Voyageurs qui parcourez l'Algérie et la Tunisie
et en glanez les plus belles images, avez-vous jamais pensé en
visitant une palmeraie, à Biskra, à Tolga, à Tozeur,
à Nefta ou sur la ligne du petit train blanc du désert,
qui, s'en allant vers Touggourt, traverse les oasis de M'Raïer, de
Djamâa, que le palmier n'est pas seulement le plus beau motif de
la décoration puissante du Sahara, mais qu'il en est encore le
symbole de vie, ? Le palmier, trésor du désert_. Il le fut
toujours en Algérie, en Tunisie, au Maroc, en Tripolitaine, dans
toute cette Afrique du Nord que, au Moyen-Age, alors qu'elle commerçait
déjà très activement avec Marseille, l'on désignait
sous le nom commun et terrifiant de Barbarie. Et, bien au delà
encore, on retrouve, dans les textes et les monuments anciens, les traces,
non seulement de la culture du palmier-dattier, mais du culte que les
populations africaines ont toujours voué à cet arbre, roi
des régions désertiques, où rien ne vit et ne fait
vivre que lui, où rien ne passait, jadis, que les caravanes de
nomades aux pas lents de leurs chameaux.
Et, plus loin encore, en remontant jusqu'à l'origine
du monde, ne découvre-t-on pas cette jolie légende ? Les
lieux où la tradition place le paradis terrestre ont toujours été
plantés de palmeraies naturelles, ce qui a fait dire à certains
historiens que le fruit, cause du péché originel, serait,
non une pomme, mais une datte.
Des oasis naturelles, l'Afrique du Nord en eut toujours aussi. Stéphane
Gsell, dans les chapitres de son Histoire ancienne de l'Afrique du Nord,
consacrés aux Royaumes Indigènes et à la Vie économique
de Carthage, l'a montré : " Il existait pourtant des lieux,
écrit-il, les oasis-disséminées au Sud de la Berbérie,
où la vie sédentaire avait pour condilon la culture d'un
arbre -fruitier, le palmier-dattier. Par-dessous, on pouvait faire venir
d'autres arbres à fruits, et aussi du blé et de l'orge,
en employant la houe du jardinier, non la charrue du laboureur. "
Gustave Boissière, qui fut. Recteur de l'Université
d'Alger, et consacra sa thèse de doctorat ès-lettres à
,une Esquisse d'une Histoire de la conquête et de l'administration
romaines dans le Nord de l'Afrique, ouvrage qui devint sa précieuse
Algérie Romaine, que Gaston Boissier et M. Louis Bertrand citent
avec respect, a noté, comparant en Afrique du Nord l'action de
Rome et l'action de la France, qu'aux uvres antiques, les maîtres
actuels de l'Algérie peuvent opposer déjà de glorieux
travaux. Ayant dit comment nous cherchons, partout, à retenir les
eaux fugitives, et qui nous échappaient naguère, il ajoute
: " Dans le désert, nous faisons plus encore : nos puits artésiens
fécondent le sable même et font sortir du sol, comme pour
s'épanouir, au joyeux étonnement des indigènes, ces
îles de verdure, ces riches oasis dont les mille palmiers, le pied
dans l'eau et la tête au soleil, abritent encore, de leurs longues
branches, toute une végétation luxuriante, et que Pline
décrivait ainsi dans un tableau exquis de couleur et de variété
: " Fons abundat, largos quidem, sed certis horarum spatiis dispensatur
inter incolas. Palmoe ibi proegrandi subditur olea, huic ficus, fico Punica,
illi vitis : sub vite seritur frumentum, mox legumen, deinde olus ; omnia
eodem anno ; omniaque aliena ambra aluntur ". Comment essayer de
traduire cette netteté, cette précision, et comme ces rac-courcis
de cette admirable langue latine ! ajoute Gustave Boissière. L'eau
ne manque pas dans l'oasis, dit Pline, mais elle ne s'y gaspille point
; chaque habitant n'en jouit que pendant un nombre d'heures déterminé.
A l'ombre du palmier superbe, s'élève l'olivier, sous l'olivier,
le figuier, puis le grenadier et la vigne ; la vigne à son tour
abrite le blé et les légumes ; et tout cela rend la même
année, tout cela pousse sous l'ombre mutuelle. Comment rendrait:
on mieux ce fouillis délicieux de verdure, d'ombre ensoleillée,
de branches entrelacées, de feuilles de toute sorte, ce murmure
d'eau qui court, ce vert éblouissant et cette tiède fraîcheur
?
