l'Agha
- Alger
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-----Au
milieu d'un tourbillon de poussière, nous voyons apparaître
un camion tiré par de superbes chevaux et conduit par un charretier
habile, au visage bronzé sous le béret bleu tendre ; un véritable
monticule de tonneaux repose sur le plateau du véhicule. Comme nous
nous inquiétons de la provenance de ce camion, notre compagnon nous
répond -----C'est un des équipages de la maison Scotto, de l'arrière-port de l'Agha. Cette entreprise de transports, dont la fondation remonte à 1893, répond à un véritable besoin, c'est ce qui fait qu'elle ne saurait être atteinte par la concurrence cependant fort active des véhicules à traction mécanique. -----Certes, la vue de cet équipage évoluant au bruit des sonnailles et des claquements du fouet, parmi la marche silencieuse des automobiles, du halètement des locomotives, du ronflement des tramways électriques, est d'un archaïsme un peu outré, mais pour nous autres, vieux algériens, elle évoque un monde de souvenirs heureux. -----Nous revoyons les anciennes plages que les immenses terres-pleins ont recouvertes, les anciens bains de Mustapha, véritable grenouillère où tout un peuple en liesse venait s'ébrouer le dimanche. C'était l'époque de la vie facile et à bon marché... -----Les rampes d'accès n'existaient pas, les eucalyptus penchaient leurs chevelures sur les portes d'Isly, la mer venait battre la côte à quelques mètres de la gare de l'Agha. -----Un monde, maintenant dispersé, disparu, se mêlait, s'agitait au grand soleil, dans une orgie de bruit, de mouvement et de lumière : mulets de bât aux harnachements rouges, chargés de sable et de gravier, lourdes galères geignant et grinçant sous le poids, d'invraisemblables quantités de pierres, "corricolos" aux peintures bizarres emplis de voyageurs aux vêtements bariolés, aux coiffures inattendues, troupeaux d'ânes et de moutons, caravanes de dromadaires et de chameaux. -----Aujourd'hui certes les choses sont changées ; l'aspect des quais d'Alger se modifie ; il prend un caractère qui le rapproche de plus en plus de celui des grands cités maritimes. -----Mais nous sommes loin encore à beaucoup d'égards, de posséder un outillage semblable à celui de la Métropole. -----D'abord, ne croyez pas que le réseau ferroviaire soit suffisant même dans la Mitidja où les lignes à voie normale ou à voie étroite se croisent et s'enchevêtrent à l'envi. Je pourrais vous citer de nombreuses entreprises agricoles, de nombreuses propriétés qui se trouvent encore très éloignées de toute gare. Celles-là doivent renoncer à l'emploi du wagon pour expédier ou recevoir leurs produits et leur matériel, surtout leurs fûts vides. Il s'ensuivrait des manipulations sans fin, des pertes de temps et de parcours dont la cherté de tout proscrit impitoyablement la tolérance. Restent les véhicules automobiles relativement coûteux et plutôt qualifiés pour le transport de marchandises lourdes et peu encombrantes que pour celui de récipients de grandes dimensions et de poids légers. -----En outre, le véhicule à traction animale est d'une direction plus facile, d'un emploi plus souple que le camion à moteur qui ne peut perdre aucun instant en arrêts et doit effectuer, pour donner à son propriétaire un rapport suffisant, un nombre de kilomètres assez élevé dans la journée. . |
-----Il reste donc,
quoiqu'on dise, un certain nombre de cas - non moins fréquents
d'ailleurs - où l'emploi de la traction animale s'impose encore
en dépit des progrès quotidiens des modèles des véhicules
à moteur. Extraits de presse dans les années...
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