-Du 1 novembre 1954 au 3 juillet 1962
2798 jours de guerre ( 19 mars : cessez-le-feu en Algérie)
La guerre d'Algérie
Paul Rouyer
"L'Algérianiste, revue du Cercle algérianiste".Trimestre n°96, décembre 2001

sur site le 20-08-2003

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L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l'expression " aux opérations effectuées en Afrique du Nord ", par l'expression " à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc ". Seuls 117 députés étaient présents. La loi fut adoptée à l'unanimité des députés présents. Cette loi méconnaît délibérément la réalité et la vérité historique, le droit international et la législation alors en vigueur.

Préambule

l'Algérie avant le 1er novembre 1954

------Débarquée en 1830 pour mettre un terme à la piraterie en Méditerranée des navires ottomans basés dans les ports d'Algérie, l'armée française a été appelée à intervenir pour faire cesser les luttes fratricides entre tribus, entre Berbères, entre Musulmans, et elle a réussi la pacification et l'unification de ce vaste pays. Le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 a accordé la nationalité française à tous les habitants de l'Algérie, avec possibilité pour les Musulmans d'obtenir, sur simple demande, la citoyenneté française avec ses droits et obligations, notamment : respect de la capacité juridique de la femme, interdiction de la bigamie et de la répudiation. L'Algérie était devenue un ensemble de départements français dépendant du ministère de l'Intérieur en vertu du décret impérial du 2 juin 1858. Sauf durant les brefs épisodes de Kabylie en 1870 et de Sétif du 8 mai 1945, sous influence étrangère, l'Algérie a vécu dans un climat de paix interne bénéfique et de prospérité constante : respect des coutumes locales, liberté des cultes musulman, israélite, catholique, ibadite, liberté de réunion, d'association et d'expression. Le taux de criminalité et de délinquance était équivalent à celui de la métropole. Participation victorieuse de l'armée d'Afrique aux deux dernières guerres mondiales, sa participation à la libération de la France en 1944 et à la défaite nazie. Développement de l'agriculture, du commerce, des activités portuaires, du tourisme, etc... Après 1945, découverte et mise en exploitation des très riches gisements de pétrole et de gaz naturel, auxquels l'URSS va s'intéresser dans sa recherche d'une base au sud de l'Europe occidentale, lors de la période de la " guerre froide ".


La loi - la guerre - la rébellion - l'état d'urgence

La loi

------La loi a pour objet de régir et de réglementer une situation réelle.
La loi dispose pour l'avenir; elle n'a point d'effet rétroactif (article 2 du Code Civil sur les lois en général).

La guerre

- La guerre est un conflit armé entre États ou entre nations;
------En raison du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, il ne pouvait y avoir de guerre en Algérie entre ses ressortissants, tous de nationalité française, et sur lesquels la France a exercé sa souveraineté jusqu'au 2 juillet 1962.
------- En période de guerre intervient nécessairement " l'état de siège " prévu par la loi du 9 août 1849, transférant tous les pouvoirs de l'autorité civile pour le maintien de l'ordre et de la police, à l'autorité militaire, dont le commandant supérieur devient le commandant en chef civil et militaire. Faute de conflit international, il n'y a pas eu d'état de siège lors des événements d'Algérie 1954-1962.
------- Durant les opérations de guerre, les combattants revêtus d'un uniforme, doivent respecter les lois de la guerre précisées par les conventions de Washington et de Genève, interdisant de porter atteinte volontairement aux personnes et aux populations civiles, ce qui a été loin d'avoir été respecté lors de ces événements d'Algérie 1954-1962.