Mais Pline l'Ancien, ce bon officier qui fut aussi un bon administrateur
et, dans ses oeuvres, dans son Histoire Naturelle, en trente-sept livres,
en particulier, un excellent compilateur au style rapide et souvent négligé,
n'est pas le seul auteur de l'antiquité qui ait écrit sur
les dattes et qui ait laissé, des oasis, un tableau toujours aussi
juste et aussi complet. Hérodote, dans tels fragments de ses Histoires
et, cent ans après lui, Théophraste, disciple d'Aristote,
dans son Histoire des Plantes, avaient déjà insisté
sur la valeur économique du palmier-dattier, que les anciens ne
négligeaient pas, bien que, à lire ces vieux auteurs, et
à en croire leur commentateur Stéphane Gsell, il ne s'agît
alors que de dattes ne se conservant pas et devant être consommées
sur place.
Les témoignages des stèles, des monuments et des monnaies
renforcent les témoignages littéraires. Stéphane
Gsell a encore noté que " un palmier est fréquemment
représenté sur des stèles puniques, à la partie
inférieure de la pierre, tantôt isolé, tantôt
flanqué de deux signes de Tanit, ou de deux caducées. Deux
de ces arbres encadrent parfois une main, un brûle-parfum, un vase.
Le palmier devait avoir un sens symbolique, que nous ne saurions préciser.
Plus tard, il garnit encore le sommet de quelques ex-voto. Un ex-voto
carthaginois nous montre un personnage, et non un singe, grimpant à
un palmier femelle pour y porter le pollen recueilli de l'arbre mâle
et assurer ainsi la fécondation ". Les ouvriers indigènes
de nos palmeraies méthodiquement cultivées ne font point
autrement.
Ailleurs, étudiant l'Histoire économique de Carthage, Stéphane
Gsell a observé que " un palmier-dattier est souvent figuré
sur les monnaies puniques; on sait qu'il s'agit d'une sorte d'arme parlante,
phoenix, ou phoïnix signifiant en grec à la fois dattier et
phnicien. Pas plus que cette image, les palmiers tracés sur
de nombreux ex-voto ne prouvent que la culture du dattier ait eu, pour
les Carthaginois, une grande importance. Dans les régions qui furent
soumises à la République, il ne fructifie que sur le littoral
des Syrtes, où la proximité de la mer nuit à la qualité
et à la conservation des dattes. Les produits des autres arbres
plantés dans les oasis sous le couvert des palmiers, devaient à
peine suffire à la consommation locale ".
Etudiant le climat de l'Afrique du Nord dans l'Antiquité, Stéphane
Gsell pense qu'il n'est pas possible de dire si les grandes chaleurs de
l'été commençaient et finissaient plus tôt
ou plus tard qu'aujourd'hui, si, d'une manière générale,
elles étaient plus fortes. Et, commentant un texte de Pline qu'il
rapproche de textes de Dion Cassius et de Virgile, et où Pline
affirme, d'après Suétonius Paulinus, que le sommet de l'Atlas
est, même en été, couvert de neiges éparses,
il ajoute, dans une note détaillée : " Rien ne prouve
que le dattier qui, pour fructifier, a besoin d'étés très
chauds et très secs, ait porté des fruits ailleurs que dans
les oasis du Sud où il fructifie encore aujourd'hui. Dans l'Ouest
du Maroc, Pline indique des restes d'anciennes palmeraies sur un fleuve
Ivor ou Vior, qu'il place entre le Tret - oued Tensift - et l'Atlas. Mais,
et Stéphane Gsell pose la question sans y répondre, produisaient-elles
de meilleurs fruits que les dattiers qui sont si nombreux dans la région
de Marrakech !
Les dattes du Maroc, si elles sont comestibles, et si elles constituaient,
au Moyen-Age et même plus tard, au temps de Richelieu, une denrée
que le roi de France estimait fort, ont toujours été de
qualité inférieure. L'Algérie et la Tunisie ont toujours
produit les meilleures dattes d'exportation.
