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LES ORANGERS ET MANDARINIERS D'ALGÉRIE
Les orangers et les mandariniers, comme
d'ailleurs, d'une façon générale, tous les arbres
appartenant au groupe des " agrumes ", se développent
admirablement en Algérie. Leurs plantations s'y multiplient, s'étalant
surtout dans les terres saines et irrigables des plaines voisines du littoral,
où ces arbres au feuillage vert sombre et aux fruits d'or font
l'émerveillement du touriste.
Avant l'occupation française l'oranger était cultivé
par les indigènes, ce n'était qu'une culture de luxe limitée
à quelques jardins dans les villes ou à proximité
des agglomérations urbaines. Comme nous sommes loin de cette culture
d'agrément ! Les plantations d'orangers, en 1904, ne comprenaient
pas moins de 900.000 individus, et celles des mandariniers approchaient
de 600.000 arbres, couvrant ensemble une superficie de 3.000 hectares
environ qui, depuis cette époque, a presque doublé, de sorte
qu'on évalue actuellement entre 5 et 6.000 hectares la superficie
plantée en orangers et mandariniers.
Ces résultats sont, en ce qui concerne le mandarinier, d'autant
plus remarquables que l'introduction de cette essence fruitière
- encore une curiosité botanique au début du XIX" siècle
dans le bassin méditerranéen - est relativement récente.
Propagée d'abord aux environs de Blida, la culture du mandarinier
ne s'est réellement développée qu'à partir
de 1875, après que BoréJy-la-Sapie eût prouvé
que les aurantiacées pouvaient admirablement prospérer dans
les terres assainies et dès lors extrêmement fertiles de
la région de Boufarik. Depuis cette époque, cette culture
s'est généralisée dans les trois départements
algériens (centres de Boufarik - Perrégaux - Bône),
et, actuellement le Maroc (centre de Rabat) semble vouloir rivaliser de
zèle avec l'Algérie. Les orangers peuvent être francs
de pieds ou greffés. " Les francs de pied, dit M. Victor Démontés,
sont obtenus par semis direct des graines de fruits comestibles ; les
indigènes qui pratiquaient beaucoup ce mode de multiplication avaient
ainsi des arbres de belle venue et d'une vigueur remarquable, mais de
qualité très variable. Aujourd'hui on sème des graines
de bigaradiers (oranges amères) et on greffe sur les sujets obtenus
particulièrement résistants, les variétés
que l'on désire reproduire : les jeunes plants de bigaradiers sont
mis en pépinière dès la seconde année ; on
les greffe de bonne heure, et, quand ils sont forts on les plante à
5 ou 6 mètres d'intervalle. "
M. Edmond Vidaillet se livre à Boufarik, où il a installé
la plus grande pépinière de toute l'Algérie, à
la préparation des plants greffés avec les meilleures variétés
que l'on possède. Et cette heureuse initiative répond à
la vogue, à la prospérité- toujours croissante de
l'oranger et du mandarinier, car si la colonie est déjà
devenue le principal producteur de mandarines du monde et l'un des plus
importants exportateurs d'oranges, bien des terres peuvent encore y être
consacrées au développement de ces cultures. Le Docteur
Trabut estime pour sa part, à 500.000 hectares la superficie des
terrains susceptibles de recevoir des orangeries dans l'Afrique du Nord,
et il ajoute qu'il serait possible d'y réaliser le jardin des Hespérides.
La marge est encore grande !
Le commerce des fruits s'est évidemment ressenti des perturbations
causées par la guerre, mais moins qu'on aurait pu le craindre et
malgré la cherté et lés difficultés des transports,
les expéditions algériennes portent, sur des quantités
remarquables et sont de plus en plus rémunératrices.
Les exportations d'oranges ont subi une diminution de près de moitié
en 1913, mais elles ont augmenté de manière notable en 1921.
Quant aux exportations de mandarines, elles se sont approché de
30.000 quintaux en 1920 et elles ont maintenues entre 80.000 et 10.000
quintaux dans la période comprise entre 1910 et 1920.
Ces orangers et ces mandariniers d'Algérie sont de belle couleur,
d'un parfum agréable et surtout fort douces dès le début,
ce qui leur donne un avantage très marqué sur les fruits
espagnols.
Aussi verra-t-on si l'effort de plantation actuellement commencé
se poursuit dans la colonie, les expéditions doubleront ou même
tripleront en quelques années. Elles se substitueront en France
aux envois de l'étranger (en quoi nos compatriotes ne perdront
rien au change) et, sur les marchés anglais et de l'Europe Centrale,
viendront concurrencer avec bonheur l'Espagne et l'Italie. A cet égard,
il y a lieu de faire une remarque assez piquante : " plus "
l'Algérie produira, " mieux " elle sera " placée
" et moins elle sera concurrencée par les marchés étrangers.
Elle ne saurait, en effet, exiger des pouvoirs publics que les fruits
espagnols et italiens soient frappés de droits prohibitifs tant
qu'elle ne sera pas en état d'assurer par elle-même le chiffre
à la consommation métropolitaine.
Ces droits prohibitifs ne pourront être justifiés et décrétés
que le jour où la France pourra s'approvisionner exclusivement
en Algérie. Il appartient donc aux Algériens de réaliser
l'effort qu'on attend d'eux pour l'établissement de ce monopole.
Il nous reste encore à envisager une question importante. La faveur
dont jouit la mandarine par rapport à l'orange ne doit pas, cependant,
guider étroitement le planteur. En principe, d'ailleurs, la monoculture
n'est jamais conseillée. La mandarine, comme on le sait, est précoce
: c'est en quelque sorte une primeur qu'il convient de cueillir et d'expédier
au plus tôt, car le fruit se boursoufle assez rapidement, devient
spongieux et perd dès lors toute saveur. Par contre, l'orange mûrit
lentement et sa suavité n'est appréciable qu'après
la cueillette des mandarines. C'est ainsi qu'on peut dire que l'orange
succède à la mandarine. En plantant simultanément
orangers et mandariniers, le producteur opère sagement, car il
permet aux acheteurs - aux exportateurs - de prolonger la durée
de leurs expéditions.
La limitation du personnel et du matériel (chevaux, véhicules,
caisses d'emballages, locaux) l'encombrement à bord des navires,
et sur les voies ferrées incitent l'exportateur à "
allonger sa saison ". Or, seule la maturation plus lente et plus
tardive de l'orange permet un écoulement moins précipité,
donc moins onéreux pour les raisons ci-dessus, des récoltes
pendantes. Tous y ont le plus grand intérêt, depuis le consommateur
jusqu'au producteur ou inversement.
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