La rébellion - l'état d'urgence

------La rébellion : résistances et troubles, avec violences contre l'autorité de l'État et l'ordre public. Le 30 octobre 1954, par la radio du Caire, le Front de libération nationale (F.L.N.) a proclamé la lutte par tous les moyens pour obtenir l'indépendance nationale de l'Algérie. Dès le lendemain à Alger, incendie des hangars du port, tentative d'explosion de l'usine à gaz. Le 1er novembre dans l'Aurès, embuscade du car d'Arris pour assassiner le caïd de M'chounèche et l'instituteur Monnerot, dont la femme fut blessée. Durant les semaines suivantes, le terrorisme s'est amplifié dans le Sud-Est Constantinois, zone d'arrivée des armes venant du Caire, via Tripoli, ce qui a conduit le gouvernement français à promulguer, par la loi du 3 avril 1955
------L'état d'urgence donnant en raison du péril résultant d'atteintes graves à l'ordre public, pouvoir au gouverneur général et aux préfets d'interdire : la circulation dans certaines zones, le séjour à toute personne cherchant à entraver l'action des pouvoirs publics, ou de l'assigner à résidence, interdiction des réunions publiques, etc...

Les trois ériodes des événements d'Algérie, avril 1955 au 2 juillet 1962

Période d'avril 1955 à avril 1961

------- Dans un premier temps : intensification de la rébellion sous les formes les plus criminelles. Dans les villes : emploi d'explosifs dans les lieux publics faisant des victimes françaises d'origine et musulmanes, agressions de personnalités, de policiers, attaques de bureaux de poste pour les cambrioler, grèves générales, etc... Dans le bled : constitution de maquis, destruction des lignes téléphoniques, sabotage des voies ferrées, incendies des récoltes et des forêts, agressions des élus locaux, des représentants de l'autorité, etc... En outre, sous menaces de mort, interdiction de fréquenter les tribunaux et les écoles, paiement de l'impôt F.L.N., enrôlement des jeunes dans les bandes rebelles, réquisitions de l'hébergement, du ravitaillement, assassinats des sympathisants de la France; en Kabylie, pendaisons des jeunes femmes fréquentant les militaires français; massacres de villages : ElArrich, Mélouza, etc...
------- Dans un deuxième temps : renforcement des troupes du maintien de l'ordre, les Harkis, les groupes d'autodéfense, une meilleure coordination des opérations notamment le plan Massu-Bigeard contre le terrorisme d'Alger et dans les massifs montagneux, le plan Challe contre les katibas, réussissent à mettre un terme au terrorisme et à la rébellion. Deux conséquences de ce rétablissement de l'ordre public en Algérie : le général De Gaulle expédie les troupes les plus opérationnelles en Allemagne avec Challe et Massu, ou au Centre Afrique avec Bigeard; le F.L.N. est contraint de transférer son terrorisme en métropole.

Période de mai 1961 au 18 mars 1962

------Le terrorisme F.L.N. en métropole : dans le sud de la France : déraillement de trains, incendies des dépôts d'essence de Mourepianne et autres; charges de plastic sous le cuirassé " Jean-Bart " à Toulon; à Paris : attaques de postes de police, attentats contre des personnalités, mitraillage de la voiture de Jacques Soustelle, bombe au troisième étage de la Tour Eiffel, etc... L'opinion publique métropolitaine a été rapidement terrorisée et, sous l'influence de la presse, des milieux littéraires, des " porteurs de valises ", s'est empressée d'encourager le chef de l'État à accélérer sa politique de " l'Algérie algérienne " qui aboutira à la décision, du 18 mars 1962, à Evian, de mettre fin, le 2 juillet suivant, à la souveraineté de la France en Algérie. Cette décision concrétisait la prophétie faite à Saint-Cloud, par De Gaulle au futur sultan du Maroc, Hassan II, le 3 octobre 1956: "L'Algérie ? Mais elle sera indépendante, qu'on le veuille ou non. C'est inscrit dans l'Histoire " (Claude
Paillat - 2e dossier secret de l'Algérie, Presses de la Cité, p. 279). Vingt mois plus tard, De Gaulle revenait au pouvoir grâce à la manifestation du 13 mai 1958 de la population d'Alger et de l'armée, le réclamant pour sauver et conserver l'Algérie française. Dans son ordre du jour célèbre du 19 mars 1962, annonçant le cessez-le-feu qui ne sera jamais respecté, le commandant en chef des troupes françaises d'Algérie, le général Ailleret, n'a jamais utilisé l'expression " guerre d'Algérie ", mais très exactement celle de " combats contre les bandes armées, contre les forces rebelles ".