Une statistique encore récente, établie en octobre 1936
par l'Office Algérien d'Action Economique et Touristique, indique
qu'il y a, dans le monde, 47 millions de palmiers-dattiers produisant,
bon ou mal an, 8.000.000 de quintaux de dattes. L'Irak vient sans doute,
quant au nombre, en tête, avec 15.000.000 d'arbres et une production
de 2.600.000 quintaux. Mais les dattes qu'on en exporte, dites "
Dattes de Bassorah ", sont communes, généralement petites,
brunes, molles, ou sèches, très sucrées, mais aussi
sans parfum, ni goût particulier. L'Algérie, avec ses 7.000.000
d'arbres et sa production de 1.500.000 quintaux, et la Tunisie, avec ses
2.600.000 arbres et ses 350.000 quintaux de dattes par an, monopolisent
l'exportation dans le monde des dattes " Deglet Nour ", plus
connues sous le nom de " Dattes de Biskra ", ou " dattes
muscades ", fruits de luxe, de belle grosseur, plastiques, de couleur
ambrée, à chair transparente, à parfum très
caractérisé, vendus dans le commerce de détail en
caissettes de bois de un à cinq kilos ou bien en petits paquetages
de carton ou de cellophane pesant 250 ou 500 grammes.
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Stéphane Gsell n'a pas montré
seulement l'importance que le palmier-dattier eut dans l'Antiquité
comme objet de culte. Ce culte était motivé par le rôle
que les dattes avaient dans la vie économique de l'Afrique, dans
la vie des peuples dont elles étaient un des aliments de base.
C'est ainsi que, au Ve siècle, l'on voit les Nasamons,
peuplade du littoral de la Grande Syrte, aller. suivant Hérodote,
cité et commenté par l'historien de l'Afrique ancienne,
s'approvisionner de dattes à Augila. au Sud de laCyrénaïque.
Et Stéphane Gsell d'ajouter : " C'était sans doute
de l'Orient, des oasis égyptiennes, que les habitants de ce lieu
e: d'autres oasis situées plus à l'Ouest avaien: reçu
les leçons qui leur permettaient de se livrer à une culture
pénible. Peut-être s'était-elle répandue au
Sud-Est de la Berbérie dès une époque reculée
; en tout cas, il n'y a pas lieu de croire que les Phéniciens aient
contribué à la diffusion de la culture du dattier au Sahara
»,
Que les Phéniciens n'aient pas développé la culture
du palmier en Afrique du Nord, peut-être. Qu'ils aient trouvé
des palmeraies en Afrique, c'est certain. Qu'ils en aient reconnu la valeur
économique, et qu'ils aient honoré le dattier comme une
espèce de divinité bienfaisante, c'est prouvé par
les monuments et les monnaies.
Dans l'introduction du cinquième volume de son Histoire, Stéphane
Gsell rappelle encore que, " dès le temps d'Hérodote,
l'oasis d'Augila, au Sud de la Cyrénaïque, était visitée
chaque
automne par les Nasamons ils y venaient faire la récolte des dattes
; peut-être exerçaient-ils ainsi un droit de propriété,
semblable à celui que les Berbères nomades exercent encore
sur de nombreuses oasis ".
Ce qui est sûr, c'est que les Arabes, lorsqu'ils envahirent l'Afrique,
intensifièrent la culture dattière.
L'on ne sait pas grand chose du commerce des dattes dans l'Antiquité.
Il est vraisemblable que des quantités de dattes, plus ou moins
importantes, furent exportées vers Rome. En tout cas, comme les
Phéniciens et les Carthaginois, les Romains apprécièrent
et honorèrent le palmier.
Gasion Boissier analysant. dans son Afrique Romaine, une
mosaïque découverte dans la villa de Pompéïanus,
sur la route de Constantine à Sétif, près du village
d'Oued-Atménia, écrit : " L'artiste a représenté
un verger, avec des arbres d'espèces différentes, le long
des-quels grimpe la vigne ; au pied d'un palmier chargé de fruits
mûrs, une dame est assise sur une chaise à dos, comme une
matrone respectable. "
Cette mosaïque est aujourd'hui détruite. Mais on a conservé
des dessins et des planches que l'on retrouve dans la Géographie
de l'Afrique, de Tissot, et dans l'Histoire Romaine, de Duruy.
Si, pour la période antique, l'on n'a pas - ou plus - de documents
précis sur le commerce des dattes, et si l'on doit, à ce
sujet, se contenter de suppositions émises à propos de ce
que l'on sait sûrement de la culture du dattier, pour le Moyen-Age,
au contraire, les documents existent, plus nombreux qu'on ne le croit
en général.
" Pour les maux de tête dont Cléopâtre souffrait
douloureusement, écrit M. Gaston Delagen, historien de la reine
d'Egypte, l'on eut recours à des frictions faites avec une mixture
de pied de lévrier, de noyaux de dattes et d'un sabot d'âne
cuits dans de l'huile ".
