerre a fortement contrarié la culture de ces primeurs. Aussi
constate-t-on, durant les années de 1914 à 1918, un profond
fléchissement.
C'est à partir de 1919 seulement que se manifeste la reprise.
Au cours de 1920, le commerce d'exportation des fruits et des primeurs
a été en progression sensible sur celui de l'année
précédente.
"Ce mouvement d'exportation, nous dit l'exposé de la Situation
générale, n'a pas suivi, cependant, une courbe ascendante
aussi élevée que celle qu'on aurait pu espérer.
Cela tient sans doute au déficit des récoltes par suite
de la sécheresse et aussi aux cours plus élevés
pratiqués sur les marchés de la Colonie qui ont retenu
dans le pays même la plus grande partie de ses produits. Aussi
les quantités de primeurs, exportées demeurent-elles inférieures
à celles qui étaient expédiées avant la
guerre. "
On constate cependant un relèvement encourageant sur les chiffres
de 1919.
C'est ainsi que nous voyons l'exportation des pommes de terre passer
de 78.709 quintaux à 128.539. Celle des artichauts, de 21.359
quintaux à 26.950. Celle des tomates de 16.903 quintaux à
20.854. Seules celle des petits pois et des haricots verts a fléchi,
la première de 11.900 quintaux à 10.697, la seconde de
5.156 à 4.519 quintaux.
Mais l'Algérie n'est pas seulement un jardin, elle est aussi
un verger dont les fruits sont recherchés par les gourmets et
pour la confiserie.
Ce qui fait le charme de certains paysages algériens qu'apprécient
particulièrement les touristes, à cause de la poésie
qui émane de cet arbre élégant, aux formes arrondies,
au parfum pénétrant, c'est l'oranger. Importé par
les Arabes dans le bassin méditerranéen, originaire de
Chine, l'oranger a trouvé sur le littoral africain des sites
qui lui conviennent admirablement. Les indigènes, qui ne savaient
pas établir des abris artificiels, n'ont planté des orangers
que dans des endroits particulièrement protégés
contre les grands vents, nuisibles, comme on le sait, à la floraison.
C'est surtout dans les gorges et à la base des montagnes qu'ils
avaient établi de nombreuses plantations. Nous les avons étendues.
Nous pourrions même les étendre encore davantage et transformer
l'Afrique du Nord en un véritable jardin des Hespérides.
Déjà les orangeries de Blida sont célèbres
dans le monde entier, et le grand poète Lamartine lui-même
aimait, sur ses vieux jours, attristés par la misère,
à se délecter de la saveur des beaux fruits d'or qu'on
lui expédiait d'une orangerie réputée, aujourd'hui
envahie par des constructions, l'orangerie du Tapis-Vert.
Quant à la mandarine, elle est d'introduction récente.
Au commencement du XIXème siècle elle était une
curiosité dans les jardins botaniques italiens. Ce n'est que
depuis 1850 que sa culture s'est étendue. Or, depuis quelques
années, le marché lui est particulièrement favorable.
L'Algérie en détient presque le monopole d'exportation
pour la France. Les citrons, les cédrats n'ont, à ce point
de vue, qu'une importance secondaire.
Au cours de l'année 1920, les chiffres d'exportation se sont
sensiblement relevés. De 34.954 quintaux en 1919, ils ont passé
à 36.590 pour les oranges et les citrons. De 89.630 quintaux
pour les mandarines en 1919, ils sont montés à 93.581
quintaux l'année suivante.
On voit donc par ce simple exposé l'importance, du commerce des
primeurs en Algérie. Nul doute que l'intensification des cultures,
les progrès de l'irrigation, les perfectionnements apportés
à l'expédition et surtout la construction de bateaux spécialement
aménagés pour ces sortes de transports, ne contribuent
un jour à accroître le chiffre des exportations, et alors,
par delà l'étendue azurée de la mer, l'Algérie
apparaîtra ce jour-là à la France comme le pays
des fruits d'or et des roses vermeilles.