 

Période du 19 mars au 3 juillet 1962 : anarchie totale

------Exécutif provisoire, installé loin d'Alger, au Rocher Noir, présidé par Farès et Fouchet dépourvus de moyens d'action. Les troupes françaises, placées sous l'autorité d'un aviateur, le général Fourquet, privées depuis plusieurs mois de leurs éléments les plus opérationnels, se regroupent en vue du plus prochain embarquement vers la France. Le F.L.N. obtenant à Evian l'autorisation de conserver ses armes pour protéger les populations musulmanes contre l'O.A.S. dans les villes; dans le bled, apparition de bandes armées, souvent rivales, pour la future prise du pouvoir local et des biens laissés vacants par les Européens contraints à l'exode; massacres des fonctionnaires locaux; massacres des Harkis et de leurs familles désarmés et interdits de séjour en France par le ministre des Affaires algériennes; massacres des postes militaires français isolés; Français d'Algérie massacrés le 26 mars rue d'Isly par l'armée française; entrée en force de l'A.L.N. en Oranie et massacre de 5000 Européens à Oran le 5 juillet; exode vers la métropole des Français d'origine et des Européens, non souhaité par le gouvernement français; etc... une des pages les plus noires de l'histoire de France. Le 5 juillet 1962, le leader nationaliste Ferhat Abbas écrivait
" L'héritage de la France est magnifique ".

------1963 : Ayant formé des cadres politiques et terroristes de la rébellion, l'URSS intéressée par la base maritime et sous-marine de Mers-El-Kébir et le pétrole algérien participe le 1er juillet, avec une importante flotte de navires de guerre modernes dans la baie d'Alger, aux cérémonies du premier anniversaire de l'indépendance, de la République algérienne, dont elle équipait rapidement et complètement les armées de terre, de l'air et la marine.
------1999 : Le souhait de beaucoup de jeunes Algériens : " Mon visa... pour la France ".

Le bien-fondé des réticences des ministères de la Défense et des Affaires étrangères

------- Dans le langage courant, l'expression " guerre " signifie dans des circonstances fort diverses, le point culminant de litiges ou de rivalités : entre époux, entre voisins, ou lors de successions, entre religions, entre commerçants ou industriels, etc... Par contre, dans les armées et les chancelleries, il est de tradition universellement établie :
- de réserver, pour éviter toute confusion éventuelle et dangereuse, l'expression " guerre " aux conflits armés entre États ou entre nations;
- la rébellion, la guerre civile, entre nationaux à l'intérieur du même État, ne peuvent être qualifiées de " guerre ", ce qui était le cas en vertu du sénatus-consulte du 14 juillet 1865 et de la loi du 3 avril 1955 en Algérie durant les événements tragiques des années 1954-1962; l'adversaire, le F.L.N., n'a jamais utilisé l'expression " guerre " son appel du 30 octobre 1954 à la radio du Caire n'était pas une déclaration de guerre, mais un appel à la lutte pour l'indépendance et, par la suite, il ne cessait d'exiger de ses partisans une intensification du terrorisme par tous les moyens faisant principalement des victimes parmi les populations musulmanes et européennes.