Je ne sais si les alchimistes, les apothicaires et les charlatans du Moyen-Age
conseillèrent jamais pareil remède. Ce qui est certain,
c'est que, dès 1217, suivant les uns, dès 1168, suivant
les autres, l'on trouvait des dattes à la Foire de Beaucaire. Mistral
l'a chanté dans son Poème du Rhône :
Et, la tête à l'évent, c'est ainsi qu'ils allaient,
Eux, par les rues grouillantes,
Mais ne voyaient plus rien...
Tant ils sont pleins de joyaux, de bijoux,
Ni le joli caquet des Beaucairoises
Jasant dans leurs boutiques sous les arcs,
Ou bien pesant les dattes sous leurs portes cintrées "
On sait, d'après le Commerce et la Navigation de
l'Algérie avant la conquête française, de la Primaudaie,
que les affranchis et marchands juifs, qui faisaient le négoce
à Constantine, à l'époque romane, achetaient aux
peuplades numides de l'alun, de la garance, de la résine, des dattes,
des figues, des cuirs. Et l'on sait aussi que, d'après Léon
l'Africain, ce géographe arabe du xve siècle, qui nous a
laissé une Description de l'Afrique, Constantine était,
au Moyen-Age, le rendez-vous d'un grand nombre de négociants étrangers
qui y échangeaient leurs produits contre divers autres, entre autres
les dattes de Touggourt.
On a retrouvé ce que l'on peut appeler un " bon de commande
de 16 livres de " monnaie mêlée en dattes et encens
", passé, en 1248, par Jean Ricard, de Barjols, à S.
Fustier, de Marseille ; et, en 1296, Guillaume Franc remit au bailli de
la Cour Prévôtale de Marseille un état des marchandises
chargées sur sa galère. C'est une longue énumération
de marchandises, dont " un pont de dattes ".
Feuilletons maintenant l'Histoire des Etablissements et du Commerce
Français dans l'Afrique Barbaresque, de 156o à 1793,
par M. Paul Masson, président de la Société de Géographie
de Marseille, professeur honoraire à la Faculté des Lettres
d'Aix-Marseille. Nous y trouvons, sur le commerce des dattes, des pages
particulièrement intéressantes.
Le 29 novembre 1626, Isaac de Razilly, qui devait signer, en 1635, l'un
des premiers traités de commerce conclus entre la France et le
Maroc, présentait à Richelieu un remarquable mémoire
où il lui démontrait la nécessité de développer
notre marine et de créer des colonies. Et il indiquait, comme une
des premières expéditions à faire, celle du Maroc.
" Il fau-drait aller mouiller l'ancre à la rade de Salé.
Du même voyage, l'on pourra laisser cent hommes à l'île
de Montgaddor, très aisée à fortifier... Faudrait
établir dans icelle un commerce de toile, fer, drap, et autres
menues marchandises jusques à la somme cent mil écus par
an. L'on aura de la poudre d'or en paiement, dattes et plumes d'autruches
". Cette simple citation montre ce que pouvait être alors la
valeur marchande des dattes du Maroc. On les classait au même rang
que la poudre d'or et les plumes d'autruches.
Mais voici un détail plus précieux. Etudiant la vie économique
des Echelles de Barbarie, Alger, Tunis, Tripoli, de 1639 à 1690,
M. Paul Masson, qui a dépouillé les Mémoires du Chevalier
d'Arvieux, note que, en ce temps-là " la caravane ordinaire
du Djerid apportait (à Tunis) des dattes et des plumes d'autruches.
La Tunisie était à peu près seule à fournir
les premières à Marseille, qui en recevait 7 à 800
quintaux ; leur prix s'élevait à 11 et 15 livres, pendant
le carême, pour retomber à 9 et 10 après ".
Ce qui indique que les dattes faisaient alors partie de la nourriture
courante des Provençaux aux jours de jeûne et d'abstinence.
Dans les mémoires relatifs au commerce français au Maroc
dans le courant du XVIIe siècle, - mémoires de Pidou de
Saint-Olon, ambassadeur de France au Maroc, - on voit que le
trafic de la Provence avec ce pays consistait en tartre et papier que
l'on échangeait contre des cuirs. laines, dattes et ducats d'or.
Et Savary. dans son Dictionnaire du Commerce, parlait aussi des dattes
que l'on recevait des provinces dr Sara, Dras, Touet, et du royaume de
Tafilet.