------- Une guerre se terminant par une victoire pour une partie et par une défaite pour la partie adverse, l'expression officielle " guerre d'Algérie ", conduirait les générations futures de France, et de l'étranger ainsi que leurs gouvernements, à croire que le 18 mars 1962, la France avait subi une défaite la contraignant à mettre fin à sa souveraineté sur l'Algérie, alors qu'en réalité cette décision a été prise par le chef de l'État pour des motifs que l'his
toire jugera.
------- Sur l'opportunité de cette proposition de loi : à juste titre, la loi fondamentale du 9 décembre 1974 et plusieurs lois subséquentes accordent aux anciens combattants d'Algérie 1954-1962, des droits à pension militaire, étendus à leurs veuves et orphelins pour leur participation active et efficace contre la rébellion et le terrorisme lors des opérations de maintien de l'ordre. Il est donc permis de s'interroger sur la motivation de l'initiative parlementaire subite, en 1998, soit donc trente-six ans après la fin des événements tragiques d'Algérie, prétendant rattacher rétroactivement ces droits à pension à une prétendue guerre qui, en fait et légalement, n'a jamais existé. L'exposé des motifs de la proposition de loi n° 1293/98 se borne à faire référence à un souhait de personnalités politiques actuelles et à une vague utilité future dans divers domaines, ce qui n'est guère pertinent. Par contre, lors des débats devant l'Assemblée nationale du 10 juin 1999, trois jours avant les élections européennes, plusieurs députés ont révélé que cette proposition de loi était destinée à satisfaire la revendication de certains anciens combattants d'Algérie prétendant appartenir à une troisième génération du feu et mériter les mêmes droits à pension que leurs glorieux aînés des conflits mondiaux de 1914-1918 et de 1939-1945. Or, depuis plusieurs décennies, cette prétention est entièrement satisfaite par la loi fondamentale du 9 décembre 1954, portant statut du combattant d'Afrique du Nord 1952-1962, qui proclame en son article 1er : " La
République française reconnaît, dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs, les services rendus par les personnes qui ont participé sous son autorité aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 (Tunisie) et le 2 juillet 1962 (Algérie). Elle leur accorde vocation à la qualité de combattant et au bénéfice des dispositions du Code des Pensions Militaires d'Invalidité et des Victimes de la Guerre ".

Absence totale de valeurs historiques et juridiques de la proposition de loi n° 1293 du 22 décembre 1998 de l'Assemblée nationale, affirmant, sans preuve, l'existence d'une guerre en Algérie du ler novembre 1954 au 2 juillet 1962

------Cette proposition, adoptée par 117 députés le 10 juin 1999
------- Contrairement au principe fondamental, la non-rétroactivité des lois, prétend régir et légiférer en 1999, des faits et une situation ayant pris fin en 1962.
------- Méconnaît délibérément la réalité historique de la lutte dans les départements français de l'Algérie (décret impérial du 2 juin 1858), du F.L.N. dont les partisans volontaires ou contraints avaient la nationalité française (sénatus-consulte du 14 juillet 1865) pour l'indépendance par tous les moyens principalement terroristes, faisant essentiellement des victimes parmi les populations civiles; les règles juridiques en vigueur durant cette période (1954-1962) : conventions internationales de Washington et de Genève interdisant à des belligérants de porter volontairement atteinte aux personnes et aux biens des populations civiles, loi du 3 avril 1955 promulguant l'état d'urgence en Algérie et non l'état de siège applicable nécessairement en période de guerre; le constat particulièrement qualifié du général Ailleret, commandant supérieur des troupes françaises en Algérie en 1961-1962: " Nos adversaires avaient trop utilisé la terreur et employé des moyens sauvages pour qu'on puisse avoir pour eux le respect que méritent les combattants qui appliquent la loi de la guerre "; durant une guerre les combattants ennemis capturés sont simplement placés dans un camp de prisonniers de guerre; en Algérie 1954-1962 les terroristes ou rebelles mis en état d'arrestation étaient jugés par les tribunaux et condamnés conformément au Code pénal
de droit commun pour attentats contre l'autorité de l'État, meurtres, détentions d'armes, d'explosifs, incendies volontaires, etc...

Paul Rouyer (")

* M. Paul Rouyer, ancien magistrat, est président honoraire de la Cour d'appel de Grenoble.