Mais c'est la Tunisie qui fut, en ce temps, la grande pourvoyeuse en dattes
du marché marseillais, Le docteur Peyssonnel, envoyé en
mission en Barbarie, en 1724, pour y faire des recherches d'Histoire Naturelle,
complète ainsi un mémoire établi le 15 octobre 1716,
par le consul Michel, et qui énumérait les marchandises
dont on faisait commerce à Tunis : " Il sort de ce pays
environ quatre mille balles de laine qui font vingt mille quintaux, trente
mille cuirs salés en poils, cinq cent quintaux de cire jaune, quatre
cents d'éponge et huit cents de dattes... "
Enfin, décrivant l'état des Echelles de Barbarie, Alger
et Tunis, à la fin du XVIIIè siècle, M. Paul Masson
conclut : " La Tunisie était beaucoup mieux cultivée
que l'Algérie ". Et il cite encore les dattes comme article
essentiel des exportations tunisiennes vers la France. Il publie aussi
un état des marchandises importées de Tunis à Marseille
en 1786-89, état emprunté aux Archives de la Chambre de
Commerce, et d'après lequel on aurait, en cette période,
apporté à Marseille 42.000 livres de dattes. Enfin, vers
1790 le commerce de Marseille avec la Tripolitaine, qui exportait 32.00o
quintaux de dattes pilées, n'était pas insignifiant.
Dans son Essai sur le Commerce de Marseille, Julliany indique que la valeur
moyenne des dattes importées à Marseille, de 1783 à
1792, était 20.000 livres. Elle atteignit 80.000 livres en 1839.
Aujourd'hui' la Tunisie exporte annuellement environ 20.000 quintaux de
dattes fines et 30.00o quintaux de dattes communes, représentant
une valeur. d'environ 15.000.000 de francs. L'Italie s'inscrivait naguère
encore sa première cliente ; la France l'a maintenant remplacée.
Quant à l'Algérie, les statistiques officielles dénombraient,
en 1856, 2.000.000 de palmiers dans les Territoires du Sud.
L'oeuvre immensè, réalisée dans ces régions
par l'Administration militaire d'abord, puis par l'Administration civile,
a permis d'étendre les plantations dans des proportions telles
que l'on compte aujourd'hui 7.000.000 de palmiers en production.
Nulle en 1856, l'exportation des dattes de l'Algérie atteignait
20.000 quintaux en 1901 et accuse aujourd'hui, d'après une récente
statistique de l'Ofalac, 125.000 quintaux.
Le 20 août 1937, le Gouverneur Général de l'Algérie
a pris un arrêté fixant les règles applicables à
la standardisation des dattes à leur sortie d'Algérie.
L'Ofalac - dans les monographies qu'il publie régulièrement
sur les produits algérien - insiste avec raison sur l'importance
économique et sociale de la culture du palmier-dattier dans le
Sud de l'Algérie. Les dattes sont, en effet, les principales ressources
des 500.000 habitants qui peuplent les Territoires du Sud. Les uns, sédentaires,
habitant les oasis, vivent uniquement de l'exploitation des palmeraies
; les autres, nomades et pasteurs, sont aussi intéressés
à cette culture, soit comme transporteurs, soit comme ouvriers
agricoles saisonniers. Lorsqu'on voyage en Algérie, au mois d'octobre,
on peut voir, descendant vers le Sud, d'innombrables caravanes de nomades
qui s'en vont s'épar-piller dans les oasis, au delà de l'Atlas.
Elles y resteront jusqu'aux premiers jours du printemps, époque
où elles regagneront les hauts-plateaux pour y récolter
les céréales.
Pour les nomades comme pour les sédentaires, la datte constitue
la base essentielle de l'alimentation. Pour les uns comme pour les autres,
le commerce des dattes est la principale source de revenus.
L'exportation totale des dattes des Territoires du Sud vers le Nord de
l'Algérie se chiffre par 770.000 quintaux, valant cent millions
de francs et répartis en 600.000 quintaux de dattes communes ou
" Ghars ", d'une valeur de cinquante millions, et en 170.000
quintaux de " Deglet-Nour ", valant cinquante millions. 730.000
quintaux d'une valeur de soixante millions, sont consommés sur
place.
Donc, - et je cite encore la monographie de l'Ofalac - tant au point de
vue alimentaire que par le rôle de monnaie d'échange qu'elle
joue dans le commerce saharien, la datte est un facteur économique
social et politique très important pour nos populations sahariennes,
et par là-même pour toutes nos possessions africaines, dont
la liaison et la sécurité dépendent du peuplement
du Sahara français. Et ce qui est ici vrai pour l'Algérie,
l'est aussi pour la Tunisie.
MAURICE RICORD.
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